Vu la requête, enregistrée le 17 avril 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Alain A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'article 2 du décret n° 2009-114 du 30 janvier 2009 relatif à l'indemnité temporaire accordée aux personnels retraités relevant du code des pensions civiles et militaires de retraite ;
2°) de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 137 de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 ;
3°) d'annuler la décision implicite du 29 mars 2009 du trésorier-payeur général de Nouvelle-Calédonie refusant de faire droit à sa demande de rétablissement du montant de l'indemnité temporaire de retraite à compter du 1er janvier 2009 au niveau du montant légalement acquis antérieurement à cette date ;
4°) d'enjoindre à l'Etat de lui verser les montants de l'indemnité temporaire de retraite qu'il n'a pas perçus depuis le 1er janvier 2009, assorties des intérêts légaux et de la majoration légale de 5 % prévue par l'article L. 313-3 du code monétaire et financier ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 960 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ses 1er et 12e protocoles ;
Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
Vu le code monétaire et financier ;
Vu la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 modifiée relative à la Nouvelle-Calédonie ;
Vu la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 modifiée relative aux lois de finances ;
Vu la loi n° 83-676 du 26 juillet 1983 portant approbation d'une convention fiscale avec le territoire de la Nouvelle-Calédonie et dépendances ;
Vu la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 ;
Vu la décision n° 327174 du 23 avril 2010 et la décision n° 326444 du 2 juin 2010 par lesquelles le Conseil d'Etat statuant au contentieux a renvoyé au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées respectivement par M. Alain A et l'association des pensionnés civils et militaires en Nouvelle-Calédonie ;
Vu la décision n° 2010-4/17 QPC du 22 juillet 2010 statuant sur les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées par M. Alain C. et autre ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Benoit Bohnert, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Pierre Collin, rapporteur public ;
I. - Sur les conclusions relatives au décret n° 2009-114 du 30 janvier 2009 :
En ce qui concerne la légalité externe :
Considérant que ni la Constitution, ni les dispositions de l'article 137 de la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008, ni aucune autre disposition législative ne faisaient obligation au Gouvernement de soumettre au Conseil d'Etat les décrets portant application de cet article ; que le moyen tiré de l'absence de consultation du Conseil d'Etat doit être rejeté ;
En ce qui concerne la légalité interne :
Quant aux moyens tirés de la méconnaissance des droits et libertés garantis par la Constitution :
Considérant que, par sa décision du 22 juillet 2010, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution les paragraphes III et IV de l'article 137 de la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 ; que, par suite, les moyens tirés de ce que ces dispositions méconnaîtraient les droits et libertés garantis par la Constitution doivent être écartés ;
Quant aux moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
S'agissant de la méconnaissance du principe de sécurité juridique :
Considérant, en premier lieu, que la méconnaissance des règles procédurales relatives à l'adoption des lois ne porte pas atteinte au principe de sécurité juridique tel qu'il est garanti par les stipulations des articles 5-1 et 6-1 de la convention ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne résulte d'aucune stipulation de la convention ni d'aucun principe une obligation de codification de dispositions régulièrement publiées ni une obligation d'instaurer un contrôle préalable de la conformité des normes édictées par le législateur et le pouvoir réglementaire aux stipulations de la convention ;
Considérant, en troisième lieu, que les dispositions du paragraphe IV de l'article 137 de la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 fixent avec suffisamment de clarté et de précision le mécanisme de plafonnement et d'écrêtement progressif de l'indemnité temporaire ; qu'elles n'affectent pas le montant de la pension et ne portent que sur un accessoire de la pension, variable selon le lieu de résidence ; qu'elles ne sont entrées en vigueur qu'à compter du 1er janvier 2009 et ne revêtent ainsi aucun caractère rétroactif et n'affectent pas une situation légalement acquise ; que la circonstance alléguée que ces dispositions qui plafonnent et écrêtent le montant des indemnités temporaires versées aux personnels pensionnés relevant du code des pensions civiles et militaires de retraite résidant dans certains territoires introduiraient une différence de traitement avec les fonctionnaires en activité dans ces mêmes territoires, ne saurait en tout état de cause être regardée comme portant atteinte au principe de sécurité juridique ;
Considérant en dernier lieu que les dispositions du paragraphe VI de l'article 137 de la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 prévoient les conditions dans lesquelles les services de la direction générale des finances publiques contrôlent l'attribution des indemnités temporaires de retraite ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article 137 de la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 méconnaissent le principe de sécurité juridique ne peut qu'être écarté ;
