La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/06/2005 | FRANCE | N°272300

France | France, Conseil d'État, Président de la section du contentieux, 22 juin 2005, 272300


Vu 1°), sous le n° 272300, la requête enregistrée le 16 septembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Ofumbo K'ashasa A, demeurant ... ; M. A demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 24 août 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 août 2004 par lequel le préfet de l'Ille-et-Vilaine a décidé sa reconduite à la frontière, de la décision distincte du même jour fix

ant la république démocratique du Congo comme pays de destination de la recondu...

Vu 1°), sous le n° 272300, la requête enregistrée le 16 septembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Ofumbo K'ashasa A, demeurant ... ; M. A demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 24 août 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 août 2004 par lequel le préfet de l'Ille-et-Vilaine a décidé sa reconduite à la frontière, de la décision distincte du même jour fixant la république démocratique du Congo comme pays de destination de la reconduite et de la décision du même jour ordonnant son placement en rétention administrative ;

2°) d'annuler cet arrêté et ces décisions pour excès de pouvoir ;

3°) de mettre fin à la rétention administrative accordée par l'ordonnance de prolongation du 20 août 2004 du juge des libertés et de la détention près le tribunal de grande instance de Rennes, au bénéfice d'une assignation à résidence ;

4°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine d'ordonner son assignation à résidence en application des dispositions de l'article 28 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée et de solliciter à nouveau sa réadmission en Italie sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

Vu 2°), sous le n° 272301, la requête enregistrée le 16 septembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Ofumbo K'ashasa A, demeurant ... ; M. A demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat de suspendre le jugement du tribunal administratif de Rennes du 24 août 2004 rejetant sa demande d'annulation de l'arrêté du 18 août 2004 ordonnant sa reconduite à la frontière, de la décision distincte du même jour fixant la république démocratique Congo comme pays de destination de la reconduite et de la décision du même jour ordonnant son placement en rétention administrative, compte tenu de l'urgence, par les mêmes moyens que ceux soulevés sous le n° 272300 ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le règlement (CE) n° 343/2003 du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers ;

Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 modifiée relative au droit d'asile ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- les conclusions de M. Francis Donnat, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes n°s 272300 et 272301 sont dirigées contre un même jugement ; qu'il y a lieu des les joindre pour qu'il y soit statué par une même décision ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'il ressort des mentions du jugement attaqué que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes a répondu au moyen tiré de ce que le signataire de l'arrêté de reconduite à la frontière ne disposait pas d'une délégation de signature régulière ; que M. A ne pouvant utilement, pour contester la légalité de l'arrêté décidant sa reconduite à la frontière, soulever le moyen tiré de ce que cet arrêté ne vise pas l'arrêté de délégation de signature donnant compétence à son signataire, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes n'était pas tenu de répondre à ce moyen ;

Considérant que les moyens tirés de ce que la décision ordonnant le placement en rétention de M. A ne précise pas que les locaux de rétention ne doivent pas relever de l'administration pénitentiaire et de ce que la rétention aurait été pour partie effectuée à tort dans les locaux de la garde à vue sont sans incidence sur la légalité de cette décision ; que, c'est à bon droit que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes a déclaré ces moyens inopérants ;

Considérant qu'en jugeant que M. A n'apportait au soutien de ses allégations relatives aux risques qu'il encourrait personnellement en cas de retour dans son pays d'origine, aucun élément suffisamment probant de nature à établir la réalité de ces risques, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes a suffisamment motivé le rejet des conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination de la reconduite ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1°) Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ;

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 8 de loi du 25 juillet 1952 modifiée : (...) Sous réserve du respect des dispositions de l'article 33 de la convention de Genève susmentionnée, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : 1° L'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat en application des dispositions du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers, ou d'engagements identiques à ceux prévus par ledit règlement avec d'autres Etats (...) 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente (...) ; qu'aux termes des dispositions de l'article 17 du règlement n° 343/2003 précité : 1. L'Etat membre auprès duquel une demande d'asile a été introduite et qui estime qu'un autre Etat membre est responsable de l'examen de cette demande peut requérir ce dernier aux fins de prise en charge dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois après l'introduction de la demande d'asile (...) 2. L'Etat requérant peut solliciter une réponse en urgence dans le cas où la demande d'asile a été introduite à la suite (...) d'une arrestation pour séjour irrégulier (...) ;

