Le Conseil constitutionnel,
Saisi : Le 20 décembre 1980, par MM Raymond Forni, Alain Richard, René Gaillard, Pierre Forgues, Christian Nucci, Martin Malvy, Raoul Bayou, Jean-Yves Le Drian, Louis Mexandeau, Guy Bêche, Pierre Guidoni, Louis Darinot, Roland Haguet, Noël Ravassard, Michel Crépeau, René Souchon, Alain Bonnet, Pierre Garmendia, Pierre Lagorce, Georges Fillioud, François Autain, Jean Laborde, André Chandernagor, Jean-Pierre Chevènement, Charles Pistre, Maurice Brugnon, Claude Wilquin, Gérard Houteer, André Delelis, Lucien Pignion, Henri Emmanuelli, Joseph Franceschi, Mme Edwige Avice, MM Raymond Julien, Hubert Dubedout, Alain Chénard, Claude Evin, Michel Suchod, Jean-Pierre Cot, Edmond Vacant, Christian Laurissergues, André Billardon, Jean Laurain, André Laurent, Maurice Andrieu, Bernard Derosier, Christian Pierret, Pierre Mauroy, Roland Beix, Jean Auroux, Maurice Pourchon, Mme Marie Jacq, MM Louis Le Pensec, Charles Hernu, André Delehedde, Pierre Jagoret, Gaston Defferre, Jean-Pierre Pénicaut, Philippe Marchand, Robert Aumont, François Massot, André Cellard, Michel Rocard, députés.
Le 22 décembre 1980, par MM Maurice Andrieux, Gustave Ansart, Robert Ballanger, Paul Balmigère, Mme Myriam Barbera, MM Jean Bardol, Jean-Jacques Barthe, Alain Bocquet, Gérard Bordu, Daniel Boulay, Irénée Bourgois, Jacques Brunhes, Georges Bustin, Henry Canacos, Jacques Chaminade, Mmes Angèle Chavatte, Jacqueline Chonavel, M Roger Combrisson, Mme Hélène Constans, MM Michel Couillet, César Depietri, Bernard Deschamps, Guy Ducoloné, André Duroméa, Lucien Dutard, Charles Fiterman, Mmes Paulette Fost, Jacqueline Fraysse-Cazalis, MM Dominique Frelaut, Edmond Garcin, Marceau Gauthier, Pierre Girardot, Mme Colette Goeuriot, MM Pierre Goldberg, Georges Gosnat, Roger Gouhier, Mme Marie-Thérèse Goutmann, MM Maxime Gremetz, Georges Hage, Guy Hermier, Mme Adrienne Horvath, MM Marcel Houël, Parfait Jans, Jean Jarosz, Emile Jourdan, Jacques Jouve, Pierre Juquin, Maxime Kalinsky, André Lajoinie, Paul Laurent, Georges Lazzarino, Mme Chantal Leblanc, MM Joseph Legrand, Alain Léger, François Leizour, Daniel Le Meur, Raymond Maillet, Louis Maisonnat, Georges Marchais, Fernand Marin, Albert Maton, Gilbert Millet, Robert Montdargent, Mme Gisèle Moreau, MM Maurice Nilès, Louis Odru, Antoine Porcu, Vincent Porelli, Mmes Jeanine Porte, Colette Privat, MM Roland Renard, René Rieubon, Marcel Rigout, Hubert Ruffe, André Soury, Marcel Tassy, André Tourné, Théo Vial-Massat, Lucien Villa, René Visse, Robert Vizet, Claude Wargnies, députés.
Le 24 décembre 1980, par M Antoine Andrieux, Mlle Irma Rapuzzi, MM Charles Bonifay, Fernand Tardy, Philippe Madrelle, Michel Manet, Jacques Bialsky, Marcel Vidal, Jean Peyrafitte, Raymond Courrière, Marc Boeuf, Albert Pen, Michel Dreyfus-Schmidt, Gérard Minvielle, Bernard Parmantier, Jean Geoffroy, Jacques Carat, Robert Laucournet, Mme Cécile Goldet, MM Raymond Tarcy, Robert Guillaume, Noël Berrier, Georges Dagonia, Lucien Delmas, Paul Mistral, Emile Durieux, Germain Authié, Léon Eeckhoutte, Jules Faigt, Pierre Noé, Roger Quilliot, André Barroux, Robert Pontillon, Tony Larue, Michel Moreigne, Robert Schwint, Franck Sérusclat, Jean Varlet, Claude Fuzier, Roland Grimaldi, Gérard Gaud, André Lejeune, Raymond Courteau, Pierre Matraja, Gérard Delfau, Guy Durbec, André Rouvière, Gérard Roujas, Henri Duffaut, René Regnault, Maurice Janetti, Maurice Pic, André Méric, Georges Spénale, Edgar Tailhades, Philippe Machefer, Louis Perrein, Marcel Mathy, Gilbert Belin, Félix Ciccolini, Roger Rinchet, Louis Longequeue, sénateurs, dans les conditions prévues à l'article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, du texte de la loi renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes, telle qu'elle a été adoptée par le Parlement.
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;
Ouï le rapporteur en son rapport ;
Sur la conformité à la Constitution de la procédure législative :
1. Considérant qu'aux termes de l'article 45 de la Constitution : Tout projet ou proposition de loi est examiné successivement dans les deux assemblées du Parlement en vue de l'adoption d'un texte identique. Lorsque, par suite d'un désaccord entre les deux assemblées, un projet ou une proposition de loi n'a pu être adopté après deux lectures par chaque assemblée ou, si le Gouvernement a déclaré l'urgence, après une seule lecture par chacune d'entre elles, le Premier ministre a la faculté de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion .
2. Considérant qu'il résulte des termes de cet article que la commission mixte paritaire ne peut proposer un texte que si celui-ci porte sur des dispositions restant en discussion, c'est-à-dire qui n'ont pas été adoptées dans les mêmes termes par l'une et l'autre assemblée sans qu'il soit nécessaire, au surplus, que ces dispositions aient été introduites avant la dernière lecture devant l'assemblée saisie en second ; qu'ainsi il ne saurait être reproché à la commission mixte paritaire d'avoir proposé des textes sur des dispositions ne figurant pas parmi celles discutées par l'Assemblée nationale saisie en premier du projet de loi déclaré d'urgence et dont le vote par le Sénat résultait de l'exercice normal de la fonction législative et du droit d'amendement.
3. Considérant que les dispositions des règlements des assemblées parlementaires n'ont pas valeur constitutionnelle ; que, dès lors, les auteurs des saisines ne sauraient utilement contester devant le Conseil constitutionnel l'interprétation donnée à certaines dispositions du règlement de l'Assemblée nationale au cours de la première séance du 18 décembre 1980, lors de la discussion des propositions de la commission mixte paritaire, alors qu'une telle interprétation n'est contraire à aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle ;
4. Considérant qu'ainsi la loi a été délibérée et votée selon une procédure conforme à la Constitution ;
Sur le titre Ier (art. 2 à 37) de la loi :
5. Considérant que le titre Ier de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel énonce diverses dispositions de droit pénal relatives aux atteintes à la sécurité des personnes et des biens ; que, s'il comporte certains adoucissements des peines prévues par les lois antérieures, il édicte principalement des dispositions tendant à une répression plus sévère des actes de violence les plus graves envers les personnes et les biens ; qu'à cette fin, s'agissant de telles atteintes, il modifie les conditions de la récidive, limite les effets des circonstances atténuantes ainsi que les conditions d'octroi du sursis, retient certaines causes d'aggravation des peines, modifie les définitions de certaines infractions et les peines encourues par leurs auteurs ainsi que certaines dispositions antérieures relatives à l'exécution des peines.
6. Considérant que, selon les auteurs des diverses saisines, l'ensemble de ces dispositions aggravant la répression des atteintes à la sécurité des personnes et des biens et, en tout cas, certaines d'entre elles, seraient contraires à des principes ou à des règles de valeur constitutionnelle, à savoir le principe de la légalité des délits et des peines, le principe selon lequel la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, le principe de l'individualisation des peines, le droit de grève et le droit syndical ;
En ce qui concerne le principe de la légalité des délits et des peines :
7. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée ; qu'il en résulte la nécessité pour le législateur de définir les infractions en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l'arbitraire ;
8. Considérant que, si les articles 16 et 17 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel donnent de nouvelles définitions des délits de menaces, leurs dispositions ne sont ni obscures ni imprécises ; que le terme de menace , déjà employé par le code pénal, a une acception juridique certaine ; que les divers autres éléments constitutifs des infractions visées par ces textes sont énoncés sans ambiguïté, notamment en ce qui concerne l'objet des menaces, leur caractère conditionnel ou inconditionnel, les personnes à qui elles sont adressées ; que l'emploi du terme par quelque moyen que ce soit qui tend à viser tous les modes d'expression des menaces n'introduit aucun élément d'incertitude dans la définition des infractions.
9. Considérant que l'article 24 de la loi tend à remplacer les articles 434 à 437 du code pénal et à définir diverses infractions consistant dans la destruction ou la détérioration volontaire par des moyens divers d'objets mobiliers ou de biens immobiliers ; que les termes détruit , détérioré , objets mobiliers , biens immobiliers ne sont ni obscurs ni imprécis ; que les distinctions faites en ce qui concerne tant les circonstances ou les moyens de destruction ou de détérioration que les personnes au préjudice desquelles sont commises ces destructions ou détériorations ne présentent pas d'ambiguïté ; que si, dans le nouvel article 434 du code pénal, le législateur exclut de la répression les détériorations légères , cette disposition, établie en faveur des auteurs d'actes sans gravité et qu'il appartiendra aux juridictions compétentes d'interpréter, ne tient pas en échec la règle selon laquelle nul ne peut être puni qu'en vertu de la loi.
10. Considérant qu'aucune des autres dispositions du titre Ier de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel n'est critiquée au nom du principe de la légalité des délits et des peines et ne peut davantage être regardée comme le méconnaissant ;
En ce qui concerne le principe selon lequel la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires :
11. Considérant que, selon l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires ; que, selon les auteurs de deux des saisines, il appartiendrait au Conseil constitutionnel de censurer les dispositions du titre Ier de la loi soumise à son examen qui autorisent ou imposent une répression, à leurs yeux excessive, soit par l'effet des peines attachées aux infractions, soit par l'aggravation des conditions de la récidive, soit par la limitation des effets des circonstances atténuantes, soit par la restriction des conditions d'octroi du sursis, soit par la modification des conditions d'exécution des peines.
12. Considérant que l'article 61 de la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision identique à celui du Parlement, mais lui donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité à la Constitution des lois déférées à son examen.
13. Considérant que, dans le cadre de cette mission, il n'appartient pas au Conseil constitutionnel de substituer sa propre appréciation à celle du législateur en ce qui concerne la nécessité des peines attachées aux infractions définies par celui-ci, alors qu'aucune disposition du titre Ier de la loi n'est manifestement contraire au principe posé par l'article 8 de la Déclaration de 1789 ;
En ce qui concerne le principe de l'individualisation des peines :
14. Considérant que, selon les auteurs des saisines, la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel méconnaîtrait le principe de l'individualisation des peines ; qu'en effet, certaines des dispositions votées obligeraient le juge, à l'égard de certains prévenus ou accusés, soit à prononcer des peines dont le minimum est déterminé, soit à refuser automatiquement l'octroi de tout sursis et interdiraient au surplus aux autorités compétentes de recourir, au moins pendant un certain temps, à des modalités adoucies d'exécution des peines ; qu'ainsi il serait interdit, dans certains cas, de tenir compte des facteurs de nature individuelle et concrète permettant d'appliquer la loi pénale dans des termes adaptés à la personnalité du délinquant et de préparer la réinsertion de celui-ci dans la société ; qu'en raison de cette méconnaissance du principe de l'individualisation des peines les dispositions critiquées devraient, selon les auteurs des saisines, être déclarées non conformes à la Constitution, le principe de l'individualisation des peines devant être regardé comme impliqué par l'article 8 de la Déclaration de 1789 et comme constituant d'ailleurs un principe fondamental reconnu par les lois de la République.
