Vu l'ordonnance n° 1200432 du 25 octobre 2012, enregistrée le 20 novembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président du tribunal administratif de Mayotte a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 117 du code électoral, la saisine par laquelle la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, dont le siège est 34-36, rue du Louvre à Paris (75042 Cedex 1), représentée par son président, lui a déféré sa décision du 4 juillet 2011constatant le rejet du compte de campagne de M. C...A..., candidat à l'élection cantonale générale qui s'est déroulée dans le canton de Bandraboua, pour défaut de recours à un mandataire unique et de certification par un expert comptable ;
Vu la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques du 4 juillet 2011, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Mayotte le 10 août 2012 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code électoral ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Anne Berriat, Maître des Requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Delphine Hedary, rapporteur public ;
1. Considérant que, par une décision du 4 juillet 2011, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a rejeté le compte de campagne de M. A...candidat à l'élection cantonale générale des 20 et 27 mars 2011 dans le canton de Bandraboua (Mayotte), faute d'avoir recouru à un mandataire unique pour le paiement des dépenses électorales retracées par ce compte, et de l'avoir présenté par l'intermédiaire d'un expert comptable; qu'en application des dispositions de l'article L. 52 15 du code électoral, elle a saisi le tribunal administratif de Mayotte le 14 octobre 2011 ; que, celui-ci n'ayant pas statué dans le délai qui lui était imparti, il a transmis le dossier au Conseil d'Etat ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 52-4 du code électoral dans sa version applicable au présent litige, : " Tout candidat à une élection déclare un mandataire conformément aux articles L. 52-5 et L. 52-6 " ; que ces dispositions chargent de recueillir les fonds destinés à la campagne et de procéder seul à l'intégralité des dépenses qu'elle appelle ; qu'aux termes de l'article L. 52-12 du code électoral, dans sa version applicable au présent litige : " Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 est tenu d'établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection, (...) / Au plus tard avant 18 heures le neuvième vendredi suivant le tour de scrutin où l'élection a été acquise, chaque candidat (...) présent au premier tour dépose à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques son compte de campagne et ses annexes, présentés par un membre de l'ordre des experts comptables et des comptables agréés et accompagné des justificatifs de ses recettes ainsi que des factures, devis et autres documents de nature à établir le montant des dépenses payées ou engagées par le candidat ou pour son compte. Cette présentation n'est pas nécessaire lorsqu'aucune dépense ou recette ne figure au compte de campagne. Dans ce cas, le mandataire établit une attestation d'absence de dépense et de recette (...) " ;
3. Considérant que, selon le troisième alinéa de l'article L. 52-15 du même code : " Lorsque la commission a constaté que le compte de campagne n'a pas été déposé dans le délai prescrit, si le compte a été rejeté ou si, le cas échéant après réformation, il fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales, la commission saisit le juge de l'élection. " ; qu'aux termes de l'article L. 118-3 du même code, issu de la loi du 14 avril 2011 portant simplification de dispositions du code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique : " Saisi par la commission instituée par l'article L. 52-14, le juge de l'élection peut déclarer inéligible le candidat dont le compte de campagne, le cas échéant après réformation, fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales. / Saisi dans les mêmes conditions, le juge de l'élection peut déclarer inéligible le candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l'article L. 52-12. / Il prononce également l'inéligibilité du candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit en cas de volonté de fraude ou de manquement d'une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales. (...) " ;
4. Considérant, en premier lieu, que l'inéligibilité prévue par les dispositions de l'article L. 118-3 du code électoral constitue une sanction ayant le caractère d'une punition ; qu'il incombe, dès lors, au juge de l'élection, lorsqu'il est saisi de conclusions tendant à ce qu'un candidat dont le compte de campagne est rejeté soit déclaré inéligible et à ce que son élection soit annulée, de faire application, le cas échéant, d'une loi nouvelle plus douce entrée en vigueur entre la date des faits litigieux et celle à laquelle il statue ; que les dispositions du troisième alinéa de cet article issues de la loi du 14 avril 2011, qui définissent de façon plus restrictive les hypothèses dans lesquelles un candidat encourt la sanction d'inéligibilité, présentent, à la différence des nouvelles dispositions du quatrième alinéa de ce même article prévoyant que l'inéligibilité est désormais prononcée pour une durée maximale de trois ans et qu'elle s'applique à toutes les élections, le caractère d'une loi nouvelle plus douce, immédiatement applicable au présent litige ;
5. Considérant, en second lieu, qu'en raison des finalités poursuivies par les dispositions précitées de l'article L. 52-4 et de l'article L. 52-12 du code électoral, l'obligation de recourir à un mandataire pour le règlement des dépenses et à un expert comptable pour présenter le compte de campagne constitue des formalités substantielles dont l'omission est un manquement d'une particulière gravité, hormis pour la seconde le cas où les dépenses et les recettes sont nulles ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A...a procédé lui même à toutes les dépenses, et n'a fourni aucune explication sur le défaut de recours à un expert comptable pour présenter son compte ;
7. Considérant qu'eu égard à la gravité des manquements cumulés ainsi commis, et en l'absence de toute explication de la part de l'intéressé sur les circonstances qui y auraient conduit, il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de prononcer l'inéligibilité de M. A...en qualité de conseiller général pour une durée d'un an à compter de la présente décision ;
D E C I D E :
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Article 1er : M. A...est déclaré inéligible en qualité de conseiller général pour une période d'un an à compter de la date de la présente décision.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, à M. C...A...et au ministre de l'intérieur.