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26/01/1996 | FRANCE | N°146502

France | France, Conseil d'État, President de la sous-section, 26 janvier 1996, 146502


Vu la requête enregistrée le 24 mars 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME ; le PREFET DE LA SEINE-MARITIME demande au président de la section du Contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 13 février 1993 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé les décisions du 16 février 1993 par lesquelles il a décidé la reconduite à la frontière de M. X... et l'a informé qu'il devrait quitter le territoire français le 19 février 1993 pour Istanbul ;r> 2°) de rejeter la demande de M. X... tendant à l'annulation pour excès d...

Vu la requête enregistrée le 24 mars 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME ; le PREFET DE LA SEINE-MARITIME demande au président de la section du Contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 13 février 1993 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé les décisions du 16 février 1993 par lesquelles il a décidé la reconduite à la frontière de M. X... et l'a informé qu'il devrait quitter le territoire français le 19 février 1993 pour Istanbul ;
2°) de rejeter la demande de M. X... tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de ces décisions ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, notamment par la loi du 2 août 1989, la loi du 10 janvier 1990, la loi du 26 février 1992 et la loi du 24 août 1993 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- les conclusions de M. Piveteau, Commissaire du gouvernement ;

Sur la recevabilité du pourvoi du PREFET DE LA SEINE-MARITIME :
Considérant, d'une part, qu'il ne résulte d'aucune des pièces du dossier que le jugement attaqué ait été régulièrement notifié au PREFET DE LA SEINE-MARITIME avant le 26 février 1993 ; que, dès lors, le pourvoi dudit préfet, enregistré au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 25 mars 1993, est recevable ;
Considérant, d'autre part, qu'en admettant même que cet arrêté ne puisse plus désormais être mis à exécution le préfet de police reste recevable à faire appel du jugement annulant son arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... ;
Au fond :
Considérant qu'il est constant que M. X..., à qui la qualité de réfugié a été refusée par une décision du 15 mai 1992, confirmée le 29 septembre 1992 par la commission des recours des réfugiés, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après le 15 octobre 1992, date à laquelle lui a été notifiée une décision de refus de séjour ; qu'ainsi il se trouvait dans le cas prévu à l'article 22-3° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant que si M. X... s'est présenté spontanément le 16 février 1993 à la préfecture pour y formuler une demande de titre de séjour en qualité de conjoint de la ressortissante française qu'il venait d'épouser, cette circonstance n'obligeait pas le préfet à surseoir à l'édiction d'un arrêté de reconduite à la frontière jusqu'à ce qu'il ait statué sur cette nouvelle demande ; que, dès lors le PREFET DE LA SEINE-MARITIME est fondé à soutenir que c'est à tort que le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Rouen s'est fondé sur l'absence d'instruction préalable de la nouvelle demande de titre de séjour du 16 février 1993 pour annuler l'arrêté du même jour décidant la reconduite à la frontière de M. X... et la décision préfectorale lui enjoignant de quitter le territoire par un vol à destination d'Istanbul ;
Considérant qu'il appartient au juge d'appel, saisi par l'effet dévolutif, d'examiner les autres moyens présentés par M. X... ;
Sur la légalité de la décision de reconduite à la frontière :
Considérant que les conditions dans lesquelles a été notifiée une décision administrative sont sans incidence sur sa légalité ; que les moyens tirés de l'irrégularité de la notification des décisions de refus de séjour ou de reconduite à la frontière sont donc inopérants ;

Considérant que le mariage de M. X... avec une française datait de moins de six mois lorsque l'arrêté décidant sa reconduite à la frontière a été pris ; que ledit arrêté ne méconnaît donc pas les dispositions de l'article 25-4° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; que compte tenu de la durée et des conditions du séjour de M. X... en France et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté attaqué n'a pas porté au respect dû à la vie familiale de l'intéressé une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a donc pas méconnu l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la légalité de la décision enjoignant à M. X... de quitter la France le 19 février par un vol à destination d'Istanbul :
Considérant que par une décision prise à la même date, mais distincte de la précédente, le PREFET DE LA SEINE-MARITIME a enjoint à M. X... de quitter la France le 19 février 1993 par le vol AF 2620 à destination d'Istanbul ;
Considérant, d'une part, que cette décision n'a eu ni pour objet ni pour effet d'empêcher M. X... de déférer au juge administratif la décision ordonnant sa reconduite à la frontière, dans les conditions prévues à l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;
Considérant, d'autre part, que si M. X..., dont la demande d'admission au statut de réfugié a été rejetée par les décisions susrappelées de l'office français de protection des réfugiés et apatrides et de la commission des recours des réfugiés, soutient que son retour en Turquie lui ferait courir de graves dangers, ses allégations ne sont assorties d'aucune précision ni justification ; qu'il ne produit aucun élément relatif à sa situation personnelle permettant de regarder comme établies les circonstances de nature à faire obstacle à sa reconduite à destination de son pays d'origine et ne peut en tout état de cause soutenir que les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne des droits de l'homme auraient été méconnues ;
Considérant que de tout ce qui précède, il résulte que M. X... n'est pas fondé à demander l'annulation des arrêtés attaqués ;
Article 1er : Le jugement du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Rouen en date du 19 février 1993 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X... est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA SEINE-MARITIME, à M. X... et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : President de la sous-section
Numéro d'arrêt : 146502
Date de la décision : 26/01/1996
Type d'affaire : Administrative

Analyses

DROITS CIVILS ET INDIVIDUELS - CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - DROITS GARANTIS PAR LA CONVENTION - DROIT AU RESPECT DE LA VIE FAMILIALE (ART - 8) - CONTROLE DU JUGE.

ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE - LEGALITE EXTERNE - PROCEDURE.

ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE - LEGALITE INTERNE - DROIT AU RESPECT DE LA VIE FAMILIALE.


Références :

Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 2, art. 3, art. 8
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22, art. 25, art. 22 bis


Publications
Proposition de citation : CE, 26 jan. 1996, n° 146502
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur public ?: M. Piveteau

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1996:146502.19960126
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