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08/10/2024 | CEDH | N°001-236133

CEDH | CEDH, AFFAIRE JESUS PINHAL c. PORTUGAL, 2024, 001-236133


QUATRIÈME SECTION

AFFAIRE JESUS PINHAL c. PORTUGAL

(Requêtes nos 48047/15 et 2276/20)

ARRÊT


Art 4 P7 • Droit à ne pas être jugé ou puni deux fois • Trois procédures ouvertes par les juridictions pénales, la Commission du Marché des Valeurs Mobilières et la Banque du Portugal pour diverses infractions pénales et administratives commises par le requérant en tant que vice-président de la banque Banco Comercial Português • Procédures présentant le lien tant matériel que temporel requis pour être considérées comme formant un tout cohérent



Préparé par le Greffe. Ne lie pas la Cour.

STRASBOURG

8 octobre 2024

Cet arrêt deviendra définit...

QUATRIÈME SECTION

AFFAIRE JESUS PINHAL c. PORTUGAL

(Requêtes nos 48047/15 et 2276/20)

ARRÊT

Art 4 P7 • Droit à ne pas être jugé ou puni deux fois • Trois procédures ouvertes par les juridictions pénales, la Commission du Marché des Valeurs Mobilières et la Banque du Portugal pour diverses infractions pénales et administratives commises par le requérant en tant que vice-président de la banque Banco Comercial Português • Procédures présentant le lien tant matériel que temporel requis pour être considérées comme formant un tout cohérent

Préparé par le Greffe. Ne lie pas la Cour.

STRASBOURG

8 octobre 2024

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Jesus Pinhal c. Portugal,

La Cour européenne des droits de l’homme (quatrième section), siégeant en une chambre composée de :

Gabriele Kucsko-Stadlmayer, présidente,
Faris Vehabović,
Branko Lubarda,
Anja Seibert-Fohr,
Anne Louise Bormann,
Sebastian Răduleţu, juges,
João Manuel da Silva Miguel, juge ad hoc,
et de Andrea Tamietti, greffier de section,

Vu :

les requêtes (nos 48047/15 et 2276/20) dirigées contre la République portugaise et dont un ressortissant de cet État, M. Filipe de Jesus Pinhal (« le requérant »), a saisi la Cour en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention ») le 24 septembre 2015 et le 3 janvier 2020, respectivement,

la décision de porter les requêtes à la connaissance du gouvernement portugais (« le Gouvernement »),

le déport de Mme Guerra Martins, juge élue au titre du Portugal (article 28 du règlement de la Cour) et la décision de la présidente de la chambre de désigner M. João Manuel da Silva Miguel pour siéger en qualité de juge ad hoc (article 29 § 1 du règlement),

les observations des parties,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 3 septembre 2024,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

INTRODUCTION

1. L’affaire concerne trois procédures ouvertes contre le requérant respectivement par les juridictions pénales, par la Commission du marché des valeurs mobilières (la « CMVM ») et par la Banque du Portugal (la « BdP ») pour des infractions pénales et administratives commises alors qu’il était vice-président du conseil d’administration d’une banque privée, la Banco Comercial Português, S.A. (la « BCP »). Invoquant l’article 4 du Protocole no 7 à la Convention, le requérant se plaint d’avoir été poursuivi trois fois pour les mêmes faits. Il formule aussi des griefs sous l’angle des articles 6 et 7 de la Convention.

EN FAIT

2. Le requérant est né en 1946 et réside à Lisbonne. Il a été représenté par Me V. Costa Ramos et Me L. Prata Cordeiro, avocates à Lisbonne.

3. Le Gouvernement a été représenté, jusqu’au 1er octobre 2022, par son agente, Mme M. F. Carvalho, procureure générale adjointe, et, à partir de cette date, par son agent, M. Ricardo Bragança de Matos, procureur.

1. La genèse de l’affaire

4. Au moment des faits, le requérant était le vice-président du conseil d’administration de la BCP.

5. Entre 1999 et 2007, dans le cadre d’une stratégie visant à augmenter le capital social de la banque, le conseil d’administration de la BCP mit en place un système de « trading circulaire » au travers de sociétés offshore domiciliées dans les îles Caïman, l’île de Man, les îles Vierges britanniques et à Gibraltar, auxquelles elle accorda d’importants crédits pour leur permettre d’acheter et de vendre les actions de la banque et d’autres entités appartenant au groupe BCP, influençant ainsi le cours de celles-ci sur le marché financier.

6. Malgré cette stratégie, qui avait pour but d’accroître la valeur des actions de la BCP, celle-ci subit près de 590 millions d’euros (EUR) de pertes.

7. La BCP chercha à cacher lesdites pertes au moyen de diverses opérations financières, qu’elle ne répertoria pas dans ses rapports comptables.

8. Par une lettre du 28 novembre 2007, complétée par un écrit additionnel du 11 décembre 2007, J.B., un actionnaire de la BCP, dénonça les manœuvres mentionnées aux paragraphes 5-7 ci-dessus à la CMVM et à la BdP, la banque centrale du Portugal (paragraphe 105 ci-dessous).

9. Le 14 décembre 2007, il transmit une copie de la plainte et de son complément au procureur général de la République.

2. La procédure pénale
1. L’enquête pénale et l’instruction contradictoire (procédure interne no 7327/07.9TDLSB)
1. L’enquête pénale et les réquisitions

10. Le 21 décembre 2007, faisant suite à la plainte de J.B. (paragraphe 8 ci-dessus), le parquet près le tribunal de Lisbonne ouvrit une enquête pénale contre le requérant des chefs de manipulation du marché, en application de l’article 379 § 1 du code des valeurs mobilières (le « CVM » – paragraphe 108 ci-dessous), faux et usage de faux (falsificação de documento), sur le fondement de l’article 256 § 1 d) et e) du code pénal (le « CP ») et escroquerie qualifiée (burla qualificada), par application des articles 217 § 1et 218 § 2 a) du CP (paragraphe 104 ci-dessous).

11. Le 10 janvier 2008, le procureur près le tribunal de Lisbonne tint une réunion avec deux représentants de la CMVM.

12. Le 16 janvier 2008, il sollicita auprès de la CMVM des informations concernant, d’une part, les dates auxquelles le capital de la BCP avait augmenté pendant la période allant de janvier 2000 à décembre 2007 et, d’autre part, l’évolution de la cotation des titres de la banque durant ce même laps de temps. Il demanda aussi à être tenu avisé des différentes procédures préliminaires et administratives qui avaient été engagées contre la BCP à partir de janvier 2000 relativement aux faits dénoncés par J.B.

13. Le 6 février 2008, le procureur s’entretint avec des représentants de la BdP.

14. Le 3 juillet 2008, la CMVM transmit au parquet les informations qu’il lui avait réclamées (paragraphe 12 ci-dessus).

15. Le 4 juillet 2008, la Procureure générale adjointe accusa réception auprès de la CMVM des informations transmises, et indiqua que le parquet était disposé à mener toute action de concert avec la CMVM en vue d’assurer la meilleure protection possible de l’intégrité des marchés financiers.

16. Le 27 août 2008, la BdP communiqua au parquet les éléments qui avaient déjà été recueillis dans le cadre de la procédure pendante devant elle (paragraphes 80-85 ci-dessous).

17. Le 22 décembre 2008, elle lui transmit les réquisitions (acusação) qu’elle avait formulées contre le requérant (paragraphe 83 ci-dessous).

18. Le 13 avril 2009, le requérant fut entendu par deux procureurs adjoints du parquet, en présence de son avocat.

19. Le 23 juin 2009, le parquet prit ses réquisitions contre le requérant et ses co-accusés en se fondant notamment sur les éléments de preuve suivants :

– les déclarations des accusés,

– les rapports d’expertise remis au cours de l’enquête,

– les documents versés au dossier par le requérant et ses co-accusés,

– les réquisitions établies par la BdP (paragraphe 17 ci-dessus) dans le cadre de la procédure administrative engagée par elle,

– la copie des dossiers des procédures administratives menées respectivement par la CMVM et par la BdP (paragraphes 40 et 80 ci-dessous),

– les dépositions de quarante-six témoins, dont notamment des agents qui intervenaient dans le cadre des procédures pendantes devant la CMVM et la BdP.

20. Par lesdites réquisitions, le parquet inculpa le requérant de manipulation du marché, faux et usage de faux et escroquerie qualifiée. Il lui reprochait en particulier, d’une part, d’avoir, entre la fin des années 90 et le début des années 2000, contribué en qualité de vice-président du conseil d’administration de la BCP à la constitution et au financement de sociétés offshore placées sous le contrôle de la banque, avec l’objectif d’acquérir et de vendre les actions de celle-ci pour augmenter de façon artificielle leur valeur sur le marché financier et, d’autre part, d’avoir caché aux autorités de supervision et au marché financier, jusqu’à la fin de l’année 2007, la véritable valeur des actions et les pertes réelles de la banque qui découlaient, dans les deux cas, de l’activité de ces mêmes sociétés offshore.

21. Le parquet ordonna également la notification de ses réquisitions au comité directeur (Conselho Directivo) de la CMVM et au gouverneur de la BdP.

2. L’instruction et la décision de renvoi en jugement

22. À une date non précisée, le requérant attaqua la décision du parquet devant le tribunal d’instruction criminelle de Lisbonne, demandant l’ouverture d’une instruction contradictoire (« instrução »).

23. Sa demande fut accueillie, et le tribunal d’instruction entendit tous les accusés, ainsi que trente-quatre témoins, dans le cadre de l’instruction. Il ordonna également une expertise judiciaire, et réexamina les éléments de preuve du dossier.

24. Par une décision du 27 juillet 2010, il renvoya le requérant en jugement (pronúncia) pour manipulation du marché et faux et usage de faux, estimant qu’il n’y avait pas lieu de le poursuivre (não pronúncia) du chef d’escroquerie qualifiée.

2. Le procès et le jugement du tribunal de Lisbonne du 2 mai 2014

25. L’affaire fut attribuée à la huitième chambre criminelle (8a Vara Criminal) du tribunal de Lisbonne.

26. Le 29 mars 2011, le requérant présenta son mémoire en défense.

27. Le tribunal de Lisbonne fixa les audiences aux 24 et 26 octobre, aux 9, 14, 23, 30 novembre et au 14 décembre 2011.

28. Le 21 juin 2011, le requérant et ses co-accusés demandèrent au tribunal le report des audiences à des dates postérieures à mars 2012, au motif qu’ils faisaient alors l’objet d’une série d’auditions de la part de la BdP et de la CMVM, ce qui ne leur permettait pas d’être disponibles pour des audiences supplémentaires. Le tribunal fit droit à leur demande et fixa la date de l’ouverture du procès au 26 septembre 2012.

29. Le procès se déroula sur plus de cent trente audiences, au cours desquelles les quatre accusés furent entendus, ainsi que des experts et des témoins, dont notamment des agents de la CMVM ou de la BdP. Il se termina en novembre 2013.

30. Le 2 mai 2014, statuant en formation de trois juges, le tribunal de Lisbonne acquitta le requérant de l’infraction de faux et usage de faux, et le condamna pour manipulation du marché, en application de l’article 379 § 1 du CVM (paragraphe 108 ci-dessous), à deux ans de prison avec sursis contre le paiement de 300 000 EUR à une institution caritative. Cette peine était assortie, conformément à l’article 380 § 1 alinéa a) du CVM (ibidem), d’une interdiction d’exercer des fonctions administratives, de direction et de contrôle dans toutes institutions de crédit ou toutes sociétés financières pendant quatre ans. Dans son jugement, le tribunal reconnut le requérant coupable de manipulation du marché pour avoir notamment transmis, entre 1998 et 2008, de fausses informations sur les sociétés offshore (paragraphe 5 ci-dessus) et leur financement ainsi que sur la situation financière de la BCP et la valeur réelle de ses actions tant au marché financier que dans les rapports sur les comptes trimestriels communiqués pour le système de diffusion de l’information (le « SDI ») de la CMVM. Il considéra que l’achat et la vente des actions de la BCP à travers lesdites sociétés offshore avait faussé l’offre et la demande puisque les sociétés en question agissaient sous le contrôle et pour le compte de la BCP.

3. L’appel du requérant et l’arrêt de la cour d’appel de Lisbonne du 25 février 2015

31. Le parquet fit appel du jugement.

32. Le 9 juin 2014, le requérant interjeta également appel du jugement devant la cour d’appel de Lisbonne. Il contestait les faits qui lui étaient reprochés, et invoquait par ailleurs l’article 29 § 5 de la Constitution (paragraphe 99 ci-dessous) et l’article 4 du Protocole no 7 à la Convention, arguant d’une violation du principe non bis in idem compte tenu des procédures administratives que la CMVM et la BdP avaient engagées relativement à des faits selon lui identiques à ceux sur lesquels portait la procédure pénale, à savoir l’utilisation, en qualité d’administrateur de la BCP, d’un ensemble de sociétés offshore, financées par la BCP, pour intervenir sur le marché financier et la dissimulation de la perte de valeur desdites sociétés, notamment à l’égard des autorités de contrôle, par la falsification de rapports comptables. Le requérant estimait en particulier que l’article 420 § 1 du CVM (paragraphe 108 ci-dessous) violait le principe non bis in idem en rendant possible la punition de mêmes faits par une sanction administrative et une sanction pénale et soutenait qu’en ce qui le concernait, il faisait l’objet de trois procédures pénales relatives aux mêmes faits et que les normes qui le permettaient, à savoir l’article 420 § 1 du CVM (paragraphe 108 ci-dessous) et l’article 208 du régime général des établissements de crédit et des sociétés financières (Regime Geral das Instituições de Crédito e Sociedades Financeiras, le « RGICSF » - paragraphe 106 ci-dessous), étaient contraires à l’article 29 § 5 de la Constitution (paragraphe 99 ci-dessous) et à l’article 4 du Protocole no 7 à la Convention. Il faisait observer qu’au vu de l’ensemble des sanctions prononcées dans ces trois procédures, il avait été condamné à deux ans d’emprisonnement avec sursis, au paiement d’une somme totale de 1 450 000 EUR, correspondant aux 300 000 EUR conditionnant le sursis à exécution de la peine d’emprisonnement (paragraphe 30 ci-dessus) auxquels s’ajoutaient les montants de 700 000 EUR et de 425 000 EUR dus au titre des peines infligées, respectivement, par la CMVM (paragraphe 53 ci-dessous) et par la BdP (paragraphes 84 et 89 ci-dessous) et, en tout, à seize ans d’interdiction d’exercer des fonctions dans le secteur financier, soit la somme des sanctions d’interdiction de quatre ans, de sept ans et de deux fois deux ans et six mois (paragraphe 53 ci-dessous) imposées respectivement dans le cadre de la procédure pénale, de la procédure devant la BdP et de la procédure devant la CMVM. Il en déduisait qu’il avait été condamné de façon disproportionnée au regard des faits litigieux.

33. Le 28 janvier 2015, la cour d’appel de Lisbonne tint une audience au cours de laquelle les avocats des accusés présentèrent leurs plaidoiries.

34. Par un arrêt du 25 février 2015, la cour d’appel de Lisbonne confirma le jugement du tribunal de Lisbonne. Après avoir relevé que le requérant avait bien fait l’objet, parallèlement à la procédure pénale, de deux procédures administratives engagées respectivement par la CMVM et par la BdP, elle rejeta l’argument tiré d’une violation du principe non bis in idem, considérant que les faits incriminés et les infractions en cause différaient d’une procédure à l’autre. Elle observa en outre ce qui suit :

– il existait, au regard des dispositions de l’article 20 du régime général des infractions administratives (Regime geral das contra-ordenações, le « RGCO ») et de l’article 208 du RGICSF (paragraphes 106 et 113 ci‑dessous), un concours d’infractions concernant l’infraction administrative de faux en écriture comptable et l’infraction pénale de faux et usage de faux, et les deux délits devaient être poursuivis au moyen de procédures séparées ;

– l’article 420 § 1 du CVM (paragraphe 108 ci-dessous) disposait que si un même fait était constitutif d’une infraction pénale et d’une infraction administrative, des procédures distinctes devaient être diligentées par les autorités compétentes, sauf s’il s’agissait d’une infraction d’opération d’initiés (violação do regime da informação privilegiada), laquelle ne devait donner lieu qu’à l’ouverture d’une procédure pénale.

4. Le recours constitutionnel et l’arrêt du Tribunal constitutionnel du 12 novembre 2015

35. Le 13 mars 2015, le requérant saisit le Tribunal constitutionnel d’un recours constitutionnel dans lequel il soulevait, notamment, la question d’une atteinte au principe non bis in idem.

36. Par une décision sommaire du 12 novembre 2015, le Tribunal constitutionnel, statuant en formation de juge unique, le débouta, rejetant la thèse d’une atteinte au principe non bis in idem consacré à l’article 29 § 5 de la Constitution (paragraphe 99 ci-dessous) et se reportant, à cet égard, à son arrêt no 356/2006 (paragraphe 115 ci-dessous), dans lequel il avait statué sur une question similaire dans le cadre d’une autre affaire. Ladite décision sommaire fut confirmée le 4 mai 2016 par un arrêt de comité de trois juges du Tribunal constitutionnel.

