Vu l'ordonnance n° 13PA02085 du 31 décembre 2013, enregistrée le 17 janvier 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Paris, avant qu'il soit statué sur l'appel du Syndicat de la fonction publique tendant à l'annulation du jugement n° 1200553 du 26 février 2013 par lequel le tribunal administratif de Polynésie française a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet opposée par le Gouvernement de Polynésie française à la demande de modification des conditions de recrutement par concours interne des ingénieurs de la Polynésie française, a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 41 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, en tant qu'il n'étend pas aux administrations territoriales de Polynésie française le champ d'application du 1° de l'article 21 de la même loi ;
Vu le mémoire, enregistré le 7 juin 2013 au greffe de la cour administrative d'appel de Paris, présenté par le Syndicat de la fonction publique, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et le mémoire, enregistré le 4 février 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour le même syndicat ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment ses article 61-1 et 74 ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
Vu la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;
Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, notamment son article 21 dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2013-1005 du 12 novembre 2013, et son article 41 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Florian Blazy, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Delphine Hedary, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat du Syndicat de la fonction publique et à la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de la Présidence de la Polynésie française ;
1. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 21 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, dans sa rédaction en vigueur au moment de l'introduction de la demande du Syndicat de la fonction publique tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet opposée par le gouvernement de la Polynésie française à sa demande de modification des conditions de recrutement par concours interne des ingénieurs de la Polynésie française : " Sauf dans les cas où un régime de décision implicite d'acceptation est institué dans les conditions prévues à l'article 22, le silence gardé pendant plus de deux mois par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet (...) " ; qu'en vertu de l'article 41 de cette même loi, ces dispositions sont applicables en Polynésie française, " aux administrations de l'Etat et à leurs établissements publics " ; que le Syndicat de la fonction publique soutient que cet article, en tant qu'il n'étend pas à la Polynésie française le délai de deux mois applicable pour l'édiction d'une décision implicite de rejet, porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, en particulier au principe d'égalité ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française : " Dans les matières qui relèvent de la compétence de l'Etat, (...) sont applicables de plein droit en Polynésie française, sans préjudice des dispositions les adaptant à son organisation particulière, les dispositions législatives et réglementaires qui sont relatives : (...) / 6° A la procédure administrative contentieuse ; / 7° Aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations de l'Etat et de ses établissements publics ou avec celles des communes et de leurs établissements publics (...) " ;
4. Considérant que les règles de procédure administrative contentieuse définies par l'Etat sont applicables de plein droit aux requêtes présentées devant les juridictions administratives en Polynésie française ; qu'aux termes de l'article R. 421-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, le silence gardé pendant plus de deux mois sur une réclamation par l'autorité compétente vaut décision de rejet./ Les intéressés disposent, pour se pourvoir contre cette décision implicite, d'un délai de deux mois à compter du jour de l'expiration de la période mentionnée au premier alinéa. Néanmoins, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient dans ce délai de deux mois, elle fait à nouveau courir le délai du pourvoi (...) " ; que ces règles, qui ont pour objet de permettre la saisine du juge administratif en cas de silence de l'administration sur une réclamation, relèvent de la procédure administrative contentieuse et sont donc applicables de plein droit, sous réserve, en ce qui concerne le délai de recours contentieux, des dispositions de l'article R. 421-6 du même code, aux requêtes présentées devant la juridiction administrative pour contester les décisions des autorités de Polynésie française ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que l'article 41 de la loi du 12 avril 2000 porterait atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, en particulier au principe d'égalité, en ne rendant pas applicables à la Polynésie française les dispositions de la loi relatives aux décisions implicites, identiques, en ce qui concerne le délai de naissance des décisions implicites, à celles de l'article R. 421-2 du code de justice administrative ne peut être regardé comme soulevant une question sérieuse ; que, par suite, il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question invoquée par le Syndicat de la fonction publique ;
6. Considérant que la présente décision se borne à statuer sur la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel ; qu'en conséquence, les conclusions présentées devant le Conseil d'Etat par la Polynésie française au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, qui ne peuvent être portées que devant le juge saisi du litige à l'occasion duquel la question prioritaire de constitutionnalité a été soulevée, sont irrecevables ;
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par le Syndicat de la fonction publique.
Article 2 : Les conclusions de la Polynésie française présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au Syndicat de la fonction publique, au ministre des outre-mer et au président de la Polynésie française.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.