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05/12/2024 | CEDH | N°001-238275

CEDH | CEDH, AFFAIRE M.B. c. FRANCE, 2024, 001-238275


CINQUIÈME SECTION

AFFAIRE M.B. c. FRANCE

(Requête no 31913/21)

ARRÊT

Art 2 P4 • Liberté de circulation • Prévention du terrorisme • Contrôle administratif et surveillance du requérant en raison du risque de passage à l’acte terroriste • Mesure limitée à une astreinte à résider dans une zone géographique déterminée et à une obligation de se présenter à la police quotidiennement pendant une période de deux mois et huit jours • Prévisibilité de la loi • Garanties adéquates contre les risques d’abus et d’arbitraire • Motivation

adéquate et suffisante fondée sur des éléments concrets • Garanties procédurales suffisantes • Mesure non disprop...

CINQUIÈME SECTION

AFFAIRE M.B. c. FRANCE

(Requête no 31913/21)

ARRÊT

Art 2 P4 • Liberté de circulation • Prévention du terrorisme • Contrôle administratif et surveillance du requérant en raison du risque de passage à l’acte terroriste • Mesure limitée à une astreinte à résider dans une zone géographique déterminée et à une obligation de se présenter à la police quotidiennement pendant une période de deux mois et huit jours • Prévisibilité de la loi • Garanties adéquates contre les risques d’abus et d’arbitraire • Motivation adéquate et suffisante fondée sur des éléments concrets • Garanties procédurales suffisantes • Mesure non disproportionnée aux buts légitimes poursuivis

Préparé par le Greffe. Ne lie pas la Cour.

STRASBOURG

5 décembre 2024

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire M.B. c. France,

La Cour européenne des droits de l’homme (cinquième section), siégeant en une chambre composée de :

María Elósegui, présidente,
Mattias Guyomar,
Stéphanie Mourou-Vikström,
Gilberto Felici,
Diana Sârcu,
Kateřina Šimáčková,
Mykola Gnatovskyy, juges,
et de Victor Soloveytchik, greffier de section,

Vu :

la requête (no 31913/21) dirigée contre la République française et dont un ressortissant tunisien , M. M.B. (« le requérant ») a saisi la Cour en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention ») le 18 juin 2021,

la décision de porter la requête à la connaissance du gouvernement français (« le Gouvernement »),

la décision de ne pas dévoiler l’identité du requérant,

les observations des parties,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 12 novembre 2024,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

INTRODUCTION

1. La requête porte sur une mesure préventive prise en matière de lutte contre le terrorisme, que le requérant estime contraire aux articles 2 du Protocole no 4 et 8 de la Convention. Sous l’angle procédural, il invoque en outre la violation des articles 6 § 1 et 13 de la Convention.

EN FAIT

2. Le requérant est né en 1988 et réside à Montréal (Canada). Il a été représenté par Me V. Billebault puis par Me R. Garcia, avocats à Paris.

3. Le Gouvernement a été représenté par son agent, M. F. Alabrune, directeur des affaires juridiques au ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.

4. Le 14 août 2020, les policiers de la direction régionale de la police judiciaire de Paris saisirent un téléphone et trois ordinateurs portables au domicile du requérant.

5. Plusieurs milliers d’images, de vidéos et de fichiers audio à la gloire de combattants djihadistes ou destinés à alimenter la propagande de mouvements terroristes islamistes furent découverts sur ces supports. Certains de ces fichiers contenaient des scènes d’exécutions sommaires. En outre, l’historique de navigation de ces appareils permit de recenser de très nombreuses consultations de sites internet incitant à la commission d’actes terroristes ou en faisant l’apologie. Une dizaine de documents apologétiques fut également mise en lumière.

6. Par un arrêté du 19 novembre 2020, le ministre de l’Intérieur ordonna une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance (« MICAS ») à l’égard du requérant en lui interdisant, d’une part, de se déplacer hors du territoire des départements de Paris, des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne sans autorisation préalable et en l’obligeant, d’autre part, à se présenter une fois par jour dans un commissariat de police situé à proximité de son domicile, pour une durée de trois mois, aux motifs suivants :

« Considérant en premier lieu, que l’intéressé est un individu présentant un profil psychologique particulièrement instable et imprévisible, agissant de manière compulsive, avec un goût prononcé pour la violence et les idéologies mortifères ; qu’au cours de l’année 2020, son comportement a fortement évolué, adoptant un mode de vie solitaire et reclus ; que par ailleurs, il possède des connaissances informatiques avancées lui permettant notamment d’effectuer des consultations internet anonymes via l’utilisation d’un VPN ou encore du logiciel de navigation [Tor] ; qu’il utilise également des applications de messagerie cryptées ; que l’exploitation des supports saisis lors d’une visite domiciliaire diligentée le 14 août 2020 a permis la découverte de très nombreuses images d’exactions particulièrement brutales et morbides, telles des images d’exécution par balles, par égorgement, par écrasement sous les chenilles d’un char ou par décapitation, confirmant l’appétence particulière de l’intéressé pour les scènes de la plus extrême violence ; qu’enfin, des ordonnances présentes à son domicile ont révélé sa consommation de produits médicamenteux destinés au traitement de la schizophrénie et de troubles bipolaires ; qu’au regard de l’ensemble de ces éléments, il existe des raisons sérieuses de penser que le comportement de [M.B.] constitue une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics ;

Considérant, en second lieu, que l’intéressé consulte de façon quotidienne différents sites pro-jihadistes ; qu’il a notamment consulté à plusieurs reprises, entre septembre et décembre 2019, des sites proposant de la propagande favorable aux organisations terroristes Al­­-Qaïda et Daech ; qu’en outre, l’exploitation des supports saisis lors de la visite menée le 14 août 2020 à son domicile a mis en évidence plusieurs milliers de consultations internet pro-jihadistes, dont le contenu incite ouvertement à des actes de terrorisme, ou fait publiquement l’apologie de tels actes, plus d’un millier d’anasheeds (chants traditionnels islamiques prisés des organisations terroristes et censés galvaniser les combattants), ainsi que des fichiers faisant l’apologie du jihad et du terrorisme ; que par ailleurs, cette visite domiciliaire a permis de mettre en évidence des contacts téléphoniques avec plusieurs personnes adhérant aux thèses radicales et pro-jihadistes, dont l’instigateur d’une filière de combattants jihadiste à destination de la zone syro‑irakienne ayant quitté le territoire en décembre 2014 ; que, par suite, l’intéressé doit être regardé comme soutenant, diffusant, lorsque cette diffusion s’accompagne d’une manifestation d’adhésion à l’idéologie exprimée, et adhérant à des thèses incitant à la commission d’actes de terrorisme ou faisant l’apologie de tels actes ;

Considérant que, compte tenu de l’ensemble de ces éléments et de la prégnance de la menace sur le territoire national, il y a lieu, dans le but de prévenir la commission d’actes de terrorisme, de prononcer à l’encontre de [M.B.] une [MICAS] ; »

