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17/01/2013 | FRANCE | N°2012-660

France | France, Conseil constitutionnel, 17 janvier 2013, 2012-660


Le Conseil constitutionnel a été saisi dans les conditions prévues à l'article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social, le 19 décembre 2012, par MM. Christian JACOB, Bernard ACCOYER, Yves ALBARELLO, Benoist APPARU, Olivier AUDIBERT TROIN, Jean Pierre BARBIER, Xavier BERTRAND, Étienne BLANC, Jean-Claude BOUCHET, Xavier BRETON, Philippe BRIAND, Yves CENSI, Alain CHRÉTIEN, Philippe COCHET, François CORNUT-GENTILLE, Édouard COURTIAL, Mme Mari

e Christine DALLOZ, MM. Marc-Philippe DAUBRESSE, Bernard DE...

Le Conseil constitutionnel a été saisi dans les conditions prévues à l'article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social, le 19 décembre 2012, par MM. Christian JACOB, Bernard ACCOYER, Yves ALBARELLO, Benoist APPARU, Olivier AUDIBERT TROIN, Jean Pierre BARBIER, Xavier BERTRAND, Étienne BLANC, Jean-Claude BOUCHET, Xavier BRETON, Philippe BRIAND, Yves CENSI, Alain CHRÉTIEN, Philippe COCHET, François CORNUT-GENTILLE, Édouard COURTIAL, Mme Marie Christine DALLOZ, MM. Marc-Philippe DAUBRESSE, Bernard DEFLESSELLES, Lucien DEGAUCHY, Mme Virginie DUBY-MULLER, MM. Daniel FASQUELLE, Georges FENECH, Mme Marie Louise FORT, MM. Yves FOULON, Marc FRANCINA, Sauveur GANDOLFI-SCHEIT, Bernard GÉRARD, Alain GEST, Franck GILARD, Claude GOASGUEN, Philippe GOSSELIN, Christophe GUILLOTEAU, Guénhaël HUET, Sébastien HUYGHE, Denis JACQUAT, Christian KERT, Mmes Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, Valérie LACROUTE, M. Marc LAFFINEUR, Mme Laure de LA RAUDIÈRE, MM. Guillaume LARRIVÉ, Marc LE FUR, Bruno LE MAIRE, Pierre LEQUILLER, Philippe LE RAY, Jean François MANCEL, Thierry MARIANI, Olivier MARLEIX, Alain MARTY, François de MAZIÈRES, Philippe MEUNIER, Pierre MORANGE, Pierre MOREL-A-L'HUISSIER, Jean-Luc MOUDENC, Jacques MYARD, Mme Dominique NACHURY, MM. Yves NICOLIN, Édouard PHILIPPE, Axel PONIATOWSKI, Mme Josette PONS, MM. Bernard REYNÈS, Franck RIESTER, Martial SADDIER, Jean-Marie SERMIER, Fernand SIRÉ, Jean-Charles TAUGOURDEAU, Jean-Marie TETART, Dominique TIAN, Mme Catherine VAUTRIN, MM. Patrice VERCHÈRE, Michel VOISIN, Mme Marie-Jo ZIMMERMANN, MM. Élie ABOUD et Sylvain BERRIOS, députés.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu le code de la construction et de l'habitation ;

Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 11 janvier 2013 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que les députés requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social ; qu'ils contestent la conformité à la Constitution de certaines dispositions de son article 3 ainsi que de ses articles 10, 14, 15 et 16 ;

- SUR L'ARTICLE 3 :

2. Considérant que l'article 3 de la loi déférée modifie l'article L. 3211-7 du code général de la propriété des personnes publiques, relatif aux conditions dans lesquelles l'État peut vendre des terrains de son domaine privé à un prix inférieur à la valeur vénale lorsque ces terrains sont destinés à la réalisation de programmes de constructions comportant essentiellement des logements dont une partie au moins est réalisée en logement social ; que, notamment, le paragraphe I de cet article L. 3211-7 fixe les pourcentages de décote maximale qui peuvent être appliqués à la valeur vénale du terrain ainsi cédé ; que son paragraphe II détermine les conditions dans lesquelles une décote est de droit ; que son paragraphe III est relatif, notamment, aux obligations auxquelles est soumis le primo-acquéreur qui souhaite revendre ou louer le bien ;

3. Considérant qu'aux termes des troisième à cinquième alinéas de ce paragraphe III : « Le primo-acquéreur d'un logement qui souhaite le revendre dans les dix ans qui suivent l'acquisition consécutive à la première mise en vente du bien est tenu d'en informer le représentant de l'État dans la région. Ce dernier en informe les organismes mentionnés à l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation, qui peuvent se porter acquéreurs du logement en priorité. Le primo-acquéreur est tenu de verser à l'État une somme égale à la différence entre le prix de vente et le prix d'acquisition de son logement. Cette somme ne peut excéder le montant de la décote. Pour l'application du présent alinéa, les prix s'entendent hors frais d'acte et accessoires à la vente.

« Lorsque le primo-acquéreur d'un logement le loue dans les dix ans qui suivent l'acquisition consécutive à la première mise en vente du bien, le niveau de loyer ne doit pas excéder des plafonds fixés par le représentant de l'État dans la région. Ceux-ci sont arrêtés par référence au niveau des loyers qui y sont pratiqués pour des logements locatifs sociaux de catégories similaires.

« À peine de nullité, les contrats de vente comportent la mention des obligations visées aux troisième et quatrième alinéas du présent III et du montant de la décote consentie » ;

4. Considérant que selon les députés requérants, le contrôle confié à l'autorité publique lors de l'aliénation de son bien par le propriétaire, le droit de priorité reconnu aux organismes d'habitation à loyer modéré pour acquérir le bien en cas de projet de vente et la limitation du prix de vente ainsi que du montant du loyer portent une atteinte inconstitutionnelle à l'exercice du droit de propriété et à la liberté contractuelle ; qu'en outre, en n'encadrant pas suffisamment le pouvoir du préfet de fixer le plafond des loyers, le législateur aurait méconnu l'étendue de sa compétence ;

5. Considérant qu'il est loisible au législateur d'apporter aux conditions d'exercice du droit de propriété des personnes privées, protégé par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, et à la liberté contractuelle, qui découle de son article 4, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi ;

6. Considérant que les dispositions contestées sont applicables aux propriétaires de certains logements acquis en accession à la propriété lorsque ces logements ont été construits sur des terrains qui étaient détenus par des personnes publiques, qui ont été aliénés à un prix inférieur à leur valeur vénale afin de faciliter la construction de logements sociaux ; qu'en ce cas, la décote appliquée sur le terrain lors de son aliénation ne peut excéder 50 % de la valeur vénale du terrain ; qu'elle est répercutée sur le prix de cession des logements ;

7. Considérant qu'en imposant au primo-acquéreur d'un logement qui souhaite le vendre dans un délai de dix ans suivant l'acquisition consécutive à la première mise en vente d'en informer le représentant de l'État dans le département, en conférant aux organismes d'habitation à loyer modéré un droit de priorité pour se porter acquéreur de ce logement et en imposant le reversement à l'État d'une somme égale à la différence entre le prix de vente et le prix d'acquisition du logement, dans la limite de la décote, les dispositions du troisième alinéa du paragraphe III de l'article L. 3211-7 du code général de la propriété des personnes publiques ont pour objet d'instituer des garanties appropriées pour assurer le respect des exigences constitutionnelles relatives à la propriété des personnes publiques qui résultent, d'une part, des articles 6 et 13 de la Déclaration de 1789 et, d'autre part, de ses articles 2 et 17 ; qu'il en va de même des dispositions du quatrième alinéa de ce même paragraphe III qui limitent le montant des loyers pendant la même durée de dix ans lorsque le bien est donné en location ; que les limites apportées à l'exercice, par les propriétaires, de leur droit de propriété et de leur liberté contractuelle sont proportionnées à la poursuite de cet objectif ;

