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09/04/2014 | FRANCE | N°359913

France | France, Conseil d'État, 9ème sous-section jugeant seule, 09 avril 2014, 359913


VU LA PROCEDURE SUIVANTE :

Procédure contentieuse antérieure

La société Bellaby, venant aux droits de la société Fuscoc, a demandé au tribunal administratif de Paris de la décharger de la cotisation d'impôt sur les sociétés, de la contribution additionnelle sur cet impôt ainsi que des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos le 31 décembre 2000, le 31 décembre 2001 et le 31 juillet 2003. Par un jugement n° 0421663/2 du 21 mai 2010, le tribunal administratif de Paris a fait droit à cette demande.

Par un arrê

t n° 10PA04703 du 30 mars 2012, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'app...

VU LA PROCEDURE SUIVANTE :

Procédure contentieuse antérieure

La société Bellaby, venant aux droits de la société Fuscoc, a demandé au tribunal administratif de Paris de la décharger de la cotisation d'impôt sur les sociétés, de la contribution additionnelle sur cet impôt ainsi que des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos le 31 décembre 2000, le 31 décembre 2001 et le 31 juillet 2003. Par un jugement n° 0421663/2 du 21 mai 2010, le tribunal administratif de Paris a fait droit à cette demande.

Par un arrêt n° 10PA04703 du 30 mars 2012, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par le ministre de l'économie et des finances contre ce jugement.

Procédure devant le Conseil d'Etat

Par un pourvoi, enregistré le 1er juin 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, et des nouveaux mémoires enregistrés les 18 juillet 2012 et 31 mai 2013, le ministre de l'économie et des finances demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 10PA04703 du 30 mars 2012 de la cour administrative d'appel de Paris ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel.

Le pourvoi a été communiqué à la SARL Garnier Choiseul Holding et à son mandataire judiciaire, qui n'ont pas produit de mémoire.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Maïlys Lange, Auditeur,

- les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ;

CONSIDERANT CE QUI SUIT :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2000, la société Fuscoc a acquis des participations dans le capital des sociétés Financière Jacques Maillet, Soma et Chartres Orsay. Elle a encaissé, à raison de ces participations, des dividendes, inclus dans le bénéfice imposable au titre de cet exercice, auxquels étaient attachés des avoirs fiscaux imputés à hauteur de 247 652 francs, soit 37 754,29 euros, sur l'impôt sur les sociétés dû au titre de cet exercice. A la suite de ces distributions, la société Fuscoc a immédiatement revendu ses participations dans les trois sociétés concernées. L'administration, constatant que les dividendes perçus n'avaient subi aucune imposition dès lors que leur montant avait été exactement neutralisé par la moins-value sur titres, a remis en cause l'imputation de ces avoirs fiscaux sur le fondement des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales relatives à la répression des abus de droit. Elle a également remis en cause, sur le même fondement, l'application du régime fiscal des sociétés mères à la perception, par la société Fuscoc, de dividendes versés par la société Lepma BV. Le tribunal administratif a fait droit, par un jugement du 21 mai 2010, à la demande de la société Bellaby, venant aux droits de la société Fuscoc, tendant à la décharge de la cotisation d'impôt sur les sociétés, de la contribution additionnelle sur cet impôt ainsi que des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos le 31 décembre 2000, le 31 décembre 2001 et le 31 juillet 2003. Le ministre de l'économie et des finances se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 30 mars 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel dirigé contre ce jugement.

Sur l'imputation des avoirs fiscaux :

