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24/06/2013 | FRANCE | N°363544

France | France, Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 24 juin 2013, 363544


Vu la requête, enregistrée le 25 octobre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la Chambre des indépendants du patrimoine, dont le siège social est 52 rue de Ponthieu à Paris (75008), représentée par son président ; la Chambre des indépendants du patrimoine demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite résultant du silence gardé par le ministre de l'économie et des finances sur sa demande en date du 4 juillet 2012 tendant à l'abrogation du décret n° 2012-101 du 26 janvier 2012 relatif aux interméd

iaires en opérations de banque et en services de paiements ;

2°) d'enjoind...

Vu la requête, enregistrée le 25 octobre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la Chambre des indépendants du patrimoine, dont le siège social est 52 rue de Ponthieu à Paris (75008), représentée par son président ; la Chambre des indépendants du patrimoine demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite résultant du silence gardé par le ministre de l'économie et des finances sur sa demande en date du 4 juillet 2012 tendant à l'abrogation du décret n° 2012-101 du 26 janvier 2012 relatif aux intermédiaires en opérations de banque et en services de paiements ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'économie et des finances d'abroger, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, à titre principal, le décret ou, à titre subsidiaire, ses dispositions qui insèrent, dans la section III du chapitre IX du titre Ier du livre V du code monétaire et financier (partie règlementaire), la sous-section 2 " Règles supplémentaires applicables aux courtiers en opérations de banque et en services de paiement " ;

3°) d'assortir cette injonction d'une astreinte de 1 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution ;

Vu le code monétaire et financier ;

Vu le décret n° 2012-101 du 26 janvier 2012 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Maïlys Lange, Auditeur,

- les conclusions de Mme Claire Legras, rapporteur public ;

1. Considérant que les conclusions de la Chambre des indépendants du patrimoine doivent être regardées comme tendant à l'annulation de la décision implicite de refus du ministre de l'économie et des finances d'abroger la sous-section 2 de la section III du chapitre IX du titre Ier du livre V de la partie règlementaire du code monétaire et financier, introduite par le décret du 26 janvier 2012 relatif aux intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 519-1 du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur à la date de la demande de la Chambre des indépendants du patrimoine : " I. L'intermédiation en opérations de banque et en services de paiement est l'activité qui consiste à présenter, proposer ou aider à la conclusion des opérations de banque ou des services de paiement ou à effectuer tous travaux et conseils préparatoires à leur réalisation. / Est intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement toute personne qui exerce, à titre habituel, contre une rémunération ou toute autre forme d'avantage économique, l'intermédiation en opérations de banque et en services de paiement, sans se porter ducroire. / (...) / III. Un décret en Conseil d'Etat (...) détermine les catégories de personnes habilitées à exercer une activité d'intermédiation en opérations de banque et en services de paiement. / Il distingue notamment ces personnes selon la nature des mandats en vertu desquels elles agissent et, notamment, si elles sont soumises ou pas à une obligation contractuelle de travailler exclusivement pour un établissement de crédit ou un établissement de paiement et selon qu'elles sont en mesure ou pas de se fonder sur une analyse objective du marché. " ; que l'article R. 519-4 du même code, issu du décret du 26 janvier 2012 relatif aux intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement, détermine quatre catégories d'intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement, parmi lesquelles les courtiers en opérations de banque et en services de paiement, qui se distinguent des mandataires, exclusifs ou non exclusifs, en ce qu'ils exercent l'intermédiation en vertu d'un mandat du client, à l'exclusion de tout mandat d'un établissement de crédit ou d'un établissement de paiement ;

3. Considérant que, selon l'article L. 519-4-1 du code monétaire et financier : " Les intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement sont tenus au respect de règles de bonne conduite fixées par décret en Conseil d'Etat en fonction de la nature de l'activité qu'ils exercent. Ces règles prévoient notamment les obligations à l'égard de leurs clients pour leur bonne information et le respect de leurs intérêts. " ; que, pour l'application de ces dispositions, le décret du 26 janvier 2012 a inséré dans le chapitre IX du titre Ier du livre V de la partie règlementaire du code monétaire et financier une section 3 relative aux règles de bonne conduite applicables aux intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement, composée de deux sous-sections qui fixent, pour la première, des règles communes à tous les intermédiaires, et, pour la seconde, des règles supplémentaires applicables aux seuls courtiers en opérations de banque et en services de paiement et à leurs mandataires ; que ces règles supplémentaires exigent notamment des courtiers qu'ils analysent un nombre suffisant de contrats offerts pour fonder une analyse objective du marché et leur permettre de proposer à leurs clients un contrat adapté à leurs besoins, qu'ils motivent les propositions qu'ils adressent à leurs clients et qu'ils leur précisent le nom et le nombre des établissements de crédit et de paiement avec lesquels ils travaillent, ainsi que, le cas échéant, s'ils perçoivent une rémunération et s'ils détiennent une participation supérieure à 10 % des droits de vote ou du capital de l'établissement de crédit ou de paiement dont ils proposent le produit au client ;