8. Considérant, en second lieu, qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution, la loi détermine les principes fondamentaux « du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales » ; qu'en prévoyant que les plafonds des loyers fixés par le représentant de l'État dans le département, sont « arrêtés par référence au niveau des loyers qui y sont pratiqués pour des logements locatifs sociaux de catégories similaires », le législateur n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les dispositions du paragraphe III de l'article L. 3211-7 du code général de la propriété des personnes publiques, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, doivent être déclarées conformes à la Constitution ;

- SUR LES ARTICLES 10 ET 14 :

10. Considérant que l'article 10 modifie l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation qui définit un seuil d'application des dispositions de la section 2 du chapitre II du titre préliminaire du livre III de la partie législative du code de la construction et de l'habitation, pour porter de 20 % à 25 % le taux de logements locatifs sociaux parmi les résidences principales des communes dont la population est au moins égale à 1 500 habitants en Île-de-France et 3 500 habitants dans les autres régions qui sont comprises, au sens du recensement de la population, dans une agglomération ou un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants ; que cet article maintient un taux de 20 % pour les communes appartenant à une agglomération ou un établissement public de coopération intercommunale remplissant les conditions précitées dans lesquels le parc de logements existant ne justifie pas un effort de production supplémentaire pour répondre à la demande et aux capacités à se loger des personnes à revenus modestes et des personnes défavorisées ; qu'il énumère les critères en fonction desquels un décret doit fixer la liste des agglomérations et établissements publics de coopération intercommunale dont il s'agit ; qu'il étend également l'exigence d'un taux de 20 % de logements locatifs sociaux parmi les résidences principales aux communes de plus de 15 000 habitants n'appartenant ni à une agglomération ni à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre de plus de 50 000 habitants mais dont le nombre d'habitants a crû, lorsque leur parc de logements justifie un effort de production supplémentaire pour répondre à la demande des personnes intéressées ; qu'il étend, enfin, les dérogations à l'exigence d'un taux de logements sociaux aux communes dont plus de la moitié du territoire urbanisé est soumise à une inconstructibilité liée à un plan de prévention des risques technologiques, naturels ou miniers ;

11. Considérant que l'article 14 modifie l'article L. 302-7 du code de la construction et de l'habitation qui définit le prélèvement sur les ressources fiscales des communes n'atteignant pas les taux de logements locatifs sociaux mentionnés à l'article L. 302-5 du même code ; qu'il modifie la définition du calcul du prélèvement par coordination avec la modification des taux prévus par l'article L. 302-5 ; qu'il porte à 4 000 euros le seuil en deçà duquel le prélèvement n'est pas opéré ; qu'il ajoute parmi les dépenses exposées par la commune venant en diminution du prélèvement celles engagées au titre des travaux de dépollution ou de fouilles archéologiques des terrains ou biens immobiliers ensuite mis à disposition pour la réalisation de logements sociaux ; qu'il étend au prélèvement des deux années suivantes la déduction du surplus des dépenses exposées par la commune pour la réalisation de logements sociaux par rapport au prélèvement d'une année ; qu'il modifie les règles de répartition du montant de ce prélèvement ; qu'il introduit, enfin, une obligation pour les établissements publics fonciers et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre bénéficiant du reversement du prélèvement de transmettre chaque année à l'autorité administrative compétente de l'État un rapport sur l'utilisation des sommes qui leur ont été reversées et les perspectives d'utilisation de celles non utilisées ;

12. Considérant que, selon les députés requérants, le relèvement de la proportion de logements sociaux par l'article 10 de la loi déférée ne reposerait pas sur des critères objectifs et rationnels en lien avec l'objectif poursuivi par le législateur ; qu'ils font également valoir que le maintien d'une exigence moindre de proportion de logements sociaux pour les communes urbanisées remplissant certaines conditions serait également contraire au principe d'égalité devant la loi ;

13. Considérant que les députés requérants contestent, enfin, l'atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales qui résulterait du prélèvement sur les ressources fiscales des communes ne respectant pas les exigences prévues par l'article 10 de la loi déférée ; que ce grief porte sur le prélèvement que peuvent subir les collectivités définies à l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation en application de l'article L. 302-7 de ce code ; que ce dernier article est modifié par l'article 14 de la loi déférée ; que, par suite, ce grief porte sur les articles 10 et 14 de la loi déférée ;

14. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;

15. Considérant que si, en vertu des articles 72 et 72-2 de la Constitution, les collectivités territoriales « s'administrent librement par des conseils élus » et « bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement », chacune d'elles le fait « dans les conditions prévues par la loi » ; que l'article 34 de la Constitution réserve au législateur la détermination des principes fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources ;

16. Considérant que, si le législateur peut, sur le fondement des articles 34 et 72 de la Constitution, assujettir les collectivités territoriales ou leurs groupements à des obligations, ou les soumettre à des interdictions, c'est à la condition, notamment, que les unes et les autres répondent à des fins d'intérêt général ;

17. Considérant, en premier lieu, d'une part, qu'il ressort des travaux préparatoires que, par l'article 10 de la loi déférée, le législateur a entendu conforter l'objectif de mixité sociale qu'il avait précédemment défini et accroître la production de logements locatifs sociaux dans les communes qui connaissent un déséquilibre important entre l'offre et la demande de logements ; que le Conseil constitutionnel n'a pas un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement ; qu'il ne saurait rechercher si les objectifs que s'est assigné le législateur auraient pu être atteints par d'autres voies dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à l'objectif visé ; qu'en l'absence de respect des seuils fixés par l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation, un prélèvement sur les ressources fiscales de la commune est dû en application de l'article L. 302-7, le conseil municipal doit définir un objectif triennal de réalisation de logements locatifs sociaux en application de l'article L. 302-8, un bilan doit être établi au terme de chaque période triennale en application de l'article L. 302-9, une procédure de constat de carence peut être engagée en l'absence de respect des engagements triennaux en application de l'article L. 302-9-1 et une commission départementale ou nationale peut être saisie en application de l'article L. 302-9-1-1 ; qu'en élevant le seuil de logements locatifs sociaux pour les communes appartenant à une agglomération ou un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre pour lesquels le parc de logements justifie un effort de production supplémentaire de logements locatifs sociaux et en instaurant un seuil de logements locatifs sociaux pour les communes de plus de 15 000 habitants n'appartenant ni à une agglomération ni à un établissement public de coopération intercommunal de plus de 50 000 habitants, le législateur a retenu des critères objectifs et rationnels en lien avec l'objectif poursuivi ;

18. Considérant, d'autre part, que les communes appartenant à une agglomération ou un établissement public de coopération intercommunale dans lesquels le parc de logements ne justifie pas un effort de production supplémentaire de logements locatifs sociaux sont dans une situation différente, au regard de l'objet de la loi, des autres communes soumises aux dispositions de la section 2 du chapitre II du titre préliminaire du livre III de la partie législative du code de la construction et de l'habitation ; que les communes de plus de 15 000 habitants n'appartenant ni à une agglomération ni à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre de plus de 50 000 habitants, qui n'étaient jusqu'alors pas soumises aux dispositions de cette section, sont également dans une situation différente des autres communes régies par ces dispositions ; que ces différences de situation justifient que le taux de logements locatifs sociaux retenu pour ces communes soit inférieur à celui applicable aux autres communes ;

19. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que doivent être écartés les différents griefs tirés de la rupture d'égalité entre les communes ;