7. Le 2 décembre 2020, le requérant fut reçu, à sa demande, à la Préfecture de police en présence de son avocat et fut entendu en ses observations. Il sollicita une modification de la mesure en faisant valoir que ses modalités le gênaient dans sa vie professionnelle. Il indiqua que ses fragilités psychiatriques étaient anciennes et que le confinement sanitaire avait aggravé son état, mais soutint que son traitement actuel avait permis de le stabiliser. Il ajouta que la saisie de son ordinateur professionnel l’avait mis en difficulté vis-à-vis de son employeur. Il admit avoir consulté des sites de propagande djihadiste, en expliquant avoir voulu élaborer un « contre-discours ». Il expliqua également que les scènes de décapitations ou d’exécution qu’il avait pu consulter étaient courtes et insérées dans des diatribes d’islamistes radicaux. Il soutint qu’il ne fréquentait pas d’individus radicalisés, mais reconnut que certaines de ses connaissances étaient en contact avec des individus partis combattre en zone irako-syrienne.

8. Sa demande de modification de la mesure resta sans réponse.

9. Le 5 janvier 2021, le requérant saisit le tribunal administratif en référé sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative (CJA) en demandant la suspension de l’exécution de la MICAS prise à son encontre. Il argua, d’une part, de l’incompatibilité de la base légale de la mesure (paragraphe 19 ci‑dessous) avec les exigences des articles 8 et 13 de la Convention et de l’article 2 du Protocole no 4 et, d’autre part, d’une atteinte manifestement illégale à sa liberté de circulation, à sa vie familiale et à son droit à un recours effectif.

10. Le jour même, le juge des référés informa les parties qu’il ne serait pas tenu d’audience en raison de la situation sanitaire en application de l’article 3 de l’ordonnance du 18 novembre 2020 (paragraphe 28 ci‑dessous). Il fixa par ailleurs la date de clôture de l’instruction.

11. Au cours de l’instruction, le ministre de l’Intérieur produisit une note blanche relatant l’état des renseignements recueillis au sujet du requérant (paragraphe 31 ci‑dessous). Celle-ci fut versée au débat contradictoire.

12. Le 8 janvier 2021, le requérant déposa un mémoire complémentaire en contestant certaines appréciations des services de renseignement, telles que sa dangerosité psychiatrique ou son appétence pour la violence. Cependant, il ne contesta ni la consultation massive de sites internet prônant le djihad islamique ni le visionnage des fichiers retrouvés en sa possession.

13. Par une ordonnance du 9 janvier 2021, le juge des référés rejeta la demande du requérant aux motifs suivants :

« Le législateur a (...) défini avec précision les conditions de recours aux mesures prévues à l’article L. 228-2 du code de la sécurité intérieure [CSI] et a limité son champ d’application à des personnes soupçonnées de présenter une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public, ainsi que l’a d’ailleurs précisé le Conseil constitutionnel dans sa décision no 2017-691 QPC du 16 février 2018. Par suite, [M.B.] n’est pas fondé à soutenir que ces dispositions seraient incompatibles avec les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de l’article 2 du protocole additionnel no 4 à cette convention. En outre, ces dispositions ne font pas obstacle au droit à un recours effectif tel que garanti par l’article 13 de cette même convention.

En deuxième lieu, il résulte de l’instruction et notamment de la note des services de renseignement, précise et circonstanciée, qui a été versée au contradictoire, que [M.B.] a consulté à plusieurs reprises, entre septembre [et] décembre 2019, des sites proposant de la propagande favorable aux organisations terroristes Al-Qaïda et à l’État Islamique. Une saisie à son domicile, autorisée par le juge des libertés et de la détention le 12 août 2020, a permis de découvrir qu’il a téléchargé, consulté et archivé des milliers de contenus sur le « jihad » et les organisations terroristes État Islamique et Al-Qaïda, dont des images et vidéos pro-jihadistes d’exactions de toutes sortes, plus de 1 200 fichiers audio de chants guerriers à la gloire des combattants jihadistes ou destinés à alimenter la propagande jihadiste, des images d’exécution par balles, par égorgement, par écrasement sous chenilles de char ou par décapitation, plus de 4 000 consultations internet pro-jihadistes incitant à des actes de terrorisme ou à l’apologie publique de tels actes, et une dizaines de documents faisant l’apologie du « jihad ». Il résulte également de l’instruction qu’il entretient des relations avec des personnes elles-mêmes en contact avec des militants jihadistes et des proches de la cellule terroriste de Cannes-Torcy. En outre, il n’est pas contesté que [M.B.], qui est suivi pour des troubles dépressifs, présente une fragilité psychique. Ces faits, non sérieusement contestés par le requérant, qui ne sont pas contredits par les pièces produites en réplique, pouvaient justifier une mesure édictée sur le fondement des dispositions précitées du [CSI].

Par suite, (...) [M.B.] n’est pas fondé à soutenir que l’arrêté litigieux porterait une atteinte grave et manifestement illégale à sa liberté d’aller et venir et au respect de sa vie privée et familiale. »

14. Le 21 janvier 2021, le requérant fit appel de cette ordonnance.

15. Par deux arrêtés pris le même jour, le ministre de l’Intérieur ordonna son expulsion en urgence absolue vers la Tunisie.

16. Le 27 janvier 2021, le requérant fut interpellé à son domicile et placé en rétention administrative. Un arrêté portant abrogation de la MICAS lui fut notifié.

17. Par une ordonnance du 29 janvier 2021, le juge des référés du Conseil d’État rejeta la requête en appel du requérant comme étant manifestement mal fondée sans tenir d’audience, comme le permet l’article L. 522-3 du CJA (paragraphe 26 ci-dessous). Il motiva sa décision comme il suit :

« Sur la compatibilité des dispositions contestées avec la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales :

5. Les dispositions des articles L. 228‑1 et L. 228‑2 du [CSI] ne sont pas incompatibles avec les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et, en particulier, avec celles de ses articles 8 et 13 ainsi que de l’article 2 de son protocole additionnel no 4 qui garantissent respectivement le droit au respect de la vie privée et familiale, le droit à un recours juridictionnel effectif et la liberté de circulation.

6. D’une part, en effet, en vertu de l’article L. 228‑1 du [CSI] cité au point 2 ci-dessus, la mesure d’assignation à résidence prévue à l’article L. 228‑2 du même code ne peut être prononcée qu’aux fins de prévenir la commission d’un acte de terrorisme et est subordonnée à deux conditions cumulatives, la première tenant à la menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics résultant du comportement de l’intéressé, la seconde aux relations qu’il entretient avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme ou, de façon alternative, au soutien, à la diffusion ou à l’adhésion à des thèses incitant à la commission d’actes de terrorisme ou faisant l’apologie de tels actes.

