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28/12/2012 | FRANCE | N°331404

France | France, Conseil d'État, 10ème sous-section jugeant seule, 28 décembre 2012, 331404


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 1er septembre et 1er décembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme Georges A, demeurant ... ; M. et Mme A demandent au Conseil d'Etat :

1) d'annuler l'arrêt du 9 juillet 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté leur requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 23 novembre 2006 du tribunal administratif de Paris rejetant leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution

sociale auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1995 ...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 1er septembre et 1er décembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme Georges A, demeurant ... ; M. et Mme A demandent au Conseil d'Etat :

1) d'annuler l'arrêt du 9 juillet 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté leur requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 23 novembre 2006 du tribunal administratif de Paris rejetant leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution sociale auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1995 à 1997, d'autre part, à la décharge de ces impositions supplémentaires ;

2) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur requête d'appel ;

3) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Claude Hassan, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Peignot, Garreau, Bauer-Violas, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Peignot, Garreau, Bauer-Violas, avocat de M. A ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SCI Gem 16, dont M. et Mme A détenaient 97 % du capital, qui louait à la société " Le Chêne centenaire " un immeuble sis 16 rue du Faubourg-Saint-Antoine à Paris, a résilié ce bail commercial en 1995 moyennant le paiement d'une indemnité d'éviction de 1 300 000 F ; qu'elle a immédiatement conclu un bail commercial précaire portant sur une surface moindre pour un loyer supérieur ; qu'en 1996, elle a acquis l'immeuble voisin puis, après avoir effectué en 1998 d'importants travaux sur les deux immeubles, les a donnés en location en 1999 pour des loyers environ quatre fois supérieurs à ceux qu'ils rapportaient auparavant ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité de la société portant sur les années 1995 à 1997, l'administration fiscale a réintégré dans ses résultats imposables d'une part, au titre de l'année 1995, le montant de l'indemnité d'éviction et les intérêts de l'emprunt affecté au paiement de cette indemnité, d'autre part, au titre des années 1996 et 1997, le montant des intérêts afférents aux emprunts contractés en vue de réaliser des travaux et d'acquérir l'immeuble ...et notifié à M. et Mme A les redressements en résultant en matière d'impôt sur le revenu ; que M. et Mme A se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 9 juillet 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, confirmant le jugement du tribunal administratif de Paris du 23 novembre 2006, a rejeté leur demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution sociale généralisée auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1995 à 1997 ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 13 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice ou revenu imposable est constitué par l'excédent du produit brut, y compris la valeur des profits et avantages en nature, sur les dépenses effectuées en vue de l'acquisition et de la conservation du revenu (...) " ; que l'article 28 du même code dispose que : " Le revenu net foncier est égal à la différence entre le montant du revenu brut et le total des charges de la propriété " ; que, par ailleurs, l'article 31 du même code dispose que : " I. - Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : 1° pour les propriétés urbaines : a) Les dépenses de réparation et d'entretien, les frais de gérance (...) effectivement supportées par le propriétaire, (...) b) les dépenses d'amélioration afférentes aux locaux d'habitation, à l'exclusion des frais correspondant à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement, (...) c) Les impositions, autres que celles incombant normalement à l'occupant (...), d) Les intérêts de dettes contractées pour la conservation, l'acquisition, la construction, la réparation ou l'amélioration des propriétés (...) " ;

3. Considérant en premier lieu que ni l'indemnité versée, en cas de non renouvellement du bail, au preneur d'un local commercial, ni les indemnités réparatrices de dommages de tous ordres subis par ce locataire du fait de son éviction, n'entrent dans les charges de propriété énumérées par les dispositions du 1° du I de l'article 31 du code général des impôts ; que, pour déterminer si de telles indemnités trouvent leur contrepartie dans un accroissement du capital immobilier du bailleur ou doivent être regardées comme des dépenses effectuées par lui en vue de l'acquisition ou de la conservation du revenu, au sens du 1 de l'article 13 du même code, ou si ces indemnités entrent, le cas échéant, dans l'une ou l'autre de ces catégories selon des proportions à fixer, il y a lieu de tenir compte des circonstances de l'espèce ; que, lorsque le bailleur est une personne morale, fut-elle une société civile immobilière, le but en vue duquel l'indemnité litigieuse a été versée est celui poursuivi par cette personne morale et non celui poursuivi par ses associés ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'éviction de son ancien locataire par la SCI Gem 16 n'a eu d'autre finalité que de lui permettre de relouer le bien immobilier en cause à des conditions plus favorables, aux termes d'un bail précaire dans un premier temps puis, après avoir réalisé des travaux, pour un loyer quatre fois supérieur à celui dont elle bénéficiait antérieurement ; qu'en relevant, pour juger que la société n'avait pas eu l'intention, lors de l'éviction de son locataire en 1995, de le relouer à un meilleur prix, qu'elle envisageait d'acquérir l'immeuble mitoyen pour effectuer des travaux sur les deux immeubles et qu'elle n'avait pas les financements nécessaires pour réaliser une telle opération, la cour a commis une erreur de droit, ces deux circonstances n'étant pas de nature à démontrer que l'indemnité d'éviction n'avait pas été versée dans le but de permettre une relocation du bien à un meilleur prix ;