20. Considérant, en second lieu, que le prélèvement sur les recettes fiscales des communes prévu par l'article L. 302-7 du code de la construction et de l'habitation modifié par l'article 14 de la loi déférée constitue une charge obligatoire pour la commune tant que celle-ci n'a pas atteint l'objectif prévu par l'article L. 302-5 du même code modifié par l'article 10 de la loi déférée ; que les sommes correspondant à ce prélèvement sont affectées à des organismes intercommunaux, à des établissements publics fonciers ou à un fonds d'aménagement urbain ayant pour vocation de réaliser des opérations foncières et immobilières en faveur du logement social ; qu'est ainsi institué un mécanisme de solidarité entre communes urbanisées ; que ce prélèvement est fixé à 20 % du potentiel fiscal par habitant multiplié par la différence entre le taux de logements locatifs sociaux prévu par l'article L. 302-5 et le nombre de logements sociaux existant dans la commune ; qu'en sont exonérées les communes bénéficiant de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale dont le nombre de logements sociaux excède 15 % des résidences principales ; que, dans tous les cas, le montant total du prélèvement ne peut excéder 5 % du montant des dépenses réelles de fonctionnement de la commune figurant dans le compte administratif établi au titre du pénultième exercice ; qu'en outre, les dépenses exposées par la commune à des fins entrant dans l'objet de la loi peuvent être déduites du prélèvement ;

21. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le prélèvement critiqué n'a pas pour effet de réduire les ressources globales des communes ni de diminuer leurs ressources fiscales au point de porter atteinte à leur libre administration ;

22. Considérant que les articles 10 et 14, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, doivent être déclarés conformes à la Constitution ;

- SUR LES ARTICLES 15 ET 16 :

23. Considérant que, d'une part, l'article 15 a pour objet de modifier l'article L. 302-8 du code de la construction et de l'habitation ; qu'en particulier, il insère dans cet article un paragraphe I dont le premier alinéa précise que, pour atteindre les taux de logements locatifs sociaux de 25 et 20 % mentionnés à l'article L. 302-5 du même code, le conseil municipal définit un objectif de réalisation de logements locatifs sociaux par période triennale ; qu'en vertu de ce premier alinéa, cet objectif ne peut être inférieur au nombre de logements locatifs sociaux nécessaires pour atteindre, au plus tard à la fin de l'année 2025, le taux mentionné par ces mêmes dispositions ;

24. Considérant que l'article 15 insère également, après le deuxième alinéa de l'article L. 302-8, les paragraphes II à IV ; que, selon le paragraphe II, l'objectif de réalisation des logements locatifs sociaux défini au paragraphe I précise la typologie des logements à financer telle que prévue au douzième alinéa de l'article L. 302-1 du même code ; qu'aux termes du paragraphe III : « Si la commune n'est pas couverte par un programme local de l'habitat, la part des logements financés en prêts locatifs sociaux ne peut être supérieure à 30 % des logements locatifs sociaux à produire et celle des logements financés en prêts locatifs aidés d'intégration est au moins égale à 30 %. Si la part des logements locatifs sociaux sur la commune est inférieure à 10 % du total des résidences principales et que la commune n'est pas couverte par un programme local de l'habitat, la part des logements financés en prêts locatifs sociaux ne peut être supérieure à 20 % des logements locatifs sociaux à réaliser » ; qu'en vertu du paragraphe IV, les seuils définis au paragraphe III sont applicables à tout programme local de l'habitat entrant en vigueur à compter du 1er janvier 2014 ;

25. Considérant que l'article 15 modifie, en outre, l'avant-dernier alinéa de l'article L. 302-8 en précisant que l'objectif de réalisation pour la cinquième période triennale du nombre de logements sociaux ne peut être inférieur à 25 % des logements sociaux à réaliser pour atteindre en 2025 l'un des taux de logements sociaux applicables en vertu de l'article L. 302 5 ; que cet objectif de réalisation est porté à 33 % pour la sixième période triennale, 50 % pour la septième période triennale et 100 % pour la huitième période triennale ; que les périodes triennales, ainsi qu'il résulte de la dernière phrase du paragraphe VII de l'article L. 302-8, débutent le 1er janvier 2002 ;

26. Considérant que, d'autre part, l'article 16 a pour objet de modifier l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation relatif à la procédure de constat de carence applicable aux communes n'ayant pas atteint leur objectif de réalisation du nombre de logements sociaux ; qu'en particulier, le plafond du prélèvement majoré fixé par le préfet est porté du double au quintuple du prélèvement mentionné à l'article L. 302-7 ; que l'article 16 porte le plafond du prélèvement majoré de 5 à 7,5 % du montant des dépenses réelles de fonctionnement de la commune figurant dans le compte administratif établi au titre du pénultième exercice, pour les communes dont le potentiel fiscal par habitant est supérieur ou égal à 150 % du potentiel fiscal médian par habitant de l'ensemble des communes soumises au prélèvement défini à l'article L. 302-7 au 1er janvier de l'année précédente ; qu'il précise également que la majoration du prélèvement est versée au fonds national de développement d'une offre de logements locatifs très sociaux institué par l'article 19 de la loi déférée ;

27. Considérant que, selon les députés auteurs de la saisine, en alourdissant les contraintes pesant sur les collectivités territoriales et en augmentant le montant du prélèvement majoré sur les ressources fiscales des communes qui n'atteignent pas les objectifs fixés par la loi, l'application combinée des articles 15 et 16 porte atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales et au principe de proportionnalité des sanctions posé par l'article 8 de la Déclaration de 1789 ;

28. Considérant que, si, en vertu des articles 72 et 72-2 de la Constitution, les collectivités territoriales « s'administrent librement par des conseils élus » et « bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement », chacune d'elles le fait « dans les conditions prévues par la loi » ; que l'article 34 réserve au législateur la détermination des principes fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources ;

29. Considérant que, si le législateur peut, sur le fondement des articles 34 et 72 de la Constitution, assujettir les collectivités territoriales ou leurs groupements à des obligations, ou les soumettre à des interdictions, c'est à la condition, notamment, que les unes et les autres répondent à des fins d'intérêt général ;

30. Considérant qu'il ressort des travaux préparatoires que les dispositions critiquées tendent à assurer la réalisation de l'objectif de mixité sociale et d'accroissement de la production de logements locatifs sociaux, au plus tard à la fin de l'année 2025, en fixant un rythme de rattrapage de cette réalisation ; qu'ainsi qu'il a été précédemment rappelé, le Conseil constitutionnel, qui n'a pas un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, ne saurait rechercher si les objectifs que s'est assignés le législateur auraient pu être atteints par d'autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à l'objectif visé ;

31. Considérant qu'en vertu de l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation, lorsqu'une commune n'a pas tenu les engagements figurant dans le programme local de l'habitat ou, à défaut d'un tel programme, n'a pas atteint l'objectif triennal d'accroissement du nombre de logements sociaux prévu à l'article L. 302-8 du même code, le préfet informe le maire de son intention d'engager une procédure de constat de carence ; que les faits ayant motivé l'engagement de la procédure sont portés à la connaissance du maire qui est invité à présenter ses observations dans un délai de deux mois ; qu'au terme de la procédure, et après avoir tenu compte, notamment, de l'importance de l'écart entre les objectifs et les réalisations constatées au cours de la période triennale échue, des difficultés rencontrées le cas échéant par la commune et des projets de logements sociaux en cours de réalisation, le préfet peut, par arrêté motivé pris après avis du comité régional de l'habitat, prononcer la carence de la commune ; que le même arrêté fixe, pour une durée maximale de trois ans à compter du 1er janvier de l'année suivant sa signature, la majoration du prélèvement défini à l'article L. 302-7 du code de la construction et de l'habitation ; que l'arrêté préfectoral peut faire l'objet d'un recours de pleine juridiction ;