Sur la légalité externe du décret du 26 janvier 2012 :

4. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées du III de l'article L. 519-1 et de l'article L. 519-4-1 du code monétaire et financier que le législateur a habilité le pouvoir règlementaire à fixer des règles de bonne conduite pour les intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement modulées en fonction de la nature de l'activité qu'ils exercent, laquelle est notamment déterminée par les mandats en vertu desquels ils agissent ; que, par suite, en fixant des obligations spécifiques pour les courtiers en opérations de banque et en services de paiement, qui sont conduits, du fait du mandat qui leur est donné par le client, à se fonder sur une analyse objective du marché, le pouvoir règlementaire n'a pas excédé l'habilitation législative qui lui a été donnée ; qu'en particulier, en exigeant des courtiers en opérations de banque et en services de paiement la transparence sur l'éventuelle rémunération qu'ils perçoivent des établissements de crédit ou de paiement avec lesquels ils travaillent et la motivation des propositions qu'ils font à leurs clients, le pouvoir règlementaire s'est borné à décliner en règles de conduite spécifiques aux courtiers les obligations générales, communes à tous les intermédiaires et déterminées par la loi, de bonne information du client et de respect de ses intérêts ;

Sur la légalité interne du décret du 26 janvier 2012 :

5. Considérant, en premier lieu, que si la requérante soutient que la distinction établie par le décret du 26 janvier 2012 entre les courtiers et les autres intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement méconnaît la libre concurrence, elle ne peut utilement soutenir que les dispositions critiquées conduiraient à imposer aux courtiers des handicaps concurrentiels indus, dès lors que, du fait de l'indépendance dont ils jouissent à l'égard des établissements de crédit ou de paiement dont ils proposent les produits, les courtiers en opérations de banque et en services de paiement ne rendent pas à leurs clients des prestations de services substituables à celles dont ceux-ci bénéficieraient en s'adressant à un intermédiaire mandaté par un ou plusieurs établissements financiers ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir règlementaire règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des différences de situation susceptibles de la justifier ;

7. Considérant que l'indépendance des courtiers à l'égard des établissements dont ils proposent les produits, ainsi que la nature particulière des contrats qu'ils concluent avec leurs clients, les placent dans une situation différente des autres intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement, que ceux-ci soient liés par un rapport d'exclusivité avec un établissement particulier ou non ; qu'en imposant aux courtiers des obligations spécifiques d'analyse comparative et objective du marché, de motivation des propositions faites aux clients et de transparence sur les rémunérations qu'ils perçoivent, le décret du 26 janvier 2012 ne méconnaît pas le principe d'égalité devant la loi, dès lors qu'il impose aux courtiers des obligations spécifiques en rapport direct avec l'objectif poursuivi, qui est de garantir à leurs mandants, acquéreurs de produits financiers, la protection dont ils doivent bénéficier dans leurs rapports avec les professionnels, et qu'il n'en résulte pas une différence de traitement manifestement disproportionnée au regard des différences de situation entre les différents intermédiaires ;

8. Considérant, en troisième lieu, que, contrairement à ce que soutient la requérante, les obligations imposées aux courtiers par le décret attaqué ne sauraient être regardées comme manifestement disproportionnées au regard de l'objectif rappelé ci-dessus ;

9. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article R. 519-28 du code monétaire et financier, les courtiers en opérations de banque et en services de paiement " sont tenus d'analyser un nombre suffisant de contrats offerts pour pouvoir fonder une analyse objective du marché " ; que ces dispositions, qui visent à laisser aux acteurs du secteur la marge d'appréciation nécessaire à une application pertinente, en fonction de la situation et des besoins du client, de la règle de bonne conduite qu'elles fixent, ne sauraient être regardées comme insuffisamment précises ; que, par ailleurs, le champ d'application des dispositions du 3° de l'article R. 519-20, qui régit le cas des intermédiaires relevant des 1° et 3° du I de l'article R. 519-4, ne souffre d'aucune difficulté d'interprétation ; qu'enfin, contrairement à ce qui est soutenu, les dispositions des articles R. 519-21 et R. 519-28, celles des articles R. 519-26 et R. 519-30 et celles des articles R. 519-23 et R. 519-31 du code monétaire et financier ne sont, en tout état de cause, ni redondantes ni contraires à l'exigence de clarté ; que, dès lors , le moyen tiré de la méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la norme doit être écarté ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la Chambre des indépendants du patrimoine n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision implicite de refus du ministre de l'économie et des finances d'abroger le décret du 26 janvier 2012 relatif aux intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la Chambre des indépendants du patrimoine est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Chambre des indépendants du patrimoine et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 9ème et 10ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 363544
Date de la décision : 24/06/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 24 jui. 2013, n° 363544
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Maïlys Lange
Rapporteur public ?: Mme Claire Legras

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:363544.20130624
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