Vu 1°/, sous le n° 340940, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 juin et 20 septembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Georges-Denise A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 08PA04924 du 20 avril 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, d'une part, limité à la somme de 5 000 euros, y compris tous intérêts échus au jour de l'arrêt, le montant de la condamnation solidaire de France Télécom et de l'Etat en réparation du préjudice subi par suite du blocage de sa carrière, d'autre part, annulé le jugement n° 0511427/5-2 du 24 juillet 2008 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de France Télécom et de l'Etat au versement de 80 000 euros en réparation du préjudice subi par suite du blocage de sa carrière et, rejeté le surplus de ses conclusions ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel et de capitaliser les intérêts échus en application de l'article 1154 du code civil ;
3°) de mettre à la charge de France Télécom et de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu 2°/, sous le n° 341137, le pourvoi, enregistré le 5 juillet 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour le ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi ; le ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 08PA04924 du 20 avril 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, sur la demande de Mme Georges-Denise A, d'une part, condamné solidairement France Télécom et l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros y compris tous intérêts échus au jour de l'arrêt, d'autre part, annulé le jugement n° 0511427/5-2 du 24 juin 2008 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de Mme A tendant à la condamnation solidaire de France Télécom et de l'Etat à lui verser la somme de 80 000 euros en réparation du préjudice subi par suite du blocage de sa carrière ;
2°) réglant l'affaire au fond, de confirmer le jugement de première instance ;
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Vu 3°/, sous le n° 341154, le pourvoi enregistré le 5 juillet 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour France Télécom, dont le siège est 6, place d'Alleray à Paris cedex 15 (75505) ; France Télécom demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 08PA04924 du 20 avril 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, sur la demande de Mme Georges-Denise A, d'une part, condamné solidairement France Télécom et l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros y compris tous intérêts échus au jour de l'arrêt, d'autre part, annulé le jugement n° 0511427/5-2 du 24 juillet 2008 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de France Télécom et de l'Etat à lui verser la somme de 80 000 euros en réparation du préjudice subi par suite du blocage de sa carrière ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la requête de Mme A ;
3°) de mettre à la charge de Mme A le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 10 septembre 2012, présentée pour Mme Georges-Denise A ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;
Vu le décret n° 72-503 du 23 juin 1972 ;
Vu le décret n° 90-1237 du 31 décembre 1990 ;
Vu le décret n° 92-929 du 7 septembre 1992 ;
Vu le décret n° 2004-1300 du 26 novembre 2004 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Stéphanie Gargoullaud, Maître des requêtes en service extraordinaire ;
- les observations de la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de Mme A, de la SCP Ancel, Couturier-Heller, Meier-Bourdeau, avocat du ministre du redressement productif et de la SCP Delvolvé, Delvolvé, avocat de France Télécom ;
- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public,
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Barthélémy, Matuchansky, Vexliard, avocat de Mme A, à la SCP Ancel, Couturier-Heller, Meier-Bourdeau, avocat du ministre du redressement productif et à la SCP Delvolvé, Delvolvé, avocat de France Télécom ;
Considérant que les pourvois formés par Mme A, par le ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi et par France Télécom sont dirigés contre le même arrêt ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant que, lorsqu'il est saisi, postérieurement à la clôture de l'instruction et au prononcé des conclusions du rapporteur public, d'une note en délibéré émanant d'une des parties à l'instance, il appartient au juge administratif d'en prendre connaissance avant la séance au cours de laquelle sera rendue la décision ; que, en dehors des hypothèses où il est tenu de rouvrir l'instruction à peine d'irrégularité de sa décision, c'est-à-dire de celles où cette note contient l'exposé soit d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou qu'il devrait relever d'office, le juge a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, de rouvrir l'instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans la note en délibéré ; que la cour administrative d'appel a pu, sans méconnaître le caractère contradictoire de la procédure et les droits de la défense, rappelés à l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni entacher l'arrêt attaqué d'irrégularité eu égard à la teneur des observations en cause, se borner à prendre connaissance de la note en délibéré produite par Mme A après l'audience sans rouvrir l'instruction pour procéder à sa communication aux autres parties ;
Considérant qu'aux termes de l'article 29 de la loi du 2 juillet 1990, relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications, " Les personnels de La Poste et de France Télécom sont régis par des statuts particuliers, pris en application de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat (...) " ; qu'aux termes de l'article 29-1 de la loi du 2 juillet 1990, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 1996 : " Au 31 décembre 1996, les corps de fonctionnaires de France Télécom sont rattachés à l'entreprise nationale France Télécom et placés sous l'autorité de son président qui dispose des pouvoirs de nomination et de gestion à leur égard. Les personnels fonctionnaires de France Télécom demeurent soumis aux articles 29 et 30 de la présente loi./ L'entreprise nationale France Télécom peut procéder jusqu'au 1er janvier 2002 à des recrutements externes de fonctionnaires pour servir auprès d'elle en position d'activité (...) " ;
Considérant qu'en vertu de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " En vue de favoriser la promotion interne, les statuts particuliers fixent une proportion de postes susceptibles d'être proposés au personnel appartenant déjà à l'administration (...), non seulement par voie de concours (...) mais aussi par la nomination de fonctionnaires (...) suivant l'une des modalités ci-après :/ 1° Examen professionnel ;/ 2° Liste d'aptitude établie après avis de la commission paritaire du corps d'accueil (...) " ;
