Le Conseil constitutionnel,
Saisi le 28 juin 1979 par MM Georges Fillioud, Pierre Joxe, Alain Richard, André Delehedde, Jean-Pierre Cot, Louis Besson, Edmond Vacant, Jean Auroux, André Cellard, Henri Emmanuelli, Robert Aumont, Bernard Derosier, Michel Crépeau, François Massot, Raoul Bayou, Pierre Mauroy, Pierre Prouvost, Alex Raymond, Maurice Faure, Raymond Julien, Roger Duroure, Marcel Garrouste, Dominique Dupilet, Henri Darras, René Gaillard, Hubert Dubedout, Gérard Bapt, Jacques Santrot, Jacques Antoine Gau, Louis Darinot, Joseph Franceschi, Yvon Tondon, Mme Marie Jacq, MM Rodolphe Pesce, Christian Laurissergues, Alain Vivien, Roland Huguet, Jean Laborde, Jacques Lavédrine, Alain Chénard, Pierre Lagorce, Pierre Jagoret, Raymond Forni, Martin Malvy, Paul Quilès, Mme Edwige Avice, MM Roland Beix, Maurice Brugnon, Georges Lemoine, André Billardon, François Autain, Alain Hautecoeur, Claude Evin, Henri Lavielle, André Saint-Paul, Lucien Pignion, Louis le Pensec, Claude Michel, François Abadie, Paul Duraffour, Guy Bêche, Maurice Andrieu, Charles Pistre, Christian Pierret, Dominique Taddéi, députés à l'Assemblée nationale et le 6 juillet 1979 par MM Marcel Champeix, Maxime Javelly, Georges Dagonia, Marcel Mathy, Maurice Vérillon, Roger Quilliot, Raymond Courrière, Pierre Noé, Philippe Machefer, André Méric, Jacques Carat, Gilbert Belin, Emile Durieux, Jean Nayrou, Louis Perrein, Franck Sérusclat, Noël Berrier, Edgar Tailhades, Robert Schwint, Robert Pontillon, Robert Guillaume, Gérard Minvielle, Bernard Parmantier, Roland Grimaldi, Jean Geoffroy, Georges Spénale, Marcel Brégégère, Léon Eeckhoutte, Félix Ciccolini, Charles Alliès, Maurice Janetti, Michel Moreigne, Roger Rinchet, René Chazelle, André Barroux, Edgard Pisani, Mlle Irma Rapuzzi, MM Michel Darras, Robert Laucournet, Guy Durbec, Claude Fuzier, Jean Péridier, Albert Pen, Henri Tournan, Louis Longequeue, Antoine Andrieux, Marcel Debarge, Henri Duffaut, Jacques Bialski, Tony Larue, Mme Cécile Goldet, MM Paul Mistral, Jean Varlet, Bernard Chochoy, Maurice Pic, Edouard Soldani, Marcel Souquet, Emile Vivier, Robert Lacoste, France Lechenault, Josy Moinet, Jean Filippi, Jean Béranger, Sénateurs dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, du texte de la loi modifiant les dispositions de la loi n° 74-696 du 7 août 1974 relatives à la continuité du service public de la radio et de la télévision en cas de cessation concertée du travail, telle qu'elle a été adoptée par le Parlement.