37. Le 14 juillet 2016, la condamnation pénale du requérant acquit force de chose jugée (caso julgado).

5. Développements postérieurs

38. Le 25 janvier 2017, le tribunal de Lisbonne prit note que le requérant avait versé la somme de 300 000 EUR à une association caritative, et qu’il satisfaisait par conséquent à la condition de suspension de la peine d’emprisonnement à laquelle il avait été condamné à l’issue de la procédure pénale (paragraphes 30 et 32 ci-dessus). Le 6 novembre 2018, le tribunal prononça l’extinction de la peine d’emprisonnement.

39. Le 17 octobre 2020, le tribunal de Lisbonne déclara la peine accessoire qui avait été infligée au requérant, à savoir l’interdiction d’exercer des fonctions administratives, de direction et de contrôle dans toutes institutions de crédit ou toutes sociétés financières pendant quatre ans (paragraphe 30 ci-dessus), éteinte en raison du fait qu’elle avait été purgée.

3. La procédure administrative ouverte par la CMVM
1. La procédure principale (requête no 48047/15)
1. La procédure devant la CMVM (procédure no 42/2008) et la décision de la CMVM du 9 juillet 2010

40. Faisant suite à la plainte de J.B. (paragraphe 8 ci-dessus), la CMVM ouvrit une enquête administrative concernant les faits dénoncés.

41. Le 21 juillet 2008, la CMVM demanda à la BdP une copie des déclarations qui avaient été faites dans le cadre de la procédure menée devant celle-ci ainsi que des informations sur plusieurs sociétés liées à la BCP, dont notamment des sociétés offshore.

42. Le 16 septembre 2008, la BdP lui transmit lesdites informations, conformément à l’article 81 § 1 du RGICSF (paragraphe 106 ci-dessous).

43. Le 29 décembre 2008, la CMVM présenta ses réquisitions contre le requérant et huit co-accusés. Elle leur reprochait d’avoir, à partir de la fin des années 90, utilisé des sociétés offshore, constituées et financées par la BCP, pour l’achat et la vente d’actions de la banque. Elle considérait aussi qu’ils avaient caché les pertes subies par ladite banque ainsi que la véritable situation financière de celle-ci, et qu’ils avaient provoqué une augmentation artificielle de la valeur de ses actions, ce qui avait eu pour conséquence d’augmenter leur prix ainsi que les dividendes.

44. Au vu des rapports sur les comptes consolidés (documentos de prestação de contas consolidadas) relatifs aux années 2003, 2004, 2005, 2006 et 2007 publiés dans son SDI (paragraphe 30 ci-dessus), la CMVM imputa au requérant six infractions administratives (contra-ordenações) très graves de violation du devoir de transmettre une information de qualité, en application des articles 7, 388 § 1 a) et 389 § 1 a) du CVM (paragraphes 108-110 ci-dessous), en raison de sa contribution à la divulgation d’informations fausses et incomplètes au sujet de l’existence des sociétés offshore, de la liquidité des actions mises en vente par la BCP sur le marché financier et des pertes financières subies.

45. Le 6 mars 2009, le requérant présenta sa défense.

46. La CMVM entendit quatre accusés et cinquante et un témoins.

47. Par une décision du comité directeur de la CMVM du 9 juillet 2010, le requérant fut reconnu coupable de violations du devoir de fourniture d’une information de qualité, prévu à l’article 7 du CVM (paragraphes 108‑109 ci-dessous), constitutives de six infractions administratives très graves, lesquelles résultaient de la divulgation de fausses informations dans les rapports sur les comptes consolidés relatifs aux années 2003-2007 qui avaient été transmis pour le SDI de la CMVM. Plus spécifiquement, il fut condamné pour avoir, d’une part, entre janvier 2004 et le 10 octobre 2007, donné son approbation et, d’autre part, le 23 décembre 2017, autorisé une divulgation relativement, respectivement, à cinq rapports sur les comptes et à un communiqué au marché financier qui contenaient des informations :

– fausses dès lors que les résultats étaient surévalués, les pertes n’y étaient pas reflétées et le bilan financier de la BCP présenté était supérieur au bilan réel de la banque ;

– incomplètes car les sociétés offshore litigieuses ne figuraient pas comme entités appartenant au groupe financier BCP ;

– illégales compte tenu de la violation des normes en vertu desquelles la BCP avait l’obligation d’exposer sa véritable situation financière.

48. Conformément aux articles 388 § 1 a), 389 § 1) a), 404 § 1 b) et c) et 405 du CVM et à l’article 19 du RGCO (paragraphes 108, 110 et 113 ci‑dessous), le requérant fut condamné à une amende administrative globale de 800 000 EUR, assortie des deux sanctions accessoires suivantes :

– une interdiction d’exercer la profession ou l’activité faisant l’objet de l’infraction administrative pendant une période de cinq ans ;

– une incapacité d’exercice de toutes fonctions administratives, dirigeantes, de direction ou de contrôle ou, de manière générale, de représentation d’intermédiaire financier dans le cadre de l’activité d’intermédiation financière, pendant une période cinq ans.

2. La procédure devant le tribunal d’instance criminelle de Lisbonne et le jugement du 18 janvier 2013 (procédure interne no 1923/10.4TFLSB)

49. Le requérant et huit autres accusés attaquèrent la décision de la CMVM devant le tribunal d’instance criminelle (tribunal de pequena instância criminal – « le TPIC ») de Lisbonne (procédure interne no 1923/10.4TFLSB). Dans son recours, le requérant soulevait plusieurs questions, dont une tirée d’une violation du principe non bis in idem à raison du fait qu’il faisait l’objet de poursuites pénales pour les mêmes faits que ceux sur lesquels portait la procédure engagée par la CMVM.

50. Entre le 20 septembre 2011 et le 7 janvier 2013, le TPIC de Lisbonne tint soixante-dix audiences au cours desquelles il entendit les neuf accusés et plus de soixante témoins, tant de l’accusation que de la défense.

51. Par un jugement du 18 janvier 2013, le TPIC de Lisbonne, statuant en formation de juge unique, confirma les sanctions qui avaient été prononcées à l’égard du requérant (paragraphe 48 ci-dessus). Il se fonda, à cet égard, sur les documents figurant dans le dossier ainsi que sur les déclarations des accusés et les dépositions des témoins.

3. L’appel du requérant et l’arrêt de la cour d’appel de Lisbonne du 6 mars 2014

52. Le requérant interjeta appel du jugement du TPIC devant la cour d’appel de Lisbonne. Il invoquait, entre autres, la prescription de certaines des infractions administratives qui lui étaient reprochées et affirmait en outre que le tribunal de Lisbonne n’avait pas répondu à la question relative à une atteinte au principe non bis in idem.

53. Par un arrêt du 6 mars 2014, la cour d’appel de Lisbonne fit partiellement droit au recours du requérant. Elle jugea que l’action publique était prescrite à l’égard de deux infractions administratives commises, respectivement, en 2004 et en 2005, et elle condamna l’intéressé, conformément aux articles 388 § 1 a) et 389 § 1 a) du CVM et à l’article 19 du RGCO (paragraphes 108, 110 et 113 ci-dessous), à une amende globale de 700 000 EUR pour les quatre infractions administratives très graves restantes. Par ailleurs, en application des articles 404 et 405 du CVM, elle ramena les deux sanctions accessoires (paragraphe 48 ci-dessus) à une période de deux ans et six mois.

54. Le requérant forma un recours contre ledit arrêt, arguant de sa nullité. Il fut débouté par un arrêt de la cour d’appel de Lisbonne du 26 juin 2014.

4. Le recours constitutionnel et l’arrêt du 27 mars 2015

55. Le 24 mars 2014, le requérant avait également saisi le Tribunal constitutionnel d’un recours dans lequel il soutenait notamment que l’interprétation qui avait été faite des articles 388 § 1 a), 389 § 1 b) et 420 du CVM (paragraphes 108 et 110 ci-dessous) avait entraîné une atteinte au principe non bis in idem garanti par l’article 29 § 5 de la Constitution (paragraphe 99 ci-dessous).

56. Par une décision sommaire du 8 janvier 2014, confirmée par un arrêt de comité de trois juges du 27 mars 2015, le Tribunal constitutionnel déclara le recours constitutionnel irrecevable au motif que la question litigieuse ne portait pas sur une inconstitutionnalité normative.

2. La procédure concernant la prescription d’une infraction administrative et la réévaluation des sanctions administratives globales (requête no 2276/20)
1. La procédure devant le TPIC et le jugement du 8 juin 2018

57. À une date non précisée, antérieure au 27 mars 2015, le requérant avait invoqué devant le TPIC de Lisbonne la prescription de l’action publique sur le fondement de l’article 418 du CVM (paragraphe 108 ci‑dessous) concernant deux infractions administratives pour lesquelles il avait été condamné (paragraphe 53 ci-dessus). En conséquence, il réclamait, conformément à l’article 19 du RGCO (paragraphe 113 ci-dessous), la réévaluation des sanctions administratives globales (« cúmulo jurídico das sanções ») qui lui avait été infligées.

58. Par un jugement du 23 octobre 2015, après avoir relevé que le jugement de condamnation prononcé contre le requérant était passé en force de chose jugée à la date de l’arrêt du Tribunal constitutionnel (paragraphes 53 et 56 ci-dessus), soit le 27 mars 2015, le TPIC de Lisbonne constata que la demande du requérant avait été formulée avant cette date et estima, dès lors, qu’elle avait été déposée dans le délai légal. Il y fit ensuite partiellement droit, déclarant l’action publique prescrite concernant l’une des quatre infractions administratives pour lesquelles l’intéressé avait été condamné (paragraphe 53 ci-dessus). Il décida en outre qu’il y avait lieu d’attendre que son jugement passât en force de chose jugée pour procéder à la réévaluation des sanctions administratives globales.

59. Le 4 avril 2018, après le rejet des recours introduits par le requérant contre le jugement du 23 octobre 2015, respectivement, devant la cour d’appel et devant le Tribunal constitutionnel, le TPIC de Lisbonne tint une audience afin de réévaluer les sanctions administratives globales.

60. Toujours le 4 avril 2018, le requérant argua de nouveau, devant le TPIC, d’une violation du principe non bis in idem au regard de l’article 29 § 5 de la Constitution (paragraphe 99 ci-dessous), de l’article 4 du Protocole no 7 à la Convention et de l’article 50 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (paragraphe 117 ci-dessous). Il faisait valoir, à cet égard, l’acquittement prononcé en sa faveur dans une décision du 9 juin 2015, ayant acquis force de chose jugée le 26 juin 2015, à l’issue de la procédure administrative engagée par la BdP (paragraphe 97 ci‑dessous) pour des faits qu’il estimait identiques à ceux qui lui étaient reprochés par la CMVM. Il ajoutait avoir été également condamné par la cour d’appel de Lisbonne dans le cadre d’une procédure pénale, toujours pour les mêmes faits selon lui, par une décision prononcée le 25 février 2015 et passée en force de chose jugée le 14 juillet 2016 (paragraphe 34 ci‑dessus). Le requérant demandait au tribunal de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne (la « CJUE ») concernant l’interprétation de l’article 50 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (paragraphe 117 ci‑dessous), invoquant la jurisprudence de la Cour en la matière ainsi qu’un arrêt de la CJUE du 20 mars 2018 rendu dans l’affaire Garlsson Real Estate et autres (C-537/16, EU:C:2018:193 – paragraphe 128 ci‑dessous).

61. Par un jugement du 8 juin 2018, le TPIC de Lisbonne constata d’abord que la décision rendue au fond par la cour d’appel de Lisbonne le 6 mars 2014 avait acquis force de chose jugée le 27 mars 2015 (paragraphes 53 et 56 ci‑dessus), et que les décisions de condamnation et d’acquittement prononcées respectivement à l’issue de la procédure pénale et à l’issue de la procédure administrative engagée par la BdP étaient elles aussi passées en force de chose jugée, le 14 juillet 2016 (paragraphes 34 et 36-37 ci-dessus) pour la première et le 26 juin 2015 (paragraphe 98 ci-dessous) pour la seconde. Il considéra en outre que le principe non bis in idem n’était pas applicable à une procédure portant sur le calcul de l’amende administrative globale.

À cet égard, le TPIC conclut ainsi :

« (...)

Ainsi, il apparaît que les décisions sur le fond qui ont apprécié les faits imputés [au requérant] et [l’ont condamné] à des amendes administratives [et] à des sanctions accessoires, peines principales et peines accessoires (...) dans la présente espèce, tant dans la procédure pénale no 7327/07.9TDLSB que dans la procédure administrative engagée par la BdP no 1453/10.4TFLSB, ont acquis force de chose jugée (...)

À cela il faut ajouter que [la réévaluation] de l’amende administrative globale et des sanctions accessoires consécutivement à la déclaration de prescription de l’action publique prononcée dans la décision, définitive, du 23 octobre 2015 ne diffère pas l’acquisition de la chose jugée survenue le 27 mars 2015 dans la présente espèce. En effet, avec celle-ci se sont trouvés stabilisés les faits, l’application du droit à ces faits aux fins d’une condamnation ou d’un acquittement, les amendes administratives ainsi que les sanctions accessoires auxquelles [le requérant a été condamné] relativement à chacune des infractions. (...) les [instances ayant rendu lesdites décisions] ont vu ainsi leur pouvoir juridictionnel épuisé, la seule question à trancher à présent étant celle relative à la fixation [des sanctions administratives globales]. Contrairement à ce [qu’allègue le requérant], la question ne porte plus sur une procédure, pénale ou administrative, en cours, ou sur l’appréciation ou l’application du droit aux faits ou encore sur des moyens de preuve (...). Autrement dit, il ne s’agit plus de rendre une décision sur le fond pour étayer les faits, condamner ou acquitter.

Au contraire, ce qui est en cause, comme nous l’avons déjà dit, c’est le fait de revoir le calcul de l’amende administrative globale ainsi que les sanctions accessoires.

(...) »

62. Le TPIC rappela ensuite que toute décision judiciaire devenue définitive ne pouvait être modifiée que dans le cadre d’un recours en révision, conformément aux articles 79 § 2, 80 et 81 du RGCO (paragraphe 113 ci-dessous).

63. Il nota que même si l’on considérait, conformément aux articles 2 § 4 du CP et 3 § 2 du RGCO (paragraphes 104 et 113 ci-dessous) et à l’article 388 § 5 du CVM (paragraphe 108 ci-dessous), que l’article 420 § 2 du CVM, dans sa rédaction issue de la loi no 28/2017 du 30 mai 2017 (paragraphe 111 ci-dessous), relevait du droit matériel et était plus favorable, il n’était pas applicable en l’espèce étant donné que les trois décisions rendues contre le requérant avaient déjà acquis force de chose jugée.

64. Il rejeta en outre la demande de renvoi préjudiciel devant la CJUE concernant l’atteinte alléguée au principe non bis in idem garanti par l’article 50 de la Charte, considérant que, à la différence de la décision de condamnation rendue par la CMVM en l’espèce, l’affaire Garlsson Real Estate et autres (paragraphe 128 ci-dessous) invoquée portait sur une décision qui n’avait pas encore acquis force de chose jugée. Il retint, de plus, que dans l’affaire en question, le cumul de sanctions en cause portait sur une peine d’emprisonnement et une peine d’amende alors que l’espèce soumise à son examen avait trait, d’une part, à une infraction pénale punie uniquement, à titre principal, d’une peine d’emprisonnement et, d’autre part, à des infractions administratives passibles d’amendes administratives. Enfin, d’après lui, il n’existait pas de cumul de peines d’amende en l’espèce. Il rejeta donc la demande de déduction du montant de 300 000 EUR payé par le requérant aux fins de la suspension de la peine d’emprisonnement prononcée à l’issue de la procédure pénale (paragraphes 30, 34 et 38 ci-dessus) de l’amende administrative à laquelle l’intéressé avait été condamné à l’issue de la procédure devant la CMVM (paragraphe 53 ci‑dessus).

65. Le TPIC procéda ensuite au calcul de l’amende administrative globale, en application des articles 19 du RGCO (paragraphe 113 ci‑dessous) et 404, 405 §§ 1 et 2 alinéas a), b), c), d) et 4 du CVM, considéré dans sa version applicable au moment des faits et dans sa version issue de la loi no 28/2017 (paragraphes 108 et 111-112 ci-dessous), conformément à l’article 3 § 2 du RGCO (paragraphe 113 ci-dessous). Il fixa l’amende administrative globale à 480 000 EUR pour trois infractions très graves de divulgation de fausses informations au marché financier.

