LE JUGE DES REFERES
Vu la requête enregistrée le 6 juin 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. A... X... , demeurant chez ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance du 4 juin 2002 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à ce que, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, il soit enjoint au préfet de l'Hérault d'achever l'instruction de sa demande de titre de séjour sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
2°) de prononcer l'injonction demandée en première instance sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
3°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. A... X... , d'autre part, le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 11 juin 2002 à 16 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- Me Foussard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. X... ,
- les représentants du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales ;
Considérant que, par un jugement du 28 mars 2001 devenu définitif, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 2 mars 2001 du préfet de l'Hérault ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... au motif que l'intéressé, qui résidait de façon habituelle en France depuis plus de dix ans à la date à laquelle il avait présenté une demande d'admission exceptionnelle au séjour et dont il n'était pas soutenu que la présence en France constituait une menace pour l'ordre public, devait, en application du 3° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, se voir attribuer de plein droit une carte de séjour portant la mention "vie privée et familiale" et ne pouvait, dès lors, légalement faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;
Considérant qu'aux termes du III de l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : "Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que le préfet ait à nouveau statué sur son cas" ;
Considérant que si, à la suite de l'annulation prononcée par le jugement du 28 mars 2001, M. X... a été muni d'une autorisation provisoire de séjour renouvelée à plusieurs reprises, le préfet ne s'est pas prononcé sur son droit à un titre de séjour ainsi qu'il était tenu de le faire, qu'il ait ou non été saisi d'une demande en ce sens, en application des dispositions précitées de l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;
Considérant que si, pour obtenir l'exécution du jugement du 28 mars 2001, M. X... a saisi le tribunal administratif selon la procédure prévue par l'article L. 911-4 du code de justice administrative - procédure qui, à ce jour, n'a pas abouti -, cette circonstance ne faisait pas par elle-même obstacle à ce que l'intéressé présentât au juge des référés une demande tendant à ce qu'il ordonne une mesure d'urgence sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ; que, par suite, c'est à tort que, pour rejeter la demande de M. X... ayant cet objet, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier s'est fondé sur ce que les procédures tendant respectivement à obtenir l'exécution d'une décision juridictionnelle et le prononcé de mesures d'urgence susceptibles d'avoir le même effet, étaient exclusives l'une de l'autre ; que M . X... est, dès lors, fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X... devant le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ;
Considérant qu'aux termes de ces dispositions : "Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public (...) aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale (...)" ;
Considérant que quatorze mois se sont écoulés depuis qu'a été rendu le jugement annulant la mesure de reconduite à la frontière prise à l'encontre de M. X... ; que, compte tenu des motifs de cette annulation, la carence persistante de l'administration à exécuter complètement ce jugement crée une situation d'urgence au sens de l'article L. 521-2 précité du code de justice administrative ;
Considérant que si, depuis l'intervention du jugement du 28 mars 2001, M. X... a, ainsi qu'il a été dit, été muni d'une autorisation provisoire de séjour plusieurs fois renouvelée, ce document ne l'autorise ni à exercer une activité professionnelle ni à quitter le territoire français et y revenir ensuite ; que le défaut prolongé d'exécution de la chose jugée par le tribunal administratif porte ainsi à l'exercice par M. X... des libertés reconnues aux étrangers en situation régulière une atteinte grave et manifestement illégale ;
Considérant qu'il y a lieu, en conséquence, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de se prononcer, dans un délai qui ne saurait excéder quinze jours à compter de la notification de la présente ordonnance et compte tenu de la situation de fait et de droit existant à la date de sa décision, sur le droit de M. X... à un titre de séjour ; qu'il n'y a pas lieu toutefois d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Considérant, enfin, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à payer à M. X... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
O R D O N N E : ----------------
Article 1er : L'ordonnance du 4 juin 2002 du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier est annulée.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de se prononcer dans les quinze jours de la notification de la présente ordonnance sur le droit de M. X... à un titre de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à M. X... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... X... , au préfet de l'Hérault et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.