15. Considérant, d'une part, que, si aux termes de l'article 8 précité de la Déclaration de 1789 la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires , cette disposition n'implique pas que la nécessité des peines doive être appréciée du seul point de vue de la personnalité du condamné et encore moins qu'à cette fin le juge doive être revêtu d'un pouvoir arbitraire que, précisément, l'article 8 de la Déclaration de 1789 a entendu proscrire et qui lui permettrait, à son gré, de faire échapper à la loi pénale, hors des cas d'irresponsabilité établis par celle-ci, des personnes convaincues de crimes ou de délits.
16. Considérant, d'autre part, que, si la législation française a fait une place importante à l'individualisation des peines, elle ne lui a jamais conféré le caractère d'un principe unique et absolu prévalant de façon nécessaire et dans tous les cas sur les autres fondements de la répression pénale ; qu'ainsi, à supposer même que le principe de l'individualisation des peines puisse, dans ces limites, être regardé comme l'un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, il ne saurait mettre obstacle à ce que le législateur, tout en laissant au juge ou aux autorités chargées de déterminer les modalités d'exécution des peines un large pouvoir d'appréciation, fixe des règles assurant une répression effective des infractions ;
En ce qui concerne le droit de grève et le droit syndical :
17. Considérant que, selon les auteurs des saisines, les dispositions des articles 16, 17 et 30 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel porteraient atteinte à l'exercice du droit de grève et du droit syndical reconnus par la Constitution ;
18. Considérant, d'une part, que les articles 16 et 17 de la loi, remplaçant diverses dispositions du code pénal, sont relatifs aux diverses infractions de menaces ; que, comme il a été dit plus haut, les délits prévus et réprimés sont définis en termes ne comportant ni obscurité ni imprécision ; qu'aucune des infractions établies par les articles 16 et 17 de la loi n'est constituée s'il n'y a menace de commettre un crime ou un délit. que, dans ces conditions, il est exclu que l'application de ces dispositions puisse, en quoi que ce soit, empêcher ou gêner l'exercice légal du droit de grève ou du droit syndical ;
19. Considérant, d'autre part, que l'article 30 de la loi a pour objet d'insérer dans la loi du 15 juillet 1845 sur la police des chemins de fer un article 18-1 ainsi conçu : "Quiconque, en vue d'entraver ou de gêner la circulation des véhicules, aura placé sur la voie un objet faisant obstacle à leur passage ou aura employé un moyen quelconque pour gêner ou entraver leur circulation sera puni d'un emprisonnement de trois mois à deux ans et d'une amende de 1.000 F à 30.000 F ou de l'une de ces deux peines seulement" ;
20. Considérant que la répression des entraves ou des gênes à la circulation des chemins de fer résultant du dépôt d'un objet sur la voie n'est pas de nature à empêcher ou à gêner en quoi que ce soit l'exercice légal du droit de grève ou du droit syndical ;
21. Considérant que, si les peines prévues par le texte précité sont, en outre, applicables à quiconque, en vue d'entraver ou de gêner la circulation des véhicules ... aura employé un moyen quelconque pour gêner ou entraver leur circulation ... , ces dispositions, qui exigent une action positive de la part des auteurs des actes incriminés, ne sauraient viser les personnes exerçant légalement le droit de grève reconnu par la Constitution, même si la cessation de leur travail a pour effet de perturber ou de supprimer la circulation des véhicules ;
22. Considérant qu'ainsi, les dispositions des articles 2 à 37 formant le titre Ier de la loi soumise à l'examen du conseil constitutionnel ne sont pas contraires à la Constitution ;
Sur le titre II (art. 38 à 80) de la loi :
En ce qui concerne l'article 39 de la loi relatif à la prolongation de la garde à vue en cas de certaines atteintes à la liberté des personnes ou de certains vols aggravés ;
23. Considérant que les auteurs des saisines font valoir à l'encontre de la conformité à la Constitution de l'article 39 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel le fait que la décision de prolongation de vingt-quatre heures de la garde à vue en cas de certaines atteintes à la liberté des personnes ou de certains vols aggravés peut être prise par un magistrat du siège n'ayant pas la qualité de juge d'instruction ; que, dans une pareille hypothèse, ce magistrat, ou bien statuera sans examen réel du dossier et donc sans apporter de garanties sérieuses à l'intéressé, ou bien, ayant procédé à un tel examen, se trouvera avoir préjugé la culpabilité de l'intéressé dans l'affaire dont il peut avoir à connaître comme président ou comme membre de la juridiction de jugement ; qu'enfin, la possibilité de prolonger de vingt-quatre heures le délai normal de garde à vue est inutile, les dispositions antérieures étant suffisantes pour les besoins de la recherche de la vérité même dans les cas visés par l'article 39.
24. Considérant que le champ d'application des dispositions critiquées, concerne des enquêtes portant sur des infractions déterminées appelant des recherches particulières, telles que l'arrestation, la détention ou la séquestration de personnes, la prise d'otages, l'enlèvement de mineurs, le vol aggravé par un port d'armes et commis par deux ou plusieurs personnes ;
25. Considérant que, si l'intervention d'un magistrat du siège pour autoriser, dans ces cas, la prolongation de la garde à vue, est nécessaire conformément aux dispositions de l'article 66 de la Constitution, aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle n'exige que ce magistrat ait la qualité de juge d'instruction ;
26. Considérant que le magistrat qui aura nécessairement dû examiner le dossier pour autoriser la prolongation de vingt-quatre heures de la garde à vue n'aura pas pour autant fait un acte d'instruction ni préjugé la culpabilité de l'intéressé.