7. D’autre part, ce même article L. 228-2 prévoit que le périmètre géographique de l’assignation à résidence qui doit permettre à l’intéressé de poursuivre une vie familiale et professionnelle, ne peut être inférieur au territoire de la commune et que l’obligation de présentation périodique aux services de police ou aux unités de gendarmerie ne peut excéder une présentation par jour. En vertu de ce même article, la durée de la mesure d’assignation est strictement encadrée. Elle ne peut être initialement prononcée ou renouvelée que pour une durée maximale de trois mois. Au-delà d’une durée cumulée de six mois, chaque renouvellement est subordonné à la production par le ministre de l’Intérieur d’éléments nouveaux ou complémentaires. La durée totale cumulée de ces obligations ne peut excéder douze mois. Enfin, la mesure d’assignation à résidence peut notamment faire l’objet d’un recours en référé sur le fondement des articles L. 521-1 et L. 521-2 du [CJA].

Sur l’atteinte grave et manifestement illégale portée à la liberté de circulation et au droit de [M.B.] de mener une vie familiale normale :

8. Il résulte de l’instruction et notamment de la note “blanche”, précise et circonstanciée, qui a été versée au contradictoire au cours de la première instance de référé, qu’une saisie au domicile de [M.B.], autorisée par le juge des libertés et de la détention et diligentée le 14 août 2020, a révélé que l’intéressé (...) avait téléchargé, consulté et archivé des milliers de contenus sur le “jihad” et les organisations terroristes État Islamique et Al-Qaïda, dont des images et vidéos d’exactions de toutes sortes, plus de 1 200 fichiers audio de chants guerriers à la gloire des combattants jihadistes ou destinés à alimenter la propagande jihadiste, des images d’exécution par balles, par égorgement, par écrasement sous chenilles de char ou par décapitation, plus de 4 000 consultations Internet incitant à des actes de terrorisme ou à l’apologie publique de tels actes, et une dizaines de documents faisant l’apologie du “jihad”. Il résulte également de l’instruction que [M.B.], qui est suivi pour des troubles dépressifs, présente une fragilité psychique, qu’il entretient des relations avec des personnes elles-mêmes en contact avec des militants jihadistes et des proches de la cellule terroriste de Cannes-Torcy et que son environnement social est quasi-inexistant. En appel, [M.B.] ne conteste pas sérieusement ces faits et se borne à faire valoir que la détention de documents et la consultation de sites internet jihadistes s’inscrivent dans le cadre d’une démarche intellectuelle consistant à identifier les arguments des divers groupes terroristes et à en dénoncer les impostures et qu’elles n’établissent pas son soutien ou son adhésion aux thèses qu’ils prônent. Par ailleurs, si [M.B.] soutient que la nature, la fréquence et l’ancienneté des relations qu’il entretiendrait avec des personnes adhérant à de telles thèses ne sont pas précisées dans l’arrêté du 19 novembre 2020 l’assignant à résidence, il ne conteste pas l’existence de ces relations ni leurs liens avec les trois personnes connues des services de renseignements et nommément désignées dans la note “blanche” versée au dossier.

9. Dans ces conditions, et en l’état de l’instruction, la mesure d’assignation à résidence dont [M.B.] fait l’objet n’est pas entachée d’une erreur manifeste d’appréciation et ne porte pas une atteinte manifestement illégale à sa liberté de circulation et à son droit de mener une vie familiale normale. »

18. Le requérant fut ultérieurement renvoyé vers la Tunisie.

LE CADRE JURIDIQUE PERTINENT

1. Le droit interne
1. Les dispositions du code de la sécurité intérieure (CSI) et la jurisprudence pertinente

19. Le régime des MICAS est encadré par les articles L. 228‑1 à L. 228‑7 du CSI, qui sont issus de la loi no 2017‑1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (« la loi SILT »). À la date des faits, les dispositions pertinentes de ce code étaient les suivantes :

Article L. 228-1

« Aux seules fins de prévenir la commission d’actes de terrorisme, toute personne à l’égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics et qui soit entre en relation de manière habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme, soit soutient, diffuse, lorsque cette diffusion s’accompagne d’une manifestation d’adhésion à l’idéologie exprimée, ou adhère à des thèses incitant à la commission d’actes de terrorisme ou faisant l’apologie de tels actes peut se voir prescrire par le ministre de l’intérieur les obligations prévues au présent chapitre.

Article L. 228-2

Le ministre de l’intérieur peut, après en avoir informé le procureur de la République antiterroriste et le procureur de la République territorialement compétent, faire obligation à la personne mentionnée à l’article L. 228-1 de :

1o Ne pas se déplacer à l’extérieur d’un périmètre géographique déterminé, qui ne peut être inférieur au territoire de la commune. La délimitation de ce périmètre permet à l’intéressé de poursuivre une vie familiale et professionnelle et s’étend, le cas échéant, aux territoires d’autres communes ou d’autres départements que ceux de son lieu habituel de résidence ;

2o Se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie, dans la limite d’une fois par jour, en précisant si cette obligation s’applique les dimanches et jours fériés ou chômés ;

3o Déclarer son lieu d’habitation et tout changement de lieu d’habitation.

Les obligations prévues aux 1o à 3o du présent article sont prononcées pour une durée maximale de trois mois à compter de la notification de la décision du ministre. Elles peuvent être renouvelées par décision motivée, pour une durée maximale de trois mois, lorsque les conditions prévues à l’article L. 228-1 continuent d’être réunies. Au-delà d’une durée cumulée de six mois, chaque renouvellement est subordonné à l’existence d’éléments nouveaux ou complémentaires. La durée totale cumulée des obligations prévues aux 1o à 3o du présent article ne peut excéder douze mois. Les mesures sont levées dès que les conditions prévues à l’article L. 228-1 ne sont plus satisfaites.

Toute décision de renouvellement des obligations prévues aux 1o à 3o du présent article est notifiée à la personne concernée au plus tard cinq jours avant son entrée en vigueur. La personne concernée peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat qu’il délègue l’annulation de la décision dans un délai de quarante-huit heures à compter de sa notification. Il est statué sur la légalité de la décision au plus tard dans un délai de soixante-douze heures à compter de la saisine du tribunal. Dans ce cas, la mesure ne peut entrer en vigueur avant que le juge ait statué sur la demande.

(...)

La personne soumise aux obligations prévues aux 1o à 3o du présent article peut, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision, ou à compter de la notification de chaque renouvellement lorsqu’il n’a pas été fait préalablement usage de la faculté prévue au sixième alinéa, demander au tribunal administratif l’annulation de cette décision. Le tribunal administratif statue dans un délai de quinze jours à compter de sa saisine. Ces recours, dont les modalités sont fixées au chapitre III ter du titre VII du livre VII du [CJA], s’exercent sans préjudice des procédures prévues au sixième alinéa du présent article ainsi qu’aux articles L. 521-1 et L. 521-2 du même code.