2. Aux termes de l'article 158 bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " I. Les personnes qui perçoivent des dividendes distribués par des sociétés françaises disposent à ce titre d'un revenu constitué : a) par les sommes qu'elles reçoivent de la société ; b) par un avoir fiscal représenté par un crédit ouvert sur le Trésor. Ce crédit d'impôt est égal à la moitié des sommes effectivement versées par la société. Il ne peut être utilisé que dans la mesure où le revenu est compris dans la base de l'impôt sur le revenu dû par le bénéficiaire. Il est reçu en paiement de cet impôt. Il est restitué aux personnes physiques dans la mesure où son montant excède celui de l'impôt dont elles sont redevables. / II. Par exception aux dispositions prévues au I, ce crédit d'impôt est égal à 40 % des sommes effectivement versées par la société lorsque la personne susceptible d'utiliser ce crédit n'est pas une personne physique. ". Aux termes de l'article 209 bis du même code dans sa rédaction applicable aux mêmes impositions : " 1. Les dispositions des articles 158 bis et 158 ter sont applicables aux personnes morales ayant leur siège social en France, dans la mesure où le revenu distribué est compris dans la base de l'impôt sur les sociétés dû par le bénéficiaire. Le crédit d'impôt est reçu en paiement de cet impôt. Il n'est pas restituable. ". Il ressort de l'ensemble des travaux préparatoires de l'article 1er de la loi du 12 juillet 1965 créant l'avoir fiscal, ainsi codifié à l'article 158 bis précité du code général des impôts, que le législateur a eu comme objectifs de favoriser l'actionnariat des entreprises ainsi que le développement de la place financière de Paris et d'éliminer à cet effet la double imposition qui frappait les dividendes. Eu égard à l'objet de la loi, l'actionnaire, imposable à raison des dividendes qu'il perçoit, est en droit de prétendre à l'avoir fiscal qui leur est attaché, de sorte que ces dividendes ne soient pas soumis à une double imposition. Le droit à l'avoir fiscal n'est nullement subordonné à une durée minimum de détention des titres avant ou après la mise en paiement des dividendes auxquels il est attaché. Par suite, dès lors qu'une société a effectivement la qualité d'actionnaire, les dividendes qu'elle perçoit à raison des titres qu'elle détient ouvrent droit à son profit au bénéfice de l'avoir fiscal qui y est attaché.

3. D'une part, l'avoir fiscal, s'il constitue un élément du bénéfice de l'actionnaire, est essentiellement, aux termes mêmes des articles 158 bis et 209 bis du code général des impôts, un moyen de paiement de l'impôt dû par ce dernier au titre des résultats d'ensemble d'une année donnée. Si ces articles excluent, s'agissant des personnes morales, qu'il puisse être restitué par l'administration, en particulier dans l'hypothèse où l'avoir fiscal excède l'impôt dû, ainsi qu'en présence de résultats déficitaires, ils ne font pas obstacle à ce que l'avoir fiscal s'impute intégralement sur une cotisation d'impôt sur les sociétés dont le montant aurait été minoré par l'intégration, dans les résultats de la personne morale, lesquels comprennent les dividendes qui ouvrent droit à l'avoir fiscal, de pertes pouvant d'ailleurs provenir, le cas échéant, d'une moins-value réalisée à l'occasion de la vente des titres de la société ayant versé les dividendes. Le bénéfice de l'avoir fiscal n'est donc pas subordonné à une double imposition effective des dividendes auxquels cet avoir est attaché. D'autre part, le fait qu'une prise de participation dans le capital d'une société présente un faible risque économique compte tenu du contexte ou des circonstances dans lesquelles cette opération intervient, n'a pas pour effet en lui-même de supprimer le risque inhérent à la qualité d'actionnaire quel qu'il soit. Ce risque existe quand bien même la société en question est contrôlée ou dirigée par une personne physique ou morale qui contrôle et dirige par ailleurs plusieurs sociétés. Enfin, le fait de vouloir mettre un terme à l'activité d'une société n'est pas de nature à priver cette société, le temps des opérations de dissolution, de l'intention des associés de s'associer qui caractérise le contrat de société en vertu de l'article 1832 du code civil, ni à faire perdre aux actionnaires leur qualité d'associé. Il suit de là que la cour administrative d'appel de Paris n'a commis ni erreur de droit, ni erreur de qualification juridique des faits en jugeant que le ministre, faute d'avoir prouvé que les opérations litigieuses auraient présenté un caractère artificiel ou que la société n'aurait pas, en l'absence de risque inhérent à la qualité d'actionnaire, acquis cette qualité, n'avait pas établi que ces opérations procédaient de la recherche par le contribuable du bénéfice d'une application littérale de l'article 158 bis du code général des impôts relatif à l'avoir fiscal à l'encontre des objectifs poursuivis par ses auteurs.