27. Considérant, au surplus, que les dispositions des paragraphes II, III et V de l'article 39 de la loi relatives à la surveillance médicale de la personne gardée à vue, constituent des garanties supplémentaires au profit de celle-ci ;
28. Considérant, dès lors, que l'article 39 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel n'est pas contraire à la Constitution ;
En ce qui concerne les articles 47 à 52 relatifs à la procédure correctionnelle :
29. Considérant que, selon les auteurs des saisines, les articles 47 à 52 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel devraient être déclarés non conformes à la Constitution ; qu'en effet, en matière correctionnelle, ils permettent au procureur de la République, par une décision discrétionnaire, de saisir directement le tribunal sans information préalable confiée à un juge d'instruction et, ce, même en l'absence de flagrant délit et alors même que le prévenu pourrait faire l'objet d'un mandat de dépôt ; que le choix ainsi discrétionnairement ouvert au procureur de la République entre une procédure comportant une information préalable par le juge d'instruction et une procédure ne comportant pas une telle information préalable serait contraire tout à la fois au principe selon lequel seule la loi peut fixer la procédure pénale, aux droits de la défense et à l'égalité des personnes devant la justice ; qu'au surplus, constituerait également une méconnaissance des droits de la défense l'absence, dans les textes critiqués, de toute disposition prévoyant que la personne concernée pourra être assistée d'un avocat lors de sa comparution devant le procureur de la République et avant que celui-ci n'opte entre les diverses procédures possibles.
30. Considérant qu'en vertu de l'article 393 nouveau du code de procédure pénale, tel qu'il résulte de l'article 51 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel, le procureur de la République peut, s'il estime qu'une information n'est pas nécessaire, procéder soit par voie de convocation du prévenu devant le tribunal par procès-verbal, soit par voie de saisine immédiate du tribunal, soit par voie de saisine préalable du président du tribunal ou d'un juge délégué par lui ;
31. Considérant que, si en vertu de l'article 7 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et de l'article 34 de la Constitution, les règles de la procédure pénale sont fixées par la loi, il est loisible au législateur de prévoir des règles de procédure pénale différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, pourvu que les différences ne procèdent pas de discriminations injustifiées et que soient assurées des garanties égales aux justiciables ;
32. Considérant que l'institution de la convocation par procès-verbal, celle de la saisine immédiate du tribunal et celle de la saisine préalable du président du tribunal ou du juge délégué par lui ont pour objet de permettre de saisir sans retard inutile la juridiction de jugement dans des affaires pour lesquelles une information n'est pas nécessaire ; que cet objet est conforme à la bonne marche de la justice et à la liberté des personnes susceptibles d'être provisoirement détenues.
33. Considérant que, si le pouvoir d'apprécier dans quelle mesure le recours à la procédure d'information confiée au juge d'instruction n'est pas nécessaire et d'user alors de l'une des procédures de saisine directe est attribué au procureur de la République, c'est en raison du fait que la charge de la poursuite et de la preuve lui incombe ; qu'un recours non pertinent du procureur de la République à l'une des procédures de saisine directe aurait nécessairement pour conséquence, en raison de la présomption d'innocence dont bénéficie le prévenu, soit la relaxe de celui-ci, soit la décision de la juridiction de jugement de procéder à un supplément d'information prévu par l'article 396, alinéa 2, du code de procédure pénale tel qu'il résulte de l'article 51 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel ;
34. Considérant que, si l'article 393 nouveau précité du code de procédure pénale, tel qu'il résulte de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel, ne prévoit pas que la personne déférée au procureur de la République puisse être assistée d'un avocat, c'est parce que ce magistrat qui ne dispose que du droit de décider par quelle voie il exerce sa poursuite est privé par la loi nouvelle du pouvoir de décerner un mandat de dépôt, même en cas de flagrant délit, un tel mandat ne pouvant être décerné que par un juge du siège.
35. Considérant que les dispositions des articles 397, 397-1, 397-2, 397-3, 397-4, 397-5 du code de procédure pénale tels qu'ils résultent de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel procurent au justiciable, en ce qui concerne sa liberté individuelle, les mêmes garanties que celles dont il bénéficierait devant le juge d'instruction ; qu'en effet, aucun mandat de dépôt ou mesure restreignant sa liberté ne peut émaner que d'un magistrat du siège ; que les voies de recours contre de telles décisions sont les mêmes que si celles-ci émanaient du juge d'instruction ; que les conditions auxquelles est subordonnée la possibilité de mandats de dépôt ou de mesures de contrôle judiciaire ne sont pas liées au choix par le procureur de la République de l'une des procédures de saisine directe.
36. Considérant qu'aux termes de l'article 397-6 du code de procédure pénale, tel qu'il résulte des dispositions de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel, Dans tous les cas l'affaire doit être jugée au fond par le tribunal dans les deux mois. A défaut de jugement dans ce délai, les mesures de détention provisoire ou de contrôle judiciaire cessent de plein droit de produire effet, et le prévenu détenu, s'il ne l'est pour une autre cause, est mis d'office en liberté ;
37. Considérant que, quelle que soit l'option faite par le procureur de la République entre les diverses procédures de poursuites et sans égard au fait qu'il y a eu ou non une information préalable confiée à un juge d'instruction, le jugement de l'affaire au fond appartient à la même juridiction ; que celle-ci, éclairée au besoin par le supplément d'information qu'elle aura pu ordonner en toute hypothèse, doit statuer sur la culpabilité du prévenu, toujours présumé innocent, selon des règles de forme et de fond identiques ; qu'ainsi les dispositions dont il s'agit ne sont contraires ni aux droits de la défense ni à l'égalité devant la justice.