66. Le TPIC ramena par ailleurs les sanctions accessoires (paragraphes 48 et 53 ci-dessus) à une période d’un an et trois mois, et constata que les peines en question avaient été purgées en exécution des condamnations rendues à l’issue de la procédure pénale et de la procédure devant la BdP. Il jugea donc que les deux sanctions accessoires qui avaient été prononcées en l’espèce étaient éteintes (extintas) en application de l’article 420 § 3 du CVM, pris dans sa rédaction issue de la loi no 28/2017 du 30 mai 2017, qui était, à cet égard, plus favorable au requérant (paragraphe 111 ci-dessous).

2. L’appel du requérant et l’arrêt de la cour d’appel de Lisbonne du 11 juillet 2019

67. Le 23 juillet 2018, par l’intermédiaire de ses deux avocats, le requérant releva appel du jugement devant la cour d’appel de Lisbonne. Dans son mémoire, long de cent huit pages, il dénonçait de nouveau une violation du principe non bis in idem. Il contestait la non-application de l’article 420 § 2 du CVM dans sa rédaction issue de la loi no 28/2017 du 30 mai 2017 (paragraphe 111 ci-dessus), qui, selon lui, lui était plus favorable. Il soutenait également que l’amende administrative qui lui avait été infligée aurait dû être réduite, en application de l’article 420 § 3 du CVM (paragraphe 111 ci-dessus), par la déduction du montant de 300 000 EUR qu’il avait versé dans le cadre de la procédure pénale (paragraphes 38 et 64 ci-dessus). Il demandait qu’une question préjudicielle fût posée à la CJUE à cet égard et réclamait enfin, sur le fondement de l’article 411 § 5 du code de procédure pénale (le « CPP », paragraphe 102 ci-dessous), applicable à la procédure devant la CMVM, la tenue d’une audience publique devant la cour d’appel de Lisbonne pour débattre de toutes les questions que soulevait l’affaire et, plus particulièrement, celles afférentes au droit de l’Union européenne.

68. Par un arrêt du 11 juillet 2019, la cour d’appel de Lisbonne débouta le requérant de ses prétentions, confirmant le jugement qui avait été rendu par le TPIC (paragraphes 61-66 ci-dessus). Elle rejeta la demande formulée par l’intéressé en vue de la tenue d’une audience publique devant elle, faute pour celui-ci d’avoir indiqué les points qu’il souhaitait voir discuter au cours de ladite audience, comme l’exigeait l’article 411 § 5 du CPP (paragraphe 102 ci-dessous). Elle considéra ensuite qu’elle ne pouvait se prononcer sur la question tirée d’une atteinte au principe non bis in idem, étant donné que les décisions de condamnation étaient toutes définitives et que la procédure devant elle ne concernait que le calcul de l’amende administrative globale consécutivement à la prescription de l’une des infractions administratives pour lesquelles le requérant avait été condamné. Elle ajouta que ces éléments rendaient aussi sans pertinence un renvoi d’une question préjudicielle devant la CJUE.

69. La cour d’appel de Lisbonne estima également que la sanction administrative principale imposée était d’une nature différente de la sanction infligée dans le cadre de la procédure pénale, la première étant une amende administrative alors que la deuxième était une somme versée à une institution caritative aux fins de la suspension d’une peine d’emprisonnement. Elle conclut par conséquent qu’il n’y avait pas lieu d’appliquer l’article 420 § 3 du CVM (paragraphe 111 ci-dessous), en tant que loi plus favorable, à l’égard de la sanction administrative en question.

70. Le requérant argua de la nullité de l’arrêt du fait du rejet de sa demande concernant la tenue d’une audience publique devant la cour d’appel de Lisbonne. Il fut débouté par un arrêt du 27 novembre 2019.

3. Le recours constitutionnel et l’arrêt de comité de trois juges du Tribunal constitutionnel du 5 novembre 2020

71. Le 12 décembre 2019, le requérant saisit le Tribunal constitutionnel d’un recours constitutionnel dans lequel il soulevait l’inconstitutionnalité des interprétations normatives qui avait été faites :

– de l’article 420 § 2 du CVM tant dans sa rédaction en vigueur après la loi no 28/2017 du 30 mai 2017 que dans sa version antérieure (paragraphes 108 et 111 ci-dessous) ;

– de l’article 420 § 3 du CVM, dans sa rédaction issue de la loi no 28/2017 du 30 mai 2017 (paragraphe 111 ci-dessous) ;

– de l’article 7 du CPP concernant le caractère autonome de la procédure pénale (paragraphe 101 ci-dessous) ;

– de l’article 411 § 5 du CPP (paragraphe 102 ci-dessous) quant à l’obligation pour le demandeur de préciser les questions qu’il souhaitait voir débattues dans le cadre d’une audience devant la cour d’appel.

72. Par une décision sommaire du 24 avril 2020, le Tribunal constitutionnel estima qu’il n’y avait pas lieu de se prononcer sur la constitutionnalité des interprétations normatives qui avaient été faites des articles 420 § 2 du CVM, dans les deux versions indiquées, et de l’article 7 du CPP dès lors que le tribunal de Lisbonne avait conclu qu’il ne pouvait examiner la question relative à la règle non bis in idem en raison du fait que la décision de condamnation rendue le 6 mars 2014 (paragraphe 53 ci-dessus) avait acquis force de chose jugée. Il jugea qu’il en allait de même concernant l’article 420 § 3 du CVM, considérant, sur ce point, que la détermination de la nature des sanctions en cause ne relevait pas de son contrôle car il s’agissait d’une question d’application de la norme aux faits concrets de l’espèce.

73. Il conclut enfin que l’interprétation normative qui avait été retenue par la cour d’appel de Lisbonne (paragraphe 68 ci-dessus) relativement à l’article 411 § 5 du CPP (paragraphe 102 ci-dessous) n’était pas inconstitutionnelle, se référant à un autre arrêt dans lequel il avait jugé que pareille interprétation n’était pas contraire à l’article 32 § 1 de la Constitution (paragraphe 100 ci-dessous).

74. Le requérant présenta une réclamation devant le comité de trois juges du Tribunal constitutionnel, lequel, par un arrêt du 5 novembre 2020, confirma l’intégralité de la décision sommaire qui avait été rendue.

3. Développements postérieurs

75. Le 5 juin 2020, le requérant saisit le TPIC, invoquant l’article 3 § 2 du RGCO (paragraphe 113 ci-dessous) et demandant que la sanction administrative qui lui avait été infligée à l’issue de la procédure engagée par la CMVM (paragraphe 65 ci-dessus) fût déclarée éteinte en vertu d’une application rétroactive de l’article 399-A § 1 b) du CMV, dans sa version issue de la loi no 28/2017 du 30 mai 2017 (paragraphe 111 ci-dessous), laquelle était, d’après lui, plus favorable à son égard.

76. Par un jugement du 25 avril 2021, le TPIC considéra qu’il n’y avait pas lieu d’examiner la question soulevée par le requérant, étant donné qu’elle avait déjà été tranchée dans le jugement du 8 juin 2018, lequel était devenu définitif entretemps (paragraphes 61-63 ci-dessus).

77. L’intéressé interjeta appel du jugement du 25 avril 2021 devant la cour d’appel de Lisbonne.

78. Par un arrêt du 25 novembre 2021, la cour d’appel le débouta et confirma le jugement attaqué. Elle releva que la loi no 28/2017 du 30 mai 2017 avait introduit, à l’article 399-A du CVM (paragraphe 111 ci-dessous), une nouvelle infraction administrative de manipulation du marché qui n’existait pas au moment des faits, et qu’en l’espèce, le requérant n’avait été sanctionné que pour l’infraction pénale de manipulation du marché visée à l’article 379 du CVM, et, dans le cadre de la procédure ouverte par la CMVM (paragraphes 48 et 53 ci-dessus), pour des infractions administratives prévues aux articles 388 § 1 a) et 389 § 1 a) du CVM, lus conjointement avec l’article 7 du CVM (paragraphes 108-110 ci-dessous). S’agissant des infractions administratives en question, la cour d’appel observa ce qui suit :

« (...)

L’article 389 § 1 du CVM prévoit l’infraction de violation, par l’entité bancaire, du devoir de fourniture d’une information de qualité. Même si cette infraction peut être liée à l’infraction de manipulation du marché, elle intervient à un stade antérieur à celle-ci. En l’occurrence, indépendamment du résultat, ce qui est recherché est la préservation de la vérité et de la transparence du marché des valeurs mobilières, hors de toute manœuvre frauduleuse ou fictive destinée à effectivement changer les conditions de formation des prix, les conditions normales de l’offre et de la demande des valeurs mobilières ou de tout autre instrument financier, ou les conditions normales de lancement et d’acceptation d’une offre publique, en bref, à modifier de façon artificielle les règles de fonctionnement libre des marchés, [celles-ci] étant protégée par les articles 379 et 399-A du CVM, en accord avec les considérations exposées dans la Directive 2003/06/CE, afin de garantir l’intégrité des marchés financiers et de promouvoir la confiance des investisseurs, en interdisant toutes les pratiques qui peuvent mettre en cause une telle intégrité.

(...) »

79. La cour d’appel conclut que la loi no 28/2017 n’avait eu par conséquent aucune incidence sur le requérant, et que l’article 420 § 2 du CVM (paragraphe 111 ci-dessous) ne trouvait pas à s’appliquer dès lors que l’intéressé n’avait pas été sanctionné pour la nouvelle infraction administrative de manipulation du marché. Partant, il n’y avait concrètement pas de loi plus favorable à appliquer en sa faveur en vertu des articles 2 § 4 du CP et 3 § 2 du RGCO (paragraphes 104 et 113 ci-dessous).

4. La procédure ouverte par la Banque du Portugal
1. La procédure devant la Banque du Portugal (procédure no 24/07/CO) et la décision du 27 avril 2010

80. Le 26 décembre 2007, faisant suite à la plainte de J.B. (paragraphe 8 ci-dessus), la BdP ouvrit une procédure contre la BCP et dix personnes liées à celle-ci. Le requérant fut poursuivi pour présentation à la BdP d’informations fausses et incomplètes et faux en écriture comptable (falsificação de contabilidade), en application de l’article 211 g) et r) du RGICSF (paragraphe 106 ci-dessous).

81. Par une lettre datée du 26 février 2008, le président de la CMVM transmit à la BdP un rapport concernant l’enquête que la CMVM avait effectuée contre la BCP au sujet de l’activité de certaines sociétés offshore. Dans cette lettre, il faisait référence à des réunions qui s’étaient tenues entre les deux entités relativement à l’affaire de la BCP, et précisait être à la disposition de la BdP pour toute information et tout échange complémentaires aux fins de garantir une approche concertée de l’affaire, qu’il estimait fondamentale dans les phases ultérieures de la procédure.

82. Le 16 avril 2008, le requérant fut entendu dans le cadre de la procédure administrative devant la BdP.

83. Le 11 décembre 2008, la BdP formula ses réquisitions, dans lesquelles elle reprochait au requérant :

– d’avoir contribué à la constitution de sociétés offshore en vue de leur faire acquérir et vendre des titres de la BCP ou d’autres sociétés appartenant au groupe financier BCP (paragraphe 5 ci-dessus) ;

– d’avoir autorisé la concession de millions d’euros, en crédits financiers, à ces sociétés ;

– d’avoir occulté l’existence de ces sociétés offshore auprès de la BdP ou d’en avoir signalé l’existence de façon frauduleuse (falseada) ;

– d’avoir occulté dans les rapports comptables de la BCP et du groupe financier BCP la relation de contrôle que la BCP avait sur les sociétés offshore ; et

– d’avoir caché dans les rapports comptables de la BCP et du groupe financier BCP les pertes financières subies par la banque à la suite de la dépréciation de la valeur de ses titres à partir de l’année 2001.

Estimant qu’en agissant ainsi, le requérant avait empêché la BdP d’appréhender la situation patrimoniale réelle de la banque et, partant, de prendre les mesures de redressement nécessaires, elle l’accusait :

– de trois infractions administratives de présentation à la BdP d’informations fausses et incomplètes pendant la période comprise entre 2000 et 2007, sur le fondement de l’article 211 r) du RGICSF (paragraphe 106 ci‑dessous) et

– de six infractions administratives de faux en écriture comptable, en application de l’article 211 g) du RGICSF (ibidem).

84. Le 27 avril 2010, la BdP rendit sa décision. Elle reconnut le requérant coupable de deux infractions administratives de présentation à la BdP d’informations fausses et incomplètes, et de quatre infractions administratives de faux en écriture comptable. Elle le condamna à une amende administrative globale de 425 000 EUR pour les deux infractions administratives de présentation d’informations fausses et incomplètes. Conformément à l’article 208 du RGICSF (paragraphe 106 ci-dessous), elle ne lui infligea pas d’amende pour les infractions de faux en écriture comptable visées à l’article 211 alinéa g) du RGICSF au motif que les faits y afférents faisaient l’objet de poursuites, dans le cadre de la procédure pénale, des chefs généraux de faux et usage de faux (falsificação de documento), en application de l’article 256 § 1 d) et e) du CP (paragraphe 104 ci-dessous).

85. En outre, la BdP prononça contre le requérant, sur le fondement de l’article 212 du RGICSF (paragraphe 106 ci-dessous), les deux sanctions accessoires suivantes :

– la publication de la sanction définitive, et

– une incapacité d’exercer des fonctions sociales, de direction, de gestion ou d’administration dans un établissement de crédit ou une société financière pendant sept ans.

2. L’appel du requérant devant le tribunal de Lisbonne (procédure interne no 1453/10.4TFLSB) et le jugement du 29 août 2014

86. Le 16 juillet 2010, le requérant attaqua la décision de la BdP devant le TPIC, se plaignant, entre autres, d’une atteinte au principe non bis in idem garanti par l’article 29 § 5 de la Constitution (paragraphe 99 ci-dessous) et par l’article 4 du Protocole no 7 à la Convention.

87. Le 11 avril 2011, le TPIC tint sa première audience. Le procès se déroula sur près de cent audiences, avec une interruption due à un recours intermédiaire concernant des éléments de preuve, qui donna lieu à un arrêt de la cour d’appel de Lisbonne du 4 juillet 2012, et il fut clôturé le 1er août 2014.

88. Par une décision du 26 février 2014, le TPIC déclara l’action publique prescrite concernant les deux infractions de faux en écriture comptable pour lesquelles la BdP avait condamné le requérant (paragraphe 84 ci-dessus).

89. Puis, par un jugement du 29 août 2014, le TPIC rejeta la thèse d’une atteinte au principe non bis in idem avancée par le requérant (paragraphe 86 ci-dessus), jugeant que les procédures pénales et administratives engagées respectivement par la CMVM et par la BdP ne portaient pas sur les mêmes faits. Tenant compte des documents figurant dans le dossier ainsi que des déclarations des témoins et des accusés, il condamna le requérant à une amende administrative globale de 425 000 EUR pour l’infraction administrative prévue à l’article 211 alinéa g) du RGICSF et l’infraction administrative visée à l’article 211 alinéa r) du RGICSF (paragraphe 106 ci‑dessous). Il confirma aussi les deux sanctions accessoires qui avaient été imposées à l’intéressé par la BdP (paragraphe 85 ci-dessus) en application de l’article 212 du RGICSF.

3. L’appel du requérant et l’arrêt de la cour d’appel de Lisbonne du 9 juin 2015

90. Le 9 octobre 2014, le requérant fit appel du jugement devant la cour d’appel de Lisbonne. À cette occasion, il dénonça de nouveau une atteinte au principe non bis in idem.

91. Le 9 juin 2015, la cour d’appel de Lisbonne rendit son arrêt. Elle considéra, concernant la violation alléguée du principe non bis in idem, que les infractions pénales et les infractions administratives en cause étaient différentes tant au niveau des faits que des intérêts protégés, ce pour les raisons suivantes.

92. En premier lieu, la procédure engagée par la BdP découlait de sa relation avec la BCP et, plus spécifiquement, de l’obligation de cette dernière d’informer la BdP de sa situation financière afin de lui permettre de remplir la mission qui lui incombait de veiller à la stabilité du système financier pour éviter tout risque systémique.

93. En deuxième lieu, la procédure pénale portait sur la transmission de fausses informations pour le SDI de la CMVM (paragraphe 30 ci-dessus) pendant la période écoulée entre 2000 et 2007 et, ainsi, aux investisseurs, en ce qui concernait non seulement la situation financière de la BCP mais aussi la valeur de ses titres. La cour d’appel estima également que l’infraction pénale de fraude se distinguait de l’infraction pénale de manipulation du marché dès lors que les deux délits protégeaient deux intérêts différents, à savoir le patrimoine d’une personne en particulier pour le premier, et le marché financier où ont lieu les opérations financières pour le second. Ainsi, l’infraction pénale de manipulation du marché visait à garantir la formation régulière des prix contre leur fixation au travers de mécanismes frauduleux ou fictifs.

94. En troisième lieu, la procédure administrative devant la CMVM avait trait pour sa part à la divulgation d’informations erronées au marché, ce qui renvoyait au besoin de transparence et de fiabilité des informations qui sont essentielles pour les investisseurs et pour le fonctionnement régulier du marché des valeurs mobilières.

