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22/06/2017 | FRANCE | N°411348

France | France, Conseil d'État, 22 juin 2017, 411348


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 9 et 22 juin 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société MEI Partners demande au juge des référés du Conseil d'Etat statuant sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, après avoir constaté l'inexécution de l'obligation de récupérer le montant d'aide illégale qu'elle estime résulter de la convention conclue le 9 mai 2012 entre l'Etat, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie et la Caisse des dépôts et consignations :<

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1°) d'enjoindre à l'Etat, sur le fondement de l'article 1231 du code civi...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 9 et 22 juin 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société MEI Partners demande au juge des référés du Conseil d'Etat statuant sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, après avoir constaté l'inexécution de l'obligation de récupérer le montant d'aide illégale qu'elle estime résulter de la convention conclue le 9 mai 2012 entre l'Etat, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie et la Caisse des dépôts et consignations :

1°) d'enjoindre à l'Etat, sur le fondement de l'article 1231 du code civil, de payer l'astreinte de 445 857 euros par jour exigible depuis le 27 avril 2017 inclus, jusqu'à la décision finale de la Commission européenne dans le dossier SA.46963, selon des modalités permettant la compensation, au 4 mai 2017, des obligations antérieures de la requérante envers le Trésor public ;

2°) de l'autoriser à suspendre ses obligations déclaratives envers l'Etat jusqu'au paiement des astreintes ;

3°) de l'autoriser, sur le fondement de l'article 1222 du code civil, à faire procéder par voie d'huissier à la saisie conservatoire des droits d'associés et des valeurs mobilières détenus par la Caisse des dépôts et consignations et CDC Entreprises, devenue BPI France, dans le FCPR Ecotechnologies, à la saisie conservatoire des créances détenues par la FCPR Ecotechnologies et à toutes autres sûretés judiciaires nécessaires, pour un montant total de 1 052 400 000 euros ;

4°) d'autoriser la Banque de France à ouvrir et gérer, selon les conditions tarifaires usuelles, un compte dédié au nom du Trésor Public destiné à recevoir provisoirement le produit de ces saisies conservatoires ;

5°) d'enjoindre à l'Etat de lui verser une avance de 400 000 euros sur le fondement du dernier alinéa de l'article 1222 du code civil ;

6°) de l'autoriser, ainsi que la Banque de France, à informer le greffe du Conseil d'Etat de l'exécution de ces mesures ;

7°) d'ordonner qu'en cas d'exécution définitive de l'obligation d'exercer ce paiement de l'indu, les mesures précédentes, exceptés le paiement de l'astreinte et sa compensation, seront sans objet et il incombera à l'Etat d'accorder, jusqu'à la décision finale de la Commission européenne, des mesures conservatoires tendant à sauvegarder son droit à indemnisation estimée à 560 778 297 euros.

La société MEI Partners soutient que :

- la condition d'urgence est remplie au regard du préjudice financier qu'elle a subi et de l'immobilisation d'actif qui en résulte et dès lors que, d'une part, son équilibre financier est menacé à court terme, rendant probable une liquidation judiciaire à bref délai et, d'autre part, un intérêt public commande de récupérer rapidement une aide d'un montant important, attribuée selon une procédure pénalement répréhensible ;

- les mesures utiles demandées sont conformes au droit civil des obligations ;

- l'exercice de la répétition de l'indu, conformément aux règles posées à l'article 1300 et suivants du code civil, incombe au ministre en charge du budget et des comptes publics, l'ordonnance n° 1700184 du juge des référés du tribunal administratif de Paris et l'ordonnance n° 16PA03640 du juge des référés de la cour administrative d'appel de Paris constituant les preuves que l'aide accordée dans le cadre de la convention du 9 mai 2012 l'a été en méconnaissance de l'obligation de notification prescrite par l'article 108 paragraphe 3 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, ce qui est également attesté par le fait que la Commission européenne a ouvert une enquête ;

- l'Etat est tenu de réparer les conséquences de l'inexécution de mauvaise foi de son obligation de récupérer l'aide versée illégalement, constitutive d'une faute lourde, eu égard aux lettres de mises en demeure qu'elle a adressées au directeur général des finances publiques les 24 mars et 22 mai 2017 ;

- l'Etat est tenu de mettre en oeuvre la compensation de créances réciproques prévue à l'article 1348 du code civil entre, d'une part, l'ensemble de ses obligations envers l'Etat et, d'autre part, les astreintes dues par l'Etat au titre de l'inexécution de son obligation de récupérer l'aide versée illégalement, dès lors que ces créances sont certaines, liquides et exigibles ;

