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21/10/2013 | FRANCE | N°370555

France | France, Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 21 octobre 2013, 370555


Vu la requête enregistrée le 26 juillet 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le Front national, représenté par sa présidente Mme B...A..., demeurant au... ; le Front national demande au Conseil d'Etat :

- d'annuler pour excès de pouvoir l'annexe I du décret 2013-430 du 27 mai 2013 pris pour l'application des articles 9 et 9-1 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 modifiée relative à la transparence financière de la vie politique ;

- d'annuler la diminution de 1,5679 % ou 86 979 euros de la première fraction qui a été attribuée au Fro

nt national en application des articles 8 et 9 de la loi du 11 mars 1988 par ...

Vu la requête enregistrée le 26 juillet 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le Front national, représenté par sa présidente Mme B...A..., demeurant au... ; le Front national demande au Conseil d'Etat :

- d'annuler pour excès de pouvoir l'annexe I du décret 2013-430 du 27 mai 2013 pris pour l'application des articles 9 et 9-1 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 modifiée relative à la transparence financière de la vie politique ;

- d'annuler la diminution de 1,5679 % ou 86 979 euros de la première fraction qui a été attribuée au Front national en application des articles 8 et 9 de la loi du 11 mars 1988 par l'annexe 1 du décret n° 2013-430 du 27 mai 2013 ;

- de fixer le montant de la première fraction du financement public attribuée pour 2013 au Front National à 5 541 367 euros (cinq millions cinq cent quarante sept mille trois cent soixante-sept euros) ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment ses articles 1er, 4 et 61-1 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 ;

Vu les décisions du Conseil constitutionnel n° 2000-429 DC du 30 mai 2000 et n° 2010-618 DC du 9 décembre 2010 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jacques Reiller, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Delphine Hedary, rapporteur public ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article 9 de la loi du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique, la première fraction du montant des aides destinées au financement des partis et groupements politiques est attribuée " aux partis et groupements politiques qui ont présenté lors du plus récent renouvellement de l'Assemblée nationale des candidats ayant obtenu chacun au moins 1 % des suffrages exprimés dans au moins cinquante circonscriptions " ; qu'en vue de la répartition de ce financement " les candidats à l'élection des députés indiquent, s'il y a lieu, dans leur déclaration de candidature, le parti ou groupement politique auquel ils se rattachent " ;

2. Considérant qu'en vertu de l'article 9-1 de la même loi le montant de cette aide est réduit si l'écart entre le nombre de candidats de chaque sexe ayant déclaré se rattacher à un parti dépasse 2% ;

3. Considérant que, en application de ces dispositions, l'annexe I du décret du 27 mai 2013 répartit le montant de la première fraction de l'aide publique aux partis et groupements politiques pour 2013 et a ramené la part du Front national de 5 547 367 euros (cinq millions cinq cent quarante sept mille trois cent soixante-sept euros) à 5 460 388,32 euros (cinq millions quatre cent soixante mille trois cent quatre-vingt huit euros trente-deux centimes) en application du mécanisme prévu à l'article 9-1 de la loi ;

4. Considérant que pour la détermination du rattachement d'un candidat à un parti ou à un groupement, les auteurs du décret qui procèdent à la répartition des fonds ne peuvent tenir compte que de la déclaration de candidature telle qu'elle a été déposée, à l'exclusion de tout autre document et sans qu'il soit possible de la modifier ; que, toutefois, cette détermination n'étant opérée qu'afin, comme le prévoit la loi, que les partis et groupements soient financés sur la base du nombre de candidats qu'ils ont présentés, elle ne fait pas obstacle à ce qu'un parti ou groupement établisse au moyen de tous éléments, y compris produits devant le juge, qu'un candidat qui se prévaut de son investiture n'était pas, avant l'élection, au nombre de ceux qu'il entendait effectivement présenter ;

5. Considérant qu'à l'appui de sa requête tendant à l'annulation de l'annexe I du décret du 27 mai 2013, le Front national soulève la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles 9 et 9-1 de la loi du 11 mars 1988 ;

