Vu la requête, enregistrée le 29 avril 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la commune de Pfetterhouse, représentée par son maire ; la commune demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2014-207 du 21 février 2014 portant délimitation des cantons dans le département du Haut-Rhin ainsi que la décision du 21 mars 2014 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours gracieux dirigé contre ce décret ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code électoral ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu la loi n° 90-1103 du 11 décembre 1990 ;
Vu la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 ;
Vu le décret n° 2012-1479 du 27 décembre 2012 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Mathieu Herondart, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;
1. Considérant que l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales, dans sa version issue de la loi du 17 mai 2013, prévoit que : " I. - Les modifications des limites territoriales des cantons, les créations et suppressions de cantons et le transfert du siège de leur chef-lieu sont décidés par décret en Conseil d'Etat après consultation du conseil départemental qui se prononce dans un délai de six semaines à compter de sa saisine. A l'expiration de ce délai, son avis est réputé rendu. (...) III. - La modification des limites territoriales des cantons effectuée en application du I est conforme aux règles suivantes : a) Le territoire de chaque canton est défini sur des bases essentiellement démographiques ; / b) Le territoire de chaque canton est continu ; / c) Est entièrement comprise dans le même canton toute commune de moins de 3 500 habitants ; / IV. - Il n'est apporté aux règles énoncées au III que des exceptions de portée limitée, spécialement justifiées, au cas par cas, par des considérations géographiques ; ou par d'autres impératifs d'intérêt général " ;
2. Considérant que le décret attaqué a, en application de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales, procédé à une nouvelle délimitation des cantons du département du Haut-Rhin, compte tenu de l'exigence de réduction de 31 à 17 du nombre des cantons de ce département résultant de l'article L. 191-1 du code électoral ;
Sur la légalité externe :
3. Considérant, en premier lieu, qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait au Premier ministre de mentionner dans le décret les motifs retenus pour la création des nouveaux cantons ainsi que les raisons pour lesquelles l'avis du conseil général n'avait pas été suivi et pour lesquelles des modifications avaient été apportées au projet soumis au conseil général ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il est constant que le décret a été pris après avis du conseil général du Haut-Rhin, émis le 20 décembre 2013, après examen du projet transmis par le préfet au président du conseil général le 18 novembre 2013 ; qu'il ressort des pièces du dossier que le président du conseil général a été destinataire du projet de décret, d'un rapport de présentation générale rappelant les principes qui ont été retenus pour déterminer les nouvelles limites cantonales, de cartes faisant apparaître les nouveaux cantons, les nouveaux cantons superposés aux anciens cantons, les nouveaux cantons et les limites des établissements publics de coopération intercommunale à compter du 1er janvier 2014, les cantons urbains pour les communes fractionnées ainsi que d'un tableau des nouveaux cantons mentionnant leur population et le nombre des communes et d'un tableau de répartition des communes par canton ; que ces éléments permettaient au conseil général d'émettre un avis sur les modalités de mise en oeuvre de la nouvelle délimitation des cantons et de faire des propositions spécifiques pour le département, sans qu'il ait été nécessaire que des éléments relatifs aux " bassins de vie " et d'emploi, aux aires urbaines, à la géographie et à la topographie des nouveaux cantons aient été portés à la connaissance des conseillers généraux ; qu'est sans influence sur la régularité de cette consultation la circonstance que le conseil général n'aurait été ni informé des raisons pour lesquelles le pouvoir réglementaire proposait de rattacher certaines communes à certains cantons ou n'aurait pas tenu compte des propositions formulées par le président du conseil général ou d'autres élus, ni destinataire de ces dernières ; que, par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la consultation du conseil général doit être écarté ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait de procéder, préalablement à l'intervention du décret attaqué, à une consultation des maires, élus ou présidents d'établissements publics de coopération intercommunale ni de procéder à la consultation individuelle des conseillers généraux du département ; que, de même, aucune disposition législative ou réglementaire ne faisait obligation au Gouvernement de recourir aux " mécanismes de collaboration mis en place sur les territoires ruraux " ni de procéder à une étude d'impact préalablement à l'édiction du décret attaqué ;