95. Cela étant, la cour d’appel considéra que l’infraction administrative de faux en écriture comptable imputée au requérant par la BdP se superposait à l’infraction pénale de faux et usage de faux faisant l’objet de la procédure pénale (paragraphes 20 et 30 ci-dessus). Elle en déduisit que l’on pouvait estimer que les faits en question étaient similaires et relevaient d’un concours d’infractions au sens de l’article 20 du RGCO (paragraphe 113 ci-dessous) ainsi que de l’article 208 du RGICSF (paragraphe 106 ci‑dessous), dont il découlait une obligation de sanctionner l’infraction pénale sans préjudice de l’application d’une sanction accessoire prévue pour l’infraction administrative. Par ailleurs, elle releva que dans le cas d’un concours d’infractions pénales et administratives, tant l’article 208 du RGICSF que l’article 420 § 1 du CVM (paragraphes 106 et 108 ci-dessous) prescrivaient l’ouverture de deux procédures différentes, l’article 420 § 1 CVM prévoyant toutefois un système de combinaison des sanctions pénales et administratives. Sur ces points, la cour d’appel se prononça comme suit :

« (...)

L’infraction [pénale] de faux et usage de faux vise à protéger les intérêts juridiques de la sécurité et de la fiabilité de la force probatoire des documents en circulation légale (tráfego jurídico), alors que l’infraction bancaire de faux et usage de faux, comme l’affirme la Banque du Portugal, [vise elle] une finalité (teleologia) spécifique et propre au secteur bancaire : la nécessité de garantir à l’entité de contrôle les moyens qui lui permettent de poursuivre pleinement la fonction de supervision des établissements de crédit et du système bancaire en général et, au final, par cette voie, la protection de l’intérêt juridique de préservation de la stabilité du système bancaire et, ainsi, la prévention des risques systémiques (la protection des consommateurs et des clients bancaires est aussi pertinente, s’agissant de la diffusion de fausses informations).

Ainsi, entre l’infraction pénale de faux et usage de faux faisant l’objet de la procédure pénale, et l’infraction administrative de faux en écriture comptable prévue par le RGICSF et objet de la présente espèce, il existe un concours d’infractions, au sens de l’article 20 du RGCO et de l’article 208 du RGICSF – autrement dit un concours idéal d’infractions.

L’application [des dispositions] des articles 20 du RGCO et 208 du RFICSF, duquel découle la punition pour l’infraction pénale sans préjudice de l’application des sanctions accessoires prévues pour l’infraction administrative, ne porte donc pas atteinte au principe du non bis in idem ni à tout autre principe constitutionnel.

(...)

L’article 420 du CVM établit quant à lui la règle selon laquelle « lorsqu’un même acte constitue à la fois une infraction pénale et une infraction administrative, l’auteur encourt sa responsabilité pour les deux infractions, et deux procédures distinctes sont menées et sont tranchées par les autorités compétentes. »

La grande différence [entre l’article 208 RGICSF et l’article 420 du CVM] se situe au niveau du régime de sanctions : alors que le RGICSF maintient le système du RGCO – un système combinant des sanctions fondées sur l’idée d’absorption (application de la sanction pénale, comme étant la plus grave) et des sanctions accessoires établies pour les infractions administratives – le CVM opte pour un cumul matériel entre sanctions pénale et administratives.

Cela dit, malgré cette différence, du point de vue procédural, dans les deux cas, c’est au juge pénal qu’il appartient de connaître l’affaire aux fins d’appliquer une sanction pénale (...) alors que la Banque du Portugal, conformément à l’article 208, examine l’affaire aux fins de déterminer ce qu’il reste, (...) autrement dit « l’application, le cas échéant, des sanctions accessoires (...) ».

96. Dans l’examen de la violation alléguée du principe non bis idem, la cour d’appel de Lisbonne tint compte, d’une part, de la jurisprudence de la CJUE et, d’autre part, de la jurisprudence de la Cour, se référant notamment aux arrêts Oliveira c. Suisse (30 juillet 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-V), Franz Fischer c. Autriche (no 37950/97, 29 mai 2001), Göktan c. France, no 33402/96, CEDH 2002-V, Sergueï Zolotoukhine c. Russie ([GC], no 14939/03, CEDH 2009), et Grande Stevens et autres c. Italie (nos 18640/10 et 4 autres, 4 mars 2014).

97. Quant au fond, s’appuyant sur les faits qui avaient été jugés établis par le TPIC, la cour d’appel de Lisbonne constata la prescription de l’action publique concernant une partie des faits relatifs à l’infraction administrative de présentation à la BdP d’informations fausses et incomplètes prévue à l’article 211 alinéa r) du RGICSF (paragraphe 106 ci-dessous), et acquitta le requérant des charges restantes.

98. Le 26 juin 2015, l’arrêt de la cour d’appel de Lisbonne devint définitif.

LE CADRE JURIDIQUE ET LA PRATIQUE EUROPEENS et INTERNES PERTINENT

1. Le droit et la pratique internes
1. La Constitution

99. Dans ses parties pertinentes en l’espèce, l’article 29 de la Constitution est ainsi libellé :

« 1. Nul ne peut être condamné pénalement sinon en vertu d’une loi antérieure qui punit l’action ou l’omission, ni subir une mesure de sûreté dont une loi antérieure ne définit pas les conditions d’application.

(...)

3. Ne peuvent être appliquées une peine ou une mesure de sûreté que si elles étaient expressément prévues dans une loi antérieure.

4. Nul ne peut subir une peine ni une mesure de sûreté plus lourde que celle prévue au moment de la commission de l’infraction ou de la vérification des éléments constitutifs de celle-ci. Les lois pénales au contenu plus favorable à l’accusé s’appliquent de façon rétroactive.

5. Nul ne peut être jugé deux fois pour la même infraction pénale (crime).

(...) »

100. Les droits procéduraux en matière pénale sont énoncés à l’article 32 de la Constitution. Dans toute procédure pénale, les droits de la défense et le droit à un recours sont garantis (article 32 § 1). Dans toute procédure relative à une infraction administrative, l’accusé dispose du droit à une audience et du droit de se défendre (article 32 § 10).

2. Le code de procédure pénale (CPP)

101. L’article 7 § 1 du CPP dispose que toute procédure pénale est traitée indépendamment de toute autre et qu’elle doit trancher toutes les questions déterminantes pour la cause.

102. Aux termes de l’article 411 § 5 du CPP, l’appelant peut demander dans son mémoire en recours la tenue d’une audience, en spécifiant les points qu’il souhaite y voir débattus.

103. Les motifs de révision d’un jugement définitif rendu à l’issue d’une procédure pénale sont exposés à l’article 449 du CPP (voir, à cet égard, Moreira Ferreira c. Portugal (no 2) [GC], no 19867/12, § 27, 11 juillet 2017).

3. Le code pénal (CP)

104. Les dispositions du CP pertinentes en l’espèce sont ainsi libellées :

Article 1 § 1

[Principe de la légalité des peines]

« Seul peut être puni pénalement un fait décrit et déclaré passible d’une peine par une loi antérieure. »

Article 2 § 4

[Application dans le temps]

« Lorsque les dispositions pénales en vigueur au moment des faits répréhensibles sont différentes de celles établies dans des lois postérieures, on appliquera toujours le régime concrètement le plus favorable à l’auteur ; en cas de condamnation, même si elle a acquis force de chose jugée, l’exécution et ses effets au niveau pénal cessent lorsque la partie de la peine ayant été purgée atteint la peine maximale prévue par la loi postérieure. »

Article 217 § 1

Escroquerie (burla)

« Quiconque, dans l’intention d’obtenir pour lui-même ou pour un tiers un enrichissement indu, mène autrui, en utilisant des faits erronés, à l’accomplissement d’actes qui causent un préjudice patrimonial à celui-ci ou à une autre personne, sera puni d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à trois ans ou d’une amende. »

Article 218

Escroquerie qualifiée (burla qualificada)

« 1. Quiconque commet les actes prévus au paragraphe 1 de l’article précédent sera puni, si le préjudice patrimonial est élevé, d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à cinq ans ou d’une amende pouvant aller jusqu’à 600 jours-amende.

2. À une peine d’emprisonnement allant de deux ans à huit ans si :

a) Le préjudice est d’une importance considérable.

(...) »

Article 256

[Faux et usage de faux] (falsificação (...) de documento)

« 1. Quiconque, dans l’intention de porter préjudice à autrui ou à l’État, d’obtenir pour lui-même ou pour autrui un bénéfice illégitime, ou de préparer, faciliter, exécuter ou couvrir une autre infraction :

a) Fabrique ou élabore un faux document, ou un [élément déterminant se rapportant à celui-ci (qualquer dos componentes destinados a corporizá-lo)] ;

b) Falsifie ou modifie un document ou un [élément déterminant se rapportant celui‑ci] ;

c) Abuse de la signature d’une autre personne pour falsifier ou contrefaire un document ;

d) Inscrit de manière fallacieuse (« falsamente ») un élément juridique pertinent dans un document ou dans l’un de ses composants ;

e) Utilise un document visé aux précédents alinéas ;

f) Par n’importe quel moyen, remet ou détient un document falsifié ou contrefait ;

est puni d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à trois ans ou d’une amende. »

4. Le régime général des établissements de crédit et des sociétés financières (RGICSF)

105. Le RGICSF a été approuvé par le décret-loi no 298/92 du 31 décembre 1992. Il régit l’accès aux établissements de crédit et aux sociétés financières, l’exercice par ceux-ci de leurs activités ainsi que la supervision desdites entités (article 1). Tout établissement de crédit est soumis à une autorisation de la BdP (article 16), qui est la banque centrale portugaise (article 92). En cette qualité, il incombe à celle-ci de surveiller l’activité desdits établissements et des sociétés financières, en coopérant notamment avec les autorités qui relèvent du système européen de surveillance financière (le SESF) ou du Comité européen du risque systémique (le CERS) (article 93). Dans le cadre de cette mission, il lui revient plus particulièrement d’assurer le suivi de l’activité des établissements de crédit et de contrôler le respect des normes qui encadrent l’activité en question, d’émettre des recommandations pour pallier les irrégularités détectées et de sanctionner les infractions commises (article 116).

106. Dans leur rédaction en vigueur au moment des faits, les dispositions pertinentes en l’espèce du RGICSF se lisaient ainsi :

Article 81

Coopération avec d’autres entités

« 1. La BdP peut échanger des informations avec les autorités suivantes (...) :

a) (...) la CMVM (...) ;

(...) »

Article 208

Concours d’infractions

« Si, pour un même fait, une personne répond à la fois d’une infraction pénale et d’une infraction administrative (« ilícito de mera ordenação social »), on appliquera le régime général, mais des procédures distinctes seront engagées respectivement devant le juge pénal et devant la Banque du Portugal, à laquelle incombera l’application, le cas échéant, des sanctions accessoires prévues dans le présent texte. »

Article 211

Infractions spécialement graves

« Sont punies d’une amende de 500 000 à 50 000 000 Escudos Portugais (PTE) ou de 200 000 à 20 000 000 PTE, selon qu’elle est appliquée à une personne morale ou physique, les infractions figurant ci-après.

(...)

g) Le faux en écriture comptable (« falsificação de contabilidade ») et l’absence de comptabilité organisée, ainsi que le non-respect d’autres règles comptables applicables fixées par la loi ou par la Banque du Portugal lorsque ce non-respect porte gravement préjudice à la connaissance de la situation patrimoniale et financière de l’entité en cause ;

(...)

r) La présentation à la Banque du Portugal d’informations fausses ou d’informations incomplètes pouvant mener à des conclusions erronées avec un effet identique ou similaire qu’auraient des informations fausses sur le même objet ;

(...) »

Article 212

Sanctions accessoires

« 1. En complément des amendes administratives prévues à [l’article 211], les sanctions suivantes pourront être appliquées à l’auteur de l’infraction :

(...)

b) la publication par la BdP de la sanction définitive ;

c) lorsque l’accusé est une personne physique, l’incapacité d’exercer des fonctions sociales et des fonctions d’administration, de direction, de gestion ou des fonctions dirigeantes dans une institution de crédit ou des sociétés financières, (...) pendant une période pouvant aller de un à dix ans, dans les cas prévus à l’article 211.

(...)

2. Les publications indiquées au paragraphe précédent seront faites au Journal Officiel ou dans l’un des journaux les plus lus (...) du lieu de résidence [de l’auteur de l’infraction, s’il s’agit d’une personne physique]. »

Article 227

Force exécutoire (exequibilidade) de la décision

« 1. Sans préjudice de ce qui est prévu au paragraphe suivant, la décision finale est exécutoire si elle n’est pas attaquée par voie de recours.

2. La décision qui applique une des sanctions prévues aux alinéas c) et d) de l’article 212 est, quant à elle, immédiatement exécutoire, jusqu’à ce qu’une décision judiciaire définitive l’annule.

(...) »

5. Le code des valeurs mobilières (CVM)

107. Le CVM, qui a été approuvé par le décret-loi nº 486/99 du 13 novembre 1999, a fait l’objet de plusieurs amendements successifs, le dernier en date ayant été adopté par le décret-loi no 66/2023 du 8 août 2023. Aux termes dudit code, toute activité d’intermédiation mobilière donne lieu à un enregistrement préalable auprès de la CMVM afin de permettre à celle‑ci de vérifier le respect des conditions d’exercice de l’activité en question et de la contrôler (articles 295 et 296). La CMVM est aussi chargée de la réglementation et de la supervision des marchés des valeurs mobilières et des systèmes centralisés de valeurs mobilières (article 353 § 1 a) et b)). L’exercice de ses pouvoirs de supervision vise notamment à protéger les investisseurs, à garantir l’efficience et la régularité du fonctionnement des marchés financiers, à contrôler l’information et à prévenir tout risque systémique (article 358). Les procédures pour infractions administratives relèvent de la compétence du conseil d’administration de la CMVM (article 408).

108. Dans leur version issue du décret-loi no 357-A/2007 du 31 octobre 2007, en vigueur au moment des faits, les dispositions pertinentes du CVM étaient ainsi libellées :

Article 7

Qualité de l’information

« 1. L’information relative aux instruments financiers, aux formes organisées de négociation, aux activités d’intermédiation financière, à la liquidation et à la compensation des opérations, aux offres publiques de valeurs mobilières et aux émetteurs doit être complète, avérée, actuelle, claire, objective et licite.

2. Ce qui est prévu au paragraphe précédent s’applique quel que soit le moyen de divulgation (...) »

Article 374

Coopération avec d’autres entités

« 1. Pour ce qui est des entités relevant de la supervision d’autres autorités, et notamment de la BdP (...), la CMVM et ces autorités coopèrent entre elles aux fins d’un exercice coordonné de leurs pouvoirs de supervision et de réglementation.

(...) »

Article 379 § 1

Manipulation du marché

« Quiconque diffuse des informations fausses, incomplètes, exagérées, tendancieuses ou trompeuses, réalise des opérations fictives ou se livre à d’autres pratiques frauduleuses, de nature à changer de façon artificielle le fonctionnement du marché des valeurs mobilières ou d’autres instruments financiers, est puni d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à trois ans ou d’une amende. »

Article 380 § 1

Sanctions accessoires

« Aux infractions pénales indiquées précédemment peuvent être appliquées, outre celles indiquées dans le CPP, les sanctions accessoires suivantes :

a) l’interdiction, pour une période pouvant aller jusqu’à cinq ans, pour l’auteur [de l’infraction pénale] d’exercer la profession ou l’activité faisant l’objet de l’infraction pénale, ce qui inclut l’incapacité (inibição) d’exercer des fonctions d’administration, de gestion ou de direction, des fonctions dirigeantes (chefia) ou de contrôle et, d’une manière générale, de représentation dans toute entité soumise à la supervision de la CMVM ;

(...) »

Article 388

Dispositions communes

« 1. Les amendes administratives (coimas) suivantes sont applicables aux infractions administratives (contra-ordenações) prévues dans la présente section :

a) Entre 25 000 euros (EUR) et 2 500 000 EUR lorsque [les infractions] sont qualifiées de très graves ;

(...)

5. Lorsqu’une loi ou un règlement de la CMVM modifie ses conditions ou ses termes pour se conformer à un devoir figurant dans une loi ou un règlement antérieurs, on appliquera la loi antérieure aux faits commis alors qu’elle était en vigueur et, la nouvelle loi aux faits postérieurs, sauf si, au vu de la similitude des faits, il y a lieu d’appliquer la loi concrètement la plus favorable. »

Article 389 § 1

Information

« 1. Constitue une infraction administrative très grave :

a) La communication ou la divulgation, par n’importe quel moyen, d’une information qui n’est pas complète, avérée, actuelle, claire, objective ou licite ;

(...) »

Article 394

Formes organisées de négociation

«1. Constitue une infraction administrative très grave :

(...)

i) l’opération d’initiés (violação do regime da informação privilegiada), sauf dans le cas où un tel fait constitue un crime.

