Vu la procédure suivante :
M. et Mme B...A..., à l'appui de leur demande tendant à bénéficier du régime d'exonération de l'impôt sur le revenu prévue à l'article 155 B du code général des impôts, ont produit un mémoire, enregistré le 31 octobre 2014 au greffe du tribunal administratif de Rennes, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, par lequel ils soulèvent une question prioritaire de constitutionnalité.
Par une ordonnance n° 1402082 du 27 février 2015, enregistrée le 5 mars 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Rennes, avant qu'il soit statué sur la demande de M. et Mme B...A..., a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 155 B du code général des impôts.
Dans la question prioritaire de constitutionnalité transmise, M. et Mme A...soutiennent que les dispositions de l'article 155 B du code général des impôts, applicables au litige, méconnaissent les principes d'égalité devant la loi fiscale et devant les charges publiques garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et par l'article 12 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et introduisent une discrimination prohibée par l'article 1er de la Constitution, en tant qu'elles instaurent une différence de traitement entre salariés selon qu'ils occupent un emploi dans une entreprise privée ou dans un établissement public.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code général des impôts ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Maryline Saleix, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;
1. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et qu'elle soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 155 B du code général des impôts : " I.-1. Les salariés et les personnes mentionnées aux 1°, 2° et 3° du b de l'article 80 ter appelés de l'étranger à occuper un emploi dans une entreprise établie en France pendant une période limitée ne sont pas soumis à l'impôt à raison des éléments de leur rémunération directement liés à cette situation ou, sur option, et pour les salariés et personnes autres que ceux appelés par une entreprise établie dans un autre Etat, à hauteur de 30 % de leur rémunération. / Sur agrément délivré dans les conditions prévues à l'article 1649 nonies, ne sont également pas soumises à l'impôt, à hauteur de 30 % de leur rémunération, les personnes non salariées qui établissent leur domicile fiscal en France au plus tard le 31 décembre 2011 et qui remplissent les conditions suivantes : (...) / Les alinéas précédents sont applicables sous réserve que les salariés et personnes concernés n'aient pas été fiscalement domiciliés en France au cours des cinq années civiles précédant celle de leur prise de fonctions et, jusqu'au 31 décembre de la cinquième année civile suivant celle de cette prise de fonctions, au titre des années à raison desquelles ils sont fiscalement domiciliés en France au sens des a et b du 1 de l'article 4 B. / Si la part de la rémunération soumise à l'impôt sur le revenu en application du présent 1 est inférieure à la rémunération versée au titre de fonctions analogues dans l'entreprise ou, à défaut, dans des entreprises similaires établies en France, la différence est réintégrée dans les bases imposables de l'intéressé. (...) / II.-Les salariés et personnes mentionnés au I sont, pendant la durée où ils bénéficient des dispositions du même I, exonérés d'impôt à hauteur de 50 % du montant des revenus suivants : (...) " ;
3. Considérant que ces dispositions instituent une exonération d'impôt sur le revenu, à certaines conditions et dans certaines limites, en faveur de certaines catégories de salariés, de dirigeants et de non-salariés, dits " impatriés ", d'une part, au titre du I, sur une fraction de leur rémunération, d'autre part, au titre du II, sur une fraction de certains revenus du capital ; que, s'agissant des salariés, cette exonération est réservée, aux termes du I de cet article, aux salariés appelés de l'étranger à occuper un emploi " dans une entreprise établie en France " ; que ne sont pas au nombre de ces entreprises, notamment, les établissements publics de santé ;
4. Considérant que M. et MmeA..., médecins de nationalité roumaine, qui sont venus exercer en France à raison de leur recrutement sur contrat, en 2012, par des établissements publics hospitaliers, soutiennent que ces dispositions, en tant qu'elles excluent les salariés d'établissements publics administratifs, méconnaissent les principes d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques ;
5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi " doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse " ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit, et qu'il ne fait pas obstacle à ce que, pour des motifs d'intérêt général, le législateur édicte, par l'octroi d'avantages fiscaux, des mesures d'incitation au développement d'activités économiques et financières en appliquant des critères objectifs et rationnels en fonction des buts recherchés ;
6. Considérant que le législateur, en instituant l'exonération prévue à l'article 155 B du code général des impôts, a entendu faciliter le recrutement de salariés à l'étranger par des entreprises établies en France ; que la différence de traitement qui en résulte entre salariés " impatriés ", selon qu'ils sont employés ou non par une entreprise, est donc en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; que l'avantage fiscal ainsi institué répond à un motif d'intérêt général ; que le choix du législateur d'en réserver le bénéfice, s'agissant des salariés, à ceux qui sont employés par une entreprise obéit, au regard de l'objectif recherché, à des critères objectifs et rationnels ; que, par suite, le dispositif contesté ne méconnaît pas le principe d'égalité devant la loi ;
7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : " Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés " ; que cette exigence ne serait pas respectée si l'impôt faisait peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives ;
8. Considérant que l'exclusion du champ de l'exonération prévue par l'article 155 B du code général des impôts des salariés recrutés à l'étranger pour occuper un emploi en France dans des établissements publics administratifs ne fait pas peser sur ceux-ci une charge excessive par rapport à leurs facultés contributives, dès lors qu'elle a pour seul effet de les soumettre à l'impôt sur le revenu dans les conditions de droit commun ; que, par suite, le dispositif contesté ne méconnaît pas le principe d'égalité devant les charges publiques ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; que, par suite, il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité transmise par le tribunal administratif de Rennes.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme B... A...et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre et au tribunal administratif de Rennes.