38. Considérant, enfin, qu'aux termes des dispositions de l'article 397-7 du code de procédure pénale, tel qu'il résulte de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel, les dispositions des articles 393 à 397-6 ne sont applicables ni aux mineurs, ni en matière de délits de presse, de délits politiques ou d'infractions dont la procédure de poursuite est prévue par une loi spéciale ;
39. Considérant, dès lors, que les articles 47 à 52 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel ne sont pas contraires à la Constitution ;
En ce qui concerne les articles 55 et 56 de la loi relatifs à la procédure criminelle :
40. Considérant que l'article 55 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel est critiqué en tant que, soumettant le juge d'instruction à un contrôle général de la part du président de la chambre d'accusation, il serait contraire au principe de l'indépendance des juges du siège consacré par l'article 64 de la Constitution ;
41. Considérant que l'article 220 du code de procédure pénale charge le président de la chambre d'accusation de s'assurer du bon fonctionnement des cabinets d'instruction du ressort de la Cour d'appel, de vérifier, notamment, les conditions d'application des dispositions qui permettent au juge d'instruction, lorsqu'il est dans l'impossibilité de procéder lui-même aux actes de l'instruction autres que les interrogatoires et les confrontations de l'inculpé, de les faire exécuter par les officiers de police judiciaire ainsi que de celles qui lui imposent de vérifier les éléments d'information ainsi recueillis et, enfin, d'une façon générale, de veiller à ce que les procédures ne subissent aucun retard injustifié ; que l'article 55 de la loi ajoute à cet article 220 un second alinéa ainsi rédigé : Il peut à cet effet contrôler le cours des informations, demander des rapports sur l'état des affaires, convoquer les juges d'instruction, visiter leur cabinet et prendre connaissance des dossiers .
42. Considérant que les pouvoirs ainsi attribués au président de la chambre d'accusation pour l'application du premier alinéa de l'article 220 du code de procédure pénale sont simplement destinés à lui permettre de vérifier la mise en état des dossiers de façon à éviter tout retard injustifié dans l'information ;
43. Considérant que ce texte ne permet pas au président de la chambre d'accusation de guider le choix des décisions du juge d'instruction ni de les réformer et que, dès lors, les pouvoirs donnés à ce magistrat de la cour d'appel dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice par l'article 220 du code de procédure pénale tel qu'il est complété ne portent pas atteinte à l'indépendance du juge d'instruction ;
44. Considérant que, selon les auteurs des saisines, l'article 56 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel, en instituant un contrôle de la nature hiérarchique du président de la chambre d'accusation ou de la chambre d'accusation elle-même sur le juge d'instruction, porterait également atteinte à l'indépendance de ce magistrat, garantie par l'article 64 de la Constitution ; qu'il priverait l'inculpé du bénéfice du double degré l'instruction qui est, en matière pénale, une application essentielle du principe du double degré de juridiction ; qu'il porterait gravement atteinte aux droits de la défense ; qu'ainsi, il devrait être déclaré non conforme à la Constitution.
45. Considérant que l'article 56 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel ajoute au code de procédure pénale des articles nouveaux 196-1 à 196-6 ; que l'article 196-1 est ainsi conçu : En matière criminelle, six mois au plus tôt après la première inculpation, le président de la chambre d'accusation peut, sur les réquisitions du ministère public, à la demande de l'inculpé ou de la partie civile ou d'office, déférer la procédure à ladite chambre. Si l'information n'est pas terminée à l'expiration d'un délai d'un an à compter de la première inculpation, le dossier lui est obligatoirement transmis et il peut soit prescrire la continuation de l'instruction préparatoire, soit déférer la procédure à la chambre d'accusation. Dans tous les cas, il prend sa décision par une ordonnance non motivée et non susceptible de recours .
46. Considérant que les pouvoirs donnés au président de la chambre d'accusation par le nouvel article 196-1 du code de procédure pénale lui permettent de saisir cette chambre de la cour d'appel s'il estime qu'il y a lieu de prendre une mesure nécessaire pour éviter des retards non justifiés dans l'instruction d'un dossier, mais ne lui donnent en rien le moyen de guider le choix des décisions qu'il appartient au seul juge chargé de l'instruction de prendre ni celui de réformer ces décisions ; que la chambre d'accusation, lorsque la procédure lui a été déférée dans les cas prévus par l'article 196-1, peut, par décision motivée et après débat contradictoire, soit, sous le contrôle de la Cour de cassation, se déclarer incompétente ou dire qu'il n'y a pas lieu à poursuite, soit, sans que cet arrêt soit soumis à des voies de recours, ou bien décider que l'instruction sera poursuivie par le juge d'instruction précédemment saisi ou par un autre juge d'instruction, ou bien se saisir elle-même de la procédure ; que, dans le cas où l'arrêt désigne l'autorité compétente pour mener l'information, il n'est relatif qu'à une mesure d'administration judiciaire qui ne met en cause aucune des décisions prises par le juge d'instruction ; qu'ainsi l'indépendance de ce magistrat ne subit aucune atteinte du fait de la procédure qui permet seulement de garantir la diligence nécessaire dans l'instruction du dossier.
47. Considérant que le juge charge de l'instruction à la suite de la mise en oeuvre de la procédure prévue par les articles 196-1 et 196-2 du code de procédure pénale, qu'il s'agisse du juge d'instruction qui continue son information, de celui qui aura été désigné par la chambre d'accusation ou du membre de cette chambre qui aura été chargé par elle de mettre l'affaire en état, statue dans les mêmes conditions et sous le contrôle des mêmes voies de recours que lors de l'instruction préparatoire ; que cette règle résulte spécialement de l'article 196-3 en ce qui concerne le cas où la chambre d'accusation se saisit de la procédure, le dernier alinéa de cet article précisant notamment que l'inculpé, la partie civile et leurs conseils jouissent de tous les droits et garanties prévus par les dispositions relatives à l'instruction préparatoire ; qu'ainsi la procédure critiquée ne permet aucune atteinte aux droits de la défense et notamment ne modifie en rien les conditions dans lesquelles s'exerce le contrôle de l'instruction en matière criminelle par la règle du double degré applicable aux décisions juridictionnelles ; que, dès lors, sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur l'éventuelle valeur constitutionnelle de ce dernier principe, il convient de déclarer que ladite procédure n'est pas contraire à la Constitution.