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 10 de la loi du 25 juillet 1952 modifiée : L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article 8 bénéficie du droit à se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée aux articles 19, 22, 23 ou 26 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, de nationalité congolaise, est entré, selon ses déclarations, irrégulièrement sur le territoire français en juin 2004 ; que si, interpellé le 16 août 2004 par les services de police de Saint Malo, il a déclaré vouloir déposer une demande d'asile politique, il ressort toutefois des procès-verbaux d'audition dressés par la police lors de sa garde à vue que M. A a demandé le 17 août 2004 à repartir en Italie où il prétendait être légalement admissible ; qu'il en résulte qu'en tout état de cause la demande d'admission au séjour de l'intéressé au titre de l'asile politique pouvait être refusée par le préfet de l'Ille-et-Vilaine, en application du 1° de l'article 8 de la loi du 25 juillet 1952 modifiée ; que M. A, qui n'a pu établir bénéficier d'un droit au séjour, entrait ainsi dans le cas prévu à l'article 22-I-1° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 où le préfet peut ordonner la reconduite à la frontière d'un étranger ;

Considérant qu'après que sa demande de réadmission en Italie a été rejetée le 20 août 2004 par les autorités italiennes, M. A a présenté une demande d'asile politique, postérieurement à la mesure de reconduite à la frontière contestée ; que, dans ces conditions, la demande d'asile formée par M. A, qui peut être regardée comme ayant un caractère dilatoire au sens des dispositions précitées de l'article 8 de la loi du 25 juillet 1952 modifiée, est sans influence sur la légalité de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière et faisait seulement obligation au préfet de l'Ille-et-Vilaine de s'abstenir de le mettre à exécution jusqu'à la notification de la décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides ;

Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente convention ont été violés a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles ;

Considérant que M. A, qui a bénéficié de l'ensemble des garanties prévues par les articles 22 et 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, n'est pas fondé à invoquer une méconnaissance de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant que si M. A soutient qu'il réside en France avec son épouse et leur fille de trois ans et que la mesure de reconduite à la frontière aurait pour effet de séparer cet enfant de ses parents, il résulte néanmoins des pièces du dossier que l'épouse de M. A fait elle-même l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière ; que dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la durée et des conditions du séjour de l'intéressé en France et en l'absence de toute circonstance mettant M. et Mme A dans l'impossibilité d'emmener leur enfant avec eux, l'arrêté du préfet de l'Ille-et-Vilaine ordonnant la reconduite à la frontière de l'intéressé ne porte pas au droit de celui-ci au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la légalité de la décision distincte fixant le pays de destination :

Considérant que si M. A, dont la demande d'admission au statut de réfugié a été rejetée par une décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 1er septembre 2004, soutient qu'il craint des poursuites et des traitements dégradants en cas de retour dans son pays d'origine en raison de son action en qualité de président d'une organisation non gouvernementale à caractère humanitaire intervenant dans le domaine de la santé, il ressort des pièces du dossier, et notamment de la déclaration de l'ambassade de France en république démocratique du Congo selon laquelle il résulte de la demande d'authentification qu'elle a présenté auprès de la Croix rouge de ce pays que l'attestation présentée par l'intéressé est un faux, que les éléments que celui-ci présente à l'appui de ses allégations ne sont pas suffisamment probants ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

Sur la légalité de la décision de placement en rétention administrative :

Considérant que la décision décidant du maintien de l'intéressé dans un local ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, ne porte par elle-même aucune atteinte au droit de M. A à mener une vie familiale normale ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance par cette décision des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ; qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, M. A ne peut utilement invoquer la circonstance que cette décision ne mentionnait pas que les locaux ne pouvaient relever de l'administration pénitentiaire ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ; que par voie de conséquence il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins de sursis à l'exécution du jugement du 24 août 2004 ;

Sur les conclusions tendant à ce qu'il soit mis fin à la rétention administrative accordée par l'ordonnance de prolongation en date du 20 août 2004 :

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 35 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : I. (...) Quand un délai de quarante-huit heures s'est écoulé depuis la décision de placement en rétention, le juge des libertés et de la détention est saisi aux fins de prolongation de la rétention. Il statue par ordonnance (...) IV. Les ordonnances mentionnées au I, II et III sont susceptibles d'appel devant le premier président de la cour d'appel ou son délégué (...) ;

Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que les conclusions présentées par M. A tendant à ce qu'il soit mis fin à la rétention administrative, accordée par l'ordonnance de prolongation du juge des libertés et de la rétention près le tribunal de grande instance de Rennes en date du 20 août 2004, au profit d'une assignation à résidence, relèvent de la compétence du juge judiciaire ; qu'en conséquence, elles ne sont pas au nombre de celles dont il appartient à la juridiction administrative de connaître ;

Sur les conclusions tendant aux fins d'injonction :

Considérant que la présente décision, qui rejette la demande de M. A, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que dès lors les conclusions aux fins d'injonction présentées par celui-ci ne peuvent qu'être rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête n° 272300 de M. A est rejetée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 272301.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Ofumbo K'ashasa A, au préfet de l'Ille-et-Vilaine et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Synthèse
Formation : Président de la section du contentieux
Numéro d'arrêt : 272300
Date de la décision : 22/06/2005
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 22 jui. 2005, n° 272300
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Peylet
Rapporteur ?: M. Michaël Chaussard

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:272300.20050622
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award