Article L. 228-6

Les décisions du ministre de l’intérieur prises en application des articles L. 228-2 à L. 228-5 sont écrites et motivées. À l’exception des mesures prises sur le fondement de l’article L. 228-3, le ministre de l’intérieur ou son représentant met la personne concernée en mesure de lui présenter ses observations dans un délai maximal de huit jours à compter de la notification de la décision. »

20. Le projet de loi SILT a fait l’objet de remarques de la part d’institutions nationales des droits de l’homme, qui ont dénoncé la pérennisation de dispositions inspirées du régime de l’état d’urgence. S’agissant particulièrement des MICAS, la Commission nationale consultative des droits de l’homme a critiqué le fait que « l’autorité administrative conserve (...) un pouvoir d’appréciation important pour caractériser [la] menace terroriste, qui est une réalité complexe que l’émotion et la peur peuvent facilement conduire à interpréter extensivement » et l’absence de contrôle juridictionnel préalable (avis du 6 juillet 2017, JORF no 0269 du 18 novembre 2017). Le Défenseur des droits a, pour sa part, dénoncé le caractère imprévisible de la notion de « raisons sérieuses » utilisée à l’article L. 228-1 du CSI et invité le législateur à encadrer la finalité de la mesure pour la cantonner à la lutte contre le terrorisme (avis 17-05 et 17-07 des 7 et 27 juillet 2017).

21. Par une décision no 2017‑691 QPC du 16 février 2018, le Conseil constitutionnel a relevé que les conditions fixées par le législateur à l’article L. 228-1 du CSI sont cumulatives. Il a par ailleurs jugé qu’il appartient au ministre de l’Intérieur d’établir qu’il existe des raisons sérieuses de penser que le comportement de la personne visée par la mesure constitue une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics, celle‑ci « [devant] nécessairement être en lien avec le risque de commission d’un acte de terrorisme ». Au vu de ces éléments, il a considéré que le champ d’application des MICAS et leurs conditions d’application étaient définis avec une précision suffisante.

22. Le Conseil constitutionnel a par ailleurs énoncé plusieurs réserves d’interprétation relatives à l’article L. 228-2 du CSI. Premièrement, il a estimé que « compte tenu de sa rigueur, la mesure (...) ne saurait, sans méconnaître les exigences constitutionnelles (...), excéder, de manière continue ou non, une durée totale cumulée de douze mois ». Deuxièmement, il a jugé que le recours en annulation prévu au dernier alinéa de cet article doit être examiné par le juge administratif « dans de brefs délais ». Troisièmement, il a subordonné le renouvellement de la mesure au‑delà de trois mois à la possibilité d’obtenir, au préalable, un entier contrôle juridictionnel de la mesure portant sur sa régularité et son bien-fondé[1].

2. Les dispositions du code de justice administrative (CJA) et la jurisprudence pertinente

23. La procédure de « référé-liberté » prévue à l’article L. 521‑2 du CJA a été présentée dans l’arrêt J.M.B. et autres c. France (nos 9671/15 et 31 autres, §§ 136-137, 30 janvier 2020).

24. S’il n’est possible d’introduire un référé-liberté qu’en cas d’urgence, le Conseil d’État juge qu’eu égard à son objet et à ses effets, une MICAS porte, en principe et par elle-même, sauf à ce que l’administration fasse valoir des circonstances particulières, une atteinte grave et immédiate à la situation de cette personne, de nature à créer une situation d’urgence justifiant que le juge administratif des référés se prononce dans de très brefs délais (Conseil d’État, réf., 1er décembre 2017, no 415740, et réf., 14 janvier 2019, no 426773).

25. Le deuxième alinéa de l’article L. 522-1 du CJA dispose que le juge des référés doit en principe tenir une audience publique lorsqu’il est saisi sur ce fondement.

26. Par exception, l’article L. 522-3 de ce code prévoit ce qui suit :

« (...) lorsqu’il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci (...) est mal fondée, le juge des référés peut la rejeter par une ordonnance motivée sans qu’il y ait lieu d’appliquer les deux premiers alinéas de l’article L. 522-1 [qui prévoient notamment la tenue d’une audience publique]. »

3. Les dispositions de l’ordonnance du 18 novembre 2020 et la jurisprudence pertinente

27. Le 14 octobre 2020, l’état d’urgence sanitaire a été déclaré afin de faire face à une recrudescence de l’épidémie de covid-19.

28. Dans ce cadre, les règles applicables aux juridictions de l’ordre administratif ont temporairement été adaptées par une ordonnance no 2020‑1402 du 18 novembre 2020, dont les dispositions pertinentes sont les suivantes :

Article 3

« Outre les cas prévus à l’article L. 522-3 du [CJA], il peut être statué sans audience, par ordonnance motivée, sur les requêtes présentées en référé. Le juge des référés informe les parties de l’absence d’audience et fixe la date à partir de laquelle l’instruction sera close.

Les décisions prises sans audience, en application du premier alinéa du présent article, par le juge des référés saisi sur le fondement de l’article L. 521-2 du [CJA] peuvent, ainsi qu’il est dit à l’article L. 523-1 du même code, faire l’objet d’un appel, lorsqu’elles n’ont pas été rendues en application de l’article L. 522-3 du même code. »

29. Par une décision no 447060 du 2 avril 2021, le Conseil d’État a refusé de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité relative à l’article 3 de l’ordonnance du 18 novembre 2020, en l’estimant dépourvue de caractère sérieux par les motifs suivants :

« (...) Si ces dispositions [de l’article 3 de l’ordonnance du 18 novembre 2020] étendent, à titre temporaire, le champ des affaires pouvant être jugées sans audience, elles ne sont susceptibles de s’appliquer qu’aux affaires de référé, pour lesquelles l’article L. 511-1 du [CJA] prévoit que ne sont prises que des mesures qui présentent un caractère provisoire, lorsque le juge des référés estime que la nature et les enjeux de l’affaire n’y font pas obstacle. En outre, elles ne dérogent pas au principe du caractère contradictoire de la procédure. Enfin, dans le contexte particulier résultant de l’épidémie de covid-19, imposant de limiter les occasions de contacts entre les personnes, elles contribuent au jugement à bref délai de ces affaires, qui exigent une célérité particulière. Dans ces conditions, les dispositions de l’article 3 de l’ordonnance du 18 novembre 2020 ne privent pas de garanties légales les exigences constitutionnelles des droits de la défense et du droit à un procès équitable. (...) »

30. Par une décision du 6 avril 2022 (nos 440715 et autres), le Conseil d’État a jugé, pour les mêmes motifs, que ces dispositions ne méconnaissent pas les exigences de l’article 6 § 1 de la Convention.

4. La production de notes blanches dans le contentieux administratif

31. Les notes blanches sont des documents utilisés en vue de transmettre des informations émanant de services de renseignement à d’autres autorités, notamment en vue de leur production en justice. Non signées et parfois non datées, elles sont expurgées des indications qui permettraient d’identifier leur auteur et leurs sources. En pratique, elles ont fréquemment été utilisées en matière de lutte contre le terrorisme.

