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14/12/2012 | FRANCE | N°350396

France | France, Conseil d'État, 8ème sous-section jugeant seule, 14 décembre 2012, 350396


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 juin et 27 septembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Gilbert B, demeurant ... ; il demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 10BX01028 du 26 avril 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 0605146 du 18 février 2010 du tribunal administratif de Toulouse rejetant sa demande tendant à la condamnation de l'Etat et de la commune d'Auterive à réparer son préjudice ma

tériel, son préjudice moral, son pretium doloris et ses troubles dans l...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 juin et 27 septembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Gilbert B, demeurant ... ; il demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 10BX01028 du 26 avril 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 0605146 du 18 février 2010 du tribunal administratif de Toulouse rejetant sa demande tendant à la condamnation de l'Etat et de la commune d'Auterive à réparer son préjudice matériel, son préjudice moral, son pretium doloris et ses troubles dans les conditions d'existence et, d'autre part, à la condamnation solidaire de l'Etat et de la commune à lui verser les sommes de 820 000 euros au titre du préjudice matériel, de 25 000 euros au titre du pretium doloris et de 45 000 euros au titre de ses troubles dans les conditions d'existence ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la commune d'Auterive la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Maryline Saleix, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les observations de la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de M. B,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de M. B ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B, avant de faire valoir ses droits à la retraite, était fonctionnaire titulaire, avec le grade de directeur d'établissement sanitaire et social ; qu'à compter de 1974, il a exercé pendant vingt-cinq années les fonctions de directeur de l'hospice d'Auterive (Haute-Garonne), devenu par la suite la maison de retraite Marius Prodhom ; qu'à compter de 1996, des conflits l'ont opposé au maire de la commune d'Auterive, président du conseil d'administration de l'établissement, et au préfet de la Haute-Garonne en raison des décisions qu'ils ont prises au sujet de la sécurité de l'établissement ; que le 27 avril 1999, il a fait l'objet d'une sanction d'exclusion temporaire de fonctions de quinze jours pour défaut d'attention et de diligence dans le respect des règles de sécurité ; que ces décisions et cette sanction disciplinaire ont été, sur sa demande, annulées par le juge administratif ; qu'à compter du 1er avril 1999, il a été placé en congé maladie ; que le directeur de la maison de retraite lui a interdit le 29 novembre 2002 d'accéder à l'établissement sauf pour des raisons en lien avec le service ou pour rendre visite à des résidents avec lesquels il aurait un lien familial ; que le 13 décembre 2002, il a saisi la commission de réforme des agents de la fonction publique hospitalière d'une demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie ; qu'à titre conservatoire, il a adressé le 30 décembre 2002 au ministre de la santé, au préfet de la Haute-Garonne, au maire d'Auterive et au directeur de la maison de retraite une demande indemnitaire tendant à la réparation des préjudices causés par les différentes décisions administratives et le comportement qu'avaient eu à son endroit les différentes autorités administratives ; que le 9 juin 2004, la commission a reconnu l'imputabilité au service du congé de longue durée de M. B et a émis, le 12 décembre 2005, un avis favorable à sa mise à la retraite pour inaptitude totale et définitive avec une incapacité partielle permanente de 60 % ; que, par deux arrêtés des 1er février et 8 mars 2006, le ministre a prononcé sa mise à la retraite pour invalidité ; que par un jugement du 18 février 2010, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté l'ensemble de ses demandes indemnitaires dirigées contre l'Etat et la commune d'Auterive pour la réparation de son préjudice matériel, de son préjudice moral, son pretium doloris et ses troubles dans les conditions d'existence ; qu'il se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux qui a rejeté sa requête dirigée contre ce jugement ;

2. Considérant que l'article 178 de la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale, transposant la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, a inséré dans la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires un article 6 quinquies prohibant le harcèlement moral dans la fonction publique ; que ces dispositions, qui donnent une définition précise de la notion de harcèlement moral en prévoyant notamment que peuvent relever de cette qualification des agissements qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité, d'altérer la santé physique ou mentale ou de compromettre l'avenir professionnel d'un fonctionnaire, ne sont pas applicables à des faits qui se sont produits antérieurement à leur entrée en vigueur, le 19 janvier 2002 ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B faisait valoir que le harcèlement moral dont il avait été victime était en particulier caractérisé par les décisions des 20 décembre 1996, 14 décembre 1998, 18 décembre 1998, 15 avril 1999 et 27 avril 1999, ayant respectivement ordonné la fermeture provisoire de la maison de retraite Marius Prudhom, l'ayant suspendu de ses fonctions, l'ayant mis à disposition de l'hôpital de Luchon et l'ayant sanctionné, décisions dont il a ensuite obtenu l'annulation devant la juridiction administrative ; que ces actes sont antérieurs à l'entrée en vigueur de l'article 178 de la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale ; que, par suite, en examinant si l'ensemble des faits invoqués par le requérant pouvaient être regardés comme des agissements de harcèlement moral au sens des dispositions de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983, la cour administrative d'appel de Bordeaux a commis une erreur de droit dès lors que s'il y avait lieu, d'une part, d'examiner si les faits postérieurs à l'entrée en vigueur de ces dispositions pouvaient être regardés comme des faits de harcèlement moral au sens de ces dispositions, il incombait, d'autre part, à la cour d'examiner si les faits qui s'étaient traduits par des actes intervenus antérieurement à leur entrée en vigueur pouvaient révéler un comportement vexatoire ou discriminatoire et être regardés comme des fautes susceptibles d'engager la responsabilité de l'Etat et de la commune d'Auterive ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé ;

4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat et de la commune d'Auterive la somme de 1 500 euros chacun, à verser à M. B, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 26 avril 2011 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Article 3 : L'Etat et la commune d'Auterive verseront chacun à M. B la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Gilbert B, au ministre des affaires sociales et de la santé et à la commune d'Auterive.


Synthèse
Formation : 8ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 350396
Date de la décision : 14/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 14 déc. 2012, n° 350396
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Maryline Saleix
Rapporteur public ?: M. Benoît Bohnert
Avocat(s) : SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:350396.20121214
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