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment les articles figurant au chapitre II du titre II de cette ordonnance ;
Ouï le rapporteur en son rapport ;
1. Considérant qu'aux termes du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, confirmé par celui de la Constitution du 4 octobre 1958 : "le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent " ; qu'en édictant cette disposition les constituants ont entendu marquer que le droit de grève est un principe de valeur constitutionnelle, mais qu'il a des limites et ont habilité le législateur à tracer celles-ci en opérant la conciliation nécessaire entre la défense des intérêts professionnels, dont la grève est un moyen, et la sauvegarde de l'intérêt général auquel la grève peut être de nature à porter atteinte ; que, notamment en ce qui concerne les services publics, la reconnaissance du droit de grève ne saurait avoir pour effet de faire obstacle au pouvoir du législateur d'apporter à ce droit les limitations nécessaires en vue d'assurer la continuité du service public qui, tout comme le droit de grève, a le caractère d'un principe de valeur constitutionnelle ; que ces limitations peuvent aller jusqu'à l'interdiction du droit de grève aux agents dont la présence est indispensable pour assurer le fonctionnement des éléments du service dont l'interruption porterait atteinte aux besoins essentiels du pays ;
2. Considérant que les dispositions contenues au paragraphe I de l'article 26 de la loi du 7 août 1974, tel qu'il est modifié par la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel, se bornent à réglementer les conditions dans lesquelles doit être déposé le préavis de grève ; que ce texte n'est contraire à aucune disposition de la Constitution ni à aucun principe de valeur constitutionnelle ;
3. Considérant qu'il en va de même des dispositions du paragraphe II du même article qui, après avoir indiqué les conditions dans lesquelles doivent être assurées la création, la transmission et l'émission des signaux de radio et de télévision, prévoit qu'un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités d'application de ces conditions, conformément à la répartition des compétences opérée entre le domaine de la loi et celui du règlement par les articles 21, 34 et 37 de la Constitution ;
4. Considérant que si, dans ce même paragraphe II de l'article unique de la loi, le législateur fait usage du terme "requérir", s'agissant des appels qui peuvent être éventuellement adressés aux catégories de personnels dont le concours peut être indispensable pour l'exécution de la mission ci-dessus rappelée des sociétés de programme et de l'établissement public de diffusion, il résulte clairement des débats parlementaires et des déclarations faites à cette occasion par le ministre de la culture et de la communication qu'en usant de ce terme la loi ne se réfère pas au droit de réquisition tel qu'il résulte de l'ordonnance du 6 janvier 1959 et des autres textes qui régissent ce droit ; que le paragraphe II ne peut donc, de ce fait, être entaché de non conformité à la Constitution ;
5. Mais, Considérant qu'en prévoyant dans la première phrase du paragraphe III de la loi que : "lorsque les personnels des sociétés nationales de programme de télévision sont en nombre insuffisant pour assurer le service normal, le président de chaque société peut, si la situation l'exige, requérir les catégories de personnels ou les agents qui doivent demeurer en fonctions pour assurer la continuité des éléments du service nécessaires à l'accomplissement des missions définies aux articles 1er et 10", le législateur permet aux présidents des sociétés, lorsqu'une cessation concertée du travail empêche l'exécution du service normal et afin de garantir que soit cependant assurée la généralité des missions dont il assigne l'accomplissement à ces sociétés, de faire obstacle à l'exercice du droit de grève dans des cas où son interdiction n'apparaît pas justifiée au regard des principes de valeur constitutionnelle ci-dessus rappelés ; que, dès lors, les dispositions contenues dans cette phrase doivent être regardées comme non conformes à ces principes en tant qu'elles font référence, d'une part, à l'exécution d'un service normal, d'autre part à l'accomplissement des missions définies aux articles 1er et 10 de la loi du 7 août 1974 ;
6. Considérant en conséquence que les termes suivants du paragraphe III de l'article 26 de la loi du 7 août 1974, tel qu'il est modifié par l'article unique de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel : "pour assurer le service normal" et "nécessaires à l'accomplissement des missions définies aux articles 1er et 10" doivent être regardés comme ayant été adoptés en méconnaissance de ces principes ;
7. Considérant qu'il ne résulte ni des dispositions précitées ni les débats auxquels l'examen de la proposition de loi a donné lieu devant le Parlement que lesdites dispositions soient inséparables de l'ensemble du texte de la loi déférée au Conseil constitutionnel,
Décide :
Article premier :
Sont déclarés non conformes à la constitution les termes suivants du paragraphe III de l'article 26 de la loi du 7 août 1974 tel qu'il a été modifié par la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel : "pour assurer le service normal" et "nécessaires à l'accomplissement des missions définies aux articles 1er et 10".
Article 2 :
Les autres dispositions de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel sont déclarées conformes à la Constitution.