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13/05/2020 | FRANCE | N°439118

France | France, Conseil d'État, 13 mai 2020, 439118


Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de La Réunion, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution des décisions du ministre de l'intérieur du 9 février 2020 portant refus d'entrée sur le territoire français et maintien en zone d'attente et d'enjoindre à l'administration de lui permettre d'entrer sur le territoire français et de retourner en métropole à ses frais, sous astreinte de 500 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 2000131 du 13 fév

rier 2020, le juge des référés du tribunal administratif de La Réunion ...

Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de La Réunion, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution des décisions du ministre de l'intérieur du 9 février 2020 portant refus d'entrée sur le territoire français et maintien en zone d'attente et d'enjoindre à l'administration de lui permettre d'entrer sur le territoire français et de retourner en métropole à ses frais, sous astreinte de 500 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 2000131 du 13 février 2020, le juge des référés du tribunal administratif de La Réunion a suspendu l'exécution des décisions en litige dans l'attente d'une décision du juge civil sur la nationalité de l'intéressée et enjoint au ministre de l'intérieur de permettre à Mme A... d'entrer sur le territoire de l'île de La Réunion.

Par une requête, enregistrée le 26 février 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de rejeter la demande de première instance.

Il soutient que :

- la condition d'urgence n'est pas remplie dès lors, d'une part, que la situation d'urgence dont se prévaut Mme A... découle de son propre comportement et, d'autre part, que cette dernière ne rapporte pas la preuve de circonstances exceptionnelles permettant de caractériser une urgence à entrer sur le territoire français ;

- il n'est pas porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'aller et venir dès lors, d'une part, que Mme A... ne démontre pas qu'elle est française et, d'autre part, que la liberté d'aller et venir comporte le droit pour l'étranger de se déplacer hors du territoire français et non d'y entrer ;

- il n'est pas porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie privée et familiale dès lors que Mme A... ne rapporte pas la preuve de la présence de son fils mineur à La Réunion, a refusé de coopérer avec les services de la police aux frontières à ce sujet et, en tout état de cause, il n'existe aucun obstacle à ce que Mme A... retourne à Mayotte accompagnée de son fils.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mars 2020, Mme A... conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été informées, sur le fondement de l'article 9 de l'ordonnance du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, de ce qu'aucune audience ne se tiendrait et de ce que la clôture de l'instruction serait fixée le 6 avril 2020 à 12 heures.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ". Il appartient au juge des référés saisi en appel de porter son appréciation au regard de l'ensemble des pièces du dossier, et notamment des éléments recueillis par le juge de première instance dans le cadre de la procédure écrite et orale qu'il a diligentée.

2. Il résulte de l'instruction menée par le juge des référés du tribunal administratif de La Réunion que Mme B... A..., ressortissante comorienne, a été interpelée le 9 février 2020 à l'aéroport de La Réunion à sa descente d'un avion en provenance de Madagascar, et s'est vue opposer le jour même une décision du ministre de l'intérieur portant refus d'entrée sur le territoire français ainsi qu'une décision de maintien en zone d'attente. Le juge des référés du tribunal administratif de La Réunion a, par l'ordonnance attaquée, suspendu l'exécution de ces deux décisions dans l'attente d'une décision du juge civil sur la nationalité française de l'intéressée et enjoint au ministre de l'intérieur de permettre à Mme A... d'entrer sur le territoire de l'île de La Réunion.

3. En premier lieu, c'est à bon droit que le juge des référés du tribunal administratif a estimé que Mme A... justifiait d'une situation d'urgence dès lors qu'elle était placée en zone d'attente à l'aéroport en vue de son éloignement imminent vers Mayotte.

4. En second lieu, Mme A... soutient que les décisions en litige l'empêchent de rejoindre sa mère, son frère et sa soeur, ainsi que son fils mineur, né en 2016, de nationalité française par filiation paternelle, qui résident à La Réunion. Le ministre fait valoir que Mme A... n'explique pas pourquoi elle s'est ainsi séparée de son fils alors qu'elle réside habituellement à Mayotte où elle est titulaire d'un titre de séjour, valable sur ce seul territoire, en tant que mère d'un enfant français. En outre, Mme A... ne conteste pas sérieusement qu'elle pourrait repartir vivre à Mayotte avec son fils. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que celui-ci pourrait la rejoindre seul sur ce territoire compte tenu de son très jeune âge. Par suite, les décisions en litige portent une atteinte manifestement grave et illégale au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale en l'empêchant de rejoindre son fils pour repartir sans délai avec lui à Mayotte, en l'absence d'un droit au séjour de l'intéressée à La Réunion.

5. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de La Réunion a fait droit aux demandes de Mme A....

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros à verser à Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Mme A... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au ministre de l'intérieur et à Mme B... A....


Synthèse
Numéro d'arrêt : 439118
Date de la décision : 13/05/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 13 mai. 2020, n° 439118
Inédit au recueil Lebon

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:439118.20200513
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