32. Considérant qu'il résulte de l'article 16 de la loi déférée, qui modifie cet article L. 302-9-1, que le préfet ne peut prononcer la carence de la commune qu'après avis de la commission départementale chargée de l'examen du respect des obligations de réalisation des logements sociaux prévue par l'article L. 302-9-1-1 ; que le prélèvement majoré ne peut être supérieur à cinq fois le prélèvement mentionné à l'article L. 302 7 ; que, si le prélèvement majoré ne peut excéder 5 % du montant des dépenses réelles de fonctionnement de la commune figurant dans le compte administratif établi au titre du pénultième exercice, ce plafond est porté à 7,5 % pour les communes dont le potentiel fiscal par habitant est supérieur ou égal à 150 % du potentiel fiscal médian par habitant de l'ensemble des communes soumises au prélèvement défini à l'article L. 302-7 au 1er janvier de l'année précédente ; que « les dépenses déductibles mentionnées au quatrième alinéa de l'article L. 302-7 qui n'ont pas été déduites du prélèvement viennent en déduction de la majoration du prélèvement » ; qu'au titre de ces dépenses déductibles figurent notamment les dépenses exposées par les communes au titre de subventions foncières pour des opérations visant la production de logements locatifs sociaux, de travaux de viabilisation de terrains destinés à la création de tels logements, ainsi que les moins-values correspondant à la différence entre le prix de cession de terrains donnant lieu à la réalisation effective de logements sociaux et leur valeur vénale estimée par le service des domaines ;

33. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les dispositions contestées qui ont pour but de mettre en œuvre l'objectif de mixité sociale et d'accroissement de la production de logements locatifs sociaux répondent ainsi à une fin d'intérêt général ; qu'elles ne sont pas manifestement inappropriées à l'objectif poursuivi ; que le législateur, en imposant de nouvelles contraintes aux communes dans le domaine de la construction de logements sociaux et en alourdissant les prélèvements sur les ressources de celles qui n'ont pas respecté les objectifs fixés par la loi, n'a pas porté à leur libre administration une atteinte d'une gravité telle que seraient méconnus les articles 72 et 72-2 de la Constitution ;

34. Considérant que les articles 15 et 16 de la loi déférée, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, doivent être déclarés conformes à la Constitution ;

35. Considérant qu'il n'y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d'office aucune question de constitutionnalité,

D É C I D E :

Article 1er.- Sont déclarées conformes à la Constitution les dispositions suivantes de la loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social :

- à l'article 3, le paragraphe III de l'article L. 3211-7 du code général de la propriété des personnes publiques ;

- les articles 10, 14, 15 et 16.

Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 17 janvier 2013, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Valéry GISCARD d'ESTAING, Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.


Synthèse
Numéro de décision : 2012-660
Date de la décision : 17/01/2013
Loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social
Sens de l'arrêt : Conformité
Type d'affaire : Contrôle de constitutionnalité des lois ordinaires, lois organiques, des traités, des règlements des Assemblées

Saisine

Le Conseil constitutionnel a été saisi, par plus de soixante députés, d'un recours dirigé contre la loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement social et au renforcement des obligations de production de logement social.

Ce recours appelle, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.

I. - SUR L'ARTICLE 3.

A. - Les auteurs de la saisine considèrent que l'article L. 3211-7 du code général de la propriété des personnes publiques issu de la loi déférée porte atteinte à la liberté contractuelle et au droit de propriété du primo-acquéreur dès lors que, d'une part, le loyer de la location ainsi que le prix de cession en cas de vente sont encadrés pendant une durée de dix ans à compter de la première mise en vente du bien et que, d'autre part, est institué un droit de priorité de certains organismes lors de la vente du bien.

Par ailleurs, ils soutiennent que le législateur n'aurait pas épuisé sa compétence en renvoyant au représentant de l'Etat dans la région le soin de fixer le plafond de loyer applicable.

B. - Le Gouvernement considère que ce dispositif est conforme à la Constitution.

1. - Les dispositions contestées ne sauraient être regardées comme portant atteinte aux droits du primo-acquéreur dès lors que les conditions qu'elles posent sont connues dès l'origine et qu'elles ne seront donc opposables qu'aux personnes qui les auront acceptées en contrepartie des conditions d'acquisition qui leur seront proposées.

En tout état de cause, ces dispositions visent à assurer le respect des garanties constitutionnelles de la propriété des personnes publiques.

En effet, la protection constitutionnelle de la propriété de l'Etat et des autres personnes publiques (v., pour son affirmation : CC, 25 et 26 juin 1986, n° 86-207 DC), ainsi que le principe d'égalité devant la loi et les charges publiques, « font obstacle à ce que des biens faisant partie du patrimoine de personnes publiques puissent être aliénés ou durablement grevés de droits au profit de personnes poursuivant des fins d'intérêt privé sans contrepartie appropriée eu égard à la valeur réelle de ce patrimoine » (CC, 17 décembre 2010, n° 2010-67/86 QPC). Dans tous les cas, un intérêt général doit justifier la cession à une personne poursuivant des fins d'intérêt privé d'un bien d'une personne publique à un prix inférieur à sa valeur (v. nt. CE, Sect., 3 novembre 1997, Commune de Fougerolles, n° 169473, au R.). En l'espèce, l'objectif d'intérêt général consiste à favoriser la construction de logements sociaux ; il participe de l'objectif à valeur constitutionnelle que constitue la possibilité pour toute personne de disposer d'un logement décent (CC, 19 janvier 1995, n° 94-359 DC, cons. 5 et 7).

L'encadrement pendant dix ans du loyer de la location ou du prix de cession en cas de revente est la contrepartie nécessaire aux conditions favorables dans lesquelles un bien faisant partie du patrimoine d'une personne publique a été aliéné pour permettre, notamment, une accession à la propriété. Le législateur devait s'assurer que le comportement des personnes ayant bénéficié d'avantages publics soit encadré afin de garantir le respect de l'objectif d'intérêt général qui préside au dispositif. Le délai d'encadrement de dix ans, qui doit être mis en lien avec l'application d'un régime d'importante décote, est à cet égard un délai qui n'est pas excessif. Il ne peut être regardé comme procédant à une conciliation manifestement inadaptée entre la protection constitutionnelle de la propriété des personnes publiques et le droit de propriété, ou la liberté contractuelle.

Par conséquent, la disposition déférée ne méconnaît ni le droit de propriété, ni la liberté contractuelle.

2. - De manière générale, le mécanisme, en son ensemble, respecte les exigences constitutionnelles en matière de propriété publique.

2.1. - Si un terrain peut être cédé par une personne publique avec une décote, cette dernière est consentie en fonction de la catégorie de logements sociaux construits et des contraintes attachées à la personne bénéficiant de la décote. C'est ainsi que la loi distingue la décote maximale trouvant à s'appliquer pour, d'une part, les catégories de logement locatif social fortement aidées (le prêt locatif aidé d'intégration et le prêt locatif à usage social) et, d'autre part, la catégorie de logement locatif social la moins aidée (le prêt locatif social) et l'accession à la propriété. Dans le premier cas, la décote peut aller jusqu'à 100% de la valeur vénale de l'immeuble ; dans le second, elle ne peut aller que jusqu'à 50%. Par conséquent, l'effort financier consenti par la personne publique cédante est significativement plus fort pour les catégories de logements qui répondent aux besoins les plus éloignés des conditions du marché.

Corrélativement, le législateur a distingué les durées durant lesquelles sont imposées aux bénéficiaires d'une cession avec décote des contraintes liées à l'avantage dont ils ont bénéficié.

Aux termes du III de l'article L. 3211-7 du CG3P, des clauses particulières s'imposent au primo-acquéreur d'un logement dans le cas de l'accession sociale à la propriété. Ces obligations valent pendant dix ans - cette durée avait été fixée à 5 ans dans le projet initial du Gouvernement ; elle a finalement été doublée par le Parlement. Ces clauses sont les contreparties de l'effort financier consenti par l'Etat sur le prix du terrain d'assiette du logement. La durée de dix ans est en lien avec le fait que, dans ce cas, la décote ne peut aller que jusqu'à 50%. Ainsi, l'acquéreur ne peut pas réaliser de plus-value indue sur la revente de son logement et, s'il le met à bail, un loyer plafonné à un niveau fixé en référence aux loyers observés pour le logement social doit être pratiqué.