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

6. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

7. Considérant que le Front national soutient qu'en prévoyant aux articles 9 et 9-1 de la loi du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique un dispositif modulant l'aide publique allouée aux partis et groupements politiques pour les inciter à mettre en oeuvre le principe de parité dans les mandats électoraux, le législateur a méconnu tant l'article 1er de la Constitution en vertu duquel la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux que son article 4 en vertu duquel la loi garantit l'expression pluraliste des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation, faute que les partis et groupements politiques puissent s'opposer à la prise en compte d'une déclaration de candidature énonçant un rattachement sans qu'ils aient décidé de présenter le candidat correspondant ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la loi ne fait pas obstacle à ce que les partis et groupements politiques concernés établissent au moyen de tous éléments, y compris produits devant le juge, qu'un candidat qui se prévaut de son investiture n'était pas, avant l'élection, au nombre de ceux qu'il entendait effectivement présenter ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

8. Considérant qu'en l'état de l'instruction, il ne peut être établi que le Front national a fait connaître, avant les élections concernées, qu'il entendait ne pas regarder comme présenté par lui le candidat dont il conteste le rattachement ; qu'il y a lieu d'inviter en conséquence les parties, avant dire droit sur la requête présentée par le Front national, tous droits et moyens réservés, à verser au dossier de l'instruction contradictoire, dans un délai d'un mois, tous éléments de nature à permettre d'établir ce fait ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par le Front national.

Article 2 : Avant de statuer sur les conclusions de la requête du Front national, tous droits et moyens réservés, il sera procédé à un supplément d'instruction tendant à la production des éléments mentionnés dans les motifs de la présente décision.

Article 3 : Ces éléments devront parvenir au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au Front national, au ministre de l'intérieur et au Premier ministre.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel.


Synthèse
Formation : 10ème et 9ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 370555
Date de la décision : 21/10/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

10-04-01 ASSOCIATIONS ET FONDATIONS. PARTIS ET GROUPEMENTS POLITIQUES. FINANCEMENT PUBLIC DES PARTIS POLITIQUES. - DÉCRET PROCÉDANT À LA RÉPARTITION DE LA PREMIÈRE FRACTION DE L'AIDE PUBLIQUE - DÉTERMINATION DU RATTACHEMENT D'UN CANDIDAT À UN PARTI OU À UN GROUPEMENT POLITIQUE - CRITÈRE - DÉCLARATION DE CANDIDATURE TELLE QU'ELLE A ÉTÉ DÉPOSÉE - EXISTENCE [RJ1] - LIMITE - FACULTÉ D'UN PARTI OU GROUPEMENT D'ÉTABLIR QU'UN CANDIDAT SE PRÉVALANT DE SON INVESTITURE N'ÉTAIT PAS, AVANT L'ÉLECTION, AU NOMBRE DE CEUX QU'IL ENTENDAIT EFFECTIVEMENT PRÉSENTER - EXISTENCE.

10-04-01 Pour la détermination du rattachement d'un candidat à un parti ou à un groupement, les auteurs du décret qui procèdent à la répartition du montant de la première fraction des aides publiques destinées au financement des partis et groupements politiques ne peuvent tenir compte que de la déclaration de candidature telle qu'elle a été déposée, à l'exclusion de tout autre document et sans qu'il soit possible de la modifier. Toutefois, cette détermination n'étant opérée qu'afin, comme le prévoit la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique, que les partis et groupement soient financés sur la base du nombre de candidats qu'ils ont présentés, elle ne fait pas obstacle à ce qu'un parti ou groupement établisse au moyen de tous éléments, y compris produits devant le juge, qu'un candidat qui se prévaut de son investiture n'était pas, avant l'élection, au nombre de ceux qu'il entendait effectivement présenter.


Références :

[RJ1]

Rappr. CE, 22 mars 1999, Groupement des élus de l'U.D.F., n° 196807, p. 78.


Publications
Proposition de citation : CE, 21 oct. 2013, n° 370555
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jacques Reiller
Rapporteur public ?: Mme Delphine Hedary

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:370555.20131021
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