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27/12/2018 | FRANCE | N°426329

France | France, Conseil d'État, 27 décembre 2018, 426329


Vu la procédure suivante :

Mme B...C...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Caen, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, en premier lieu, d'enjoindre au centre hospitalier intercommunal Alençon-Mamers et au centre psychothérapeutique de l'Orne d'établir des certificats médicaux sur l'état psychique de son époux M. A...C..., en deuxième lieu, d'enjoindre à l'administration pénitentiaire de saisir le préfet pour hospitaliser son époux sur le fondement de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique, ou

de saisir un médecin psychiatre aux fins d'établir un certificat médic...

Vu la procédure suivante :

Mme B...C...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Caen, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, en premier lieu, d'enjoindre au centre hospitalier intercommunal Alençon-Mamers et au centre psychothérapeutique de l'Orne d'établir des certificats médicaux sur l'état psychique de son époux M. A...C..., en deuxième lieu, d'enjoindre à l'administration pénitentiaire de saisir le préfet pour hospitaliser son époux sur le fondement de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique, ou de saisir un médecin psychiatre aux fins d'établir un certificat médical à transmettre au directeur de l'établissement hospitalier en vue de l'hospitalisation de son époux sur le fondement du 2° du II de l'article L. 3212-1 du code de la santé publique, en dernier lieu, d'enjoindre à l'administration pénitentiaire de transférer son époux dans un établissement assurant des soins psychiatriques. Par une ordonnance n° 1802753 du 26 novembre 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Par une requête, enregistrée le 17 décembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme C...demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, le versement d'une somme de 3 000 euros au profit de son conseil, la SCP de Nervo et Poupet sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Elle soutient que :

- l'ordonnance attaquée a été prise au terme d'une procédure irrégulière en ce que, d'une part, les parties n'ont pas été convoquées à l'audience publique dans un délai leur permettant d'y assister et que, d'autre part, il n'a pas été laissé un délai suffisant au demandeur pour prendre connaissance du mémoire en défense et y répondre ;

- la condition d'urgence est satisfaite, eu égard à la détérioration de l'état de santé de M.C... ;

- le maintien à l'isolement de M. C...sans le bénéfice de soins appropriés méconnaît les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme est des libertés fondamentales ;

- le juge des référés ne pouvait se borner à constater que M. C...avait été examiné par différents médecins à plusieurs reprises, sans demander le compte-rendu de ces rendez-vous médicaux ;

- il s'est fondé sur un motif inopérant en relevant la dangerosité de M.C..., alors qu'il existe des établissements pénitentiaires pouvant concilier soins et sécurité ;

- l'absence de risque suicidaire immédiat ne saurait signifier que M. C...n'aurait pas besoin de soins ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de la santé publique ;

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures " ; qu'en vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut rejeter une requête par une ordonnance motivée, sans instruction contradictoire ni audience publique, lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée ; qu'à cet égard, il appartient au juge d'appel de prendre en considération les éléments recueillis par le juge de première instance dans le cadre de la procédure écrite et orale qu'il a diligentée ;

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction diligentée par le juge des référés du tribunal administratif de Caen que M. C...est incarcéré de façon quasi continue depuis le 12 novembre 1998 en exécution de plusieurs peines, correctionnelles et criminelle, notamment pour des faits de dégradation de biens, vol, recel, violence avec usage ou menace d'arme, évasion par effraction et assassinat ; qu'il fait actuellement l'objet d'une détention provisoire pour assassinat en récidive sur un codétenu, au centre pénitentiaire d'Alençon-Condé-sur-Sarthe ; qu'il est placé en quartier d'isolement depuis le 25 mars 2008, aucune des tentatives de réintégration de l'intéressé sous un régime de détention ordinaire n'ayant pu aboutir de façon pérenne, compte tenu des incidents qu'il a systématiquement provoqués ; que son placement en quartier d'isolement a été prolongé, en dernier lieu, par une décision du 4 octobre 2018 ; que MmeC..., son épouse, estimant que l'état de santé de son mari se dégradait et nécessitait un traitement en milieu hospitalier, a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Caen, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de conclusions tendant, en premier lieu, à ce qu'il soit enjoint au centre hospitalier intercommunal Alençon-Mamers et au centre psychothérapeutique de l'Orne d'établir des certificats médicaux sur l'état psychique de son époux, en deuxième lieu, à ce qu'il soit enjoint à l'administration pénitentiaire de saisir le préfet pour que celui-ci fasse hospitaliser son époux sur le fondement de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique, ou de saisir un médecin psychiatre aux fins d'établir un certificat médical à transmettre au directeur de l'établissement hospitalier en vue de l'hospitalisation de son époux sur le fondement du 2° du II de l'article L. 3212-1 du code de la santé publique, en dernier lieu, à ce qu'il soit enjoint à l'administration pénitentiaire de transférer son époux dans un établissement assurant des soins psychiatriques ; que Mme C...relève appel de l'ordonnance en date du 26 novembre 2018 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Caen, après l'avoir admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, a rejeté le reste de ses conclusions ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 522-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés statue au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale ; (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 5 du même code : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence " ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le mémoire en défense du garde des sceaux, ministre de la justice, enregistré au greffe du tribunal administratif de Caen le 23 novembre à 14 heures 05, et sur lequel s'est fondé le juge des référés pour prendre son ordonnance, n'a été communiqué à l'avocat de Mme C...qu'à 15 h 14, à l'issue de l'audience publique tenue le même jour à 15 heures, à laquelle aucune des parties n'a été présente ou représentée, et que l'instruction a été immédiatement close, le mémoire en réplique produit par l'avocat de MmeC..., enregistré le 23 novembre à 15 h 56, ayant été analysé comme une note en délibéré ; que Mme C...est ainsi fondée à soutenir qu'elle n'a pas été mise à même de pouvoir contester utilement les écritures en défense du ministre et que l'ordonnance a été rendue au terme d'une procédure irrégulière ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, l'article 2 de l'ordonnance attaquée doit être annulé ;

5. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer dans cette mesure et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme C...devant le tribunal administratif de Caen ;

6. Considérant que M. C...fait l'objet d'une surveillance, notamment médicale, constante ; qu'il est vu par un médecin au moins deux fois par semaine, en application des dispositions de l'article R. 57-7-63 du code de procédure pénale ; qu'une évaluation du risque suicidaire a été récemment effectuée ; qu'aucune contre-indication médicale au placement à l'isolement n'a été relevée par le médecin de l'unité de consultation et de soins ambulatoires rattachée au centre pénitentiaire ; qu'aucun élément n'établit une détérioration de l'état de santé de M. C...susceptible de nécessiter son placement en milieu hospitalier ; que ne peut être ainsi caractérisée aucune carence de l'administration qui exposerait l'intéressé à un risque pour sa vie ou à un traitement inhumain ou dégradant au sens de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni, par suite, aucune atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, qu'il est manifeste que les conclusions aux fins d'injonction présentées par Mme C...devant le tribunal administratif de Caen ne peuvent être accueillies ; qu'il y a lieu, par suite, de les rejeter, ainsi que les conclusions présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, selon la procédure prévue par l'article L. 522-3 de ce code.

O R D O N N E :

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Article 1er : L'article 2 de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Caen est annulé.

Article 2 : Les conclusions présentées par Mme C...devant le tribunal administratif de Caen, autres que celles relatives au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, sont rejetées, ainsi que ses conclusions présentées devant le Conseil d'Etat tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme B...C....

Copie en sera adressée à la garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 426329
Date de la décision : 27/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 27 déc. 2018, n° 426329
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP DE NERVO, POUPET

Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:426329.20181227
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