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24/04/2015 | FRANCE | N°2015-465

France | France, Conseil constitutionnel, 24 avril 2015, 2015-465


Le Conseil constitutionnel a été saisi le 13 février 2015 par le Conseil d'État (décision n° 386118 du 13 février 2015), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée pour la conférence des présidents d'université, par la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, Poupot, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du paragraphe IV de l'article L. 712-6-1 du code de l'éducation.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée port...

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 13 février 2015 par le Conseil d'État (décision n° 386118 du 13 février 2015), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée pour la conférence des présidents d'université, par la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, Poupot, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du paragraphe IV de l'article L. 712-6-1 du code de l'éducation.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de l'éducation ;
Vu la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour l'association requérante par la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, Poupot, enregistrées les 4 et 20 mars 2015 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées les 9 et 30 mars 2015 ;
Vu les observations en intervention produites pour Mmes Myriam B., Olivia B., Véronique C., Céline F., Juliette G., Charlotte G., Sophie G., Tatiana G., Stéphanie H. et Danièle L., MM. Marc P. et Jérôme P., Mmes Diane R. et Laurence S. et M. Serge S. par la SCP Spinosi et Sureau, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 9 et 30 mars 2015 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Jean Barthélemy pour l'association requérante, Me Patrice Spinosi pour les parties intervenantes et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 8 avril 2015 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que l'article L. 712-6-1 du code de l'éducation est relatif au conseil académique des universités ; qu'aux termes de son paragraphe IV, dans sa rédaction issue de la loi du 22 juillet 2013 susvisée : « En formation restreinte aux enseignants-chercheurs, il est l'organe compétent, mentionné à l'article L. 952-6 du présent code, pour l'examen des questions individuelles relatives au recrutement, à l'affectation et à la carrière des enseignants-chercheurs. Il délibère sur l'intégration des fonctionnaires des autres corps dans le corps des enseignants-chercheurs et sur le recrutement ou le renouvellement des attachés temporaires d'enseignement et de recherche. Lorsqu'il examine en formation restreinte des questions individuelles relatives aux enseignants-chercheurs, autres que les professeurs des universités, il est composé à parité d'hommes et de femmes et à parité de représentants des professeurs des universités et des autres enseignants-chercheurs, dans des conditions précisées par décret » ;
2. Considérant que, selon l'association requérante, en omettant de fixer les règles de désignation des membres du conseil académique appelés à siéger au sein de sa formation restreinte aux enseignants- chercheurs lorsqu'elle examine des questions individuelles relatives aux enseignants-chercheurs autres que les professeurs des universités, le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence dans des conditions qui portent atteinte au principe fondamental reconnu par les lois de la République d'indépendance des enseignants-chercheurs ainsi qu'au principe d'égalité devant le suffrage résultant tant de l'article 3 de la Constitution que du huitième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ; que le législateur porterait également atteinte au principe d'égalité devant la loi ; que, selon les parties intervenantes, en ce qu'elles prévoient une obligation de composition à parité d'hommes et de femmes pour la formation restreinte lorsqu'elle examine des questions individuelles relatives aux enseignants-chercheurs autres que les professeurs des universités alors qu'aucune obligation identique n'est prévue pour la formation restreinte lorsqu'elle examine des questions individuelles relatives aux professeurs des universités, les dispositions contestées sont contraires au principe d'égalité devant la loi ainsi qu'au « principe de parité » consacré par le second alinéa de l'article 1er de la Constitution ;
3. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur la dernière phrase du paragraphe IV de l'article L. 712-6-1 du code de l'éducation ;
- SUR LES GRIEFS TIRÉS DE L'INCOMPÉTENCE NÉGATIVE DU LÉGISLATEUR :
4. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 61-1 de la Constitution : « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé » ; que la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit ;
5. Considérant, en premier lieu, d'une part, que le troisième alinéa de l'article 3 de la Constitution, qui dispose que le suffrage « est toujours universel, égal et secret », ne s'applique qu'aux élections à des mandats et fonctions politiques ; que le grief tiré de l'atteinte aux exigences de l'article 3 de la Constitution doit par suite être écarté ;
6. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : « Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises » ; que les dispositions contestées sont relatives aux règles de composition de la formation du conseil académique compétente pour examiner les questions individuelles relatives au recrutement, à l'affectation et à la carrière des enseignants-chercheurs autres que les professeurs des universités ; que cette formation n'est donc pas compétente pour la détermination collective des conditions de travail des enseignants-chercheurs ; que le grief tiré de l'atteinte aux exigences du huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 doit par suite être écarté ;
7. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution : « La loi détermine les principes fondamentaux…de l'enseignement » ; que la garantie de l'indépendance des enseignants-chercheurs résulte d'un principe fondamental reconnu par les lois de la République ; que ce principe implique notamment que les professeurs des universités et les maîtres de conférences soient associés au choix de leurs pairs ;
8. Considérant que les dispositions contestées imposent à la formation restreinte du conseil académique, lorsqu'elle examine des questions individuelles relatives aux enseignants-chercheurs autres que les professeurs des universités, de comprendre un nombre égal d'hommes et de femmes ainsi qu'un nombre égal de représentants des professeurs des universités et des autres enseignants-chercheurs ; que ces dispositions ne remettent pas en cause la règle selon laquelle cette formation est, en vertu de la première phrase du paragraphe IV de l'article L. 712-6-1 du code de l'éducation, composée exclusivement d'enseignants-chercheurs élus au conseil académique ; qu'elles prévoient que cette formation comprend deux collèges composés à parité pour représenter, d'une part, les professeurs des universités et, d'autre part, les autres enseignants-chercheurs ; que, dès lors, en fixant une exigence d'égale représentation des femmes et des hommes et en confiant la mise en œuvre de cette exigence au pouvoir réglementaire, le législateur n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence ;
- SUR LES GRIEFS TIRÉS DE L'ATTEINTE AU PRINCIPE D'ÉGALITÉ DEVANT LA LOI :
9. Considérant que l'article 6 de la Déclaration de 1789 dispose que la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;
10. Considérant, en premier lieu, que les dispositions contestées posent le principe d'une composition à parité d'hommes et de femmes de la formation restreinte du conseil académique lorsqu'elle examine des questions individuelles relatives aux enseignants-chercheurs autres que les professeurs des universités ; que la différence de traitement entre enseignants-chercheurs membres du conseil académique selon qu'ils participent ou non à la formation restreinte a pour objet de favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles ; que le législateur a ainsi assuré la conciliation entre cet objectif et le principe d'égalité devant la loi ;
11. Considérant, en second lieu, qu'en imposant une composition à parité d'hommes et de femmes de la formation restreinte du conseil académique lorsqu'elle examine des questions individuelles relatives aux enseignants-chercheurs membres d'un autre corps que celui des professeurs d'université, sans imposer une telle parité pour la formation restreinte du conseil académique lorsqu'elle examine des questions individuelles relatives aux professeurs des universités, le législateur a traité différemment des situations différentes ; que cette différence de traitement est en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les griefs tirés d'une atteinte au principe d'égalité devant la loi doivent être écartés ;
- SUR LE GRIEF TIRÉ DE LA MÉCONNAISSSANCE DU SECOND ALINÉA DE L'ARTICLE 1er DE LA CONSTITUTION :
13. Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article 1er de la Constitution « La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales » ; qu'il ressort de ces dispositions que le constituant a entendu permettre au législateur d'instaurer tout dispositif tendant à rendre effectif l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales ; qu'à cette fin, il est loisible au législateur d'adopter des dispositions revêtant soit un caractère incitatif, soit un caractère contraignant ; qu'il lui appartient toutefois d'assurer la conciliation entre cet objectif et les autres règles et principes de valeur constitutionnelle auxquels le pouvoir constituant n'a pas entendu déroger ;
14. Considérant que cette disposition n'institue pas un droit ou une liberté que la Constitution garantit ; que sa méconnaissance ne peut donc être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la dernière phrase du paragraphe IV de l'article L. 712-6-1 du code de l'éducation, qui n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doit être déclarée conforme à la Constitution,

D É C I D E :

Article 1er.- La dernière phrase du paragraphe IV de l'article L. 712-6-1 du code de l'éducation est conforme à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 23 avril 2015, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.

Rendu public le 24 avril 2015.


Synthèse
Numéro de décision : 2015-465
Date de la décision : 24/04/2015
Conférence des présidents d'université [Composition de la formation restreinte du conseil académique]
Sens de l'arrêt : Conformité
Type d'affaire : Question prioritaire de constitutionnalité

Références :

QPC du 24 avril 2015 sur le site internet du Conseil constitutionnel
QPC du 24 avril 2015 sur le site internet Légifrance

Texte attaqué : Disposition législative (type)


Publications
Proposition de citation : Cons. Const., décision n°2015-465 QPC du 24 avril 2015
Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CC:2015:2015.465.QPC
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