Par ailleurs, les bailleurs de logements locatifs sociaux, organismes HLM ou apparentés, aux termes de l'article L. 351-2 du CCH, concluent avec l'Etat des conventions qui ouvrent droit pour les locataires à l'aide personnalisée au logement (APL). Ces conventions sont contraignantes, spécialement en ce qui concerne l'occupation du parc et la durée de détention des logements. La durée minimale de cette convention est, dans le droit commun, fixée à neuf ans (art. L. 353-2 du CCH). La loi déférée porte cette durée à vingt ans en contrepartie de la décote consentie sur le prix de cession (1° du IV de l'article L. 3211-7 du CG3P). Cette convention est également conclue, de manière plus marginale, entre l'Etat et des bailleurs privés de logements sociaux (en prêt locatif social, la catégorie la moins aidée). Dans ce cas, la durée minimale de la convention sera là aussi portée à vingt ans. Sont ainsi garantis le maintien du bien dans le champ du logement locatif social et une utilisation du logement conforme à l'intérêt général.

2.2. - Plusieurs autres garanties sont apportées en contrepartie de l'avantage consenti par la décote :

- Les terrains pouvant être cédés de droit dans ces conditions économiques favorables sont limitativement énumérés par l'autorité administrative de l'Etat et cette cession ne peut intervenir qu'au profit d'une personne publique ou d'une personne privée chargée d'une mission de service public ;

- L'avantage financier consenti ne peut avoir que pour seule fin de réduire « le prix de revient des logements locatifs sociaux » et « le prix de cession des logements en accession (sociale, compte tenu du renvoi) à la propriété (. . .) », de sorte que le motif d'intérêt général poursuivi est établi. Cet impératif, s'appliquant au logement finalement loué ou cédé dans le cadre d'une accession sociale, s'impose à tous les acquéreurs et bailleurs successifs ;

- L'Etat doit conclure une convention avec l'acquéreur, jointe à l'acte de vente, qui fait mention des garanties et contreparties décrites ci-dessus. Au bout d'un délai de 5 ans à compter de la cession, la réalisation du programme de logements ayant ouvert droit à la décote est contrôlée et, outre le remboursement à l'Etat de l'avantage financier indu ou la résolution de la vente, des indemnités peuvent être appliquées pour sanctionner l'acquéreur n'ayant pas respecté ses engagements ;

- Une procédure de rendu compte annuel est organisée par la loi afin de garantir l'effectivité du contrôle, lequel peut conduire, à l'issu d'un contradictoire, à la mise en oeuvre des clauses résolutoires de la convention.

2.3 - Plusieurs mécanismes assurent, en outre, la pérennité dans le secteur du logement social des logements construits et acquis dans le cadre du mécanisme de cession avec décote mis en place par la loi déférée. Outre la clause anti-spéculative, déjà évoquée, qui encadre pendant dix ans toute cession ou mise en location par les acquéreurs-accédants sociaux ayant bénéficié d'un avantage financier sur le prix d'acquisition, et les conventions de vingt ans conclues avec les investisseurs et les bailleurs sociaux, il faut noter l'encadrement de la vente de logements appartenant aux organismes d'HLM (listés à l'article L 411-2 du CCH) à des personnes autres que des organismes HLM.

Une telle vente est soumise à des conditions strictes et contraignantes. Le maire de la commune doit être consulté, ainsi que les collectivités publiques qui ont accordé leur garantie aux emprunts contractés pour la construction, l'acquisition ou l'amélioration des logements. Le préfet peut s'opposer à la vente s'il estime qu'il y a un risque de réduction excessive du parc de logements locatifs sociaux sur le territoire de la commune. Le défaut de transmission de la décision d'aliéner au préfet fait l'objet d'une sanction depuis la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012. Les logements qui peuvent être vendus sont ceux construits ou acquis depuis plus de dix ans et présents sur une liste établie annuellement par le conseil d'administration de l'organisme gestionnaire. Si le logement est occupé, il ne peut être vendu qu'à son locataire - à la demande de ce dernier, il peut être vendu à son conjoint, ou, sous conditions de ressources, à ses ascendants et descendants. Si le logement est vacant, l'organisme HLM doit le proposer en priorité à l'ensemble de ses locataires dans le département, ainsi qu'aux gardiens d'immeuble qu'il emploie. A défaut de demande, le logement peut être vendu à toute autre personne physique sans condition de ressources, à une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales dès lors qu'est pris l'engagement de mettre ce logement, pendant au moins quinze ans, à la disposition de personnes défavorisées. Ces dispositions s'ajoutent aux obligations préexistantes qui s'imposent aux personnes physiques acquérant un logement vacant auprès d'un organisme HLM (v. art. L. 443-11 du CCH). L'article 9 de la loi adoptée renforce encore le contrôle exercé par l'autorité publique sur ces cessions de logements sociaux en prévoyant qu'en cas de désaccord entre le maire et le préfet, l'autorisation d'aliénation est prise par le ministre en charge du logement.

2.4. - Il résulte de toutes ces considérations que le dispositif adopté par le législateur permet de garantir que la décote sera accordée en contrepartie de l'engagement effectif de l'acquéreur public ou privé à contribuer, sous le contrôle des autorités publiques, au développement du logement social ou de l'accession sociale à la propriété. Les exigences posées par le législateur sont ainsi de nature à assurer le respect des principes constitutionnels relatifs à la propriété des personnes publiques.

C. - S'agissant du pouvoir du représentant de l'Etat dans la région de fixer le plafond de loyer applicable, le législateur n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence dès lors qu'il a posé des critères devant guider la décision du préfet, sous le contrôle du juge. L'avant-dernier alinéa du III de l'article déféré dispose ainsi que les plafonds que le loyer ne peut pas dépasser « sont arrêtés par référence au niveau des loyers qui y sont pratiqués pour des logements locatifs sociaux de catégories similaires ».

II. - SUR L'ARTICLE 10.

A. - Les députés auteurs de la saisine estiment que le fait de relever de 20 à 25% le quota de droit commun de logements sociaux que doit réaliser une commune et de maintenir des quotas différents méconnaît le principe d'égalité et porte atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales, et plus particulièrement la libre disposition de leurs biens garantie par l'article 72-2 de la Constitution.

B. - Le Gouvernement considère que ces deux principes ont été respectés.

1. - L'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation, introduit par l'article 10 de la loi déférée, définit une part de logements sociaux dans le parc de résidences des communes en distinguant trois catégories de communes ;

­ 25% pour les communes dont la population est de plus de 3500 habitants (1 500 habitants en Ile-de-France) et qui sont comprises dans une agglomération ou un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre de plus de 50 000 habitants, comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants, situés dans des territoires qui nécessitent un effort de production supplémentaire pour répondre aux besoins de se loger des ménages ;

­ 20% pour les communes de plus de 3500 habitants, qui sont comprises dans une agglomération ou un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre de plus de 50000 habitants, comprenant au moins une commune de plus de 15000 habitants, situés dans des territoires ne nécessitant pas un effort de production supplémentaire pour répondre aux besoins ;

­ 20% pour les communes de plus de 15 000 habitants, isolées et en croissance démographique ;

2. - Le législateur a entendu, par ces mesures, renforcer l'efficacité du dispositif mis en oeuvre par la loi du 13 décembre 2000, notamment par son article 55, qui répond à l'intérêt général attaché à la mixité sociale (CC, 7 décembre 2000, n° 2000-436 DC). Le choix d'augmenter la part légale de logements sociaux dans le parc de résidences principales à 25% vise à renforcer les obligations des communes dans les secteurs géographiques caractérisés par un déséquilibre important entre l'offre et la demande de logements. Ce déséquilibre se traduit par une pression forte sur la demande de logements sociaux dans la mesure où les personnes aux revenus modestes peinent à se loger dans le parc privé où les loyers sont si élevés qu'ils conduisent, malgré le versement de l'allocation logement, à des taux d'effort difficilement supportables.