32. Les conditions dans lesquelles une note blanche produite par l’administration peut être prise en considération par le juge administratif sont présentées dans l’arrêt Domenjoud c. France (nos 34749/16 et 79607/17, §§ 50-51, 16 mai 2024).

2. Le droit international
1. Les documents de l’Organisation des Nations unies

33. Dans son rapport de visite en France publié le 8 mai 2019 (A/HRC/40/52/Add.4), la Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste s’est dite « préoccupée par la transposition dans le droit commun de pouvoirs exceptionnels conférés dans le cadre de l’état d’urgence ». Au sujet de l’introduction des MICAS dans l’ordre juridique interne, elle a particulièrement indiqué ce qui suit :

« (...) Bien que les conditions de l’assignation à résidence soient conformes à la Constitution, la Rapporteuse spéciale estime que, dans la pratique, les personnes visées ne sont pas en mesure de recourir rapidement contre une prolongation de l’assignation à résidence. (...) La Rapporteuse spéciale se dit préoccupée par les restrictions que l’assignation à résidence impose dans la pratique à la liberté de travailler, bien qu’il soit explicitement établi que ces restrictions doivent permettre aux intéressés de mener une vie familiale et professionnelle. (...) »

2. Les documents du Conseil de l’Europe

34. Dans une lettre du 10 juillet 2017 (CommDH(2017)23), le Commissaire aux droits de l’homme a alerté le Sénat français sur le caractère insuffisamment précis des conditions d’application des MICAS dans les termes suivants :

« (...) Concernant les “assignations à résidence”, le projet de loi prévoit que le ministre de l’Intérieur peut interdire de se déplacer à l’extérieur d’un périmètre géographique déterminé, qui ne peut être inférieur à la commune, à toute personne à l’égard de laquelle “il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics (...)”. Par ailleurs, cette mesure, sous la seule autorité du préfet, peut s’accompagner d’un placement sous surveillance électronique. À cet égard je partage les préoccupations exprimées par la Commission nationale consultative des droits de l’homme et le Défenseur des droits de l’homme : en effet, cette disposition pose un problème, d’une part parce que l’autorité administrative dispose d’un pouvoir d’appréciation, sans critères précis, pour caractériser une menace terroriste, ce qui peut aboutir à une interprétation extensive de cette notion et, d’autre part, parce que le contrôle exercé par le juge administratif sur cette appréciation ne peut intervenir qu’a posteriori. (...) »

35. Dans sa Résolution 2209 (2018) adoptée le 24 avril 2018, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a commenté la loi du 30 octobre 2017 dans les termes suivants :

« (...) cette loi comporte des mesures dont l’objectif est similaire à certaines de celles qui étaient autrefois disponibles au titre de l’état d’urgence, qui font l’objet de garanties juridiques renforcées. Cette situation a permis la levée de l’état d’urgence et le retrait de la dérogation. L’Assemblée, reconnaissant les difficultés juridiques et politiques en cause, se félicite de la fin de l’état d’urgence en France, dont la durée était devenue discutable. Elle encourage les autorités françaises à veiller à ce que la loi de 2017 soit appliquée en pleine conformité avec les normes du Conseil de l’Europe, notamment celles de la Convention. »

EN DROIT

1. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 2 DU PROTOCOLE No 4

36. Le requérant se plaint, d’une part, du manque de clarté et de prévisibilité de la base légale de la MICAS ordonnée à son endroit, et, d’autre part, d’une atteinte disproportionnée à la liberté de circulation garantie par l’article 2 du Protocole no 4, aux termes duquel :

« 1. Quiconque se trouve régulièrement sur le territoire d’un État a le droit d’y circuler librement et d’y choisir librement sa résidence.

(...)

3. L’exercice de ces droits ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au maintien de l’ordre public, à la prévention des infractions pénales (...), ou à la protection des droits et libertés d’autrui.

4. Les droits reconnus au paragraphe 1 peuvent également, dans certaines zones déterminées, faire l’objet de restrictions qui, prévues par la loi, sont justifiées par l’intérêt public dans une société démocratique. »

1. Sur la recevabilité

37. Le Gouvernement excipe du défaut d’épuisement des voies de recours internes. Il reproche au requérant d’avoir omis d’introduire un recours au fond et de s’être borné à agir en référé. Il fait particulièrement valoir que le dernier alinéa de l’article L. 228-2 du CSI permettait au requérant de demander l’annulation de la mesure selon une procédure imposant au tribunal administratif de statuer dans les quinze jours.

38. Le requérant rétorque qu’il lui suffisait d’agir en référé-liberté sur le fondement de l’article L. 512‑2 du CJA et de faire appel devant le Conseil d’État, cette voie de recours étant effective.

39. La Cour rappelle que lorsqu’un requérant dispose de plusieurs voies de recours pouvant passer pour effectives, il n’est tenu d’épuiser que l’une d’entre elles (Moreira Barbosa c. Portugal (déc.), no 65681/01, 29 avril 2004, CEDH 2004-V, et Nicolae Virgiliu Tănase c. Roumanie [GC], no 41720/13, § 177, 25 juin 2019). Or, le Gouvernement reconnaît l’effectivité de la procédure de référé-liberté prévue à l’article L. 521-2 du CJA en la matière (voir également, en matière d’assignation à résidence en état d’urgence, Pagerie c. France, no 24203/16, §§ 129-134, 19 janvier 2023, et Domenjoud, précité, § 78). En outre, le requérant a mené la procédure de référé-liberté jusqu’en appel devant le Conseil d’État. Dans ces conditions, la Cour juge qu’il n’était pas tenu d’exercer d’autres voies de recours pour satisfaire à l’exigence d’épuisement prévue à l’article 35 § 1 de la Convention et rejette l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Gouvernement.

40. Constatant que le grief tiré de la violation de l’article 2 du Protocole no 4 n’est pas manifestement mal fondé ni irrecevable pour un autre motif visé à l’article 35 de la Convention, la Cour le déclare recevable.

2. Sur le fond
1. Thèses des parties

41. Le requérant dénonce en premier lieu le manque de prévisibilité de la base légale de la mesure. Il fait valoir que les conditions d’application énoncées à l’article L. 228-1 du CSI sont imprécises et subjectives et qu’elles ne définissent pas les « comportements » susceptibles de justifier une MICAS de façon suffisamment claire (De Tommaso c. Italie [GC], no 43395/09, §§ 117-118, 23 février 2017). Il soutient que le droit interne n’encadre pas suffisamment le pouvoir d’appréciation conféré à l’autorité administrative et cite à cet égard les observations faites par le Commissaire aux droits de l’homme au Sénat français en cours de discussion parlementaire (paragraphe 34 ci-dessus).

42. Il soutient en second lieu que la restriction de liberté dont il a fait l’objet est excessive.

43. Le Gouvernement ne conteste pas l’existence d’une restriction à la liberté de circulation du requérant. Il soutient cependant que celle-ci était « prévue par la loi », nécessaire et proportionnée.