(...) »

Article 404

Sanctions accessoires

«1. Outre celles prévues dans le régime général des infractions administratives, les sanctions accessoires suivantes peuvent être appliquées cumulativement aux sanctions administratives à l’égard des responsables de toute infraction administrative :

(...)

b) l’interdiction temporaire pour l’auteur de l’infraction d’exercer la profession ou l’activité faisant l’objet de l’infraction administrative ;

c) l’incapacité (inibição) d’exercer des fonctions d’administration, de gestion ou de direction, des fonctions dirigeantes (chefia) ou de contrôle et, de manière générale, de représentation de tout intermédiaire financier dans le cadre d’une ou de toutes les activités d’intermédiation de valeurs mobilières ou d’autres instruments financiers ;

(...) »

Article 405

Détermination de la sanction applicable

« 1. L’amende administrative et les sanctions accessoires sont fixées en fonction de l’illicéité des faits en cause, de la culpabilité (culpa) de l’auteur de l’infraction, des bénéfices obtenus, des exigences liées à la prévention ainsi que de la qualité de particulier ou personne morale de l’auteur de l’infraction.

2. Pour apprécier le caractère illicite des faits et la culpabilité des personnes morales (...), il faut prendre en considération, entre autres, les circonstances suivantes :

a) la mise en danger (perigo) ou le dommage causés aux investisseurs ou au marché des valeurs mobilières (...) ;

b) le caractère occasionnel ou répété de l’infraction ;

c) l’existence d’actes visant à occulter les faits pour entraver la découverte de l’infraction ;

d) l’existence d’actes de l’auteur destinés, à son initiative, à réparer les dommages ou à remédier à la mise en danger causée par l’infraction.

(...)

4. Sont également pris en compte, pour déterminer la sanction applicable, la situation économique de l’auteur de l’infraction et son comportement antérieur. »

Article 407

Droit subsidiaire

« Le régime général des infractions administratives s’applique aux infractions administratives prévues dans ce code et aux procédures y relatives, sauf s’il en dispose autrement. »

Article 418

Prescription

« 1. La procédure pour des infractions administratives se prescrit par cinq ans.

(...) »

Article 420

Concours d’infractions

« 1. Lorsqu’un même acte constitue à la fois une infraction pénale et une infraction administrative, son auteur encourt sa responsabilité pour les deux infractions, et deux procédures distinctes sont menées et sont tranchées par les autorités compétentes (...).

2. Dans les situations prévues à l’article 394 § 1 i), lorsque le fait qui peut constituer à la fois une infraction pénale et une infraction administrative est imputé au même auteur au titre de la même action (título de imputação subjetiva), il y a lieu d’engager uniquement une procédure pénale. »

109. Dans la version initiale du CVM, issue du décret-loi nº 486/99 du 13 novembre 1999 (paragraphe 107 ci-dessus), l’article 7 § 1 était ainsi libellé :

« Toute information relative à des valeurs mobilières, à des offres publiques, aux marchés des valeurs mobilières, aux activités d’intermédiation financière ou aux émetteurs [de valeurs mobilières] qui est susceptible d’influencer les décisions des investisseurs ou est transmise aux entités de supervision ou aux entités de gestion des marchés, des systèmes de liquidation et des systèmes centralisés des valeurs mobilières doit être complète, avérée, actuelle, claire, objective ou licite. »

110. L’article 389 § 1 du CVM, dans cette même version initiale, se lisait quant à lui comme suit :

« Constitue une infraction administrative très grave la communication ou la divulgation, par n’importe quel moyen, d’une information relative à des valeurs mobilières ou à d’autres instruments financiers qui n’est pas complète, avérée, actuelle, claire, objective ou licite. »

Dans sa version issue du décret-loi no 52/2006 du 15 mars 2006, l’article 389 § 1 du CVM disposait ce qui suit :

« Constitue une infraction administrative très grave la communication ou la divulgation, par n’importe quel moyen, d’une information qui n’est pas complète, avérée, actuelle, claire, objective ou licite. »

111. Le CVM a été amendé par la loi no 28/2017 du 30 mai 2017 portant transposition au niveau interne de la Directive 2014/57/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 et adaptation du droit portugais au Règlement (UE) no 596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 sur les abus de marché (paragraphes 122 et 123 ci-dessous). Dans sa version applicable après l’entrée en vigueur de la loi, le code contient un nouvel article 399-A, qui prévoit que la violation de l’interdiction de manipulation de marché constitue une infraction administrative très grave, sauf si le comportement en question relève également d’une infraction pénale. De plus, il dispose, en son article 420 § 2, que si la violation de l’interdiction de manipulation de marché visée à l’article 399-A § 1 b) fait par ailleurs l’objet d’une incrimination pénale, seule une procédure pénale est engagée. Dans un paragraphe 3 inséré dans ce même article 420, il est en outre précisé que lorsqu’un même fait a donné lieu à une pluralité d’infractions et à des procédures relevant de la compétence de différentes entités, les sanctions ayant déjà été exécutées dans l’une de ces procédures peuvent être prises en compte aux fins de la détermination des sanctions imposées dans le cadre des procédures postérieures.

112. Quant au paragraphe 4 de l’article 405 du CVM, il indique, dans sa rédaction issue de la loi no 28/2017 du 30 mai 2017, que la sanction infligée est également fixée en tenant compte de la situation économique de l’auteur et de son comportement antérieur et postérieur à l’infraction, tel que sa coopération ou collaboration avec le CMVM ou le tribunal dans le cadre de la procédure.

6. Le régime général des infractions administratives (RGCO)

113. Le décret-loi nº 433/82 du 27 octobre 1982, applicable aux faits de la cause en vertu de l’article 407 du CVM (paragraphe 108 ci-dessus), régit le RGCO. Ses dispositions pertinentes en l’espèce sont libellées comme suit :

Article 1

Définition

« Est une infraction administrative (contra-ordenação) tout acte illicite et prohibé constitutif d’un type de délit (tipo legal) passible d’une amende administrative (coima). »

Article 3 § 2

[Application dans le temps]

« Si la loi en vigueur au moment des faits a été modifiée, on appliquera la loi la plus favorable à l’accusé, sauf si celui-ci a été condamné par une décision finale ou passée en force de chose jugée et déjà exécutée. »

Article 18 § 1

Détermination de la sanction administrative

« La sanction administrative est déterminée en fonction de la gravité de l’infraction administrative, de la culpabilité de l’auteur de l’infraction, de sa situation économique et du bénéfice économique qu’il a retiré de l’infraction administrative. »

Article 19

Concours d’infractions administratives

« 1. Quiconque commet plusieurs infractions administratives est sanctionné d’une amende administrative [qui ne peut dépasser] la limite maximale [correspondant à] la somme des amendes administratives fixées pour chacune des infractions en concours.

2. L’amende administrative infligée ne peut dépasser le double de la limite maximale la plus élevée encourue pour les infractions administratives en concours.

3. L’amende administrative infligée ne peut être inférieure à l’amende la plus élevée encourue pour les infractions en concours. »

Article 20

Concours d’infractions

« Si un même fait constitue à la fois une infraction pénale et une infraction administrative, son auteur sera puni au titre de l’infraction pénale sans préjudice de l’application des sanctions accessoires prévues pour les infractions administratives. »

Article 75 § 1

Étendue et effet du recours

« La deuxième instance ne peut connaître que des éléments de droit, sauf disposition contraire du présent texte. Sa décision n’est pas susceptible d’appel. »

Article 79

Portée de la décision finale et de l’autorité de la chose jugée (caso julgado)

« 1. Le caractère définitif de la décision de l’autorité administrative qui a apprécié les faits en tant qu’infraction administrative ou le passage en force de chose jugée de la décision judiciaire qui les a appréciés en tant qu’infraction pénale empêchent que ces mêmes faits soient de nouveau jugés en tant qu’infraction administrative.

2. Le passage en force de chose jugée d’un jugement ou d’une décision judiciaire (despacho judicial) qui apprécie les faits en tant qu’infraction administrative empêche également que ceux-ci soient de nouveau jugés en tant qu’infraction pénale. »

Article 80

Recevabilité de la révision

« 1. La révision des décisions définitives ou passées en force de chose jugée en matière d’infraction administrative obéit aux prescriptions de l’article 449 du CPP, sauf disposition contraire du présent texte.

2. La [demande de] révision sur la base de nouveaux faits ou moyens de preuve d’une procédure tranchée en faveur de l’accusé ne sera pas recevable lorsque :

a) l’accusé a été condamné à une amende administrative inférieure à 37,41 euros ;

b) cinq ans se sont écoulés après le passage en force de chose jugée ou le caractère définitif de la décision objet de la révision.

3. La révision d’une procédure administrative tranchée en défaveur de l’accusé n’est possible que si elle porte sur sa condamnation pour une infraction pénale. »

Article 81

Régime de la procédure de révision

« 1. La révision de la décision d’une autorité administrative appartient au tribunal compétent pour connaître des recours.

2. La révision peut être demandée par l’accusé, l’autorité administrative ou le parquet.

3. Il appartient à l’autorité administrative de remettre le dossier au représentant du parquet près le tribunal compétent.

4. La révision d’un jugement relève de la compétence de la cour d’appel (...) »

7. Le code de procédure civile (« CPC »)

114. L’article 677 du CPC (correspondant à l’article 628 dans la version du CPC actuellement en vigueur), dans sa rédaction en vigueur à l’époque des faits, se lisait comme suit :

« Une décision acquiert force de chose jugée lorsqu’elle ne peut plus faire l’objet d’un recours ordinaire ou d’une réclamation (...) »

8. La jurisprudence interne

115. Dans son arrêt no 356/2006 du 8 juin 2006, le Tribunal constitutionnel a jugé que la condamnation d’un individu, en application de l’article 136 du code de la route, à une peine d’amende pour conduite en état d’ébriété prévue à l’article 292 du CP et à une amende administrative et une interdiction temporaire de conduire pour violation de l’article 44 du code de la route à raison d’une infraction à la règle sur le changement de vitesse à gauche n’était pas contraire à l’article 29 § 5 de la Constitution (paragraphe 99 ci-dessus). Il a considéré que l’infraction pénale et l’infraction administrative en cause étaient distinctes et que, par conséquent, l’on était en présence d’un concours d’infractions qui ne portait pas atteinte au principe non bis in idem.

2. Droit de l’Union Européenne et jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne (la « CJUE »)
1. Le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (« TFUE »)

116. L’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (le « TFUE » – ancien article 234 du Traité instituant la Communauté européenne) prévoit la saisine à titre préjudiciel de la CJUE en ces termes :

« La Cour de justice est compétente pour statuer, à titre préjudiciel :

a) sur l’interprétation du présent traité,

b) sur la validité et l’interprétation des actes pris par les institutions de la Communauté (...) ;

(...)

Lorsqu’une telle question est soulevée devant une juridiction d’un des États membres, cette juridiction peut, si elle estime qu’une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de justice de statuer sur cette question.

Lorsqu’une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la Cour de justice. »

2. La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (la « Charte »)

117. L’article 50 de la Charte dispose ce qui suit :

« Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné dans l’Union par un jugement pénal définitif conformément à la loi. »

118. L’article 52 § 1 de la Charte se lit ainsi :

« Toute limitation de l’exercice des droits et libertés reconnus par la présente Charte doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés. Dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et libertés d’autrui. »

3. Les directives et règlements de l’Union européenne
1. Directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003 sur les opérations d’initiés et les manipulations de marché (abus de marché)

119. Cette directive, en vigueur jusqu’à son abrogation par le Règlement (UE) no 596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 sur les abus de marché (règlement relatif aux abus de marché – paragraphe 123 ci‑dessous), prévoyait en son article 5 que les États membres devaient interdire à toute personne de procéder à des manipulations de marché.

120. Selon l’article 1er, point 2 de la directive, les comportements constitutifs de « manipulations de marché » aux fins de la directive étaient définis comme suit :

« a) le fait d’effectuer des opérations ou d’émettre des ordres:

– qui donnent ou sont susceptibles de donner des indications fausses ou trompeuses en ce qui concerne l’offre, la demande ou le cours d’instruments financiers, ou

– qui fixent, par l’action d’une ou de plusieurs personnes agissant de manière concertée, le cours d’un ou de plusieurs instruments financiers à un niveau anormal ou artificiel,

à moins que la personne ayant effectué les opérations ou émis les ordres établisse que les raisons qui l’ont poussée à le faire sont légitimes et que ces opérations ou ces ordres sont conformes aux pratiques de marché admises sur le marché réglementé concerné;

b) le fait d’effectuer des opérations ou d’émettre des ordres qui recourent à des procédés fictifs ou à toute autre forme de tromperie ou d’artifice ;

c) le fait de diffuser des informations, que ce soit par l’intermédiaire des médias (dont Internet) ou par tout autre moyen, qui donnent ou sont susceptibles de donner des indications fausses ou trompeuses sur des instruments financiers, y compris le fait de répandre des rumeurs et de diffuser des informations fausses ou trompeuses, alors que la personne ayant procédé à une telle diffusion savait ou aurait dû savoir que les informations étaient fausses ou trompeuses. Dans le cas de journalistes agissant dans le cadre de leur profession, cette diffusion d’informations doit être évaluée, (...), en tenant compte de la réglementation applicable à leur profession, à moins que ces personnes ne retirent, directement ou indirectement, un avantage ou des profits de la diffusion des informations en question.

En particulier, les exemples ci-après découlent de la définition principale figurant aux points a), b) et c) ci-dessus :

– le fait pour une personne ou pour plusieurs personnes agissant de manière concertée de s’assurer une position dominante sur l’offre ou la demande d’un instrument financier, avec pour effet la fixation directe ou indirecte des prix d’achat ou des prix de vente ou la création d’autres conditions de transaction inéquitables,

– le fait d’acheter ou de vendre des instruments financiers au moment de la clôture du marché, avec pour effet d’induire en erreur les investisseurs agissant sur la base des cours de clôture,

– le fait de tirer parti d’un accès occasionnel ou régulier aux médias traditionnels ou électroniques en émettant un avis sur un instrument financier (ou indirectement, sur l’émetteur de celui-ci) après avoir pris des positions sur cet instrument financier et de profiter par la suite de l’impact dudit avis sur le cours de cet instrument sans avoir simultanément rendu public, de manière appropriée et efficace, ce conflit d’intérêts.

Les définitions de la manipulation de marché sont adaptées de manière à pouvoir couvrir les nouveaux comportements qui constituent de fait des manipulations de marché ;

(...) ».

121. En outre, l’article 14, paragraphe 1, de la directive indiquait que :

« Sans préjudice de leur droit d’imposer des sanctions pénales, les États membres veillent à ce que, conformément à leur législation nationale, des mesures administratives appropriées puissent être prises ou des sanctions administratives appliquées à l’encontre des personnes responsables d’une violation des dispositions arrêtées en application de la présente directive. Les États membres garantissent que ces mesures sont effectives, proportionnées et dissuasives. »

2. Directive 2014/57/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relative aux sanctions pénales applicables aux abus de marché (directive relative aux abus de marché)

122. Les passages pertinents de cette directive sont libellés comme suit :

Article 5

Manipulations de marché

« 1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour faire en sorte que la manipulation de marché visée au paragraphe 2 constitue une infraction pénale, au moins dans les cas graves et lorsqu’elle est commise intentionnellement.

2. Aux fins de la présente directive, la notion de manipulation de marché couvre les activités suivantes :

a) effectuer une transaction, passer un ordre ou adopter tout autre comportement qui :

i) donne des indications fausses ou trompeuses sur l’offre, la demande ou le cours d’un instrument financier ou d’un contrat au comptant sur matières premières qui lui est lié ; ou

ii) fixe à un niveau anormal ou artificiel le cours d’un ou de plusieurs instruments financiers ou d’un contrat au comptant sur matières premières qui leur est lié ;

sauf si les raisons pour lesquelles la personne qui a effectué la transaction ou passé l’ordre sont légitimes et que cette transaction ou cet ordre sont conformes aux pratiques de marché admises sur la plate-forme de négociation concernée ;

b) effectuer une transaction, passer un ordre, exercer toute autre activité ou adopter tout autre comportement affectant le cours d’un ou de plusieurs instruments financiers ou d’un contrat au comptant sur matières premières qui leur est lié, en ayant recours à des procédés fictifs ou à toute autre forme de tromperie ou d’artifice ;

c) diffuser des informations, par l’intermédiaire des médias, dont l’internet, ou par tout autre moyen, qui donnent des indications fausses ou trompeuses quant à l’offre, la demande ou le cours d’un instrument financier ou d’un contrat au comptant sur matières premières qui lui est lié, ou qui fixent le cours d’un ou de plusieurs instruments financiers ou d’un contrat au comptant sur matières premières qui leur est lié à un niveau anormal ou artificiel, lorsque les personnes qui ont diffusé les informations tirent, pour elles-mêmes ou pour une autre personne, un avantage ou un profit de la diffusion des informations en question ; ou

d) transmettre des informations fausses ou trompeuses, ou fournir des données fausses ou trompeuses, ou adopter tout autre comportement constituant une manipulation du calcul d’un indice de référence. »

Article 7

Sanctions pénales à l’encontre des personnes physiques

« 1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour faire en sorte que les infractions visées aux articles 3 à 6 soient passibles de sanctions pénales effectives, proportionnées et dissuasives.

2. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour faire en sorte que les infractions visées aux articles 3 et 5 soient passibles d’une peine d’emprisonnement maximale d’au moins quatre ans.

(...). »

3. Règlement (UE) no 596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 sur les abus de marché (règlement relatif aux abus de marché)

123. Les dispositions pertinentes en l’espèce de ce règlement se lisent comme suit :

Article 12

Manipulations de marché

« 1. Aux fins du présent règlement, la notion de « manipulation de marché » couvre les activités suivantes :

a) effectuer une transaction, passer un ordre ou adopter tout autre comportement qui :

i) donne ou est susceptible de donner des indications fausses ou trompeuses en ce qui concerne l’offre, la demande ou le cours d’un instrument financier, d’un contrat au comptant sur matières premières qui lui est lié ou d’un produit mis aux enchères sur la base des quotas d’émission ; ou

ii) fixe ou est susceptible de fixer à un niveau anormal ou artificiel le cours d’un ou de plusieurs instruments financiers, d’un contrat au comptant sur matières premières qui leur est lié ou d’un produit mis aux enchères sur la base des quotas d’émission ;

à moins que la personne effectuant une transaction, passant un ordre ou adoptant tout autre comportement établisse qu’une telle transaction, un tel ordre ou un tel comportement a été réalisé pour des raisons légitimes et est conforme aux pratiques de marché admises telles qu’établies conformément à l’article 13;

b) effectuer une transaction, passer un ordre ou effectuer toute autre activité ou adopter tout autre comportement influençant ou étant susceptible d’influencer le cours d’un ou de plusieurs instruments financiers, d’un contrat au comptant sur matières premières qui leur est lié ou d’un produit mis aux enchères sur la base des quotas d’émission en ayant recours à des procédés fictifs ou à toute autre forme de tromperie ou d’artifice ;

c) diffuser des informations, que ce soit par l’intermédiaire des médias, dont l’internet, ou par tout autre moyen, qui donnent ou sont susceptibles de donner des indications fausses ou trompeuses en ce qui concerne l’offre, la demande ou le cours d’un instrument financier, d’un contrat au comptant sur matières premières qui lui est lié ou d’un produit mis aux enchères sur la base des quotas d’émission, ou fixent ou sont susceptibles de fixer à un niveau anormal ou artificiel le cours d’un ou de plusieurs instruments financiers, d’un contrat au comptant sur matières premières qui leur est lié ou d’un produit mis aux enchères sur la base des quotas d’émission, y compris le fait de répandre des rumeurs, alors que la personne ayant procédé à une telle diffusion savait ou aurait dû savoir que ces informations étaient fausses ou trompeuses ;

d) transmettre des informations fausses ou trompeuses ou fournir des données fausses ou trompeuses sur un indice de référence lorsque la personne qui a transmis ces informations ou fourni ces données savait ou aurait dû savoir qu’elles étaient fausses ou trompeuses, ou tout autre comportement constituant une manipulation du calcul d’un indice de référence.

2. Les comportements suivants sont, entre autres, considérés comme des manipulations de marché :

a) le fait, pour une personne ou pour plusieurs personnes agissant de manière concertée, de s’assurer une position dominante sur l’offre ou la demande d’un instrument financier, de contrats au comptant sur matières premières qui lui sont liés ou de produits mis aux enchères basés sur des quotas d’émission, avec pour effet, réel ou potentiel, la fixation directe ou indirecte des prix d’achat ou des prix de vente ou la création, réelle ou potentielle, d’autres conditions de transaction inéquitables ;

b) le fait d’acheter ou de vendre des instruments financiers, au moment de l’ouverture ou de la clôture du marché, avec pour effet, réel ou potentiel, d’induire en erreur les investisseurs agissant sur la base des cours affichés, y compris lors de l’ouverture ou de la clôture ;

c) le fait de passer des ordres à une plate-forme de négociation, y compris d’annuler ou de modifier ces ordres, en ayant recours à tout moyen disponible de trading, y compris des moyens électroniques, tels que les stratégies de trading algorithmiques et à haute fréquence, lorsque cela a l’un des effets visés au paragraphe 1, point a) ou b) :

i) en perturbant ou en retardant, ou en risquant de perturber ou de retarder, le fonctionnement du système de négociation de la plate-forme de négociation ;

ii) en compliquant la reconnaissance par d’autres personnes des véritables ordres dans le système de négociation de la plate-forme de négociation ou en étant susceptible d’agir ainsi, y compris en émettant des ordres qui entraînent une surcharge ou une déstabilisation du carnet d’ordres ; ou

iii) en créant, ou en étant susceptible de créer, une indication fausse ou trompeuse quant à l’offre, à la demande ou au cours d’un instrument financier, notamment en émettant des ordres visant à initier ou à exacerber une tendance ;

d) le fait de tirer parti d’un accès occasionnel ou régulier aux médias traditionnels ou électroniques en émettant un avis sur un instrument financier, sur un contrat au comptant sur matières premières qui lui est lié ou sur un produit mis aux enchères sur la base des quotas d’émission (ou indirectement sur son émetteur) après avoir pris des positions sur cet instrument financier, sur un contrat au comptant sur matières premières qui lui est lié ou sur un produit mis aux enchères sur la base des quotas d’émission et de profiter par la suite de l’impact dudit avis sur le cours de cet instrument, de ce contrat au comptant sur matières premières qui lui est lié ou d’un produit mis aux enchères sur la base des quotas d’émission sans avoir simultanément rendu public, de manière appropriée et efficace, ce conflit d’intérêts ;

e) le fait de vendre ou d’acheter sur le marché secondaire, avant la séance d’enchères organisée en vertu du règlement (UE) no 1031/2010, des quotas d’émission ou des instruments dérivés qui leur sont liés, avec pour effet de fixer le prix de clôture des produits mis aux enchères à un niveau anormal ou artificiel, ou d’induire en erreur les enchérisseurs.

3. Aux fins de l’application du paragraphe 1, points a) et b), et sans préjudice des comportements cités au paragraphe 2, l’annexe I contient une liste non exhaustive d’indicateurs liés au recours à des procédés fictifs ou à toute autre forme de tromperie ou d’artifice, ainsi qu’une liste non exhaustive d’indicateurs relatifs au fait de donner des indications fausses ou trompeuses ou de fixer les cours à un niveau anormal ou artificiel.

4. Lorsque la personne visée dans le présent article est une personne morale, le présent article s’applique également, conformément au droit national, aux personnes physiques qui prennent part à la décision de mener des activités pour le compte de la personne morale concernée.

5. La Commission est habilitée à adopter des actes délégués en conformité avec l’article 35, précisant les indicateurs figurant à l’annexe I, afin de clarifier leurs éléments et de tenir compte des évolutions techniques sur les marchés financiers. »

Article 15

Interdiction des manipulations de marché

« Une personne ne doit pas effectuer des manipulations de marché ni tenter d’effectuer des manipulations de marché. »

Article 30

Sanctions administratives et autres mesures administratives

« 1. Sans préjudice de toute sanction pénale et des pouvoirs de surveillance des autorités compétentes au titre de l’article 23, les États membres, conformément au droit national, font en sorte que les autorités compétentes aient le pouvoir de prendre les sanctions administratives et autres mesures administratives appropriées en ce qui concerne au moins les violations suivantes :

a) violations des articles 14 et 15, de l’article 16, paragraphes 1 et 2, de l’article 17, paragraphes 1, 2, 4, 5 et 8, de l’article 18, paragraphes 1 à 6, de l’article 19, paragraphes 1, 2, 3, 5, 6, 7 et 11, et de l’article 20, paragraphe 1 ; et

b) défaut de coopérer ou de se soumettre à une enquête ou une inspection ou à une demande visées à l’article 23, paragraphe 2.

Les États membres peuvent décider de ne pas établir de règles concernant des sanctions administratives visées au premier alinéa lorsque les violations visées au point a) ou b) dudit alinéa sont déjà passibles de sanctions pénales dans leur droit national au plus tard le 3 juillet 2016. Dans ce cas, les États membres notifient d’une manière détaillée à la Commission et à l’AEMF [l’Autorité européenne des marchés financiers] les parties de leur droit pénal concernées.

Au plus tard le 3 juillet 2016, les États membres notifient de façon détaillée à la Commission et à l’AEMF les règles visées au premier et au deuxième alinéa. Ils notifient, sans retard, à la Commission et à l’AEMF toute modification ultérieure de ces règles.

2. Les États membres, conformément à leur droit national, font en sorte que les autorités compétentes aient le pouvoir d’infliger au moins les sanctions administratives suivantes et de prendre au moins les mesures administratives suivantes, en cas de violations visées au paragraphe 1, premier alinéa, point a) :

a) une injonction ordonnant à la personne responsable de la violation de mettre un terme au comportement en cause et de s’abstenir de le réitérer ;

b) la restitution de l’avantage retiré de cette violation ou des pertes qu’elle a permis d’éviter, si ceux-ci peuvent être déterminés ;

c) un avertissement public indiquant la personne responsable de la violation et la nature de la violation ;

d) le retrait ou la suspension de l’agrément d’une entreprise d’investissement ;

e) l’interdiction provisoire, pour les personnes exerçant des responsabilités dirigeantes dans une entreprise d’investissement ou toute autre personne physique dont la responsabilité est engagée pour la violation, d’exercer des fonctions de gestion au sein d’entreprises d’investissement ;

f) en cas de violations répétées de l’article 14 ou 15, l’interdiction permanente, pour les personnes exerçant des responsabilités dirigeantes dans une entreprise d’investissement ou toute autre personne physique dont la responsabilité est engagée pour la violation, d’exercer des fonctions de gestion au sein d’entreprises d’investissement ;

g) l’interdiction provisoire, pour les personnes exerçant des responsabilités dirigeantes dans une entreprise d’investissement ou toute autre personne physique dont la responsabilité est engagée pour la violation, de négocier pour leur propre compte ;

h) des sanctions pécuniaires administratives d’un montant maximal d’au moins trois fois le montant de l’avantage retiré de la violation ou des pertes qu’elle a permis d’éviter, s’ils peuvent être déterminés ;

i) s’il s’agit d’une personne physique, des sanctions pécuniaires administratives d’un montant maximal d’au moins :

i) en cas de violation des articles 14 et 15, 5 000 000 EUR ou, dans les États membres dont la monnaie n’est pas l’euro, la valeur correspondante dans la monnaie nationale au 2 juillet 2014 ; ou

ii) en cas de violation des articles 16 et 17, 1 000 000 EUR ou, dans les États membres dont la monnaie n’est pas l’euro, la valeur correspondante dans la monnaie nationale au 2 juillet 2014 ; et

iii) en cas de violation des articles 18, 19 et 20, 500 000 EUR ou, dans les États membres dont la monnaie n’est pas l’euro, la valeur correspondante dans la monnaie nationale au 2 juillet 2014 ; et

j) s’il s’agit d’une personne morale, des sanctions pécuniaires administratives d’un montant maximal d’au moins :

i) en cas de violation des articles 14 et 15, 15 000 000 EUR ou 15 % du chiffre d’affaires annuel total de la personne morale tel qu’il ressort des derniers comptes disponibles approuvés par l’organe de direction de l’entreprise ou, dans les États membres dont la monnaie n’est pas l’euro, la valeur correspondante dans la monnaie nationale au 2 juillet 2014 ;

ii) en cas de violation des articles 16 et 17, 2 500 000 EUR ou 2 % de son chiffre d’affaires annuel total tel qu’il ressort des derniers comptes disponibles approuvés par l’organe de direction de l’entreprise ou, dans les États membres dont la monnaie n’est pas l’euro, la valeur correspondante dans la monnaie nationale au 2 juillet 2014 ; et

iii) en cas de violation des articles 18, 19 et 20, 1 000 000 EUR ou, dans les États membres dont la monnaie n’est pas l’euro, la valeur correspondante dans la monnaie nationale au 2 juillet 2014.

Les références à l’autorité compétente contenues dans le présent paragraphe sont sans préjudice de la capacité de l’autorité compétente à exercer ses fonctions selon n’importe laquelle des modalités visées à l’article 23, paragraphe 1.

Aux fins des points j) i) et ii) du premier alinéa, lorsque la personne morale est une entreprise mère ou une filiale qui est tenue d’établir des comptes consolidés en vertu de la directive 2013/34/UE du Parlement européen et du Conseil, le chiffre d’affaires annuel total à prendre en considération est le chiffre d’affaires annuel total ou le type de revenus correspondant conformément aux directives comptables pertinentes — directive 86/635/CEE du Conseil pour les banques et directive 91/674/CEE du Conseil pour les entreprises d’assurances —, tel qu’il ressort des derniers comptes consolidés disponibles approuvés par l’organe de direction de l’entreprise mère ultime.

3. Les États membres peuvent doter les autorités compétentes de pouvoirs qui s’ajoutent à ceux visés au paragraphe 2 et peuvent prévoir des niveaux plus élevés de sanctions que ceux établis par ledit paragraphe. »

4. Jurisprudence de la CJUE
1. Arrêt de la CJUE Volkswagen Group Italia et Volkswagen Aktiengesellschaft du 14 septembre 2023 (C‑27/22, EU:C:2023:663)

124. Dans cet arrêt, la CJUE s’est prononcée sur une question préjudicielle du Conseil d’État italien qui portait notamment sur l’interprétation de l’article 50 de la Charte (paragraphe 117 ci-dessus) dans le cadre d’un litige opposant la Volkswagen Group Italia SpA et la Volkswagen Aktiengesellschaft à l’Autorité garante du respect de la concurrence et des règles du marché italienne (Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato) au sujet de la décision de celle-ci d’infliger aux sociétés en question une amende pour pratiques commerciales déloyales.

125. L’arrêt précise ce qui suit en ses parties pertinentes en l’espèce :

« (...)

93. S’agissant du respect du principe de proportionnalité, celui-ci exige que le cumul de poursuites et de sanctions prévu par la réglementation nationale ne dépasse pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par cette réglementation, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés par celle-ci ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (arrêt du 22 mars 2022, bpost, C‑117/20, EU:C:2022:202, point 48 et jurisprudence citée).

94. À cet égard, il convient de souligner que les autorités publiques peuvent légitimement opter pour des réponses juridiques complémentaires face à certains comportements nuisibles pour la société au moyen de différentes procédures formant un tout cohérent de manière à traiter sous ses différents aspects le problème social en question, pourvu que ces réponses juridiques combinées ne représentent pas une charge excessive pour la personne en cause. Dès lors, le fait que deux procédures poursuivent des objectifs d’intérêt général distincts qu’il est légitime de protéger de manière cumulée peut être pris en compte, dans le cadre de l’analyse de la proportionnalité d’un cumul de poursuites et de sanctions, en tant que facteur tendant à justifier ce cumul, à condition que ces procédures soient complémentaires et que la charge supplémentaire que représente ledit cumul puisse être justifiée ainsi par les deux objectifs poursuivis (arrêt du 22 mars 2022, bpost, C‑117/20, EU:C:2022:202, point 49).

(...) »

126. La CJUE a conclu comme suit :

« (...)

3) L’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne doit être interprété en ce sens qu’il autorise la limitation de l’application du principe ne bis in idem, consacré à l’article 50 de cette charte, de sorte à permettre un cumul de procédures ou de sanctions pour les mêmes faits, dès lors que les conditions prévues à l’article 52, paragraphe 1, de ladite charte, telles qu’elles sont précisées par la jurisprudence, sont remplies, à savoir, premièrement, que ce cumul ne représente pas une charge excessive pour la personne en cause, deuxièmement, qu’il existe des règles claires et précises permettant de prévoir quels actes et omissions sont susceptibles de faire l’objet d’un cumul et, troisièmement, que les procédures en cause ont été menées de manière suffisamment coordonnée et rapprochée dans le temps.

(...) »

2. Arrêt de la CJUE (Grande Chambre) bpost du 22 mars 2022 (C‑117/20, EU:C:2022:202)

127. Dans cet arrêt, ayant pour objet une demande de décision préjudicielle relative à l’interprétation de l’article 50 de la Charte (paragraphe 117 ci-dessus) que la cour d’appel de Bruxelles (Belgique) avait introduite dans le cadre d’un litige opposant la bpost SA à l’Autorité belge de la concurrence concernant la légalité d’une décision par laquelle la bpost avait été condamnée au paiement d’une amende pour avoir commis un abus de position dominante, la CJUE a dit ce qui suit :

« (...)

