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28/12/1992 | FRANCE | N°75068

France | France, Conseil d'État, 6 /10 ssr, 28 décembre 1992, 75068


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 22 janvier 1986 et 20 mai 1986, présentés pour M. Christian Y..., demeurant ... ; M. Y... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement en date du 9 mai 1985 par lequel le tribunal administratif de Versailles a annulé une décision du 31 mars 1982 par laquelle le ministre de l'agriculture avait annulé la décision de l'inspecteur du travail, chef du service départemental du travail et de la protection sociale agricole du Val-d'Oise en date du 23 décembre 1981 aut

orisant la société anonyme Lessieux à licencier pour motif écono...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 22 janvier 1986 et 20 mai 1986, présentés pour M. Christian Y..., demeurant ... ; M. Y... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement en date du 9 mai 1985 par lequel le tribunal administratif de Versailles a annulé une décision du 31 mars 1982 par laquelle le ministre de l'agriculture avait annulé la décision de l'inspecteur du travail, chef du service départemental du travail et de la protection sociale agricole du Val-d'Oise en date du 23 décembre 1981 autorisant la société anonyme Lessieux à licencier pour motif économique M. Y... ;
2°) rejette la demande présentée devant le tribunal administratif par la société Lessieux ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Seban, Auditeur,
- les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges, Thouvenin, avocat de M. Christian Y... et de Me Guinard, avocat de la S.A. Lessieux,
- les conclusions de M. Sanson, Commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article R.159 du code des tribunaux administratifs, dans sa rédaction applicable à la date du jugement attaqué ; "lorsque l'affaire est en état, le président peut, par une ordonnance, fixer une date à partir de laquelle l'instruction sera close (...) les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas visés dans le jugement. Les conclusions et moyens qu'ils contiennent ne sont pas examinés par le tribunal administratif" ; qu'en vertu de l'article R.160 : "Le président peut rouvrir l'instruction par une décision qui n'est pas motivée et ne peut faire l'objet d'aucun recours. Cette décision est notifiée dans les mêmes formes que l'ordonnance de clôture. Les mémoires qui auraient été produits pendant la période comprise entre la clôture et la réouverture de l'instruction sont communiqués aux parties" ;
Considérant que si la société Lessieux a adressé un nouveau mémoire au tribunal administratif le 23 avril 1985, après la clôture de l'instruction, le tribunal ne s'est pas fondé dans son jugement sur les énonciations de ce mémoire, dont les termes mêmes, comme les pièces annexes, ne contenaient d'ailleurs aucun élément nouveau que le requérant n'aurait été à même de discuter utilement auparavant dans le cadre de la procédure contradictoire ; que dans ces conditions, c'est par une exacte application des dispositions précitées de l'article R.159 que le tribunal s'est abstenu de viser ce mémoire et de le communiquer à M. X..., qui n'est donc pas fondé à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité de ce chef ;
Sur la légalité de la décision ministérielle :

Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles L.321-3 et L.321-9 du code du travail, dans leur rédaction applicable à la date de la décision attaquée, que l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement pour motif économique portant sur moins de 10 salariés dans une même période de 30 jours, "dispose d'un délai de 7 jours, renouvelable une fois, pour vérifier la réalité du motif économique invoqué et pour faire connaître soit son accord, soit son refus d'autorisation" ; que, saisi le 19 août 1981 par la société Lessieux d'une demande d'autorisation de licenciement pour motif économique concernant M. Y..., l'inspecteur du travail, chef du service départemental du travail et de la protection sociale agricole du Val-d'Oise, a opposé un refus le 28 août 1981 ; que sur nouvelle demande de la société en date du 12 décembre 1981, invoquant l'aggravation de sa situation financière, l'inspecteur du travail a accordé l'autorisation par décision du 23 décembre 1981 ; que le ministre de l'agriculture, saisi des recours hiérarchiques de la société et de M. Y..., a confirmé la première décision et annulé la seconde par une décision du 31 mars 1982 dont le tribunal administratif a prononcé l'annulation ;
Considérant qu'eu égard à l'aggravation significative de la situation financière de l'entreprise dont l'employeur se prévalait au soutien de sa seconde demande par rapport à celle qui avait servi de base à la première décision, cette seconde demande, déposée après l'expiration du délai de recours contentieux contre la décision initiale de l'inspecteur, revêtait le caractère d'une demande nouvelle ;