Sur la légalité interne :
6. Considérant, en premier lieu, que, compte tenu des modalités de consultation qui ont été prévues par le législateur, la commune ne saurait utilement faire valoir que le Gouvernement aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en prenant le décret attaqué sans avoir préalablement consulté les maires, les présidents d'établissements publics de coopération intercommunale, les élus des communes et les conseillers généraux à titre individuel ;
7. Considérant, en deuxième lieu, que l'article 7 de la loi du 11 décembre 1990 organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux prévoit qu'il ne peut être procédé à aucune nouvelle délimitation des circonscriptions électorales dans l'année précédant l'échéance normale de renouvellement des assemblées concernées ; que l'article 51 de la loi du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires et modifiant le calendrier électoral détermine les modalités d'entrée en vigueur de cette loi et prévoit, dans son premier alinéa, que le titre Ier de la loi, qui comprend les dispositions relatives au futur conseil départemental, " s'applique à compter du prochain renouvellement général des conseils généraux suivant la promulgation de la présente loi " ; que les dispositions des articles L. 191 et L. 191-1 du code électoral, dans leur version applicable à compter du prochain renouvellement général des conseils généraux suivant la promulgation de la loi du 17 mai 2013, prévoyant notamment que les électeurs de chaque canton du département élisent au conseil départemental deux membres de sexe différent et que le nombre de cantons dans lesquels sont élus les conseillers départementaux est égal à la moitié du nombre de cantons existant au 1er janvier 2013, arrondi à l'unité impaire supérieure si ce nombre n'est pas entier, impliquent qu'il soit procédé à une nouvelle délimitation de l'ensemble des circonscriptions cantonales, qui sera applicable à compter du prochain renouvellement général des conseils généraux, fixé, à la date de la présente décision, au mois de mars 2015 ;
8. Considérant qu'eu égard à l'échéance mentionnée au point 7, la délimitation des nouvelles circonscriptions cantonales devait, conformément aux dispositions de l'article 7 de la loi du 11 juillet 1990, être effectuée au plus tard un an avant le mois de mars 2015 ; que le décret, pris le 21 février 2014 et publié au Journal officiel le 25 février 2014, satisfait à ces prescriptions, alors même qu'il prévoit dans son article 19, conformément à l'article 51 de la loi du 17 mai 2013, qu'il n'entrera en vigueur qu'au prochain renouvellement général des assemblées départementales suivant sa publication ; que le décret attaqué ne concerne que la délimitation des nouvelles circonscriptions cantonales ; que, dès lors, le moyen tiré de ce qu'il aurait des répercussions sur la future campagne électorale, laquelle exigeait des dispositions transitoires, n'est pas fondé ;
9. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte des dispositions de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales que le territoire de chaque canton doit être établi sur des bases essentiellement démographiques, qu'il doit être continu et que toute commune de moins de 3 500 habitants doit être entièrement comprise dans un même canton, seules des exceptions de portée limitée et spécialement justifiées pouvant être apportées à ces règles ; que ni ces dispositions, ni aucun autre texte non plus qu'aucun principe n'imposent au Premier ministre de prévoir que les limites des cantons, qui sont des circonscriptions électorales, coïncident avec les limites des circonscriptions législatives ou des arrondissements, les périmètres des établissements publics de coopération intercommunale figurant dans le schéma départemental de coopération intercommunale, les limites des " bassins de vie " définis par l'Institut national de la statistique et des études économiques ou les " pays " au sens de la loi du 25 juin 1999 d'orientation de l'aménagement durable du territoire, ou encore les limites des anciens cantons ; que ni la proximité géographique de l'ensemble des communes composant un canton ni l'absence de disparités entre les superficies des cantons ne sont davantage des critères de délimitation des circonscriptions électorales définis à l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales ; que, par suite, la commune ne saurait utilement soutenir que la nouvelle délimitation cantonale aurait méconnu ces différentes exigences ;