Cependant, les territoires ne nécessitant pas un effort de production supplémentaire pour répondre à la demande ou aux capacités de se loger des ménages conservent une obligation légale de logements sociaux à 20%.

Cette distinction, qui traduit des situations différentes, repose sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec l'objectif poursuivi. L'article déféré pose ainsi trois critères permettant de déterminer par décret la liste des agglomérations et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre situés dans des territoires ne nécessitant pas un effort de production supplémentaire, dont les communes membres conserveront une obligation à 20%. Ces critères sont : la part des bénéficiaires de l'allocation logement dont le taux d'effort est supérieur à 30%, le taux de vacances constaté dans le parc locatif social et enfin le nombre de demandes de logements sociaux par rapport au nombre d'emménagements annuels, hors mutations internes, dans le parc locatif social.

Dans tous le cas, l'ensemble des communes appartenant à une même catégorie au sein d'une même agglomération ou d'un même établissement public de coopération intercommunale sont soumises aux mêmes règles quant à la détermination du seuil de logements sociaux.

Par conséquent, dès lors que des caractéristiques objectives propres à chaque catégorie justifient les différences de seuils imposés de production de logement social, le principe d'égalité n'a pas été méconnu.

3. - Si, par l'effet du relèvement de la part de construction de logements sociaux, le prélèvement sur les communes ne respectant pas l'objectif pourra être plus important qu'il ne l'est actuellement, dans tous les cas, ce prélèvement ne peut excéder 5% des dépenses réelles de fonctionnement de la commune. Ce niveau est identique à celui mis en place par la loi du 13 décembre 2000. Par la décision n° 2000-436 DC du 7 décembre 2000, le Conseil Constitutionnel a déclaré un tel taux conforme à la Constitution. Il a notamment estimé que ce prélèvement, compte tenu notamment du fait que les dépenses engagées par les communes en faveur de la construction de logement sociale sont déduites du prélèvement - une règle inchangée -, n'a pas pour effet de réduire les ressources globales ou de diminuer les ressources fiscales de la commune concernée au point d'entraver sa libre administration.

Par conséquent, l'article 10 ne méconnaît pas le principe de libre administration des collectivités territoriales.

Les griefs portant sur l'article 10 doivent donc être écartés.

III. - SUR L'ARTICLE 15 :

A. - Les députés requérants estiment que la modification par l'article 15 du rythme selon lequel les collectivités territoriales doivent atteindre les quotas assignés méconnaît le principe de libre administration des collectivités territoriales.

B. - Le Gouvernement ne partage pas cette opinion.

Le législateur a décidé de renforcer le rythme de rattrapage pour atteindre les objectifs de 25% ou de 20 % de logements sociaux, en fonction des communes, de manière à garantir une mixité sociale effective à une échéance rapprochée. Du fait de la fixation de l'échéance à 2025, quand la loi du 13 décembre 2000 l'avait implicitement fixé à 2020, les communes ne disposant pas d'une offre locative sociale auront une nouvelle échéance fixée à 12 ans pour atteindre le seuil de logements sociaux.

Les objectifs assignés, appréciés à chaque période triennale, sont tout-à-fait réalisables si la commune consent l'effort nécessaire. Est fixé par période triennale un objectif de réalisation des logements sociaux manquants pour atteindre l'objectif final en 2025. Les objectifs de la prochaine période triennale, la 5ème (2014-2016), sont ainsi fixés à 25 % du déficit de logements sociaux calculé en début de période, ceux de la 6ème à 33%, de la 7ème à 50% et ceux de la 8ème (2023-2025) à 100 %, le déficit devant être intégralement comblé lors de cette dernière période pour atteindre, comme souhaité, l'objectif de 25% en 2025.

Les communes peuvent remplir l'objectif qui leur est assigné soit par la construction neuve de logements sociaux, soit par l'acquisition et l'amélioration ou le conventionnement social de logements privés existants. Cette dernière possibilité permet en particulier aux communes qui auraient peu de disponibilités foncières d'accroître leur parc de logements sociaux sans avoir à produire un nombre important de logements sociaux neufs.

Par conséquent, les communes qui respecteront leurs objectifs de production à chaque période triennale et résorberont graduellement leur déficit de logements sociaux auront des objectifs de production lissés jusqu'en 2025 pour atteindre l'objectif assigné par le législateur. Par suite, en posant une telle obligation, le législateur n'a pas entravé la libre administration des collectivités territoriales.

IV. - SUR L'ARTICLE 16 :

A. - Les auteurs du recours estiment que le niveau des sanctions financières fixées par l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation méconnaît le principe de libre administration des collectivités territoriales et constitue une sanction disproportionnée.

B. - Le Gouvernement n'est pas de cet avis.

1. - Le législateur a souhaité renforcer l'effet dissuasif du prélèvement opéré annuellement sur les communes qui n'ont pas atteint le taux de logements sociaux. Cette volonté se traduit, d'une part, par la possibilité donnée au préfet de multiplier par cinq le montant du prélèvement opéré sur les communes en état de carence, faute d'avoir atteint leurs objectifs triennaux de rattrapage, et, d'autre part, par l'augmentation du plafond de 5% à 7,5% du montant des dépenses réelles de fonctionnement pour les communes dont le potentiel fiscal est supérieur à 150% du potentiel fiscal médian par habitant.

2. - Ce dispositif vient renforcer celui introduit par l'article 55 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain (v. décision n° 2000-436 DC mentionnée avant). Le mécanisme, par conséquent, n'est pas contestable dans son principe.

Il faut souligner que le prélèvement majoré ne doit être acquitté que si le préfet a constaté la carence de la commune. Cette déclaration n'a pas de caractère automatique : il appartient au préfet, sous le contrôle du juge et à l'issue d'une procédure contradictoire, d'apprécier la situation, en tenant compte notamment « des difficultés rencontrées le cas échéant par la commune », ce qui peut notamment permettre de prendre en compte, si tel est le cas, la rareté du foncier disponible dans la commune, rendant difficile la construction de logements.

Par ailleurs, la multiplication par cinq du prélèvement n'est également qu'une possibilité et non une obligation. Elle constitue un plafond, tout comme le taux de 7,5% du prélèvement majoré. Dans les deux cas, les dépenses que réalise la commune en faveur du développement de l'offre de logements sociaux sont déduites du prélèvement majoré (art. L. 302-7 du CCH). Et il est prévu que les dépenses déductibles qui n'ont pas été déduites du prélèvement viennent en déduction de la majoration du prélèvement (art. L. 302-9-1). Par suite, la commune a la faculté de ne pas acquitter de prélèvement si elle respecte ses obligations en matière de logement ou s'attache à y parvenir.

Ce prélèvement, en outre, est proportionné à la richesse de cette commune. Seules sont en effet concernées par le rehaussement du montant maximal de prélèvement les communes dont le potentiel fiscal par habitant est supérieur à 1083 EUR. Par comparaison, le potentiel fiscal moyen par habitant constaté au niveau national en 2011 et retenu pour la répartition des dotations en 2012 est seulement de 764,04 EUR. D'ailleurs, seul un petit nombre de communes relèverait du nouveau régime. Il est estimé que treize communes seraient concernées par un prélèvement brut supérieur à 5% de leurs dépenses réelles de fonctionnement, ce qui représenterait 1% des communes soumises à l'article 55 de la loi du 13 décembre 2000, 3,5% des communes n'ayant pas atteint leur objectif triennal pour la période 2008-2010 et 6,5% des communes en état de carence. Plus précisément, cinq communes seraient plafonnées à 7,5% de leurs dépenses réelles de fonctionnement.

