Vu le recours, enregistré le 30 mars 2002, présenté par le ministre de l'intérieur ; le ministre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat d'annuler l'ordonnance en date du 15 mars 2002 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, statuant en application de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a suspendu les effets de l'arrêté du 2 avril 1999 ordonnant l'expulsion du territoire national de M. A... B... jusqu'à la date du jugement par la cour administrative d'appel de Paris de l'opposition formée par l'intéressé à l'arrêt en date du 27 juillet 2001 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement en date du 12 janvier 2000 par lequel le tribunal administratif de Paris avait annulé l'arrêté d'expulsion pris à l'encontre de M. B... ;
le ministre de l'intérieur soutient que l'opposition formée par M. B... a été introduite après la décision du préfet de la Seine-Saint-Denis de mettre à exécution à destination de la Turquie l'arrêté d'expulsion litigieux ; qu'en tout état de cause M. B... peut présenter devant la cour administrative d'appel des observations écrites au soutien de son opposition ; qu'à supposer que le droit de soutenir une opposition constitue une liberté fondamentale, aucune atteinte grave et manifestement illégale n'a été portée à cette liberté ; qu'il n'y a, en l'espèce, pas d'urgence ;
Vu l'ordonnance attaquée ;
Vu, enregistré le 30 mars 2002, le mémoire en défense présenté pour M. A... B... ; il tend d'une part au rejet du recours, d'autre part à ce que l'Etat soit condamné à verser à M. B... la somme de 1500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
M. B... soutient que la mise à exécution de l'arrêté d'expulsion le prive de la possibilité de se défendre de manière effective devant la cour administrative d'appel et porte ainsi atteinte à la liberté fondamentale que constitue le droit à un recours effectif ; qu'en outre l'expulsion de M. B..., qui est entré en France à l'âge de quatre ans et qui vit en concubinage avec une Française dont il attend un enfant qui doit naître prochainement, porte une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît ainsi l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le ministre de l'intérieur, d'autre part, M. B... ;
Considérant que M. A... B..., ressortissant turc, a fait l'objet d'un arrêté d'expulsion pris par le ministre de l'intérieur le 2 avril 1999 ; que cet arrêté d'expulsion a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Paris en date du 12 janvier 2000 ; que, sur appel du ministre de l'intérieur, la cour administrative d'appel de Paris a annulé ce jugement et rejeté la demande d'annulation de M. B... par un arrêt du 27 septembre 2001 ; que M. B... a formé opposition contre ce dernier arrêt ; que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a suspendu, afin de permettre à M. B... de se défendre en personne devant la cour administrative d'appel, les effets de l'arrêté d'expulsion du 2 avril 1999 jusqu'à ce que la cour ait statué sur cette opposition ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : « Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public . aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale » ;
Considérant que la possibilité d'assurer de manière effective sa défense devant le juge a le caractère d'une liberté fondamentale ; que, toutefois, la procédure devant la cour administrative d'appel est écrite ; que M. B... est en outre représenté devant la cour administrative d'appel par un avocat ; que dans ces conditions le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise s'est fondé, pour suspendre les effets de l'arrêté d'expulsion pris à l'encontre de M. B..., sur ce que l'exécution de cet arrêté portait atteinte au droit pour l'intéressé d'assurer sa défense de manière effective ;
Considérant toutefois qu'il y a lieu pour le juge des référés du Conseil d'Etat d'examiner l'autre moyen invoqué par M. B... au soutien de sa demande de référé ;
Considérant qu'il ressort des pièces versées au dossier que M. B..., né en 1978, est entré en France en 1982, à l'âge de quatre ans ; qu' il a fait l'objet de plusieurs condamnations à des peines d'emprisonnement pour des faits de vol avec violence et de vol aggravé commis en 1996 et 1997 ; qu'eu égard à ces faits, le ministre de l'intérieur a estimé que son expulsion répondait à une nécessité impérieuse pour la sécurité publique ;
Considérant que M. B... a la possibilité de saisir, depuis son pays d'origine où il réside à l'heure actuelle, le ministre de l'intérieur d'une demande d'abrogation de l'arrêté d'expulsion pris à son encontre en se prévalant notamment de la relative ancienneté des faits délictueux qu'il a commis durant une période déterminée et de son comportement depuis lors ; qu'il appartiendra au ministre de l'intérieur, saisi d'une telle demande, d'y statuer en tenant compte à la fois des faits en cause et de la situation personnelle de l'intéressé qui, arrivé très jeune en France, vivait avant son expulsion avec une Française et devrait être prochainement père d'un enfant français ; qu'en revanche il n'apparaît pas, en l'état du dossier soumis au juge des référés, que l'arrêté d'expulsion pris à l'encontre de M. B... soit entaché d'une illégalité manifeste ; qu'il n' y a, dès lors, pas lieu d'ordonner des mesures de nature à en suspendre les effets ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a fait droit à la demande de M. B... ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à M. B... la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
O R D O N N E :
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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise en date du 15 mars 2002 est annulée.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au ministre de l'intérieur et à M. B... .
Fait à Paris, le 3 avril 2002
Signé : B. Stirn