- l'Etat n'ayant pas démontré le caractère impossible ou disproportionné du paiement de l'indu, des mesures conservatoires, notamment la saisie conservatoire des droits d'associés et des valeurs mobilières, la saisie conservatoire des créances, et les sûretés judiciaires sur les biens de la Caisse des dépôts et consignations et de CDC Entreprises, devenue BPI France, afférents au FCPR Ecotechnologies, peuvent être prononcées sans commandement préalable, aux frais de l'Etat ;

- les mesures demandées ne peuvent pas faire l'objet de contestations sérieuses, ne pourraient pas être prononcées par le juge des référés sur le fondement des articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice administrative et ne font obstacle à aucune décision administrative ;

- les avis à tiers détenteurs émis par l'administration à son encontre, qui ne font pas état de ses créances actuelles et futures sur le Trésor public, créent un péril grave pour la continuité de son activité ;

- sa demande relève de la compétence du Conseil d'Etat en premier ressort.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-3 du code de justice administrative : "En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative.". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut rejeter une requête par une ordonnance motivée, sans instruction contradictoire, lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. Saisi sur le fondement de l'article L. 521-3 d'une demande qui n'est pas manifestement insusceptible de se rattacher à un litige relevant de la compétence du juge administratif, le juge des référés peut prescrire, à des fins conservatoires ou à titre provisoire, toutes mesures que l'urgence justifie, notamment sous forme d'injonctions adressées à l'administration, à la condition que ces mesures soient utiles et ne se heurtent à aucune contestation sérieuse. En raison du caractère subsidiaire du référé régi par l'article L. 521-3, le juge saisi sur ce fondement ne peut prescrire les mesures qui lui sont demandées lorsque leurs effets pourraient être obtenus par les procédures de référé régies par les articles L. 521-1 et L. 521-2. Enfin, il ne saurait faire obstacle à l'exécution d'une décision administrative, même celle refusant la mesure demandée, à moins qu'il ne s'agisse de prévenir un péril grave.

3. La société MEI Partners a demandé à l'Etat, par lettre du 24 mars 2017, de récupérer auprès de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et de Bpifrance, sous peine d'une astreinte journalière de 445 857 euros à compter du 27 avril 2017, ce qu'elle estime être une aide d'Etat illégale d'un montant de 621 375 657 euros. Par une lettre du 22 mai 2017, la société a porté le montant dont elle demande la récupération à 1 052 400 000 euros. Une décision implicite de rejet de cette demande est née du silence conservé par l'administration pendant deux mois à compter de la réception de la lettre du 24 mars 2017.

4. Il ressort par ailleurs des mentions de la requête que la société MEI Partners est débitrice envers l'Etat d'une somme de 1 362 936 euros, qui a fait l'objet d'une mise en demeure de payer émise par le comptable public de la Moselle, ainsi que d'une somme de 1 880 657,27 euros, qui a fait l'objet d'une notification d'avis à tiers détenteur émise par le comptable public des Yvelines.

5. Par la présente requête, la société MEI Partners demande à titre principal au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'enjoindre à l'Etat de payer l'astreinte de 445 857 euros par jour exigée selon elle depuis le 27 avril 2017 en vertu du courrier du 24 mars 2017 mentionné au point 3., de façon à ce que le montant des astreintes vienne en compensation de la dette de la société envers l'Etat, de l'autoriser à suspendre ses déclarations fiscales jusqu'au paiement de ces astreintes, de l'autoriser à procéder à la saisie conservatoire du montant de 1 052 400 000 euros auprès des bénéficiaires de l'aide et d'enjoindre à l'Etat de lui verser la somme de 400 000 euros sur le fondement de l'article 1222 du code civil, afin de lui permettre de faire exécuter elle-même la répétition de l'indu.

6. Ces différentes demandes visent à faire obstacle à l'exécution de la décision par laquelle l'Etat a refusé de procéder à la récupération de ce que la société MEI Partners estime être des aides d'Etat illégales. La société requérante ne démontre pas, par ailleurs, que le refus de récupération ainsi opposé par l'Etat aurait pour conséquence un péril grave qu'il serait nécessaire de prévenir. Il en résulte que les mesures demandées ne peuvent être prononcées par le juge des référés sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative. Il y a lieu, dès lors, sans qu'il soit besoin de s'interroger sur la compétence en premier ressort du juge des référés du Conseil d'Etat, de rejeter la requête de la société MEI Partners sur le fondement de l'article L. 522-3 du même code.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de la société MEI Partners est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la société MEI Partners et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 411348
Date de la décision : 22/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 22 jui. 2017, n° 411348
Inédit au recueil Lebon

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:411348.20170622
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