En ce qui concerne l'article 66 de la loi relatif à la discipline des avocats et à la police de l'audience :
48. Considérant que, selon les auteurs de l'une des saisines, l'article 66 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel serait contraire aux droits de la défense ; qu'en effet, il permettrait au président de toute juridiction de l'ordre judiciaire d'écarter discrétionnairement de la barre, pendant deux jours, au nom de la sérénité des débats , un avocat ; que, s'il est permis au bâtonnier de désigner d'office un avocat pour remplacer l'avocat écarté de l'audience, cette garantie ne saurait être regardée comme suffisante, un tel système pouvant avoir pour effet de confier la défense à un avocat ignorant tout du procès ; qu'en outre et surtout, en ne précisant pas si les débats sont suspendus, en n'indiquant pas les conditions de leur poursuite, le premier alinéa de l'article 25-1 nouveau de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques tel qu'il résulte de l'article 66 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel permettrait que le procès se déroule au moins pendant deux jours sans que le prévenu soit assisté de son conseil, la désignation d'un remplaçant commis d'office par le bâtonnier n'intervenant qu'en cas de prorogation.
49. Considérant que l'article 66 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel a pour premier objet d'abroger les anciennes dispositions de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, ainsi que celles de la loi du 15 janvier 1963 relative à la Cour de sûreté de l'État et celles du code de justice militaire qui confiaient à la juridiction devant laquelle un avocat manquait à ses obligations la répression de ces manquements par des peines disciplinaires pouvant aller jusqu'à l'interdiction d'exercer sa profession et de les remplacer par un nouvel article 25 de la loi du 31 décembre 1971 prévoyant, à l'initiative de la juridiction, une poursuite disciplinaire devant le conseil de l'Ordre ; que ces dispositions nouvelles ne sont pas, en elles-mêmes, contraires à la Constitution.
50. Considérant que l'article 66, paragraphe II, compte tenu de la suppression du pouvoir disciplinaire de la juridiction sur l'avocat, insère, d'autre part, dans la loi du 31 décembre 1971 sus-mentionnée un article 25-1 ainsi conçu : Lorsque l'attitude d'un avocat compromet la sérénité des débats, le président peut, en vertu de ses pouvoirs de police de l'audience, le bâtonnier du conseil de l'Ordre du barreau du tribunal ou son représentant entendu, décider d'écarter cet avocat de la salle d'audience pour une durée qui ne peut excéder deux jours. Il appartient au bâtonnier du conseil de l'Ordre du barreau du tribunal ou à son représentant de décider, s'il y a lieu, de la prorogation de cette mesure jusqu'à ce que le conseil de l'Ordre compétent ait statué sur l'instance disciplinaire et de désigner d'office un autre avocat pour l'audience pendant la durée qu'il détermine ;
51. Considérant qu'il résulte tant des termes que des travaux préparatoires de cette disposition qu'elle permet au président d'une juridiction d'écarter un avocat de la salle d'audience en vertu de ses pouvoirs de police de l'audience et pour préserver la sérénité des débats sans même que, pour autant, l'avocat ait nécessairement manqué aux obligations que lui impose son serment et tombe sous le coup des poursuites disciplinaires visées par l'article 25 de la loi du 31 décembre 1971 tel qu'il résulte du paragraphe 1 de l'article 66 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel.
52. Considérant que, même si la mesure que le président, aux termes de l'article 25-1 précité, pourrait prendre à l'égard d'un avocat dont l'attitude compromettrait la sérénité des débats , avait le caractère d'une simple mesure de police de l'audience et ne revêtait pas celui d'une sanction disciplinaire, il ne demeure pas moins que cette mesure, qui pourrait intervenir alors que l'avocat n'a manqué à aucune des obligations que lui impose son serment et alors qu'il a donc rempli son rôle de défenseur, serait contraire, tant dans la personne de l'avocat que dans celle du justiciable, aux droits de la défense qui résultent des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ; que, dès lors, le paragraphe II de l'article 66 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel est contraire à la Constitution ;
53. Considérant que les autres dispositions de l'article 66 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel sont inséparables des dispositions du paragraphe II contraires à la Constitution ; que, dans ces conditions, l'article 66 de la loi ne peut qu'être déclaré, dans sa totalité, contraire à la Constitution ;
En ce qui concerne les articles 76 à 78 de la loi relatifs aux vérifications d'identité :
54. Considérant que, selon les auteurs des saisines, les dispositions des articles 76, 77 et 78 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel porteraient gravement atteinte, par leur principe même et par les modalités de sa mise en oeuvre, à la liberté d'aller et de venir et à la liberté individuelle ; qu'elles seraient, d'autre part, contraires à la séparation des pouvoirs en ce qu'elles confient à la police judiciaire, avec les prérogatives dont dispose celle-ci, des opérations de prévention d'atteintes à l'ordre public relevant normalement de la police administrative qui ne saurait disposer de tels pouvoirs, notamment en ce qui concerne la détention des personnes ; qu'enfin, la nature même des opérations autorisées par les dispositions critiquées, ainsi que l'insuffisance des garanties données aux personnes qui en seraient l'objet, permettraient d'inévitables abus à l'encontre des droits et des libertés des individus.
55. Considérant que l'alinéa 1er de l'article 76 de la loi est ainsi conçu : Les officiers de police judiciaire et, sur l'ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints visés aux articles 20 et 21 (1°) du code de procédure pénale, peuvent en cas de recherches judiciaires ou pour prévenir une atteinte à l'ordre public, notamment une atteinte à la sécurité des personnes et des biens, inviter toute personne à justifier de son identité. Nul ne peut refuser de déférer à cette invitation. L'identité peut être justifiée par tout moyen.