Au demeurant, l'application cumulée de plusieurs dispositifs de prélèvement et de minoration de la dotation globale de fonctionnement, pouvant entraîner au total une diminution de plus de 5% des dépenses réelles de fonctionnement de la commune, n'a pas été jugée contraire à la libre administration de ces collectivités, notamment parce que ces communes disposaient d'un potentiel fiscal élevé (CC, 6 mai 1991, n° 91-291 DC, cons. 13). Ce même motif est de nature à justifier que le montant maximal du prélèvement majoré passe, pour une minorité de communes, de 5 à 7,5% du montant des dépenses réelles de fonctionnement de la commune.

Pour ces raisons, l'article contesté ne méconnaît pas le principe de libre administration des collectivités territoriales et n'institue pas une sanction disproportionnée.

Par suite, le Gouvernement est d'avis que les griefs articulés dans les saisines ne sont pas de nature à conduire à la censure de la loi déférée.

Aussi estime-t-il que le Conseil constitutionnel devra rejeter le recours dont il est saisi.

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs les conseillers,

Nous avons l'honneur, de vous déférer, conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, le projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social, définitivement adopté par le Parlement le 18 décembre 2012.

A l'appui de cette saisine, nous développons les griefs suivants:

Article 3 :

L'article 3 modifie l'article L. 3211-7 du code général de la propriété des personnes publiques sur différents points. En particulier, il prévoit, au III, que:

« Le primo-acquéreur d'un logement qui souhaite le revendre dans les dix ans qui suivent l'acquisition consécutive à la première mise en vente du bien est tenu d'en informer le représentant de l'État dans la région. Ce dernier en informe les organismes mentionnés à l'article L. 411-2 du même code, qui peuvent se porter acquéreurs du logement en priorité. Le primo-acquéreur est tenu de verser à l'État une somme égale à la différence entre le prix de vente et le prix d'acquisition de son logement. Cette somme ne peut excéder le montant de la décote. Pour l'application du présent alinéa, les prix s'entendent hors frais d'acte et accessoires à la vente.

« Lorsque le primo-acquéreur d'un logement le loue dans les dix ans qui suivent l'acquisition consécutive à la première mise en vente du bien, le niveau de loyer ne doit pas excéder des plafonds fixés par le représentant de l'État dans la région. Ceux-ci sont arrêtés par référence au niveau des loyers qui y sont pratiqués pour des logements locatifs sociaux de catégories similaires.

« À peine de nullité, les contrats de vente comportent la mention des obligations visées aux troisième et quatrième alinéas du présent 11/ et du montant de la décote consentie».

Ces dispositions mettent en place le contrôle par une autorité publique de la règle fondamentale de libre disposition de son bien par un propriétaire. Elles instituent un droit de priorité, des organismes cités à l'article L. 411-2 du code général de la propriété des personnes publiques, portant atteinte à la liberté contractuelle, ainsi qu'un contrôle des prix de vente et des loyers, sans indication précise des critères de fixation des plafonds fixés par le représentant de l'État dans la région.

Ces dispositions portent ainsi une atteinte anormale au droit fondamental à valeur constitutionnelle que constitue le droit de propriété dans l'un de ses attributs essentiels qui est la libre disposition de son bien par le propriétaire. Cette mesure est au surplus directement contraire à la jurisprudence du Conseil Constitutionnel, laquelle a admis la faculté pour le législateur de pouvoir apporter certaines limitations au droit de propriété par conciliation avec d'autres droits à valeur constitutionnel, mais à la condition que ces limitations n'aient pas un caractère de gravité tel que le sens et la portée du droit de propriété en soient dénaturés (Cons. Const. 29 juillet 1998 : JO 31 juillet p.11710).

Or le dispositif adopté a pour effet de priver le primo-acquéreur de la liberté de pouvoir fixer le prix de vente de son bien au-delà du prix d'acquisition pendant 10 ans, sauf à reverser à l'Etat la totalité de l'excédent, ce qui constitue une mesure confiscatoire incompatible avec le droit de disposer de son bien.

Il convient ici de rappeler que la jurisprudence du Conseil Constitutionnel est particulièrement explicite en la matière: « la propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 ; qu'aux termes de son article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ; qu'en l'absence de privation du droit de propriété, il résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les limites apportées à son exercice doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi» ( 16 déc. 2011, n° 2011-207 QPC, soc. Grande brasserie patrie Schutzenberger).

Ainsi le Conseil a-t-il censuré l'obligation d'une cession gratuite d'une partie de leur terrain dès lors que le texte attribue à la collectivité publique le plus large pouvoir d'appréciation sur l'application de cette disposition et ne définit pas les usages publics auxquels doivent être affectés les terrains ainsi cédés (n° 2010-33 OPC, 22 sept. 2010). La cession gratuite de biens au profit de l'AFPA, dès lors que n'est pas garantie l'affectation de ces biens aux missions de service public qui restent dévolues à cette association (n° 2101-67/86 OPC, 17 décembre 2010, région centre) a également été censurée. En l'espèce un mécanisme aussi contraignant qui prive d'une partie du prix de vente le vendeur et qui contraint le niveau de loyer ne peut échapper à la censure.

Ces dispositions portent également atteinte à la liberté contractuelle, en ce que la vente est soumise, non seulement à une information du représentant de l'État, mais surtout à la création d'un droit de priorité d'acquisition pour les organismes mentionnés à l'article L. 411-2 du Code Général de la propriété des personnes publiques, ce qui est contraire au principe de libre disposition de son bien par le propriétaire.

Quant à l'encadrement de la location dans les dix ans suivant l'acquisition consécutive à la première mise en vente du bien, la fixation de plafonds par le représentant de l'État accentue les atteintes à la liberté contractuelle. Si on peut accepter une réglementation des prix de location dans un dispositif précis et encadré par la loi, on constate, dans ce texte, l'absence de critères précis permettant au représentant de l'État de déterminer les plafonds de loyer. Aucune garantie n'est ici accordée aux primo-acquéreurs sur une application uniforme et cohérente de la mesure que ce soit à l'échelon national ou local, ce qui est contraire au principe d'égalité.

A l'atteinte à la liberté contractuelle s'ajoute enfin le vice d'incompétence négative du législateur qui, dans cette matière du droit de propriété, doit fixer précisément les garanties légales des exigences constitutionnelles.

Article 10 :

L'article 10 modifie l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation en relevant le taux de l'obligation de logements sociaux de 20% à 25% dans les communes de plus de 3500 habitants (1500 en Ile de France) appartenant à une agglomération ou un établissement public de coopération intercommunal à fiscalité propre de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de 15 000 habitants.

Les députés, auteurs de la présente saisine, constatent qu'aucun élément tangible concernant la nécessité de relèvement de ce seuil, qui puisse être fondé sur une étude objective et exhaustive de l'application de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains dite Loi « SRU », n'a été apporté. Il est d'ailleurs révélateur que le législateur ait prévu justement la création d'un outil statistique national à l'article 29, ce qui montre que le Gouvernement ne possède pas, au jour du vote de la loi, d'indicateurs fiables et précis permettant de justifier ce relèvement du taux, selon des critères objectifs et rationnels.

