Vu la requête, enregistrée le 8 septembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la COMMISSION NATIONALE DES COMPTES DE CAMPAGNE ET DES FINANCEMENTS POLITIQUES, dont le siège est 33, avenue de Wagram à Paris (75176 Cedex 17) ; la COMMISSION NATIONALE DES COMPTES DE CAMPAGNE ET DES FINANCEMENTS POLITIQUES demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement n° 1100262 du 15 juillet 2011 par lequel le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa saisine concernant le compte de campagne de M. Heifara A, candidat à l'élection municipale partielle de Mahina (Polynésie française) des 30 janvier et 6 février 2011 ;
2°) de reconnaître qu'elle a statué à bon droit en rejetant le compte de campagne de M. A ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code électoral ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Suzanne von Coester, Maître des Requêtes,
- les conclusions de Mme Delphine Hedary, rapporteur public ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 52-4 du code électoral : Tout candidat à une élection désigne un mandataire au plus tard à la date à laquelle sa candidature est enregistrée. Ce mandataire (...) règle les dépenses engagées en vue de l'élection et antérieures à la date du tour de scrutin où elle a été acquise, à l'exception des dépenses prises en charge par un parti ou groupement politique. Les dépenses antérieures à sa désignation payées directement par le candidat ou à son profit font l'objet d'un remboursement par le mandataire et figurent dans son compte bancaire ou postal (...) ; que selon le deuxième alinéa de l'article L. 52-6 de ce code : Le mandataire financier est tenu d'ouvrir un compte bancaire ou postal unique retraçant la totalité de ses opérations financières. L'intitulé du compte précise que le titulaire agit en qualité de mandataire financier du candidat, nommément désigné. Les comptes du mandataire sont annexés au compte de campagne du candidat qui l'a désigné (...) ; qu'en raison de la finalité poursuivie par ces dispositions, l'obligation de financer toute dépense effectuée en vue de la campagne exclusivement à partir du compte unique ouvert à cette seule fin par le mandataire financier désigné par le candidat constitue une formalité substantielle à laquelle il ne peut, en principe, pas être dérogé ; que le règlement direct de menues dépenses par le candidat ou par toute autre personne participant à sa campagne, y compris son mandataire financier sur ses fonds propres, ne peut être admis qu'à la double condition que leur montant soit faible par rapport au total des dépenses du compte de campagne et négligeable au regard du plafond de dépenses autorisées fixé par l'article L. 52-11 du code électoral ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté, qu'une dépense de la campagne électorale de M. A d'un montant de 138 000 francs CFP, représentant 28,68 % du montant total des dépenses engagées et 6,58 % du plafond des dépenses autorisées, a été réglée en espèces sans utiliser le compte unique dédié à la campagne électorale ; qu'à la supposer avérée, la circonstance que cette dépense ait été réglée par le mandataire financier désigné par M. A est sans incidence sur le fait que cette dépense a été réglée sans utiliser le compte unique dédié à la campagne électorale ; qu'ont ainsi été méconnus les articles L. 52-4 et L. 52-6 du code électoral ; que si M. A argue de sa bonne foi en soutenant qu'il n'a pas lui-même effectué le règlement de la dépense en cause et que son mandataire financier a dû la régler en espèces, faute pour ce dernier d'avoir pu disposer à temps d'un chéquier correspondant au compte unique dédié à la campagne électorale, il ne peut prétendre, dans les circonstances de l'espèce et eu égard à l'absence d'ambiguïté des dispositions applicables, au bénéfice de l'article L. 118-3 du code électoral, dès lors qu'il aurait pu prendre les dispositions nécessaires pour désigner son mandataire financier, ouvrir un compte et disposer ainsi de moyens de paiement plus précocement afin de ne pas prendre le risque de mettre en cause le déroulement régulier de sa campagne électorale ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMISSION NATIONALE DES COMPTES DE CAMPAGNE ET DES FINANCEMENTS POLITIQUES est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa saisine ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de la Polynésie française du 15 juillet 2011 est annulé.
Article 2 : M. A est déclaré inéligible en qualité de conseiller municipal pendant un an à compter de la présente décision.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la COMMISSION NATIONALE DES COMPTES DE CAMPAGNE ET DES FINANCEMENTS POLITIQUES et à M. Heifara A.
Copie en sera adressée pour information au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.