L’article 50 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 52, paragraphe 1, de cette dernière, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce qu’une personne morale soit sanctionnée par une amende pour avoir commis une infraction au droit de la concurrence de l’Union, lorsque, pour les mêmes faits, cette personne a déjà fait l’objet d’une décision définitive à l’issue d’une procédure relative à une infraction à une réglementation sectorielle ayant pour objet la libéralisation du marché concerné, à condition qu’il existe des règles claires et précises permettant de prévoir quels actes et omissions sont susceptibles de faire l’objet d’un cumul des poursuites et des sanctions ainsi que la coordination entre les deux autorités compétentes, que les deux procédures aient été menées de manière suffisamment coordonnée dans un intervalle de temps rapproché et que l’ensemble des sanctions imposées corresponde à la gravité des infractions commises.

(...) »

3. Arrêt de la CJUE (Grande Chambre) Garlsson Real Estate et autres du 20 mars 2018 (C-537/16, EU:C:2018:193)

128. Dans cet arrêt, ayant pour objet une demande de décision préjudicielle introduite par la Cour de cassation italienne et portant sur l’interprétation de l’article 50 de la Charte (paragraphe 117 ci-dessus) lu à la lumière de l’article 4 du protocole no 7 à la Convention dans le cadre d’un litige opposant la Garlsson Real Estate, alors en liquidation, M. Stefano Ricucci et la Magiste International SA à la Commission nationale des sociétés et de la bourse (Commissione Nazionale per le Società e la Borsa), au sujet de la légalité d’une sanction administrative pécuniaire qui leur avait été infligée en raison d’infractions à la législation sur les manipulations de marché, la CJUE s’est prononcée comme suit :

« (...)

46. En ce qui concerne la question de savoir si la limitation du principe ne bis in idem résultant d’une réglementation nationale telle que celle en cause au principal répond à un objectif d’intérêt général, il ressort du dossier à la disposition de la Cour que cette réglementation vise à protéger l’intégrité des marchés financiers de l’Union et la confiance du public dans les instruments financiers. Eu égard à l’importance que la jurisprudence de la Cour accorde, aux fins de réaliser cet objectif, à la lutte contre les infractions à l’interdiction de manipulations de marché (voir, en ce sens, arrêt du 23 décembre 2009, Spector Photo Group et Van Raemdonck, C-45/08, EU:C:2009:806, points 37 et 42), un cumul de poursuites et de sanctions de nature pénale peut se justifier lorsque ces poursuites et ces sanctions visent, en vue de la réalisation d’un tel objectif, des buts complémentaires ayant pour objet, le cas échéant, des aspects différents du même comportement infractionnel concerné, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

47. À cet égard, en matière d’infractions liées aux manipulations de marché, il paraît légitime qu’un État membre veuille, d’une part, dissuader et réprimer tout manquement, qu’il soit intentionnel ou non, à l’interdiction de manipulations de marché en infligeant des sanctions administratives fixées, le cas échéant, de manière forfaitaire et, d’autre part, dissuader et réprimer des manquements graves à une telle interdiction, qui sont particulièrement néfastes pour la société et qui justifient l’adoption de sanctions pénales plus sévères.

48. S’agissant du respect du principe de proportionnalité, celui-ci exige que le cumul de poursuites et de sanctions prévu par une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, ne dépasse pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par cette réglementation, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés par celle-ci ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir, en ce sens, arrêts du 25 février 2010, Müller Fleisch, C-562/08, EU:C:2010:93, point 43 ; du 9 mars 2010, ERG e.a., C-379/08 et C‑380/08, EU:C:2010:127, point 86, ainsi que du 19 octobre 2016, EL-EM-2001, C‑501/14, EU:C:2016:777, points 37 et 39 ainsi que jurisprudence citée).

(...)

51. Quant à son caractère strictement nécessaire, une réglementation nationale telle que celle en cause au principal doit, tout d’abord, prévoir des règles claires et précises permettant au justiciable de prévoir quels actes et omissions sont susceptibles de faire l’objet d’un tel cumul de poursuites et de sanctions.

54. Ensuite, une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, doit assurer que les charges résultant, pour les personnes concernées, d’un tel cumul soient limitées au strict nécessaire afin de réaliser l’objectif visé au point 46 du présent arrêt.

55. S’agissant, d’une part, du cumul de procédures de nature pénale qui, ainsi qu’il ressort des éléments figurant dans le dossier, sont conduites de manière indépendante, l’exigence rappelée au point précédent implique l’existence de règles assurant une coordination visant à réduire au strict nécessaire la charge supplémentaire que comporte un tel cumul pour les personnes concernées.

(...)

63. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que l’article 50 de la Charte doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui permet de poursuivre une procédure de sanction administrative pécuniaire de nature pénale contre une personne en raison d’agissements illicites constitutifs de manipulations de marché pour lesquels une condamnation pénale définitive a déjà été prononcée à son encontre, dans la mesure où cette condamnation est, compte tenu du préjudice causé à la société par l’infraction commise, de nature à réprimer cette infraction de manière effective, proportionnée et dissuasive.

(...)

68 Partant, il y a lieu de répondre à la seconde question que le principe ne bis in idem garanti à l’article 50 de la Charte confère aux particuliers un droit directement applicable dans le cadre d’un litige tel que celui au principal. »

EN DROIT

1. JONCTION DES REQUÊTES

129. Eu égard à la similarité de l’objet des requêtes, la Cour juge opportun d’ordonner leur jonction (article 42 § 1 du règlement de la Cour).

2. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 4 du protocole nO 7 à LA CONVENTION (requête no 48047/15)

130. Invoquant l’article 4 du Protocole no 7 à la Convention, le requérant se plaint d’avoir été poursuivi trois fois pour les mêmes faits. Il dénonce également un rejet de toutes les demandes qu’il a formulées au niveau interne à cet égard, y voyant une atteinte à son droit à un recours effectif garanti par l’article 13 de la Convention.

131. Maîtresse de la qualification juridique des faits de la cause (Radomilja et autres c. Croatie [GC], nos 37685/10 et 22768/12, §§ 114 et 126, CEDH 2018), la Cour estime approprié d’analyser le grief du requérant sous l’angle du seul article 4 § 1 du Protocole no 7 à la Convention, qui est ainsi libellé :

« Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même État en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet État. »

1. Sur la recevabilité
1. La déclaration du Portugal relative à l’article 4 du Protocole no 7 à la Convention

a) Arguments des parties

1. Le Gouvernement

132. Le Gouvernement expose que le Portugal a fait une déclaration selon laquelle il faut entendre par « infraction », au sens des articles 2 à 4 du Protocole no 7, toute infraction qualifiée de pénale par le droit interne. Il ajoute que le droit portugais ne considère pas les infractions administratives comme « pénales » et qu’il existe, au niveau interne, une distinction claire entre les infractions administratives et les infractions pénales. Il relève en particulier ce qui suit.

Premièrement, selon l’article 1 § 1 du CP (paragraphe 104 ci-dessus), une infraction pénale s’entend de tout acte décrit et déclaré passible d’une peine, conformément au principe de légalité qui permet ainsi de déterminer avec certitude ce qui constitue, ou non, une infraction pénale en droit portugais. En revanche, l’article 1 du RGCO (paragraphe 113 ci-dessus) définit les infractions administratives comme tout acte illicite et prohibé passible d’une amende administrative.

Deuxièmement, les infractions pénales et les infractions administratives sont régies par des droits matériels et procéduraux distincts et sanctionnées par des entités différentes.

Troisièmement, les infractions pénales peuvent être punies d’une peine d’emprisonnement, ce qui n’est pas le cas des infractions administratives qui ne peuvent donner lieu qu’à des amendes administratives.

133. Le Gouvernement en déduit que l’article 4 du Protocole no 7 à la Convention n’est pas applicable aux procédures ayant été menées contre le requérant devant la CMVM et devant la BdP (paragraphes 40 et 80 ci-dessus).

2. Le requérant

134. Le requérant réplique que la déclaration formulée par le Portugal ne saurait avoir la portée d’une réserve au sens de l’article 57 de la Convention, pour les mêmes raisons, selon lui, que celles qui ont conduit la Cour, dans l’affaire Grande Stevens et autres c. Italie, (nos 18640/10 et 4 autres, 4 mars 2014), à déclarer invalide la déclaration, qu’il allègue être similaire à celle du Portugal, qui avait alors été invoquée par le gouvernement italien. Il soutient, tout d’abord, que la déclaration du Portugal présente un caractère général. Il observe ensuite qu’elle ne comporte pas de référence à une loi qui aurait été en vigueur au moment où elle a été faite.

135. Par ailleurs, le requérant relève qu’au moment où ladite déclaration a été formulée par le Portugal, l’arrêt Öztürk c. Allemagne (21 février 1984, série A no 73), selon lequel les infractions administratives sont considérées comme des infractions « pénales » au sens de la Convention et de ses Protocoles additionnels, avait déjà été prononcé.

136. Il conclut que, vu le sens autonome des notions d’infraction ou d’accusation pénale dans le cadre de la Convention, la réserve du Portugal aurait dû spécifier qu’elle excluait les infractions administratives desdites notions.

b) Appréciation de la Cour

137. La Cour note que, dans l’instrument de ratification du Protocole no 7 à la Convention, déposé le 20 décembre 2004, le Portugal a fait la déclaration suivante :

« Par « infraction pénale » et « infraction », aux articles 2 et 4 du présent Protocole, le Portugal considère seulement les faits qui constituent une infraction pénale d’après son droit interne. »

138. Elle estime que cette déclaration s’analyse en une « réserve » au sens de l’article 57 de la Convention (comparer avec Gradinger c. Autriche, 23 octobre 1995, § 50, série A no 328-C). Il convient donc d’examiner si elle satisfait aux exigences de l’article 57 de la Convention (ibidem, et Grande Stevens et autres, précité, § 206), qui est ainsi libellé :

« 1. Tout État peut, au moment de la signature de la (...) Convention ou du dépôt de son instrument de ratification, formuler une réserve au sujet d’une disposition particulière de la Convention, dans la mesure où une loi alors en vigueur sur son territoire n’est pas conforme à cette disposition. Les réserves de caractère général ne sont pas autorisées aux termes du présent article.

2. Toute réserve émise conformément au présent article comporte un bref exposé de la loi en cause. »

1. Principes généraux en matière de réserves

139. La Cour rappelle que, pour être valable, une réserve doit répondre aux conditions suivantes :

1) elle doit être émise au moment où la Convention ou ses Protocoles sont signés ou ratifiés ;

2) elle doit concerner une disposition particulière de la Convention ;

3) elle doit porter sur des lois déterminées en vigueur à l’époque de la ratification ;

4) elle ne doit pas revêtir un caractère général ;

5) elle doit comporter un bref exposé de la loi visée (Benavent Díaz c. Espagne (déc.), no [46479/10](https://hudoc.echr.coe.int/eng#%7B%22appno%22:%5B%2246479/10%22%5D%7D), § 47, 31 janvier 2017, et les références qui y sont citées).

140. La Cour a eu l’occasion de préciser que l’article 57 § 1 de la Convention exige de la part des États contractants « précision et clarté », et qu’en leur demandant de soumettre un bref exposé de la loi en cause cette disposition n’impose pas une « simple exigence de forme » mais édicte une « condition de fond » qui constitue « à la fois un élément de preuve et un facteur de sécurité juridique » (Grande Stevens et autres, précité, § 208).

141. En outre, par « réserve de caractère général », l’article 57 § 1 de la Convention entend une réserve ne se rapportant pas à une disposition spécifique de la Convention, ou bien rédigée en des termes trop vagues ou amples pour que l’on puisse en apprécier le sens et le champ d’application exacts. Le libellé de la déclaration doit permettre de mesurer au juste la portée de l’engagement de l’État contractant, en particulier quant aux catégories de litiges visés, et ne doit pas se prêter à différentes interprétations (Belilos c. Suisse, 29 avril 1988, § 55, série A no 132, et Benavent Díaz, décision précitée, § 50).

142. La Cour rappelle également que même des difficultés pratiques importantes dans l’indication et la description de toutes les dispositions concernées par la réserve ne sauraient justifier le non-respect des conditions édictées à l’article 57 de la Convention (Liepājnieks c. Lettonie (déc.), no 37586/06, § 54, 2 novembre 2010).

2. Application de ces principes à la présente espèce

143. En l’espèce, la Cour constate que la réserve faite par le Portugal, à l’instar de celles formulées par l’Autriche et par l’Italie (Gradinger, précité, § 51 et Grande Stevens, précité, § 210), ne contient pas de « bref exposé » de la loi qui ne serait pas conforme à l’article 4 du Protocole no 7 à la Convention, contrairement à ce qu’exige l’article 57 § 2 de la Convention (voir, a contrario, Benavent Díaz, décision précitée, § 62). Certes, comme le soutient le Gouvernement (paragraphe 132 ci-dessus), l’on peut déduire du libellé de la réserve en question que le Portugal a entendu exclure du champ d’application de l’article 4 du Protocole no 7 toutes les procédures qui ne sont pas qualifiées de pénales par le droit interne. Cependant, une réserve, qui n’invoque ni ne mentionne les dispositions spécifiques du droit portugais excluant des infractions ou des procédures du champ d’application de l’article 4 du Protocole no 7, n’offre pas à un degré suffisant la garantie qu’elle ne va pas au-delà des dispositions explicitement écartées par l’État contractant (comparer avec Gradinger, précité, § 51, et Grande Stevens, précité, § 210 ; voir également, a contrario, Kozlova et Smirnova c. Lettonie (déc.), no 57381/00, CEDH 2001‑XI).

144. Eu égard à ce qui précède, la même conclusion que celle à laquelle la Cour a abouti dans les affaires Gradinger (arrêt précité, § 51) et Grande Stevens (arrêt précité, § 211) s’impose dans la présente espèce. Ainsi, la Cour estime que la réserve formulée par le Portugal ne satisfait pas aux exigences posées par l’article 57 § 2 de la Convention. Elle ne peut donc la considérer comme valable, sans qu’il lui soit nécessaire de se pencher de surcroît sur le respect des autres conditions posées par l’article 57 de la Convention (paragraphe 139 ci-dessus).

2. Sur l’exception tirée d’une incompatibilité ratione materiae

a) Arguments des parties

145. Le Gouvernement soulève en outre une exception d’incompatibilité ratione materiae. Il soutient que les procédures administratives qui ont été menées contre le requérant devant la CMVM et devant la BdP ne peuvent être qualifiées de « pénales », selon le sens autonome donné à ce terme par la Convention, et que par conséquent l’article 4 du Protocole no 7 n’est pas applicable en l’espèce.

146. Le requérant conteste l’exception présentée par le Gouvernement. Il considère que les infractions qui lui étaient reprochées par la CMVM et par la BdP sont de nature pénale, nonobstant leur qualification formelle d’infractions administratives. Se référant aux critères « Engel », il allègue que les procédures engagées par la CMVM et par la BdP ont un caractère infamant et visent à protéger tant les investisseurs que l’efficacité et la transparence des marchés financiers au moyen d’une régulation et d’une supervision effectuées par les deux entités en question. Il ajoute que les sanctions encourues sont sévères, et qu’elles présentent ainsi un caractère punitif, se référant, sur ces points, aux arrêts Grande Stevens et autres (précité) et Nodet c. France (no 47342/14, 6 juin 2019).

b) Appréciation de la Cour

1. Les principes généraux

147. La Cour rappelle que l’article 4 du Protocole no 7, qui consacre le principe non bis in idem (interdiction de la double incrimination), ne s’applique qu’au jugement et à la condamnation d’une personne dans le cadre d’un « procès pénal » (A et B c. Norvège [GC], nos 24130/11 et 29758/11, § 103, 15 novembre 2016). Il n’est donc applicable que s’il a été constaté que l’une des procédures concernées était constitutive de poursuites ou d’une condamnation de nature « pénale » (Paksas c. Lituanie [GC], no 34932/04, § 68, CEDH 2011 (extraits), et Seražin c. Croatie (déc.), no 19120/15, § 63, 9 octobre 2018).

148. À cet égard, la Cour souligne que la qualification juridique de la procédure en droit interne ne saurait être le seul critère pertinent pour l’applicabilité du principe non bis in idem au regard de l’article 4 § 1 du Protocole no 7. S’il en était autrement, l’application de cette disposition se trouverait subordonnée à l’appréciation des États contractants, ce qui risquerait de conduire à des résultats incompatibles avec l’objet et le but de la Convention. Les termes « procédure pénale » employés dans le texte de l’article 4 du Protocole no 7 doivent être interprétés à la lumière des principes généraux applicables aux expressions « accusation en matière pénale » (« criminal charge ») et « peine » (« penalty ») figurant respectivement à l’article 6 et à l’article 7 de la Convention (Sergueï Zolotoukhine c. Russie [GC], no 14939/03, § 52, CEDH 2009, avec d’autres références).