Sur l'application du régime fiscal des sociétés mères :

4. D'une part, aux termes de l'article 145 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions litigieuses : " 1. Le régime fiscal des sociétés mères, tel qu'il est défini aux articles 146 et 216, est applicable aux sociétés et autres organismes soumis à l'impôt sur les sociétés au taux normal qui détiennent des participations satisfaisant aux conditions ci-après : a. les titres de participation doivent revêtir la forme nominative ou être déposés dans un établissement désigné par l'administration ; b. les titres de participation doivent représenter au moins 5 % du capital de la société émettrice (...) ; c. les titres de participation doivent avoir été souscrits à l'émission. A défaut, la personne morale participante doit avoir pris l'engagement de les conserver pendant un délai de deux ans. (...). ". Aux termes de l'article 216 du même code : " I. Les produits nets des participations, ouvrant droit à l'application du régime fiscal des sociétés mères et visées à l'article 145, touchés au cours d'un exercice par une société mère, peuvent être retranchés du bénéfice net total de celle-ci, défalcation faite d'une quote-part de frais et charges (...) ". Aux termes du I de l'article 219 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " (...) a ter. Le régime des plus-values et moins-values à long terme cesse de s'appliquer au résultat de la cession de titres du portefeuille réalisée au cours d'un exercice ouvert à compter du 1er janvier 1994 à l'exclusion des parts ou actions de sociétés revêtant le caractère de titres de participation (...). Pour les exercices ouverts à compter de la même date, le régime des plus ou moins-values à long terme cesse également de s'appliquer en ce qui concerne les titres de sociétés dont l'actif est constitué principalement par des titres exclus de ce régime ou dont l'activité consiste de manière prépondérante en la gestion des mêmes valeurs pour leur propre compte. Pour l'application des premier et deuxième alinéas, constituent des titres de participation les parts ou actions de sociétés revêtant ce caractère sur le plan comptable. Il en va de même (...) des titres ouvrant droit au régime fiscal des sociétés mères, (...) si ces (...) titres sont inscrits en comptabilité au compte de titres de participation ou à une subdivision spéciale d'un autre compte du bilan correspondant à leur qualification comptable (...) ".

5. D'autre part, aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : " Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : (...) b) (...) qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus ; (...) L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. En cas de désaccord sur les redressements notifiés sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité dont les avis rendus feront l'objet d'un rapport annuel. Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé du redressement. " Il résulte de ces dispositions que, lorsque l'administration use de la faculté qu'elles lui confèrent dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors que ces actes ont un caractère fictif, ou, que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles.

6. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Fuscoc a acquis, le 14 décembre 2000, la moitié des titres composant le capital de la société Lepma BV, société de droit néerlandais, auprès de la société Rabobank pour un montant de 56 331 915 francs, soit 8 587 745 euros. L'autre moitié du capital a été achetée le même jour par la société Urab. Au cours de son exercice clos le 31 décembre 2000, la société Fuscoc a perçu de la société Lepma BV des dividendes à hauteur de 56 555 458 francs, soit 8 621 824 euros. Au titre du même exercice, la société Fuscoc a, d'une part, constitué une provision pour dépréciation des titres de la société Lepma BV d'un montant de 56 279 295 francs, soit 8 579 722 euros et, d'autre part, opté pour le régime d'exonération des dividendes perçus par les sociétés mères prévu aux articles 145 et 216 précités du code général des impôts. Cette provision a été portée à 8 580 717 euros à la clôture de l'exercice suivant, le 31 décembre 2001. La société Fuscoc a pris l'engagement de conserver la pleine propriété des titres acquis pour une durée d'au moins deux ans, conformément aux dispositions de l'article 54 de l'annexe II au même code, mais les a revendus dès l'expiration de ce délai. Ces opérations ont ainsi dégagé pour la société Fuscoc, à la clôture de l'exercice 2001, un déficit fiscal reportable sur les deux exercices suivants, d'un montant de 55 334 385 francs, soit 8 435 671 euros.