44. S’agissant de la prévisibilité de la base légale de la mesure, le Gouvernement fait valoir que les articles L.228-1 et 228-2 du CSI définissent clairement le domaine et les conditions d’application des MICAS. Il souligne qu’une telle mesure ne peut être ordonnée qu’afin de prévenir la commission d’actes terroristes et si l’ensemble des conditions prévues par ces dispositions sont réunies. Il ajoute que l’expression « raisons sérieuses de penser » est issue du droit international (cf. article 1er, paragraphe F de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut de réfugié) et qu’elle a été jugée suffisamment précise par le Conseil constitutionnel (voir, notamment, sa décision no 2015‑527 QPC du 29 mars 2018). Il soutient en outre que la preuve du « comportement [constituant] une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics » exigé par l’article L. 228-1 du CSI repose nécessairement sur des éléments factuels objectifs et qu’il serait irréaliste d’exiger que le législateur les définisse de façon exhaustive.

45. Il fait ensuite valoir que la loi prévoit des garanties suffisantes contre l’arbitraire. D’une part, si la mesure peut certes être adoptée de façon non contradictoire, la personne concernée a toutefois la faculté de présenter ses observations dans les huit jours de sa notification et de provoquer ainsi son réexamen (cf. article L. 228-6 du CSI). D’autre part, la mesure peut faire l’objet d’un contrôle juridictionnel à bref délai, que ce soit par la voie du recours en annulation pour excès de pouvoir ou par la voie d’une requête en référé (cf. article L. 228-2 du CSI)

46. S’agissant de la nécessité de la mesure, le Gouvernement souligne que celle-ci reposait sur une base factuelle solide, dans un contexte de menace terroriste élevée (appels d’Al-Qaïda dans la Péninsule arabique à frapper la France lancés les 11 septembre et 25 octobre 2020, attaques terroristes des 25 septembre et 29 octobre 2020). Il souligne que le comportement et le profil du requérant étaient particulièrement préoccupants. Il soutient par ailleurs que la durée et les modalités de la mesure étaient adaptées aux buts de protection de la sécurité nationale et de la sécurité publique, de maintien de l’ordre public et de prévention des infractions pénales poursuivis.

2. Appréciation de la Cour

47. Dans la mesure où la restriction à la liberté de circulation en cause n’est pas propre à « certaines zones déterminées », il convient de l’examiner au regard du troisième paragraphe de l’article 2 du Protocole no 4 (Garib c. Pays-Bas [GC], no 43494/09, § 110, 6 novembre 2017). Selon la jurisprudence de la Cour, une telle mesure doit être prévue par la loi, poursuivre l’un des buts légitimes visés à ce paragraphe et ménager un juste équilibre entre l’intérêt général et les droits de l’individu (voir, parmi beaucoup d’autres, De Tommaso, précité, § 104).

48. En l’espèce, la mesure litigieuse a eu pour effet d’interdire au requérant de quitter une zone géographique correspondant à quatre départements de la région parisienne et de l’astreindre à se présenter quotidiennement au commissariat le plus proche de son domicile pendant deux mois et huit jours. Il reste à la Cour à déterminer si cette restriction à la liberté de circulation était prévue par la loi, si elle poursuivait un but légitime et si elle était nécessaire dans une société démocratique.

a) Sur la qualité de la loi

1. Principes généraux

49. Les principes relatifs à la prévisibilité de la loi ont été présentés dans les arrêts De Tommaso (précité, §§ 106‑109) et Rotaru c. République de Moldova (no 26764/12, §§ 24-25, 8 décembre 2020).

50. La Cour rappelle qu’il importe notamment que la base légale fondant l’ingérence soit prévisible. Le niveau de précision de la législation interne qu’elle exige dépend dans une large mesure du contenu de la loi en question, du domaine qu’elle est censée couvrir et du nombre et du statut de ceux à qui elle est adressée (De Tommaso, précité, § 108). En outre, la loi doit offrir une certaine garantie contre les atteintes arbitraires de la puissance publique. Une loi conférant un pouvoir d’appréciation doit en fixer la portée, bien que le détail des normes et procédures à observer n’ait pas besoin de figurer dans la législation elle‑même (Khlyustov c. Russie, no 28975/05, § 70, 11 juillet 2013, et De Tommaso, précité, § 109).

51. Afin d’être compatible avec la prééminence du droit et de protéger contre l’arbitraire, la loi applicable doit en outre offrir des garanties procédurales minimales en rapport avec l’importance du droit en jeu (Rotaru, précité, § 24). Le contrôle des ingérences de l’exécutif dans les droits garantis par l’article 2 du Protocole no 4 doit normalement être assuré, au moins en dernier ressort, par les tribunaux, en raison des garanties d’indépendance et d’impartialité qu’ils présentent et parce qu’ils sont mieux placés pour s’assurer de la régularité de la procédure (Sissanis c. Roumanie, no 23468/02, § 70, 25 janvier 2007, et Sarkizov et autres c. Bulgarie, nos 37981/06 et 3 autres, § 69, 17 avril 2012). Ce contrôle doit porter tant sur la légalité que sur la proportionnalité de la mesure litigieuse (Riener c. Bulgarie, no 46343/99, § 126, 23 mai 2006, Gochev c. Bulgarie, no 34383/03, § 50, 26 novembre 2009, et Rotaru, précité, § 25). De plus, les autorités internes ne peuvent prolonger longtemps des mesures restreignant la liberté de circulation d’une personne sans réexaminer périodiquement si elles restent justifiées (ibidem, § 25).

2. Application en l’espèce

α) Existence et accessibilité de la base légale

52. En l’espèce, la mesure était fondée sur les articles L. 228‑1 et L. 228‑2 du CSI, ces dispositions étant accessibles.

β) Clarté et précision de la base légale

53. Afin de déterminer le niveau de précision législative requis, il y a lieu de considérer le domaine que recouvre cette base légale, ainsi que le nombre et le statut de ceux à qui elle est adressée. À cet égard, la Cour relève que les dispositions précitées ont été intégrées de façon pérenne dans l’ordre juridique interne par voie de codification, les mesures préventives litigieuses pouvant être ordonnées hors du cadre de l’état d’urgence prévu par la loi du 3 avril 1955. Elle constate cependant que leur domaine est strictement limité à la lutte contre le terrorisme et qu’elles ne visent à s’appliquer qu’à un nombre relativement restreint d’individus. Elle observe en outre que ces mesures ne peuvent pas comporter d’astreinte à domicile, mais uniquement une interdiction de quitter une zone géographique déterminée et une obligation de pointage.

