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17/05/2013 | FRANCE | N°358027

France | France, Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 17 mai 2013, 358027


Vu la requête, enregistrée le 28 mars 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la Fédération française des industries d'aliments conservés, ayant son siège 44, rue d'Alésia à Paris (75014) ; la fédération demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2012-129 du 30 janvier 2012 relatif à la mise sur le marché des truffes et des denrées alimentaires en contenant ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu

les autres pièces du dossier ;

Vu le règlement (CE) n° 764/2008 du Parlement européen e...

Vu la requête, enregistrée le 28 mars 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la Fédération française des industries d'aliments conservés, ayant son siège 44, rue d'Alésia à Paris (75014) ; la fédération demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2012-129 du 30 janvier 2012 relatif à la mise sur le marché des truffes et des denrées alimentaires en contenant ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le règlement (CE) n° 764/2008 du Parlement européen et du Conseil du 9 juillet 2008 ;

Vu la directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 juin 1998 modifiée prévoyant une procédure d'information dans le domaine des normes et réglementations techniques ;

Vu le code de la consommation ;

Vu la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010, notamment son article 4 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Maïlys Lange, Auditeur,

- les conclusions de Mme Claire Legras, rapporteur public ;

1. Considérant que l'article 4 de la loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l'agriculture et de la pêche a introduit dans le code de la consommation l'article L. 112-7-1, qui régit l'utilisation des mentions " truffé " et " au jus de truffe " ou " aromatisé au jus de truffe " pour la dénomination de denrées alimentaires ; que cet article, d'une part, réserve ces dénominations aux denrées contenant respectivement un minimum de 3 % de truffe ou de jus de truffe, d'autre part, interdit le mélange d'espèces de truffe pour leur élaboration et, enfin, prescrit l'indication, dans la dénomination du produit, du nom usuel de l'espèce de truffe ou des éventuels arômes entrant dans sa composition ; qu'il renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de déterminer ses modalités d'application, notamment les espèces de truffes permettant l'obtention des dénominations " truffé " et " au jus de truffe " ou " aromatisé au jus de truffe " ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'en vertu du premier alinéa du 1 de l'article 8 de la directive du 22 juin 1998 prévoyant une procédure d'information dans le domaine des normes et réglementations techniques, les Etats membres doivent communiquer à la Commission tout projet de règle technique au sens de cette directive, sous réserve des exceptions prévues par son article 10 ou " s'il s'agit d'une simple transposition d'une norme internationale ou européenne, auquel cas une simple information quant à la norme concernée suffit " ; qu'aux termes du deuxième alinéa du même texte, ils " communiquent en même temps le texte des dispositions législatives et règlementaires de base principalement et directement concernées, si la connaissance de ce texte est nécessaire pour l'appréciation de la portée du projet de règle technique " ;

3. Considérant qu'il est constant que les dispositions de l'article L. 112-7-1 du code de la consommation, qui constituent la base légale du décret du 30 janvier 2012 dont la Fédération française des industries d'aliments conservés demande l'annulation, n'ont pas été communiquées à la Commission européenne préalablement à l'adoption de l'article 4 de la loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l'agriculture et de la pêche ; qu'en revanche, les dispositions du décret lui-même ont fait l'objet d'une telle communication ; que le texte du projet était accompagné de celui de l'article L. 112-7-1 du code de la consommation ; qu'ainsi, à la date prévue pour l'entrée en vigueur du décret, l'ensemble des règles techniques relatives à la mise sur le marché des truffes avait été communiqué à la Commission, conformément à l'exigence résultant de l'article 8 de la directive du 22 juin 1998 ; qu'il suit de là que la fédération requérante n'est pas fondée à soutenir que l'application des dispositions de l'article L. 112-7-1 du code de la consommation devrait être écartée comme contraires à cette directive ; que le défaut de communication de ces dispositions préalablement à l'adoption de l'article 4 de la loi du 27 juillet 2010 est, par ailleurs, sans incidence sur la régularité de la procédure d'adoption de son décret d'application ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que l'article 6 du décret attaqué réserve la mention " truffé " aux denrées alimentaires contenant des truffes des espèces Tuber melanosporum, Tuber brumale et Tuber magnatum et les mentions " au jus de truffe " ou " aromatisé au jus de truffe " aux denrées alimentaires contenant du jus de truffe des espèces Tuber melanosporum et Tuber brumale ; qu'aux termes de son dernier alinéa, " toute mention faisant référence à la truffe autre que les mentions indiquées ci-dessus est suivie du nom usuel de l'espèce ou des espèces utilisées et du pourcentage de truffe présent dans la denrée, qui doit être supérieur à 1%. " ;

