Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif présentés pour la Compagnie Nouvelle du Gaz de Déville-lès-Rouen, société anonyme dont le siège social est à Déville-lès-Rouen, Rue aux Juifs n° 32, représentée par son directeur et ses administrateurs en exercice, ladite requête et ledit mémoire enregistrés au Secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 23 février et le 28 août 1898 et tendant à ce qu'il plaise au Conseil annuler un arrêté en date du 9 décembre 1897, par lequel le conseil de préfecture de la Seine-Inférieure a rejeté sa demande d'indemnité formée contre la commune de Deville-lès-Rouen, à raison du préjudice résultant pour elle de l'autorisation donnée au sieur X..., auquel est substituée la Compagnie électrique de la banlieue de Rouen, de poser sur le territoire de la commune des fils pour l'éclairage électrique à fournir aux particuliers ; Vu la loi du 28 pluviose an VIII ;
Considérant que la commune de Deville-lès-Rouen soutient que si elle a concédé à la Compagnie requérante le privilège exclusif de l'éclairage par le gaz, ce privilège dans le silence des traités de 1874 et de 1887, ne s'étend pas à l'éclairage par tout autre moyen et notamment par celui de l'électricité, la commune n'ayant pas renoncé au droit de faire profiter ses habitants de la découverte d'un nouveau mode d'éclairage ;
Considérant que le silence gardé sur ce point par les premières conventions de 1874 est facile à expliquer et doit être interprété en faveur de la Compagnie du gaz ; qu'il en est autrement du défaut de toute stipulation dans le traité de prorogation intervenu en 1887, époque où l'éclairage au moyen de l'électricité fonctionnait déjà dans des localités voisines ; qu'à cet égard les parties sont en faute de n'avoir pas manifesté expressément leur volonté, ce qui met le juge dans l'obligation d'interpréter leur silence et de rechercher quelle a été en 1887 leur commune intention ;
Considérant qu'il sera fait droit à ce qu'il y a de fondé dans leurs prétentions contraires en reconnaissant à la Compagnie du gaz le privilège de l'éclairage n'importe par quel moyen et à la commune de Deville la faculté d'assurer ce service au moyen de l'électricité, en le concédant à un tiers dans le cas où la Compagnie requérante dûment mise en demeure refuserait de s'en charger aux conditions acceptées par ce dernier ;
Considérant, il est vrai, que la commune allègue que les longues négociations engagées sans résultat dès 1893 entre elle et la Compagnie et à la suite desquelles est intervenu le traité passé en janvier 1897 avec le sieur X... constitue une mise en demeure suffisante pour rendre ce traité définitif ;
Mais considérant que ces négociations antérieures à la solution d'un litige qui porte sur l'étendue des obligations imposées à chacune des parties dans le traité de 1887 ne peuvent remplacer la mise en demeure préalable à l'exercice du droit de préférence reconnu par la présente décision en faveur de la Compagnie requérante ;
DECIDE : Article 1er : L'arrêté ci-dessus visé du Conseil de préfecture de la Seine-Inférieure en date du 9 décembre 1897 est annulé. Article 2 : Dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision la commune de Deville mettra la Compagnie du gaz en demeure de déclarer avant l'expiration du mois suivant si elle entend se charger du service de l'éclairage au moyen de l'électricité dans les conditions du traité passé avec le sieur X.... Article 3 : Il est sursis à statuer jusqu'après l'exécution à donner à l'article 2 ci-dessus sur la demande de dommages-intérêts formée par la Compagnie du gaz. Article 4 : Les dépens exposés jusqu'à ce jour seront supportés par la commune de Déville. Article 5 : Expédition Intérieur.