54. S’agissant des conditions d’application prévues à l’article L. 228-1 du CSI (paragraphe 19 ci-dessus), la Cour constate qu’elles sont cumulatives : l’autorité de police doit démontrer, d’une part, qu’il existe des raisons sérieuses de penser que le comportement de la personne visée par la mesure constitue une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics, et d’autre part, que cette personne présente un lien avec le terrorisme selon l’une des modalités précisément définies par cet article. La Cour relève en outre qu’une telle mesure ne peut être justifiée que par des actes ou par des comportements concrets et tangibles.

γ) Existence de garanties contre le risque d’arbitraire

55. S’agissant des garanties contre les atteintes arbitraires de la puissance publique prévues par la loi, la Cour constate que l’article L. 228-2 du CSI encadre précisément la durée de la mesure, ses modalités et le régime des obligations pouvant être ordonnées. Les dispositions de cet article permettent en outre un réexamen périodique de la mesure, le renouvellement de la mesure au-delà de six mois ne pouvant par ailleurs être ordonné que si l’administration parvient à justifier d’éléments nouveaux et complémentaires. De plus, l’article L. 228‑3 du CSI impose à l’autorité administrative de motiver sa décision et permet à la personne concernée de présenter ses observations à bref délai. La Cour constate enfin que la mesure peut faire l’objet d’un contrôle juridictionnel portant à la fois sur sa légalité et sur sa proportionnalité dans un délai particulièrement bref, que ce soit par la voie du référé-liberté ou par la voie du recours en annulation pour excès de pouvoir, comme le prévoit le dernier alinéa de l’article L. 228‑2 du CSI. À cet égard, elle note que la jurisprudence du Conseil d’État facilite, en la matière, l’accès au juge des référés en présumant de l’urgence de la demande (paragraphe 24 ci‑dessus).

δ) Conclusion

56. Au vu de l’ensemble de ces éléments, la Cour considère que les dispositions en cause, telles qu’interprétées par les juridictions internes, fixent avec une clarté suffisante l’étendue et les modalités du pouvoir d’appréciation conféré au ministre de l’Intérieur et prévoient des garanties adéquates contre les risques d’abus et d’arbitraire. Elle en conclut que cette base légale était prévisible.

b) Sur l’existence d’un but légitime

57. Aux yeux de la Cour, la mesure litigieuse tendait à la préservation de la sécurité nationale et de la sûreté publique ainsi qu’au maintien de l’ordre public, ces buts étant légitimes.

c) Sur la nécessité de la mesure

58. Les principes relatifs à l’appréciation de la nécessité d’une restriction à la liberté de circulation ont été présentés dans l’arrêt Domenjoud c. France (précité, §§ 102-106), auquel la Cour renvoie.

59. En l’espèce, la Cour observe d’emblée que la mesure a eu une durée limitée à deux mois et huit jours. S’agissant des modalités de la mesure, elle note que le requérant a été astreint à résider dans un territoire correspondant à celui de quatre départements de la région parisienne et à respecter une obligation de pointage d’une fréquence quotidienne.

60. Elle relève, avec le Gouvernement, que la menace terroriste était encore prégnante en France à la date des faits. La protection de la population et la prévention d’un nouvel acte terroriste constituaient alors, sans nul doute, un besoin impérieux (Pagerie, précité, § 199, et Fanouni c. France, no 31185/18, § 62, 15 juin 2023).

61. Pour ordonner une MICAS à l’encontre du requérant, le ministre de l’Intérieur s’est fondé sur le fait qu’il présentait un profil psychologique instable et un goût prononcé pour la violence et les idéologies islamistes mortifères. À cet égard, il a particulièrement relevé que de très nombreux fichiers comportant des scènes d’exactions particulièrement brutales (images d’exécutions, d’égorgement, de décapitation, etc.) avaient été découverts sur les supports informatiques saisis à son domicile et que leur exploitation avait permis d’établir qu’il avait consulté de façon presque quotidienne des sites de propagande djihadiste. En outre, il est apparu que le requérant avait été en contact avec des personnes radicalisées et notamment avec l’instigateur d’une filière visant à recruter des combattants prêts à rejoindre la zone syro‑irakienne. Ces éléments concrets, tirés du comportement et des actes du requérant, témoignent d’une évaluation individuelle et circonstanciée du risque de passage à l’acte terroriste. Aux yeux de la Cour, il ne fait pas de doute que de tels motifs justifient la mesure litigieuse de façon adéquate et suffisante.

62. La Cour observe par ailleurs que l’arrêté pris à l’égard du requérant a soigneusement été motivé et que les raisons factuelles justifiant la mesure ont d’emblée été portées à sa connaissance. De plus, le requérant a effectivement bénéficié d’un contrôle juridictionnel de la mesure portant tant sur sa légalité que sur sa proportionnalité, les juridictions internes ayant notamment contrôlé la réalité du risque invoqué par le ministre de l’Intérieur (Domenjoud, précité, §§ 112-113). La mesure a donc été entourée de garanties procédurales suffisantes.

63. Au vu de l’ensemble de ce qui précède et compte tenu de la marge d’appréciation reconnue aux autorités nationales, la Cour estime que la mesure prise à l’encontre du requérant n’était pas disproportionnée aux buts poursuivis. Partant, il n’y a pas eu violation de l’article 2 du Protocole no 4.

2. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE l’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION

64. Le requérant se plaint, d’une part, de n’avoir jamais été entendu par les juridictions internes en audience publique, et, d’autre part, du caractère inéquitable de la preuve par « notes blanches ». Il invoque l’article 6 § 1 de la Convention, qui est ainsi libellé :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...). »

1. Thèses des parties

65. Le Gouvernement excipe du défaut d’épuisement des voies de recours internes pour chacune des branches de ce grief. Il fait d’abord valoir que le requérant n’a pas invoqué, expressément ou en substance, son grief relatif au droit à une audience publique devant les juridictions internes. Il lui reproche ensuite d’avoir contesté la production d’une note blanche sous l’angle de l’article 13 de la Convention, et non sous l’angle de l’article 6.

66. Sur le fond, il rappelle que le droit à une audience publique n’est pas absolu. Il fait valoir que la nature provisoire des mesures susceptibles d’être ordonnées par le juge des référés peut justifier d’y déroger et que la situation sanitaire était une circonstance exceptionnelle à prendre en considération en première instance. Il ajoute que la procédure de tri prévue à l’article L. 522‑3 du CJA, qui a été édictée dans l’intérêt d’une bonne administration en vue de rejeter rapidement les requêtes vouées à l’échec, n’est pas contraire aux exigences de l’article 6. Il relève enfin que le requérant ne conteste pas les faits qui lui sont reprochés, de sorte qu’il n’est pas fondé à se plaindre de la prise en considération d’une note blanche par le juge.

67. S’agissant de l’épuisement des voies de recours internes, le requérant rétorque qu’il n’était pas en mesure de présenter un quelconque moyen tiré de l’atteinte au droit à une audience publique, dans la mesure où la décision de statuer sans audience prise en application de l’ordonnance du 18 novembre 2020 est une mesure d’administration judiciaire insusceptible de recours et où le recours à la procédure de tri prévue à l’article L. 522-3 du CJA s’effectue sans préavis.