5. Considérant, d'une part, que si les denrées alimentaires contenant un minimum de 3 % de truffes de l'espèce Tuber magnatum peuvent prétendre à la dénomination " truffé ", alors que les denrées dites " au jus de truffe " ou " aromatisées au jus de truffe " ne peuvent contenir cette variété de truffes, la distinction ainsi établie par le décret attaqué, qui concerne la composition de deux produits différents, n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des objectifs d'information et de protection du consommateur et de promotion des variétés nobles de truffe qu'il poursuit ; que, si la fédération requérante soutient que les usages de la profession, dont se prévaut le ministre, interdisent l'utilisation de l'espèce Tuber magnatum et auraient ainsi été méconnus par les dispositions critiquées, il ressort des pièces du dossier que les décisions du Centre technique de conservation des produits agricoles dont elle fait état concernent uniquement les conserves de jus de truffe, pour lesquelles cette utilisation est effectivement interdite par le décret attaqué, et non les produits " truffés ", pour lesquels elle est permise ;

6. Considérant, d'autre part, que si le dernier alinéa de l'article 6 du décret permet implicitement d'utiliser toutes les espèces de truffes et de les mélanger, en cas d'emploi, à propos d'une denrée alimentaire, d'une mention faisant référence à la truffe autre que les dénominations " truffé ", " au jus de truffe " et " aromatisé au jus de truffe ", le choix auquel le décret a ainsi procédé n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation, eu égard à la hiérarchie établie par la loi entre les différentes mentions pouvant faire état de la présence de truffes ou de produits dérivés des truffes dans les denrées alimentaires ;

7. Considérant, en dernier lieu, que l'article 8 du décret attaqué exclut de son champ d'application les produits légalement fabriqués ou commercialisés dans un autre Etat membre de l'Union européenne ou en Turquie, ou légalement fabriqués dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen et prévoit, sans préjudice de l'application du règlement du 9 juillet 2008 établissant les procédures relatives à l'application de certaines règles techniques nationales à des produits commercialisés légalement dans un autre Etat membre, que ces produits peuvent être importés et commercialisés en France avec l'une des mentions prévues au décret ou des mentions analogues ;

8. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que les autorités compétentes conservent la possibilité de mettre en oeuvre la procédure définie par le règlement du 9 juillet 2008, afin d'imposer, au cas par cas et en l'absence d'exigence équivalente dans l'Etat de fabrication du produit importé, le respect des règles techniques définies par le décret attaqué à des opérateurs économiques souhaitant importer et commercialiser en France des denrées alimentaires avec une mention faisant état de la présence de truffes ou de produits dérivés des truffes ; que, par suite, le décret attaqué ne crée pas de rupture d'égalité entre les marchandises produites sur le territoire national et les marchandises importées, alors même que ces dernières ne sont pas, en vertu du principe de reconnaissance mutuelle, soumises à ses exigences ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la Fédération française des industries d'aliments conservés n'est pas fondée à demander l'annulation du décret attaqué ; que ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la Fédération française des industries d'aliments conservés est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Fédération française des industries d'aliments conservés, au ministre de l'économie et des finances, au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 9ème et 10ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 358027
Date de la décision : 17/05/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - FORME ET PROCÉDURE - OBLIGATION DE COMMUNICATION À LA COMMISSION EUROPÉENNE - PRÉALABLEMENT À LEUR ADOPTION - DES DISPOSITIONS ÉDICTANT DES NORMES TECHNIQUES (ART - 8 DE LA DIRECTIVE 98/34/CE DU 22 JUIN 1998) - DISPOSITIONS LÉGISLATIVES COMPORTANT DES NORMES TECHNIQUES N'AYANT PAS ÉTÉ COMMUNIQUÉES À LA COMMISSION PRÉALABLEMENT À LEUR ADOPTION - DISPOSITIONS RÉGLEMENTAIRES D'APPLICATION COMMUNIQUÉES PRÉALABLEMENT À LEUR ADOPTION - ET ACCOMPAGNÉES DES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES - EXIGENCE DE COMMUNICATION PRÉALABLE REMPLIE - EXISTENCE - INCIDENCE DE L'ABSENCE DE COMMUNICATION PRÉALABLE DES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES SUR LA PROCÉDURE D'ADOPTION DES DISPOSITIONS RÉGLEMENTAIRES D'APPLICATION - ABSENCE.

01-03 Hypothèse de dispositions législatives comportant des normes techniques au sens de la directive 98/34/CE du 22 juin 1998 et n'ayant pas été communiquées à la Commission préalablement à leur adoption. Lorsque des dispositions réglementaires d'application édictant elles-mêmes des normes techniques ont été communiquées à la Commission et que cette communication a été accompagnée de celle des dispositions législatives qui constituent leur base légale, l'exigence résultant de l'article 8 de la directive du 22 juin 1998 est remplie pour ces dispositions réglementaires et le défaut initial de communication des dispositions législatives est sans incidence sur la légalité de la procédure d'adoption de leurs dispositions réglementaires d'application.

COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES ET UNION EUROPÉENNE - RÈGLES APPLICABLES - LIBERTÉS DE CIRCULATION - LIBRE CIRCULATION DES MARCHANDISES - OBLIGATION DE COMMUNICATION À LA COMMISSION EUROPÉENNE - PRÉALABLEMENT À LEUR ADOPTION - DES DISPOSITIONS ÉDICTANT DES NORMES TECHNIQUES (ART - 8 DE LA DIRECTIVE 98/34/CE DU 22 JUIN 1998) - DISPOSITIONS LÉGISLATIVES COMPORTANT DES NORMES TECHNIQUES N'AYANT PAS ÉTÉ COMMUNIQUÉES À LA COMMISSION PRÉALABLEMENT À LEUR ADOPTION - DISPOSITIONS RÉGLEMENTAIRES D'APPLICATION COMMUNIQUÉES PRÉALABLEMENT À LEUR ADOPTION - ET ACCOMPAGNÉES DES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES - EXIGENCE DE COMMUNICATION PRÉALABLE REMPLIE - EXISTENCE - INCIDENCE DE L'ABSENCE DE COMMUNICATION PRÉALABLE DES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES SUR LA PROCÉDURE D'ADOPTION DES DISPOSITIONS RÉGLEMENTAIRES D'APPLICATION - ABSENCE.

15-05-01-02 Hypothèse de dispositions législatives comportant des normes techniques au sens de la directive 98/34/CE du 22 juin 1998 et n'ayant pas été communiquées à la Commission préalablement à leur adoption. Lorsque des dispositions réglementaires d'application édictant elles-mêmes des normes techniques ont été communiquées à la Commission et que cette communication a été accompagnée de celle des dispositions législatives qui constituent leur base légale, l'exigence résultant de l'article 8 de la directive du 22 juin 1998 est remplie pour ces dispositions réglementaires et le défaut initial de communication des dispositions législatives est sans incidence sur la légalité de la procédure d'adoption de leurs dispositions réglementaires d'application.


Publications
Proposition de citation : CE, 17 mai. 2013, n° 358027
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Maïlys Lange
Rapporteur public ?: Mme Claire Legras

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:358027.20130517
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