S'agissant de la méconnaissance des stipulations de l'article 6-1 et de l'article 13 de cette convention :
Considérant que la suprématie conférée aux engagements internationaux par l'article 55 de la Constitution ne s'applique pas, dans l'ordre interne, aux dispositions de nature constitutionnelle ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que les décisions rendues par le Conseil constitutionnel seraient contraires aux stipulations de l'article 6-1 de cette convention à raison du mode de nomination des membres du Conseil constitutionnel et à celles de l'article 13 au motif qu'elles ne seraient pas susceptibles de recours, alors que le mode de nomination et l'autorité qui s'attache à ces décisions sont régis respectivement par les articles 56 et 62 de la Constitution, ne peut en tout état de cause qu'être écarté ;
S'agissant de la méconnaissance du droit de propriété garanti par l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention : Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ;
Considérant que les indemnités temporaires régies par les dispositions de l'article 137 de la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 accordées aux personnels retraités relevant du code des pensions civiles et militaires de retraite doivent être regardées comme des biens au sens des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention ; que, toutefois, ces stipulations n'ont ni pour objet, ni pour effet de conférer un droit au maintien des réglementations en vigueur ; que dès lors M. A n'est pas fondé à soutenir que l'article 137 méconnaît le droit de propriété garanti par l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention ;
S'agissant de la méconnaissance du protocole n° 12 additionnel à cette convention :
Considérant que le protocole n° 12 à cette convention n'a été ni signé ni ratifié par la France ; que, par suite, M. A ne peut, en tout état de cause, utilement soutenir que le IV de l'article 137 de la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 et l'article 2 du décret du 30 janvier 2009 méconnaissent le principe de non-discrimination défini à l'article 1er de ce protocole ;
Quant au moyen tiré de la méconnaissance du principe de confiance légitime :
Considérant que le principe de confiance légitime, qui fait partie des principes généraux du droit communautaire, ne trouve à s'appliquer dans l'ordre juridique national que dans le cas où la situation juridique dont a à connaître le juge administratif français est régie par le droit communautaire ; que tel n'est pas le cas en l'espèce ; que le moyen tiré de la méconnaissance du principe invoqué est, par suite, inopérant ;
Quant aux moyens tirés de la méconnaissance de la convention fiscale entre la France et le territoire de la Nouvelle-Calédonie :
Considérant que le dispositif de plafonnement et d'écrêtement de l'indemnité temporaire instauré par l'article 137 de la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 n'est pas un prélèvement de nature fiscale ; qu'il suit de là que M. A ne peut, en tout état de cause, utilement soutenir que les dispositions de cet article méconnaissent les stipulations de la convention fiscale entre la France et la Nouvelle-Calédonie et sont constitutives de ruptures d'égalité entre les contribuables ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de M. A tendant à l'annulation du décret attaqué doivent être rejetées ;
II. - Sur les conclusions tendant, d'une part, à l'annulation de la décision implicite du trésorier-payeur général de Nouvelle-Calédonie refusant de faire droit à la demande de rétablissement du montant de l'indemnité temporaire de retraite à compter du 1er janvier 2009 au niveau du montant acquis antérieurement à cette date, et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint à l'Etat de verser à M. A les montants de l'indemnité temporaire de retraite qu'il n'a pas perçus depuis le 1er janvier 2009, assorties des intérêts légaux et de la majoration légale de 5 % prévue par l'article L. 313-3 du code monétaire et financier :
Considérant que, pour contester le plafonnement et l'écrêtement de l'indemnité temporaire de retraite qui lui a été versée pour le mois de janvier 2009, M. A soutient que le décret en litige n'était pas entré en vigueur ; que, toutefois, le premier alinéa de l'article 137 de la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008, en prévoyant que les indemnités temporaires octroyées avant le 1er janvier 2009 seraient plafonnées à leur valeur en paiement au 31 décembre 2008 et ne pourraient excéder un montant annuel défini par décret selon la collectivité de résidence et que la part de l'indemnité temporaire de retraite dépassant le plafond serait écrêtée chaque année pour atteindre le montant annuel relatif à l'année 2018, a nécessairement entendu prévoir que l'écrêtement entrerait en vigueur au 1er janvier 2009 ; que, par suite, le décret n'est pas entaché de rétroactivité illégale ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande d'annulation de la décision du trésorier-payeur général de la Nouvelle-Calédonie attaquée et les conclusions tendant au versement d'un rappel d'indemnités ne peuvent qu'être rejetées ;
III. - Sur les conclusions de M. A tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Alain A, à la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.