68. Sur le fond, il fait valoir que la tenue d’une audience et l’oralité des débats lui auraient permis de contester bien plus utilement le contenu de la note blanche produite par l’administration.

2. Appréciation de la Cour
1. Sur l’absence d’audience en première instance de référé

69. La Cour rappelle que l’article 35 § 1 de la Convention impose de soulever devant l’organe interne adéquat, au moins en substance et dans les formes et délais prescrits par le droit interne, les griefs que l’on entend formuler par la suite devant elle ; il commande en outre l’emploi des moyens de procédure propres à empêcher une violation de la Convention (Akdivar et autres c. Turquie, 16 septembre 1996, § 66, Recueil des arrêts et décisions 1996-IV, et Duarte Agostinho et autres c. Portugal et 32 autres (déc.) [GC], no 39371/20, § 215, 9 avril 2024).

70. En ce qui concerne l’absence d’audience en première instance de référé, la Cour constate que le requérant a été informé dès l’ouverture de l’instruction qu’il n’était pas envisagé de tenir une audience, compte tenu de la situation sanitaire (paragraphe 10 ci-dessus). Pour autant, il ne s’y est pas opposé et n’a pas contesté la compatibilité des dispositions de l’article 3 de l’ordonnance du 18 novembre 2020 avec les exigences de la Convention devant les juridictions internes, alors qu’il en avait la faculté (voir, par exemple, paragraphe 30 ci-dessus), ni présenté de moyen d’effet équivalent. Il s’ensuit que cette première partie du grief doit être rejetée pour non‑épuisement des voies de recours internes en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

2. Sur l’absence d’audience devant le juge des référés du Conseil d’État

71. En ce qui concerne l’absence d’audience en instance d’appel, la Cour relève que le recours du requérant a été rejeté par le juge des référés du Conseil d’État, statuant en dernier ressort, comme étant manifestement mal fondé en application d’une disposition légale spécifique instituant une procédure permettant de rejeter, par ordonnance motivée et sans audience, les requêtes vouées à l’échec (paragraphe 26 ci-dessus). Or, la mise en œuvre d’un mécanisme procédural permettant à une juridiction supérieure de rejeter de façon simplifiée les recours ne soulevant pas de questions d’une particulière importance ou ne présentant pas des perspectives suffisantes de succès n’est pas contraire aux exigences de l’article 6 de la Convention lorsqu’il est prévu par la loi (voir, mutatis mutandis, Arribas Antón c. Espagne, no 16563/11, §§ 47‑48, 20 janvier 2015, et Papaioannou c. Grèce, no 18880/15, § 44, 2 juin 2016 ; voir, également, Société anonyme Immeuble Groupe Kosser c. France (déc.), no 38748/97, 9 mars 1999, et Bufferne c. France (déc.), no 54367/00, CEDH 2002‑III (extraits)). Par ailleurs, rien ne permet de considérer le choix du Conseil d’État de procéder de la sorte comme arbitraire. Il s’ensuit que cette deuxième partie du grief est manifestement mal fondée et doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.

3. Sur l’appréciation de la valeur probante de la note blanche produite par l’administration

72. Si l’utilisation d’informations confidentielles peut se révéler indispensable lorsque la sécurité nationale est en jeu, la Cour rappelle que cela n’implique pas que les autorités nationales échappent à tout contrôle des tribunaux internes (Chahal c. Royaume-Uni, 15 novembre 1996, § 131, Recueil des arrêts et décisions 1996-V, Recueil des arrêts et décisions 1996‑V, et Pagerie, précité, § 206). Afin que les droits procéduraux de la personne concernée ne soient pas atteints dans leur substance même, il importe que celle-ci soit informée, dans toute la mesure compatible avec la préservation de la confidentialité et la bonne conduite des investigations susceptibles de la viser, de la substance des reproches dont elle fait l’objet (Muhammad et Muhammad c. Roumanie [GC], no 80982/12, § 151, 15 octobre 2020). L’absence d’information sur les raisons factuelles justifiant la mesure et sur le comportement qui lui est concrètement reproché appelle des garanties compensatoires solides (Domenjoud, précité, § 113).

73. La Cour a examiné à plusieurs reprises les garanties procédurales entourant la prise en considération de notes blanches par le juge administratif français (Pagerie, précité, §§ 206-208, Fanouni, précité, §§ 60-61, et Domenjoud, précité, §§ 113-115, 118-120 et 126‑129). Dans ces affaires, elle a recherché si les garanties prévues par le droit interne avaient effectivement été mises en œuvre, si le requérant avait été informé de la substance des reproches dont il faisait l’objet, et, à défaut, s’il existait des garanties compensatoires suffisantes pour pallier ce défaut d’information.

74. En l’espèce, la Cour a précédemment relevé que l’arrêté du 19 novembre 2020 a été motivé avec soin et que le requérant a reçu, dès sa notification, une information complète sur les raisons factuelles justifiant la mesure et le comportement qui lui était concrètement reproché. Elle constate, par ailleurs, que la note blanche produite devant les juridictions internes était particulièrement circonstanciée et qu’elle a été versée au débat contradictoire. En outre, le requérant a rapidement été reçu par l’autorité administrative et il a pu présenter ses observations sur la mesure. Au demeurant, les faits relatés dans cette note sont solidement étayés par l’exploitation des supports numériques saisis en visite domiciliaire et sont, en large partie, non contestés. Il s’ensuit que cette dernière partie du grief est manifestement mal fondée et doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.

3. SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES DE LA CONVENTION

75. Invoquant l’article 8 de la Convention, le requérant se plaint d’avoir été empêché de rendre visite à des membres de sa famille en cours de mesure. En outre, il réitère ses critiques relatives au manque de prévisibilité de la base légale de la mesure. Il renouvelle par ailleurs, sous l’angle de l’article 13 de la Convention, ses critiques relatives à la prévisibilité des articles L. 228-1 et suivants du CSI et à la preuve par note blanche.

76. Toutefois, la Cour constate que le retentissement allégué de la mesure litigieuse sur la vie familiale du requérant n’est étayé par aucun élément factuel et n’a d’ailleurs jamais été développé devant les juridictions internes. Compte tenu des conclusions auxquelles elle est précédemment parvenue au sujet de la prévisibilité de la base légale de la mesure et de l’équité de procédure suivie devant les juridictions internes, la Cour considère que ces griefs sont manifestement mal fondés et les rejette en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Déclare le grief tiré de la violation de l’article 2 du Protocole no 4 recevable et le surplus de la requête irrecevable ;
2. Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 2 du Protocole no 4.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 5 décembre 2024, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Victor Soloveytchik María Elósegui
Greffier Présidente

* * *

[1] Dans la version examinée par le Conseil constitutionnel, l’article L. 228-2 du CSI soumettait les décisions de renouvellement au contrôle du juge des référés.


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