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20/04/2016 | FRANCE | N°396578

France | France, Conseil d'État, 8ème / 3ème ssr, 20 avril 2016, 396578


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 29 janvier 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la société BPCE, les caisses d'épargne d'Alsace, Aquitaine Poitou-Charentes, d'Auvergne et du Limousin, de Bourgogne Franche-Comté, Bretagne Pays-de-Loire, Côte d'Azur, Ile-de-France, Languedoc Roussillon, Loire-Centre, Loire Drôme Ardèche, Lorraine Champagne Ardenne, de Midi-Pyrénées, Nord France Europe, Normandie, Picardie, Provence-Alpes-Corse et Rhône-Alpes, la Banque Populaire des Alpes, la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne, la Banque

Populaire Aquitaine Centre Atlantique, la Banque Populaire Atlantiqu...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 29 janvier 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la société BPCE, les caisses d'épargne d'Alsace, Aquitaine Poitou-Charentes, d'Auvergne et du Limousin, de Bourgogne Franche-Comté, Bretagne Pays-de-Loire, Côte d'Azur, Ile-de-France, Languedoc Roussillon, Loire-Centre, Loire Drôme Ardèche, Lorraine Champagne Ardenne, de Midi-Pyrénées, Nord France Europe, Normandie, Picardie, Provence-Alpes-Corse et Rhône-Alpes, la Banque Populaire des Alpes, la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne, la Banque Populaire Aquitaine Centre Atlantique, la Banque Populaire Atlantique, la Banque Populaire Côte d'Azur, la Banque Populaire Loire et Lyonnais, la Banque Populaire du Massif Central, la Banque Populaire du Nord, la Banque Populaire Occitane, la Banque Populaire de l'Ouest, la Banque Populaire Rives de Paris, la Banque Populaire du Sud, la Banque Populaire Val de France, la Banque Populaire Bourgogne Franche Comté, la Bred Banque Populaire, la CASDEN Banque Populaire et le Crédit coopératif demandent au Conseil d'État :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir :

- le paragraphe n° 70 de l'instruction BOI-IS-AUT-30-20140306, en ce qu'il renvoie à l'instruction BOI-RPPM-RCM-10-20-30-20150320, laquelle renvoie en son paragraphe n° 20 à l'instruction BOI-RPPM-RCM-10-20-30-20 dans sa version du 14 octobre 2014 ;

- le paragraphe n° 20 de l'instruction BOI-RPPM-RCM-10-20-30-20150320 en tant qu'il renvoie à l'instruction BOI-RPPM-RCM-10-20-30-20 dans sa version du 14 octobre 2014 pour les rachats de titres effectués avant le 1er janvier 2015 ;

- les paragraphes 30 à 60 et 250 à 300 de l'instruction BOI-RPPM-RCM-10-20-30-20 dans sa version du 14 octobre 2014 tels qu'applicables aux opérations de rachat de titres effectuées avant le 1er janvier 2015 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code de commerce ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 ;

- la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2014-404 QPC du 20 juin 2014 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Karin Ciavaldini, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;

1. Considérant que la requête des sociétés BPCE et autres doit être regardée comme dirigée contre le paragraphe n° 70 de l'instruction BOI-IS-AUT-30-20140306, en ce qu'il renvoie à l'instruction BOI-RPPM-RCM-10-20-30-20150320, laquelle renvoie en son paragraphe n° 20 à l'instruction BOI-RPPM-RCM-10-20-30-20 dans sa version du 14 octobre 2014 ; que, contrairement à ce que soutient le ministre des finances et des comptes publics, cette requête conserve un objet, dès lors que, si l'instruction BOI-RPPM-RCM-10-20-30-20 a été actualisée le 20 mars 2015 et les commentaires figurant dans la version du 14 octobre 2014 abrogés à compter de la date de publication de cette nouvelle version, l'instruction BOI-RPPM-RCM-10-20-30-20150320 renvoie, pour les rachats par une société de ses propres parts ou actions réalisés avant le 1er janvier 2015, à l'instruction BOI-RPPM-RCM-10-20-30-20 " dans sa version en vigueur au 14 octobre 2014 " ;

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et qu'elle soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