7. Il résulte de l'ensemble des travaux préparatoires du régime fiscal des sociétés mères, en particulier des travaux préparatoires de l'article 27 de la loi du 31 juillet 1920 portant fixation du budget général de l'exercice 1920, de l'article 53 de la loi du 31 décembre 1936 portant réforme fiscale, de l'article 45 de la loi du 14 avril 1952 portant loi de finances pour 1952, des articles 20 et 21 de la loi du 12 juillet 1965 modifiant l'imposition des entreprises et des revenus de capitaux mobiliers et de l'article 9 de la loi de finances pour 2001, ainsi que de la circonstance que le bénéfice de ce régime fiscal a toujours été subordonné à une condition de détention des titres depuis l'origine ou de durée minimale de détention, et, depuis 1936, à une condition de seuil de participation minimale dans le capital des sociétés émettrices, que le législateur, en cherchant à supprimer ou à limiter la succession d'impositions susceptibles de frapper les produits que les sociétés mères perçoivent de leurs participations dans des sociétés filles et ceux qu'elles redistribuent à leurs propres actionnaires, a eu comme objectif de favoriser l'implication de sociétés mères dans le développement économique de sociétés filles pour les besoins de la structuration et du renforcement de l'économie française. Le fait d'acquérir une société ayant cessé son activité initiale et liquidé ses actifs dans le but d'en récupérer les liquidités par le versement de dividendes exonérés d'impôt sur les sociétés en application du régime de faveur des sociétés mères, avant de la revendre à son propriétaire sans prendre aucune mesure de nature à lui permettre de reprendre et développer son ancienne activité ou d'en trouver une nouvelle, va à l'encontre de cet objectif.

8. Pour juger que l'opération décrite ci-dessus ne constituait pas un abus de droit au sens des dispositions de l'article L. 64 précité du livre des procédures fiscales, la cour administrative d'appel de Paris a relevé, en premier lieu, que la société Fuscoc, ainsi que la société Lepma BV, existaient avant l'opération de distribution des dividendes et la constitution de la provision mentionnée ci-dessus et que l'avantage fiscal litigieux n'avait pas été obtenu par l'interposition d'une société spécialement créée à cet effet, puis, en second lieu, que l'opération en cause n'avait pas méconnu les objectifs de l'article 216 du code général des impôts, qui a institué le régime fiscal des sociétés mères dans le but d'éliminer la double imposition des dividendes. En statuant ainsi, la cour a méconnu les objectifs de ce régime et commis une erreur de droit. En en déduisant que les opérations litigieuses n'étaient pas constitutives d'un abus de droit, elle a entaché son arrêt d'une erreur de qualification juridique des faits. Par suite, le ministre est fondé à demander l'annulation, dans cette mesure, de l'arrêt attaqué rejetant son appel contre le jugement du 21 mai 2010 du tribunal administratif de Paris en tant que celui-ci a prononcé la décharge de la cotisation d'impôt sur les sociétés, de la contribution additionnelle sur cet impôt ainsi que des pénalités correspondantes auxquelles la société Bellaby, venant aux droits de la société Fuscoc, a été assujettie au titre des exercices clos le 31 décembre 2000, le 31 décembre 2001 et le 31 juillet 2003 en raison de la remise en cause de l'application du régime fiscal des sociétés mères.

9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond.

10. Il résulte de l'instruction que la société Lepma BV, dont la société Fuscoc a acquis la moitié des titres en décembre 2000, était dépourvue de moyens matériels et humains et que ses actifs étaient constitués uniquement de liquidités. Si la distribution, à laquelle cette société a procédé au profit de la société Fuscoc dans les jours qui ont suivi son acquisition, a procuré à la société Fuscoc un gain de trésorerie minime, elle a eu pour effet d'empêcher la société Lepma BV, par les moyens dont elle l'a privée, de développer son activité. Si la société Fuscoc remplissait les conditions légales pour bénéficier du régime fiscal des sociétés mères prévu par les articles 145 et 216 du code général des impôts alors applicables, si elle a pris l'engagement de conserver les titres pendant deux ans et si l'opération litigieuse n'a pas été rendue possible par l'interposition d'une société spécialement créée à cette fin, il résulte des circonstances rappelées ci-dessus que la société Fuscoc n'a pris aucune mesure de nature à favoriser le développement de la société dont elle venait d'acquérir la moitié des parts et ne s'est pas comportée à son égard comme une société mère. L'opération litigieuse a en revanche, grâce à la déduction immédiate d'une provision correspondant à la dépréciation des titres et à l'exonération d'impôt dont bénéficiaient, à l'exception d'une quote-part, les dividendes reçus de la société fille en application du régime fiscal des sociétés mères, permis à la société Fuscoc de dégager un important déficit fiscal imputable sur ses autres bénéfices et reportable au cours des deux exercices suivants. Il suit de là que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a jugé que l'administration n'apportait pas la preuve, qui lui incombait, de ce que l'opération litigieuse avait été inspirée par un but exclusivement fiscal et avait méconnu les objectifs poursuivis par le législateur quand il a institué le régime fiscal des sociétés mères, et de ce qu'elle constituait ainsi un abus de droit.