10. Considérant, en quatrième lieu, que le décret attaqué réduit sensiblement l'écart entre la population du canton le moins peuplé et celle du canton le plus peuplé, qui était de 1 à 5,16 et qui passe de 1 à 1,43 et que la population moyenne par canton s'établit à 44 105 habitants ; qu'en outre, et sans que le pouvoir réglementaire y ait été tenu, la nouvelle délimitation cantonale respecte, en les rattachant à un seul canton, les périmètres de vingt et un établissements de coopération intercommunale sur les vingt-trois du département dont la population est inférieure à la moyenne départementale ;
11. Considérant que si la commune soutient que le nouveau canton de Masevaux (n° 9) comprend plus de soixante communes, qui n'ont pas de lien entre elles, il ressort des pièces du dossier que ce canton réunit les trois communautés de communes de la Vallée de la Doller et du Soultzach, de la région de Dannemarie et de la Largue ; que le "Pays de Sundgau", qui comprend environ 62 000 habitants, ne pouvait former deux cantons distincts, compte tenu de la population moyenne par canton ; que le canton de Wintzenheim (n° 16) regroupe les communes composant les communautés de communes de la Vallée de Munster et du Pays de Rouffach ainsi que celles appartenant à la communauté d'agglomération de Colmar situées à l'ouest du canton de Colmar 1 (n° 4), en raison de la nécessité de diviser l'agglomération pour répondre aux exigences démographiques ; que la délimitation du nouveau canton de Sainte-Marie-aux-Mines (n° 15) a été effectuée en fonction des périmètres des communautés de communes du Pays de Ribeauvillé, de la Vallée de Kaysersberg et du Val d'Argent ; qu'ainsi, et alors que d'autres délimitations auraient été possibles, ce qui est sans influence sur la légalité du décret attaqué, le moyen tiré de ce que la nouvelle délimitation cantonale serait arbitraire et reposerait sur une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté ;
12. Considérant, en cinquième lieu, que le moyen tiré de ce que la nouvelle délimitation cantonale serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au motif que l'augmentation de la taille des cantons nuirait aux liens entretenus par les élus cantonaux avec les électeurs, les maires et les élus intercommunaux ne peut qu'être écarté dès lors que sont respectées les règles posées par les dispositions législatives ;
13. Considérant, en sixième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 9, que la modification des limites territoriales des cantons doit répondre aux règles prévues au III et au IV de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales ; que, par suite, la commune ne peut utilement invoquer les circonstances que les zones rurales seraient, du fait de la mise en oeuvre de ces règles, qui n'est pas contestée, moins bien représentées au sein de l'assemblée départementale que les zones urbaines ; que le moyen tiré de ce que les cantons correspondant aux aires urbaines comporteraient une population inférieure à la moyenne de la population par canton, alors que la population des cantons ruraux serait supérieure à cette moyenne, est dépourvu des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé, de même que le moyen selon lequel la nouvelle carte cantonale conduirait à un déséquilibre entre cantons ruraux ; que si la population du nouveau canton de Guebwiller (n° 7) de 36 558 habitants est inférieure de 17,11 % à la moyenne, cet écart est justifié par la définition du canton en fonction du périmètre de la communauté de communes de la région de Guebwiller, duquel a dû être soustraite la commune de Soultzmatt-Wintzfelden, pour des motifs tenant à la nécessité de respecter la continuité territoriale ; que le nouveau canton de Wintzenheim (n° 16), qui pour respecter la continuité territoriale comprend cette dernière commune, compte 49 387 habitants et présente ainsi un écart de faible ampleur à la moyenne ; que, dès lors, le décret n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le ministre, la requête de la commune de Pfetterhouse doit être rejetée ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la commune de Pfetterhouse est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la commune de Pfetterhouse et au ministre de l'intérieur.