56. Considérant que la recherche des auteurs d'infractions et la prévention d'atteintes à l'ordre public, notamment d'atteintes à la sécurité des personnes et des biens, sont nécessaires à la mise en oeuvre de principes et de droits ayant valeur constitutionnelle ; que la gêne que l'application des dispositions de l'alinéa 1er précité peut apporter à la liberté d'aller et de venir n'est pas excessive, dès lors que les personnes interpellées peuvent justifier de leur identité par tout moyen et que, comme le texte l'exige, les conditions relatives à la légalité, à la réalité et à la pertinence des raisons motivant l'opération sont, en fait, réunies ;
57. Considérant que les alinéas 2 à 5 de l'article 76 sont ainsi conçus : Lorsqu'une personne ne justifie pas sur place de son identité, les officiers et agents visés à l'alinéa précédent peuvent, en cas de nécessité, la conduire dans un local de police afin de lui permettre d'apporter tout élément justifiant de cette identité. Dès son arrivée au local de police, cette personne est présentée sans délai à un officier de police judiciaire et mise de plein droit en mesure de prévenir aussitôt sa famille ou toute personne susceptible de confirmer son identité ou de lui permettre de le faire. Ces opérations doivent être effectuées avec courtoisie. Lorsqu'une personne ne veut ou ne peut apporter aucun élément permettant de justifier de son identité, l'officier de police judiciaire devant qui elle aura été présentée pourra procéder aux opérations nécessaires à l'établissement de son identité. Toute personne ainsi conduite dans un local de police ne pourra être retenue que pour la durée strictement nécessaire à la vérification de son identité, sans que cette durée puisse excéder six heures. Ce délai court à compter de l'invitation mentionnée au premier alinéa ci-dessus. L'intéressé peut demander à tout moment que le procureur de la République soit averti aussitôt de la mesure dont il fait l'objet. Ce magistrat peut décider qu'il y sera mis fin. La personne concernée est avisée de ses droits dès son arrivée au local de police .
58. Considérant que l'application des dispositions précitées reste limitée par la règle selon laquelle les personnes invitées à justifier de leur identité peuvent satisfaire sur place à cette invitation par un moyen approprié de leur choix et qu'elles ne doivent être conduites dans un local de police qu'en cas de nécessité : que l'exact respect de ces prescriptions en ce qui concerne la présentation immédiate à un officier de police judiciaire de la personne conduite au local de police, la possibilité pour elle de faire prévenir sa famille ou toute personne susceptible de confirmer son identité ou de lui permettre de le faire, le droit pour elle de saisir le procureur de la République, l'obligation de ne la retenir que pour la durée nécessaire à la vérification de son identité, la limitation à six heures, à partir de l'invitation initiale à justifier de son identité, du laps de temps pendant lequel elle pourra être retenue, limitent les contraintes imposées à la personne qui n'a pas pu ou n'a pas voulu justifier sur place de son identité à ce qui est nécessaire pour la sauvegarde des fins d'intérêt général ayant valeur constitutionnelle et dont la poursuite motive la vérification d'identité ;
59. Considérant que les quatre premiers alinéas de l'article 77 édictent une série de dispositions prévoyant l'établissement d'un procès-verbal soumis à la signature de l'intéressé et assorti de mentions détaillées, telles que celle des raisons pour lesquelles il a été procédé à un contrôle d'identité, du jour et de l'heure à partir de laquelle la personne concernée à été conduite au local de police, des conditions dans lesquelles elle aura pu prévenir sa famille ou toute personne susceptible de confirmer son identité ou de lui permettre de le faire, la durée de la vérification d'identité, les motifs de cette mesure, ainsi que le jour et l'heure à partir desquelles il y a été mis fin et dans quelles conditions. Que les indications de ce procès-verbal doivent également être mentionnées sur un registre spécial soumis périodiquement au contrôle du procureur de la République qui peut, d'autre part, contrôler à tout moment la régularité des opérations de vérification ; que l'ensemble de ces dispositions est de nature à assurer la possibilité pour les autorités et les juridictions compétentes de vérifier la régularité des opérations conduites en application de l'article 76.
60. Considérant que le dernier alinéa de l'article 77 dispose : En aucun cas, les opérations mentionnées à l'article 76 ne peuvent donner lieu à des prises d'empreintes digitales ou de photographies. Les indications résultant de ces opérations ainsi que celles mentionnées sur le procès-verbal et le registre prévus au présent article ne peuvent non plus en aucun cas faire l'objet d'une mise en mémoire sur fichier manuel ou automatisé ; que ces interdictions ont pour objet d'éviter que les contrôles d'identité ne soient employés à des fins autres que celles que leur assigne le premier alinéa de l'article 76 ;
61. Considérant que, si l'article 78 punit de peines correctionnelles d'emprisonnement et d'amende toute personne qui aura refusé de se prêter aux opérations de vérification d'identité ou qui aura empêché les agents compétents d'accomplir leur mission de contrôle ou de vérification d'identité, ces dispositions ne visent pas les personnes qui n'auront pas été à même, sur place ou dans le local de police, de justifier de leur identité ;
62. Considérant, dès lors, que les dispositions des articles 76, 77 et 78 de la loi déférée à l'examen du Conseil constitutionnel ne sont pas, sous les conditions de forme et de fond énoncées par ces articles, contraires à la conciliation qui doit être opérée entre l'exercice des libertés constitutionnellement reconnues et les besoins de la recherche des auteurs d'infractions et de la prévention d'atteintes à l'ordre public, notamment à la sécurité des personnes et des biens, nécessaires, l'une et l'autre, à la sauvegarde de droits de valeur constitutionnelle.