L'article 10 introduit, de plus, une différenciation entre les communes entrant dans la définition de la loi dite « SRU ». Ainsi, certaines communes restent à l'objectif initial de 20% en fonction des cas définis par la loi, à savoir: la part de bénéficiaires de l'allocation logement dont le taux d'effort est supérieur à 30% ; le taux de vacance ; le nombre de demandes de logements sociaux par rapport au nombre d'emménagements annuels, hors mutations internes, dans le parc locatif social. Ce nouveau dispositif est contraire au principe d'égalité: ces critères pouvant tout aussi bien être appliqués à toutes les communes même celles en dessous du seuil de 20%. La logique du système mis en place et le respect de l'égalité de traitement entre communes auraient dû ainsi conduire à considérer que, dorénavant, toutes les communes devraient être soumises au prélèvement en fonction de ces critères.

Dans le prolongement de cette première rupture d'égalité, il faut faire remarquer que le texte prévoit que l'application de ces trois critères bénéficiera aux communes nouvellement concernées alors que celles qui sont entrées dans le champ d'application de la loi en 2000, n'en bénéficient pas.

Cette rupture d'égalité entre différentes collectivités doit en conséquence, être dénoncée comme inconstitutionnelle.

Le prélèvement sur les ressources fiscales prévu à l'article 10 porte ensuite atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales, particulièrement de libre disposition de leurs ressources, inscrit à l'article 72-2 de la Constitution. Là encore, si l'article 72-2 de la Constitution prévoit bien que la libre disposition de ces ressources est possible dans les conditions fixées par la loi, c'est à condition que la loi ne restreigne pas cette libre disposition au point de porter atteinte à la libre administration des ressources des collectivités territoriales. Or, les critères fixés dans la loi dite « SRU » se trouvent modifiés dans un sens global de restrictions des possibilités de ressources bien au-delà de ce que permettait le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2000-436 OC du 7 décembre 2000.

Ainsi, il résulte de la loi que le prélèvement imposé a pour effet de réduire les ressources globales des communes et de diminuer leurs ressources fiscales au point d'entraver leur libre administration.

Article 15 et 16 :

Les députés, auteurs de la présente saisine, rappellent que le Conseil constitutionnel a fixé un certain nombre de principes, particulièrement dans sa décision n° 2000-436 OC du 7 décembre 2000, à propos de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains.

Ainsi, si le législateur peut, sur le fondement des dispositions des articles 34 et 72 de la Constitution, assujettir les collectivités territoriales ou leurs groupements à des obligations et à des charges, c'est à la condition que celles-ci répondent à des exigences constitutionnelles ou concourent à des fins d'intérêt général, qu'elles ne méconnaissent pas la compétence propre des collectivités concernées, qu'elles n'entravent pas leur libre administration et qu'elles soient définies de façon suffisamment précise quant à leur objet et à leur portée; les restrictions apportées par les dispositions critiquées aux conditions d'exercice du droit de propriété doivent être justifiées par l'intérêt général qui s'attache à la maîtrise, par les collectivités publiques, de l'occupation des sols et du développement urbain.

Les dispositions de la loi dite « SRU» constituaient déjà une forte contrainte pour les collectivités territoriales concernées. Or, le texte ici contesté, par l'application combinée des articles 15 et 16, alourdit ces contraintes, aggrave les charges pesant sur ces collectivités territoriales, dépassant ce que la proportionnalité peut admettre en termes de restrictions à des libertés et principes constitutionnels.

Ainsi, l'article 15 modifie l'article L. 302-8 du code de la construction et de l'habitation en procédant à une accélération considérable du processus de réalisation de logements sociaux au sein d'une commune entrant dans les catégories de l'article L. 302-5. Outre son caractère difficilement réalisable, cette disposition va conduire à entraver gravement la libre administration des collectivités territoriales, inscrite à l'article 72 de la Constitution. Pour respecter le calendrier et les objectifs fixés par la loi, les communes vont devoir réaliser prioritairement et uniquement des logements sociaux au-delà de ce que les exigences de l'intérêt général de la commune imposent, notamment en matière de mixité sociale.

L'article 16 modifie l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation en multipliant jusqu'à cinq fois le prélèvement sur les ressources fiscales des communes qui n'atteignent pas les nouveaux objectifs de rattrapage fixés par l'article 15 précité. Il est rappelé que jusqu'à présent, ce prélèvement majoré ne peut excéder 5 % du montant des dépenses réelles de fonctionnement de la commune figurant dans le compte administratif établi au titre du pénultième exercice. Cette augmentation considérable du prélèvement majoré qui s'ajoute à un rythme de rattrapage accéléré des objectifs à atteindre, excède largement ce que les communes pourront supporter et n'est plus proportionnée aux exigences de la loi.

Ce prélèvement est une sanction, puisqu'il vise à pénaliser un comportement des collectivités.

Cette sanction ne peut échapper à une censure du Conseil puisqu'elle porte sur une obligation qui dans bien des cas s'avérera irréalisable. Les prescriptions de l'article VIII de la Déclaration des Droits de l'Homme sont méconnues, tant en raison du caractère contraint de l'action urbaine des collectivités que de la proportionnalité entre le montant du prélèvement et la réalité à laquelle il s'applique.

Il est également manifeste que sont méconnus le principe de libre administration des collectivités locales et celui selon lequel les « ressources fiscales et autres ressources propres » doivent représenter une part déterminante de leurs ressources, puisque le prélèvement est opéré sur lesdites recettes et que son montant est ainsi ponctionné dans des limites susceptibles de mettre en cause ce principe. Ces atteintes à des règles constitutionnelles s'opèrent sans justification tirée de l'intérêt général.

En effet, il ne ressort ni des débats, ni des documents mis à disposition du Parlement que le Gouvernement a été en mesure d'apporter la preuve que dix ans d'application de la loi dite « SRU » ont fait progresser la mixité sociale qui est un objectif d'intérêt général pour les communes. Ceci est d'autant moins prouvé que la loi n'établit pas que les sommes prélevées dans les communes concernées seront bien réaffectées sur leur territoire, alors que le principe de la loi dite «SRU », revendiqué par le Gouvernement, n'est pas uniquement de faire progresser le nombre de logements sociaux en général mais de faire progresser le rapport dans chaque commune entre résidences principales et logements sociaux.

En l'absence de toute statistique fiable sur l'application de la loi dite « SRU », l'aggravation des sanctions doit être contestée au regard de l'atteinte portée au principe de proportionnalité et de la libre administration des collectivités territoriales, celles-ci n'ayant plus la possibilité de déterminer pour leur territoire, leur politique de diversité de l'habitat. Autrement dit, l'objectif de mixité n'est, en réalité, pas ou plus poursuivi et on lui a substitué un nouvel objectif d'augmentation du nombre absolu de logements sociaux qui n'est pas explicité et justifié par la loi.

La finalité d'intérêt général, mise souvent en balance par rapport aux libertés constitutionnelles, est absente de ce texte et doit conduire à la censure de celui-ci, non seulement en ce qui concerne le régime des sanctions, mais aussi dans la définition des critères fixés par la loi.

En définitive, c'est l'ensemble de la loi qui se trouve concerné par cette absence de fixation des critères objectifs justifiant les mesures législatives. Par extension et par application d'un principe d'inséparabilité, c'est donc la loi, dans son ensemble, qui devra être déclarée inconstitutionnelle.

Souhaitant que ces questions soient tranchées en droit, les députés, auteurs de la présente saisine, demandent au Conseil constitutionnel de se prononcer sur ces points et sur tous ceux qu'il estimera pertinent, eu égard à la compétence et la fonction que lui confère la Constitution.


Références :

DC du 17 janvier 2013 sur le site internet du Conseil constitutionnel
DC du 17 janvier 2013 sur le site internet Légifrance

Texte attaqué : Loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social (Nature : Loi ordinaire, Loi organique, Traité ou Réglement des Assemblées)


Publications
Proposition de citation : Cons. Const., décision n°2012-660 DC du 17 janvier 2013
Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CC:2013:2012.660.DC
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