3. Considérant qu'aux termes du I de l'article 235 ter ZCA du code général des impôts, issu de la loi du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 : " Les sociétés ou organismes français ou étrangers passibles de l'impôt sur les sociétés en France (...) sont assujettis à une contribution additionnelle à cet impôt au titre des montants qu'ils distribuent au sens des articles 109 à 117 du présent code. / La contribution est égale à 3 % des montants distribués (...) " ; qu'aux termes de l'article 109 du même code : " Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices (...) " ; qu'aux termes du 6° de l'article 112 du même code, dans sa rédaction déclarée contraire à la Constitution par la décision du Conseil constitutionnel n° 2014-404 QPC du 20 juin 2014 et abrogée à compter du 1er janvier 2015, " ne sont pas considérés comme revenus distribués : (...) / 6° les sommes ou valeurs attribuées aux associés ou actionnaires au titre du rachat de leurs parts ou actions, lorsque ce rachat est effectué dans les conditions prévues aux articles L. 225-208 ou L. 225-209 à L. 225-212 du code de commerce. Le régime des plus-values prévu, selon les cas, aux articles 39 duodecies, 150-0 A ou 150 UB est alors applicable " ; qu'aux termes de ce même article, dans sa rédaction issue de l'article 88 de la loi du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014 : " Ne sont pas considérés comme revenus distribués : ... 6° Les sommes ou valeurs attribuées aux associés ou actionnaires au titre du rachat de leurs parts ou actions. Le régime des plus-values prévu, selon les cas, aux articles 39 duodecies, 150-0 A ou 150 UB est alors applicable " ;

4. Considérant que la société BPCE et autres demandent au Conseil d'Etat de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du premier alinéa du I de l'article 235 ter ZCA du code général des impôts, dans sa rédaction renvoyant aux articles 109 à 117 de ce code dans leur version antérieure à celle qui est issue de l'article 88 de la loi du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014 ; qu'ils soutiennent que ces dispositions, sauf à ce qu'elles soient lues en tenant compte de la décision du Conseil constitutionnel mentionnée au point 3, méconnaissent les principes d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques ;

5. Considérant que, par sa décision mentionnée au point 3, le Conseil constitutionnel, saisi sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution d'une question prioritaire de constitutionnalité portant notamment sur le 6° de l'article 112 du code général des impôts, a jugé que la différence de traitement, selon la procédure de rachat employée, entre les actionnaires ou associés personnes physiques cédants pour l'imposition des sommes ou valeurs reçues au titre du rachat de leurs actions ou parts sociales par la société émettrice, ne reposait ni sur une différence de situation entre les procédures de rachat ni sur un motif d'intérêt général en rapport direct avec l'objet de la loi ; qu'il a en conséquence déclaré les dispositions du 6° de l'article 112 contraires à la Constitution ; qu'il a, en outre, déterminé les effets dans le temps de sa déclaration d'inconstitutionnalité, d'une part, en reportant au 1er janvier 2015 la date de l'abrogation de ces dispositions et, d'autre part, en jugeant, au point 14 de sa décision, que les sommes ou valeurs reçues avant le 1er janvier 2014 par les actionnaires ou associés personnes physiques au titre du rachat de leurs actions ou parts sociales par la société émettrice, lorsque ce rachat a été effectué selon une procédure autorisée par la loi, ne doivent pas être regardées comme des revenus distribués et doivent être imposées selon le régime des plus-values de cession prévu, selon les cas, aux articles 39 duodecies, 150-0 A ou 150 UB du code général des impôts et qu'à défaut de l'entrée en vigueur d'une loi déterminant de nouvelles règles applicables pour l'année 2014, il en va de même pour les sommes ou valeurs reçues avant le 1er janvier 2015 ;

6. Considérant que le I de l'article 235 ter ZCA du code général des impôts est applicable au présent litige et n'a pas déjà été déclaré conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;

7. Considérant qu'en renvoyant, pour définir l'assiette de la contribution additionnelle qu'il institue, aux revenus distribués tels qu'ils sont définis aux articles 109 à 117 du code général des impôts, le I de l'article 235 ter ZCA du même code inclut dans l'assiette de la contribution les sommes qui, en vertu des articles 109 à 117, sont regardées comme des revenus distribués ; que tel n'est pas le cas des sommes mentionnées à l'article 112, qui n'entrent donc pas dans l'assiette de la contribution ; qu'eu égard à l'autorité qui s'attache, en vertu de l'article 62 de la Constitution, à la décision du Conseil constitutionnel mentionnée au point 3, il y a lieu, pour apprécier le caractère sérieux de la question soulevée, d'examiner la disposition contestée en tenant compte de l'interprétation du 6° de l'article 112 du code général des impôts donnée au point 14 de cette décision, interprétation qui s'est imposée jusqu'à l'entrée en vigueur des dispositions de l'article 88 de la loi du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014 ; que, compte tenu de cette interprétation, les sommes ou valeurs attribuées aux associés ou actionnaires au titre du rachat de leurs parts ou actions ne peuvent être regardées, quelle que soit la procédure de rachat, comme entrant dans l'assiette de la contribution additionnelle ; qu'en conséquence, la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; qu'il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;