5. Considérant en second lieu qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 31 d) du code général des impôts que sont déductibles les intérêts d'une dette contractée en vue de l'acquisition d'un immeuble destiné à la location ; qu'en limitant la déductibilité des intérêts des emprunts contractés en 1996 et 1997 pour l'acquisition d'un immeuble au prorata de la superficie de cet immeuble effectivement louée à la date à la date à laquelle l'emprunt a été contracté, alors que l'acquisition a été faite en vue de sa relocation en totalité, la cour administrative d'appel de Paris a commis une erreur de droit ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme A sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt attaqué, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de leur pourvoi ;

7. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

Sur la réintégration de l'indemnité d'éviction et des intérêts de l'emprunt affecté au paiement de cette indemnité :

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas contesté que le versement de l'indemnité d'éviction litigieuse a permis, après la libération des locaux, la location de l'immeuble dont la SCI Gem 16 était propriétaire à des conditions plus avantageuses ; que, dès lors, le versement de l'indemnité ainsi que des intérêts correspondant à la partie de l'emprunt de 1 300 000 F souscrit en 1995 et affecté au paiement de cette indemnité ayant eu pour but d'augmenter le revenu tiré de l'immeuble, ces sommes pouvaient être déduites des résultats imposables de la société, par application des dispositions précitées du 1 de l'article 13 du code général des impôts, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que l'immeuble n'a été reloué que quatre ans plus tard, après la réalisation d'importants travaux d'amélioration, ni la circonstance que les associés de la SCI propriétaire de l'immeuble aient cédé leurs parts avant la réalisation des travaux, dès lors que l'administration n'établit pas que la résiliation du loyer suivie de la conclusion d'un nouveau bail au loyer plus élevé, plus d'un an avant la cession des parts, avait pour finalité d'augmenter la valeur patrimoniale de l'immeuble dont la SCI était propriétaire afin de permettre à ses associés de céder leurs parts à un meilleur prix ; que, par suite, c'est à tort que l'administration fiscale a réintégré dans les résultats imposables de la SCI Gem 16 au titre des années vérifiées, l'indemnité d'éviction de 1 300 000 F et les intérêts de l'emprunt affecté au paiement de cette indemnité ;

Sur la réintégration d'une partie des intérêts des emprunts contractés en 1996 et 1997 :

9. Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas contesté que les intérêts que la SCI Gem 16 a déduits correspondent à des emprunts contractés en 1996 et 1997 pour l'acquisition de l'immeuble sis ... et la réalisation de travaux sur cet immeuble ainsi que sur l'immeuble mitoyen dont la SCI était propriétaire, en vue de la location de la totalité de leur superficie ; que, par suite, c'est à tort que l'administration fiscale a limité à 30 % de leur montant, correspondant au prorata des superficies des immeubles alors effectivement louées, les déductions de ces emprunts ;

10. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M et Mme A sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 23 novembre 2006, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de contribution sociale généralisée auxquels ils ont été assujettis, afférents d'une part à l'indemnité d'éviction de 1 300 000 F et aux intérêts correspondant à l'emprunt souscrit en 1995 affecté au paiement de cette indemnité, d'autre part, aux intérêts des emprunts contractés en 1996 et 1997 pour l'acquisition d'un immeuble et la réalisation de travaux ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant qu'il y a lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par M. et Mme A et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 9 juillet 2009 de la cour administrative d'appel de Paris et le jugement du 23 novembre 2006 du tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 2 : M. et Mme A sont déchargés des suppléments d'imposition mis à leur charge correspondant à la réintégration dans les résultats imposables de la société Gem 16 d'une part, au titre de l'année 1995, de la somme de 1 300 000 F et des intérêts de l'emprunt affecté au paiement de cette indemnité, d'autre part, au titre des années 1996 et 1997, du montant des intérêts afférents aux emprunts contractés en vue de réaliser des travaux et d'acquérir l'immeuble ...;

Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme A la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme Georges A et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 10ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 331404
Date de la décision : 28/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 28 déc. 2012, n° 331404
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Claude Hassan
Rapporteur public ?: M. Edouard Crépey
Avocat(s) : SCP PEIGNOT, GARREAU, BAUER-VIOLAS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:331404.20121228
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