Considérant que les dispositions de l'article L.420-22 du code du travail, dans leur rédaction applicable en l'espèce, subordonnent à l'assentiment du comité d'entreprise ou, en cas de désaccord de celui-ci, à la décision de l'inspecteur du travail, le licenciement des "candidats aux fonctions de délégué du personnel présentés au premier tour par les organisations syndicales, dès la publication des candidatures et pendant une durée de trois mois" ; que cette protection particulière doit s'entendre comme ne pouvant bénéficier qu'aux salariés dont la candidature est présentée par une organisation syndicale après la conclusion de l'accord préélectoral prévu par l'article L.420-7 à l'effet de permettre l'organisation des élections, en l'absence de tout retard anormal dans les conclusions d'un tel accord entre l'employeur et les organisations syndicales ; que si, au cas présent, M. Y... soutient qu'il bénéficiait de la protection légale du chef des deux démarches successives qu'une organisation syndicale avait faites auprès de son employeur pour lui demander l'organisation d'élections de délégués du personnel au bénéfice des stipulations de l'article 10 de la convention collective des exploitations de polyculture et d'élévage de Seine-et-Oise, qui prévoient la désignation de délégués du personnel dans les exploitations occupant de façon permanente au moins 5 salariés, et pour lui annoncer la candidature de M. Y..., celui-ci ne pouvait, en tout état de cause, être regardé comme jouissant de la protection légale à la date de la décision de l'inspecteur du travail, sans qu'il soit besoin de déterminer si la société Lessieux relevait du champ de cette convention collective du fait de son activité, en l'absence d'un retard anormal dans la conclusion de l'accord préélectoral ; que, dès lors, l'administration n'avait pas à examiner la situation de M. Y... au regard des textes relatifs au licenciement pour motif économique des salariés protégés ;

Considérant que s'il ne ressort pas des pièces du dossier que, comme l'a relevé le jugement attaqué, le ministre de l'agriculture ait commis une erreur de droit en se plaçant, pour apprécier la réalité du motif économique invoqué par la société Lessieux au soutien de sa deuxième demande, à une date autre que la date de la décision prise par l'inspecteur du travail sur cette demande, l'inspecteur n'avait commis aucune erreur manifeste d'appréciation en se fondant, pour accorder l'autorisation de licencier M. Y..., sur le caractère effectif de la détérioration de la situation financière de l'entreprise, dont l'étendue ne pouvait, en tout état de cause, résulter des seules charges afférentes aux licenciements précédemment autorisés ; qu'il n'y avait donc pas lieu pour le ministre de l'agriculture d'annuler la décision de l'inspecteur du travail en s'appuyant sur l'absence de motif économique réel ; que la décision ministérielle encourait, de ce seul chef, l'annulation qu'ont prononcée les premiers juges ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Y... n'est pas fondé à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du ministre de l'agriculture en date du 31 mars 1982, en tant qu'elle a annulé la décision du 23 décembre 1981 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement pour motif économique ;
Article 1er : La requête de M. Y... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Y..., à la société Lessieux et au ministre de l'agriculture et du développement rural.


Synthèse
Formation : 6 /10 ssr
Numéro d'arrêt : 75068
Date de la décision : 28/12/1992
Type d'affaire : Administrative

Analyses

TRAVAIL ET EMPLOI - LICENCIEMENTS - AUTORISATION ADMINISTRATIVE - SALARIES PROTEGES - BENEFICE DE LA PROTECTION - DELEGUES DU PERSONNEL.

TRAVAIL ET EMPLOI - LICENCIEMENTS - AUTORISATION ADMINISTRATIVE - SALARIES NON PROTEGES - LICENCIEMENT POUR MOTIF ECONOMIQUE - REALITE DU MOTIF ECONOMIQUE - MOTIF REEL.

TRAVAIL ET EMPLOI - LICENCIEMENTS - AUTORISATION ADMINISTRATIVE - SALARIES NON PROTEGES - LICENCIEMENT POUR MOTIF ECONOMIQUE - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - APPRECIATION DE LEGALITE SUR RENVOI PREJUDICIEL DU JUGE PRUD'HOMAL.


Références :

Code des tribunaux administratifs R159, R160, L420-7
Code du travail L321-3, L321-9, L420-22


Publications
Proposition de citation : CE, 28 déc. 1992, n° 75068
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Seban
Rapporteur public ?: Sanson

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1992:75068.19921228
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