Sur la légalité de l'instruction attaquée :

8. Considérant que l'instruction BOI-IS-AUT-30-20140306, relative à la contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés prévue à l'article 235 ter ZCA du code général des impôts, prévoit que : " 70. (...) les distributions qui sont soumises à la contribution additionnelle s'entendent des revenus distribués définis aux articles 109 à 117 du CGI (...) / Par exception, ne constituent pas des montants distribués soumis à la contribution additionnelle les distributions qui ne sont pas qualifiées de revenus distribués au sens des articles 109 du CGI à 117 du CGI (BOI-RPPM-RCM-10-20-30) (...) " ; que l'instruction BOI-RPPM-RCM-10-20-30-20150320 prévoit que : " 20. Le régime fiscal des rachats par une société de ses propres parts ou actions est celui applicable aux gains de cessions de ces titres. Cela étant, pour les rachats effectués avant le 1er janvier 2015, il convient de se reporter au BOI-RPPM-RCM-10-20-30-20 dans sa version en vigueur au 14 octobre 2014 " ; que l'instruction BOI-RPPM-RCM-10-20-30-20, dans sa version en vigueur au 14 octobre 2014, prévoit, dans le cas de rachat par une société de ses propres titres prévu à l'article L. 225-207 du code de commerce, en son paragraphe 30, que les sommes ou valeurs attribuées aux associés ou actionnaires personnes physiques résidentes de France sont susceptibles d'être imposées suivant, pour une part, le régime des revenus de capitaux mobiliers, et, le cas échéant, pour une autre part, le régime des plus-values mobilières ; que ses paragraphes 40 à 60 portent sur la détermination, dans ce même cas, de la partie du prix de rachat des titres constituant un revenu mobilier imposable ; que ses paragraphes 250 à 300 concernent le régime fiscal des rachats relevant des articles L. 225-208 et L. 225-209 à L. 225-212 du code de commerce et prévoient que les sommes ou valeurs reçues avant le 1er janvier 2015 lors de telles opérations de rachat par les associés ou actionnaires relèvent du régime fiscal des plus-values ;

9. Considérant que les paragraphes 30 à 60 de l'instruction BOI-RPPM-RCM-10-20-30-20, dans sa version en vigueur au 14 octobre 2014, méconnaissent les dispositions du 6° de l'article 112 du code général des impôts, telles qu'elles doivent être lues en vertu de la décision du Conseil constitutionnel du 20 juin 2014 ; que tel n'est pas le cas, en revanche, des autres paragraphes attaqués de cette instruction ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'instruction BOI-IS-AUT-30-20140306 est entachée d'illégalité, en tant qu'elle renvoie, au paragraphe n° 70, à l'instruction BOI-RPPM-RCM-10-20-30 qui elle-même renvoie à l'instruction BOI-RPPM-RCM-10-20-30-20 dans sa version en vigueur au 14 octobre 2014 ; qu'il y a lieu par suite d'annuler, au paragraphe n° 70, la mention : " (BOI-RPPM-RCM-10-20-30) " ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société BPCE et autres de la somme de 3 000 euros au titre de ces dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité à la Constitution du premier alinéa du I de l'article 235 ter ZCA du code général des impôts, dans sa version renvoyant aux articles 109 à 117 de ce code dans leur version en vigueur avant le 1er janvier 2015.

Article 2 : Au paragraphe n° 70 de l'instruction BOI-IS-AUT-30-20140306, la mention : " (BOI-RPPM-RCM-10-20-30) " est annulée.

Article 3 : L'Etat versera à la société BPCE et autres la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société BPCE et au ministre des finances et des comptes publics. Les autres requérants seront informés de la présente décision par le cabinet Sullivan et Cromwell LLP ou le cabinet Bredin Prat, qui les représentent devant le Conseil d'Etat.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 8ème / 3ème ssr
Numéro d'arrêt : 396578
Date de la décision : 20/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 20 avr. 2016, n° 396578
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Karin Ciavaldini

Origine de la décision
Date de l'import : 10/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2016:396578.20160420
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