Considérant, d'une part, que la possibilité offerte aux fonctionnaires qui sont demeurés dans les corps dits de " reclassement " de France Télécom de bénéficier, au même titre que les fonctionnaires ayant choisi d'intégrer les nouveaux corps dits de " reclassification " créés en 1993, de mesures de promotion organisées en vue de pourvoir des emplois vacants proposés dans ces corps de " reclassification ", ne dispensait pas le président de France Télécom, avant le 1er janvier 2002, de faire application des dispositions de la loi du 11 janvier 1984 relatives au droit à la promotion interne dans le cadre des corps de " reclassement " ; qu'il appartenait, en outre, au ministre chargé des postes et télécommunications de veiller de manière générale au respect par France Télécom de ce droit à la promotion interne, garanti aux fonctionnaires " reclassés " comme aux fonctionnaires " reclassifiés " de l'exploitant public par les dispositions combinées de la loi du 2 juillet 1990 et de la loi du 11 janvier 1984 ;
Considérant, d'autre part, que le législateur, en décidant par les dispositions précitées de l'article 29-1 de la loi du 2 juillet 1990, résultant de la loi du 26 juillet 1996, que les recrutements externes de fonctionnaires par France Télécom cesseraient au plus tard le 1er janvier 2002, n'a pas entendu priver d'effet, après cette date, les dispositions de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 relatives au droit à la promotion interne à l'égard des fonctionnaires " reclassés " ; que, par suite, les décrets régissant les statuts particuliers des corps de " reclassement ", en ce qu'ils n'organisaient pas de voies de promotion interne autres que celles liées aux titularisations consécutives aux recrutements externes et privaient en conséquence les fonctionnaires " reclassés " de toute possibilité de promotion interne, sont devenus illégaux à compter de la cessation des recrutements externes le 1er janvier 2002 ; qu'en faisant application de ces décrets illégaux et en refusant de prendre toute mesure de promotion interne au bénéfice des fonctionnaires " reclassés " après cette date, le président de France Télécom a, de même, commis une illégalité ; que des promotions internes pour les fonctionnaires " reclassés " non liées aux recrutements externes ne sont redevenues possibles, au sein de France Télécom, que par l'effet du décret du 26 novembre 2004 relatif aux dispositions statutaires applicables à certains corps de fonctionnaires de France Télécom ;
Considérant, en premier lieu, que la cour administrative d'appel de Paris, pour retenir la responsabilité solidaire de l'Etat et de France Télécom à l'égard de Mme A, fonctionnaire " reclassée ", a jugé que le président de France Télécom avait, en refusant de prendre toute mesure de promotion interne en faveur des fonctionnaires " reclassés ", commis une illégalité engageant la responsabilité de sa société et que l'Etat avait, de même, commis une faute en attendant le 26 novembre 2004 pour prendre les décrets organisant les possibilités de promotion interne pour les fonctionnaires des corps de " reclassement " de cette société ; que la cour n'a, ce faisant, pas relevé d'office un moyen qui n'aurait pas été invoqué devant elle ; qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment qu'en retenant l'existence d'une faute engageant la responsabilité de France Télécom, distincte de la faute imputable à l'Etat, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ni d'erreur de qualification juridique ;
Considérant, en deuxième lieu, que la cour administrative d'appel a pu, sans erreur de droit ni erreur de qualification juridique, accorder à Mme A une indemnité au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence à raison des fautes relevées, consistant à priver de manière générale les fonctionnaires " reclassés " de toute possibilité de promotion interne, alors même qu'au cas particulier Mme A n'aurait pas eu de chances sérieuses d'obtenir une promotion ; qu'en déterminant le montant de l'indemnité due à Mme A au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence, la cour a suffisamment motivé son arrêt et s'est livrée à une appréciation souveraine des faits de l'espèce, qui est exempte de dénaturation ;
Considérant, en troisième lieu, que la cour administrative d'appel s'est fondée, pour refuser d'accorder à Mme A une indemnité au titre du préjudice de carrière, sur le motif que la promotion au choix ne constitue jamais un droit pour les fonctionnaires ; qu'en déduisant de ce seul motif la conséquence que Mme A ne pouvait établir une perte de chance sérieuse de promotion, la cour a commis une erreur de droit ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que France Télécom et le ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt attaqué mais que Mme A, si elle n'est pas fondée à demander l'annulation de cet arrêt en tant qu'il lui a accordé une indemnité au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence, est fondée, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens qu'elle soulève à cette fin, à demander l'annulation de l'arrêt en tant qu'il a rejeté sa demande d'indemnité au titre du préjudice de carrière ;
Considérant qu'il y a lieu, par application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler dans cette mesure l'affaire au fond ;
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que Mme A, fonctionnaire de l'administration des postes et télécommunications depuis 1977 ayant accédé au grade d'agent d'exploitation du service général en 1990, aurait eu, alors même qu'elle remplissait les conditions statutaires pour être promue et compte tenu des appréciations portées sur sa manière de servir, une chance sérieuse d'accéder au grade supérieur des contrôleurs de France Télécom, si des promotions avaient été organisées au bénéfice des fonctionnaires " reclassés " après 1993 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation du préjudice de carrière qu'elle estime avoir subi ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par France Télécom et Mme A au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 20 avril 2010 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de Mme A tendant à l'indemnisation du préjudice de carrière.
Article 2 : Le surplus des conclusions du pourvoi de Mme A ainsi que les conclusions qu'elle a présentées devant la cour administrative d'appel de Paris tendant à l'indemnisation du préjudice de carrière sont rejetés.
Article 3 : Les pourvois de France Télécom et du ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi sont rejetés.
Article 4 : Les conclusions de France Télécom et de Mme A tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme Georges-Denise A, au ministre du redressement productif et à France Télécom.