63. Considérant que, si les articles 76 et 77 précités réservent en certains cas à la police judiciaire des missions de prévention des atteintes à l'ordre public qui ressortissent normalement à la police administrative, ces dispositions n'ont pour conséquence que de donner des garanties assurant le respect de la liberté individuelle ; qu'en effet, dès lors que, comme il a été dit, de telles procédures sont établies par la loi dans le respect des règles constitutionnelles, aucune atteinte au principe de la séparation des pouvoirs ne résulte de leur soumission à un régime comportant, pour les personnes qui en font l'objet, des garanties que ne leur assurerait pas le régime de droit commun de la police administrative ;
64. Considérant, enfin, que le législateur, en vue d'empêcher les abus, a entouré de nombreuses précautions la procédure de contrôle et de vérification de l'identité qu'il institue ; qu'il appartiendra aux autorités judiciaires et administratives de veiller à leur respect intégral ainsi qu'aux tribunaux compétents de censurer et de réprimer, le cas échéant, les illégalités qui seraient commises et de pourvoir éventuellement à la réparation de leurs conséquences dommageables ;
65. Considérant, dès lors, que les articles 76, 77 et 78 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel ne sont pas contraires à la Constitution ;
Sur le titre III (art. 81 à 100) de la loi :
En ce qui concerne les articles 87 à 89 relatifs aux constitutions de partie civile par lettre recommandée :
66. Considérant que, selon les auteurs d'une des saisines, la possibilité pour la partie civile de se constituer dans certains cas par lettre recommandée, prévue et réglementée en matière correctionnelle par les articles 87 et 89 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel, sans que ces textes aient prescrit la communication à la défense des pièces sur lesquelles est fondée la demande de la partie civile, créerait une situation contraire aux droits de la défense ;
67. Considérant que, selon les dispositions de l'article 421 du code de procédure pénale, non modifié par la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel, la déclaration de partie civile peut être faite pendant l'audience et est recevable dès lors qu'elle intervient avant les réquisitions du ministère public ; que les dispositions nouvelles ont pour objet de permettre à la victime qui entend se constituer partie civile de le faire par lettre recommandée sans se présenter à l'audience ; que ces dispositions, destinées à faciliter l'exercice des droits de la victime, ne placent pas l'inculpé dans une situation différente de celle où il se trouverait par l'application de l'article 421 et ne méconnaissent pas les droits de la défense ;
68. Considérant, d'ailleurs, qu'en vertu de l'article 460-1, tel qu'il résulte de l'article 89 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel, le tribunal peut, s'il l'estime nécessaire, ordonner la comparution de la partie civile et, en ce cas, renvoyer à une prochaine audience les débats sur l'ensemble de l'affaire ou uniquement sur les intérêts civils ; qu'ainsi toutes précautions sont prises par les textes critiqués pour préserver les droits de la défense ;
69. Considérant, dès lors, que les articles 87 et 89 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel ne sont pas contraires à la Constitution ;
En ce qui concerne les articles 92 et 94 de la loi, relatifs aux demandes nouvelles de la partie civile en cause d'appel et à la constitution de partie civile en cause d'appel :
70. Considérant que, selon les auteurs de l'une des saisines, l'article 92 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel, en permettant à la partie civile de présenter des demandes nouvelles en cause d'appel et l'article 94, en permettant à la partie civile de se constituer pour la première fois en cause d'appel, méconnaîtraient tant à l'égard du prévenu que de la partie civile, le principe du double degré de juridiction, lequel aurait valeur constitutionnelle.
71. Considérant que, si la faculté pour la victime s'étant constituée partie civile en première instance de présenter des demandes nouvelles en cause d'appel et celle pour la personne lésée de se constituer partie civile pour la première fois en appel ne sont ouvertes qu'autant que des motifs sérieux peuvent être invoqués par les intéressés, leur exercice pourtant serait nécessairement générateur d'inégalités devant la justice, puisque, selon l'attitude de la personne qui demande réparation, les prévenus bénéficieraient ou ne bénéficieraient pas d'un double degré de juridiction en ce qui concerne les intérêts civils.
72. Considérant, il est vrai, que le grief d'inconstitutionnalité ne saurait s'étendre à la deuxième phrase du quatrième alinéa de l'article 515 du code de procédure pénale tel qu'il résulterait de l'article 92 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel, phrase ainsi conçue : Elle (la partie civile) peut toujours demander une augmentation des dommages-intérêts pour le préjudice souffert depuis la décision de première instance ; que cette disposition qui figure déjà dans l'article 515 du code de procédure pénale s'y trouvera maintenue du fait que, en vertu de la présente décision, l'article 92 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel qui avait pour objet de donner une rédaction nouvelle au quatrième alinéa de l'article 515 du code de procédure pénale n'entrera pas en vigueur ;
73. Considérant, dès lors, que les articles 92 et 94 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel sont contraires à la Constitution :
En ce qui concerne le deuxième alinéa de l'article 100 :
74. Considérant que le deuxième alinéa de l'article 100 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel est ainsi conçu :
Les dispositions des articles 265 à 268, 305, 306, 309 à 312, 381 à 385, 400 (alinéas 1er et 2°), 434 à 437 nouveaux du code pénal, et l'article 16 de la loi du 15 juillet 1845 sur la police des chemins de fer ne sont pas applicables aux infractions ayant donné lieu à un jugement sur le fond en dernier ressort avant l'entrée en vigueur de la présente loi .
75. Considérant que ces dispositions tendent à limiter les effets de la règle selon laquelle la loi pénale nouvelle doit, lorsqu'elle prononce des peines moins sévères que la loi ancienne, s'appliquer aux infractions commises avant son entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à des condamnations passées en force de chose jugée ; que, dès lors, elles doivent être regardées comme contraires au principe formulé par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 selon lequel : La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires . Qu'en effet, le fait de ne pas appliquer aux infractions commises sous l'empire de la loi ancienne la loi pénale nouvelle, plus douce, revient à permettre au juge de prononcer les peines prévues par la loi ancienne et qui, selon l'appréciation même du législateur, ne sont plus nécessaires ; que, dès lors, le deuxième alinéa de l'article 100 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel est contraire à la Constitution ;
76. Considérant que les autres dispositions de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel ne sont pas contraires à la Constitution,
Décide :
Article premier :
Sont déclarées contraires à la Constitution les dispositions des articles 66, 92, 94 et 100 (2° alinéa) de la loi renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes.
Article 2 :
Les autres dispositions de cette loi ne sont pas contraires à la Constitution.
Article 3 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.