11. Il appartient toutefois au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés devant le tribunal administratif par la société Bellaby, venant aux droits de la société Fuscoc.

12. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : " 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l'intéressé est établie ou de 80 % s'il s'est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses ou d'abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ". Si la société requérante soutient que la pénalité pour abus de droit qui lui a été infligée n'entrait pas dans le champ d'application de l'article 1729 du code général des impôts dès lors que la contestation, par l'administration, de l'utilisation de l'avoir fiscal comme moyen de paiement de l'impôt dû ne relève pas des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales alors applicable, il est constant que l'administration n'a pas contesté, concernant les pénalités restant en litige, l'utilisation d'avoirs fiscaux, mais la minoration d'assiette qu'a provoquée le recours simultané au régime fiscal des sociétés mères permettant d'exonérer d'impôt sur les sociétés les produits des participations que la société avait reçus de ses sociétés filles et à la déduction immédiate de la provision correspondant à la dépréciation corrélative des titres. Le moyen ne peut donc qu'être écarté.

13. Eu égard aux objectifs de prévention et de répression de la fraude et de l'évasion fiscales auxquels répondent les pénalités fiscales, le principe de personnalité des peines ne fait pas obstacle à ce que, à l'occasion d'une opération de fusion ou de scission, ces sanctions pécuniaires soient mises, compte tenu de la transmission universelle du patrimoine, à la charge de la société absorbante, d'une nouvelle société créée pour réaliser la fusion ou de sociétés issues de la scission, à raison des manquements commis, avant cette opération, par la société absorbée ou fusionnée ou par la société scindée. La société Bellaby, qui est venue aux droits de la société Fuscoc, ne peut donc soutenir que la pénalité de 80 % qui lui a été infligée en application de l'article 1729 précité ne saurait lui être réclamée faute pour elle d'avoir commis les faits reprochés.

14. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie et des finances est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a déchargé la société Bellaby, venant aux droits de la société Fuscoc, de la cotisation d'impôt sur les sociétés, de la contribution additionnelle sur cet impôt ainsi que des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos le 31 décembre 2000, le 31 décembre 2001 et le 31 juillet 2003 en raison de la remise en cause de l'application du régime fiscal des sociétés mères.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 30 mars 2012 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé en tant qu'il a rejeté l'appel formé par le ministre de l'économie et des finances contre le jugement du 21 mai 2010 du tribunal administratif de Paris en tant que celui-ci a accordé à la société Bellaby, venant aux droits de la société Fuscoc, la décharge de la cotisation d'impôt sur les sociétés, de la contribution additionnelle sur cet impôt ainsi que des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos le 31 décembre 2000, le 31 décembre 2001 et le 31 juillet 2003 en raison de la remise en cause de l'application du régime fiscal des sociétés mères.

Article 2 : La cotisation d'impôt sur les sociétés, de contribution additionnelle sur cet impôt ainsi que les pénalités correspondantes auxquelles la société Bellaby, venant aux droits de la société Fuscoc, a été assujettie au titre des exercices clos le 31 décembre 2000, le 31 décembre 2001 et le 31 juillet 2003, en raison de la remise en cause de l'application du régime fiscal des sociétés mères, sont remises à la charge de la société Garnier Choiseul Holding, venant aux droits de la société Bellaby.

Article 3 : Le jugement du 21 mai 2010 du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi et de la requête d'appel du ministre de l'économie et des finances, ainsi que le surplus de la demande présentée par la société Bellaby, venant aux droits de la société Fuscoc, devant le tribunal administratif de Paris, sont rejetés.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au ministre des finances et des comptes publics et à la société Garnier Choiseul Holding.


Synthèse
Formation : 9ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 359913
Date de la décision : 09/04/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 09 avr. 2014, n° 359913
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Maïlys Lange
Rapporteur public ?: M. Frédéric Aladjidi

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:359913.20140409
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