149. En particulier, comme la Cour l’a précisé dans l’arrêt A et B c. Norvège (précité, § 107), les critères Engel constituent le modèle à suivre pour déterminer aux fins de l’application de l’article 4 du Protocole no 7 si la procédure en cause est « pénale » et si, dès lors, le principe non bis in idem entre en jeu (voir aussi Jóhannesson et autres c. Islande, no 22007/11, § 43, 18 mai 2017, Ghoumid et autres c. France, no 52273/16 et 4 autres, § 68, 25 juin 2020, et Velkov c. Bulgarie, no 34503/10, § 45, 21 juillet 2020). Le premier de ces critères est la qualification juridique de l’infraction en droit interne, le second la nature même de l’infraction ou de la mesure appliquée et le troisième le degré de sévérité de la sanction que risque de subir l’intéressé. Les deuxième et troisième critères sont alternatifs et pas nécessairement cumulatifs. Cela n’empêche pas l’adoption d’une approche cumulative si l’analyse séparée de chaque critère ne permet pas d’aboutir à une conclusion claire quant à l’existence d’une accusation en matière pénale (Sergueï Zolotoukhine, précité, § 53, Mihalache c. Roumanie [GC], no 54012/10, § 54, 8 juillet 2019, et Ghoumid et autres, précité, § 68).

2. Application de ces principes à la présente espèce

α) Procédure devant la CMVM

150. En l’espèce, la Cour note que le requérant a été condamné, à l’issue de la procédure engagée contre lui par la CMVM, à une amende administrative globale de 480 000 EUR pour trois infractions très graves de divulgation de fausses informations au marché financier (paragraphes 40, 44, 53 et 65 ci-dessus), en application des articles 388 § 1 a) et 389 § 1 a) du CVM et de l’article 19 du RGCO (paragraphes 108, 110 et 113 ci-dessous). Bien que la procédure devant la CMVM soit qualifiée d’administrative au niveau interne, la Cour renvoie à son analyse dans la décision Costa Santos ((déc.), no 64144/14, §§ 60-62, 19 septembre 2023) et réitère la conclusion à laquelle elle est parvenue dans cette affaire, à savoir qu’une telle procédure présente un caractère « pénal », au sens autonome de la Convention (ibidem, § 63).

β) Procédure devant la BdP

151. Pour ce qui est de la procédure menée devant la BdP, la Cour note que le requérant était poursuivi pour présentation d’informations fausses et incomplètes et faux en écriture comptable, sur le fondement de l’article 211 g) et r) du RGICSF (paragraphes 80 et 106 ci-dessus). Elle constate que cette procédure s’est soldée par une déclaration de prescription de l’action publique concernant une partie des chefs d’accusation retenus contre lui et par un acquittement quant au reste des poursuites (paragraphe 97 ci-dessus).

152. À l’aune des critères Engel exposés au paragraphe 149 ci‑dessus, la Cour retient qu’à l’instar de la procédure engagée par la CMVM, la procédure qui s’est tenue devant la BdP n’était pas qualifiée de « pénale » en droit interne, ainsi que l’a d’ailleurs observé le Gouvernement (paragraphe 132 ci-dessus). Elle relève ensuite que la BdP est la banque centrale du Portugal (paragraphes 8 et 105 ci-dessus), et qu’elle est ainsi investie d’une mission d’intérêt général, consistant en la sauvegarde de la stabilité du système financier pour éviter tout effet systémique (voir, à cet égard, Freire Lopes c. Portugal (déc.), no 58598/21, § 58, 31 janvier 2023), comme l’a rappelé dans la présente espèce la cour d’appel de Lisbonne, dans son arrêt du 9 juin 2015 (paragraphe 92 ci‑dessus). Il s’agit là d’intérêts généraux de la société normalement protégés par le droit pénal (voir, mutatis mutandis, Grande Stevens et autres, précité, § 96, et Edizioni Del Roma Societa Cooperativa A.R.L. et Edizioni del Roma S.R.L. c. Italie, nos 68954/13 et 70495/13, § 41, 10 décembre 2020, avec les références qui y sont citées).

153. Pour ce qui est du degré de sévérité de la sanction, la Cour note que, si les infractions administratives en cause, qualifiées de « spécialement graves » par l’article 211 du RGICSF (paragraphe 106 ci-dessus), n’étaient pas passibles d’une peine d’emprisonnement, ledit article, dans sa version en vigueur au moment des faits, prévoyait une amende administrative pouvant aller de 200 000 PTE, soit environ 40 000 EUR, à 20 000 000 PTE, soit environ 100 000 EUR, pour chaque infraction administrative. Elle est d’avis qu’il s’agissait de sommes non négligeables. De plus, la Cour constate que cette amende administrative pouvait être assortie de sanctions accessoires, consistant notamment en une incapacité d’exercer des fonctions sociales ou administratives ou des fonctions dirigeantes dans un institution de crédit ou une société financière, en application de l’article 212 du RGICSF (paragraphe 106 ci-dessus). Le caractère punitif des sanctions encourues dans le cadre des procédures diligentées par la BdP paraît donc évident.

154. À la lumière de l’ensemble de ces considérations, la Cour estime que les normes sur lesquelles se fondait une telle procédure poursuivaient à la fois un but préventif et répressif (comparer avec Grande Stevens et autres, précité, § 96, Edizioni Del Roma Societa Cooperativa A.R.L. et Edizioni del Roma S.R.L., précité, § 41, et Costa Santos, précité, § 61). La procédure engagée par la BdP contre le requérant avait donc un caractère « pénal » au sens autonome de la Convention.

γ) Conclusion

155. Au vu des observations qui précèdent (paragraphes 150 et 154 ci‑dessus), la Cour conclut que l’article 4 du Protocole no 7 à la Convention trouve à s’appliquer en l’espèce. L’exception du Gouvernement tirée d’une incompatibilité ratione materiae avec la disposition invoquée par le requérant doit être rejetée.

3. Conclusion quant à la recevabilité

156. Constatant, par ailleurs, que le grief fondé sur l’article 4 du Protocole no 7 à la Convention n’est pas manifestement mal fondé ni irrecevable pour un autre motif visé à l’article 35 de la Convention, la Cour le déclare recevable.

2. Sur le fond
1. Arguments des parties

a) Le requérant

157. Le requérant se plaint d’avoir été poursuivi trois fois, à savoir par les juridictions pénales, par la CMVM et par la BdP, pour les mêmes faits. Il considère que cette situation résulte d’un problème systémique qui découle du RGICSF et du CVM (paragraphes 105-107 ci-dessus). Se référant aux arrêts Grande Stevens et autres (précité) et Sergueï Zolotoukhine (précité), il soutient que les trois procédures litigieuses concernaient les mêmes faits matériels, et allègue que les décisions qui ont été rendues, respectivement, par les juridictions pénales, par la CMVM et par la BdP reconnaissent la similitude des faits et leurs liens dans le temps et l’espace. Il explique en particulier que, dans le cadre des trois procédures, il lui était reproché d’avoir autorisé des opérations financières au travers de sociétés offshore, et d’avoir caché les pertes financières de la BCP et émis de fausses informations concernant la relation entre la BCP et lesdites sociétés offshore.

158. Le requérant avance, par ailleurs, que les procédures litigieuses ne présentaient pas un lien matériel et temporel suffisamment étroit entre elles pour pouvoir être considérées comme complémentaires ou mixtes, à l’aune de l’arrêt A et B c. Norvège (précité). D’après lui, en l’espèce, les procédures auraient plutôt « coïncidé » dans le temps. Admettant que les autorités concernées ont procédé à quelques échanges d’informations concernant lesdites procédures, il soutient que ceci ne saurait être suffisant pour conclure que les enquêtes et les poursuites ont été coordonnées. Il allègue, à cet égard, que les preuves n’ont été partagées ni partiellement, ni globalement entre les différentes autorités, mais qu’au contraire, elles ont été produites de façon autonome dans chaque procédure. À titre d’exemple, il relève que les mêmes témoins et lui-même ont été entendus par chaque autorité de façon séparée et indépendante. Ainsi, il argue que la répétition des poursuites a impliqué une répétition du recueil des moyens de preuve, ce qui, explique-t-il, a obligé ses avocats à se préparer pour diverses audiences parfois très proches dans le temps. Le requérant en déduit que les conditions établies dans l’arrêt A et B c. Norvège (précité, § 132) ne sont pas remplies. En l’absence d’une réelle coordination entre les entités concernées, il estime avoir fait l’objet, pendant dix ans, de trois procédures relatives aux mêmes faits.

159. Le requérant observe que, conformément à l’article 420 § 3 du CVM, pris dans sa rédaction issue de la loi no 28/2017 du 30 mai 2017 (paragraphe 111 ci-dessus), qui lui était, à cet égard, plus favorable, la sanction accessoire prononcée par la CMVM a, certes, été considérée comme éteinte dès lors qu’elle avait été exécutée dans le cadre de la procédure devant la BdP (paragraphe 66 ci-dessus). Selon lui, cette mesure n’a toutefois été appliquée qu’à la suite de la demande qu’il avait formulée en ce sens, les autorités n’ayant jamais cherché, ajoute-t-il, à alléger la charge qui pesait sur lui en raison de la multiplication des procédures. Il déplore également que la fatigue provoquée par la répétition de poursuites, les coûts engagés pour les diverses procédures et l’interdiction d’exercer dans le secteur financier n’aient pas été pris en considération par les autorités internes.

160. Le requérant signale qu’au demeurant, il a été acquitté à l’issue de la procédure devant la BdP alors que la sanction accessoire qui avait été prononcée contre lui avait déjà été exécutée pendant cinq ans (paragraphes 85 et 97 ci-dessus). Il expose, à cet égard, que l’acquittement en question n’a eu aucun effet à l’égard des autres procédures.

161. Le requérant se plaint par ailleurs de ce que les autorités ont refusé d’appliquer l’article 420 § 2 du CVM, conjointement avec l’article 399-A § 1 b) du CVM, dans leurs rédactions issues de la loi no 28/2017 du 30 mai 2017 (paragraphe 111 ci-dessus), expliquant que pareille application aurait abouti à la clôture par la CMVM de la procédure menée devant elle étant donné que les faits reprochés ne pouvaient être poursuivis qu’en tant qu’infraction pénale, et non pas également comme infraction administrative.

162. Il considère en outre que les autorités de poursuite sont parvenues à des conclusions différentes à l’égard de mêmes faits. Il explique ainsi, à titre d’exemple, qu’il a été condamné par la CMVM pour toutes les infractions administratives qui avaient trait aux sociétés offshore, alors que les juridictions pénales ne sont pas entrées en voie de condamnation concernant une partie des sociétés en question. Il fait observer que les autorités auraient pu faire application de l’article 20 du RGCO (paragraphe 113 ci-dessus) et n’organiser qu’une seule procédure pénale concernant les faits litigieux.

163. Le requérant estime être dans une situation similaire à celle du requérant dans l’affaire Nodet (précitée), laquelle a donné lieu, devant la Cour, à un constat de violation de l’article 4 du Protocole no 7 à la Convention. Il invite donc la Cour à conclure dans le même sens en l’espèce.

b) Le Gouvernement

164. Le Gouvernement reconnaît qu’il existe un contexte commun aux trois procédures, d’autant qu’elles ont toutes été ouvertes à la suite d’une plainte émanant de la même personne (paragraphes 8-9 ci-dessus). Cela étant, d’après lui, les faits poursuivis dans le cadre, d’une part, de la procédure pénale et, d’autre part, des deux procédures administratives, sont distincts. Il s’appuie à cet égard sur l’analyse faite par la cour d’appel de Lisbonne dans les arrêts du 25 février 2015 (paragraphe 34 ci-dessus) et du 9 juin 2015 (paragraphes 91-96 ci-dessus) relatifs, respectivement, à la procédure pénale et à la procédure engagée par la BdP.

165. Le Gouvernement soutient ensuite qu’en admettant même que les trois procédures avaient trait aux mêmes faits, on ne saurait conclure à une duplication de procédures. En effet, d’après lui, l’ouverture des trois procédures constituait une réponse adéquate et proportionnée aux comportements litigieux du requérant, eu égard au contexte de l’affaire et aux objectifs poursuivis par chacune des procédures. Il argue qu’en tant qu’administrateur de la BCP, à savoir une institution de crédit et d’intermédiation financière émettant des valeurs mobilières, le requérant aurait pu prévoir la tenue des trois procédures litigieuses contre lui dès lors que la BCP se trouvait, en raison de ses activités, sous la supervision de la BdP et de la CMVM.

166. Le Gouvernement ajoute que les objectifs poursuivis par les trois procédures sont complémentaires eu égard aux intérêts protégés. Il expose, ainsi, que la procédure pénale ouverte pour manipulation du marché avait pour but, aux termes de l’article 379 § 1 du CVM (paragraphes 10 et 108 ci‑dessus), de protéger l’intérêt général de la société à disposer d’un marché financier fonctionnant d’une manière régulière, et que la procédure engagée par la CMVM portait sur l’activité de la BCP en tant qu’intermédiaire financier émetteur de valeurs mobilières, la finalité des infractions administratives prévues aux articles 7 et 389 du CVM (paragraphes 108-110 ci-dessus) étant, précise-t-il, de protéger la transparence du marché financier et de garantir la divulgation d’informations de qualité pour les investisseurs. Quant à la procédure diligentée par la BdP, il indique qu’elle visait le requérant en sa qualité d’administrateur d’une institution bancaire, et que les infractions administratives prévues à l’article 211 g) et r) du RGICSF (paragraphes 80 et 106 ci-dessus) avaient pour objectif de garantir la possibilité pour la BdP de remplir sa mission de supervision du secteur bancaire. Le Gouvernement souligne, au demeurant, que tant les procédures menées par la CMVM que celles lancées par la BdP concernent des entités qui se trouvent sous la supervision desdites autorités en raison de leurs activités, autrement dit, selon lui, des entités qui se sont placées délibérément sous leur contrôle.

167. Aussi, de l’avis du Gouvernement, les procédures ont été conduites en parallèle, de façon concertée et complémentaire. Il relève, sur ce point, que les audiences qui se sont tenues dans les trois procédures ont eu lieu quasi simultanément. Notant ensuite que les trois autorités ont coopéré entre elles, conformément à l’article 81 § 1 du RGICSF et à l’article 374 § 1 du CVM (paragraphes 106 et 108 ci-dessus), il affirme que l’échange d’informations auquel elles ont procédé a permis d’éviter une multiplication des processus de collecte des moyens de preuve. Il ajoute que chacune des autorités a pris en considération les décisions rendues dans les autres procédures concernant le requérant, conformément à l’article 208 du RGICSF et à l’article 420 § 3 du CVM (paragraphes 106 et 108 ci-dessus), et qu’elles ont veillé, ainsi, à ce que l’intéressé ne supportât pas un fardeau excessif. Le Gouvernement en conclut que les critères établis dans l’arrêt A. et B. c. Norvège (précité) ont été respectés.

2. Appréciation de la Cour

168. La Cour rappelle que l’article 4 du Protocole no 7 à la Convention consacre un droit fondamental en vertu duquel nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif (Mihalache, précité, § 48, Sergueï Zolotoukhine, précité, § 58, et Velkov c. Bulgarie, no 34503/10, § 44, 21 juillet 2020). La réitération du procès ou de la peine est l’élément central de la situation juridique visée par l’article 4 du Protocole no 7 (Mihalache, précité, § 48, et Nikitine c. Russie, no 50178/99, § 35, CEDH 2004-VIII).

a) Les procédures litigieuses visaient-elles les mêmes faits (« idem ») ?

1. Principes généraux

169. La Cour constate que, tel qu’il est libellé, le premier paragraphe de l’article 4 du Protocole no 7 énonce les trois composantes du principe non bis in idem : les deux procédures doivent être de nature « pénale », elles doivent viser les mêmes faits et il doit s’agir d’une répétition des poursuites (Mihalache, précité, § 49, et Velkov, précité, § 44).

170. L’article 4 du Protocole no 7 doit être compris comme interdisant de poursuivre ou de juger une personne pour une seconde « infraction » pour autant que celle-ci a pour origine des faits identiques ou des faits qui sont en substance les mêmes (Sergueï Zolotoukhine, précité, § 82, A et B c. Norvège, précité, § 108, et Mihalache, précité, § 67).

171. L’exposé des faits concernant l’infraction pour laquelle le requérant a déjà été jugé et l’exposé des faits se rapportant à la seconde infraction dont il est accusé constituent un utile point de départ pour l’examen par la Cour de la question de savoir si les faits des deux procédures sont identiques ou en substance les mêmes (Sergueï Zolotoukhine, précité, § 83). La Cour doit faire porter son examen sur ces faits qui constituent un ensemble de circonstances factuelles concrètes impliquant le même contrevenant et indissociablement liées entre elles dans le temps et l’espace, l’existence de ces circonstances devant être démontrée pour qu’une condamnation puisse être prononcée ou que des poursuites pénales puissent être engagées (Sergueï Zolotoukhine, précité, § 84, et Ramda c. France, no 78477/11, § 83, 19 décembre 2017).

2. Application de ces principes à la présente espèce

172. En l’espèce, nul ne conteste la nature pénale de la procédure qui s’est déroulée devant les juridictions pénales. Comme l’a déjà relevé la Cour, les procédures devant la CMVM et la BdP étaient également de nature « pénale », au sens autonome donné à ce terme sur le terrain de l’article 4 du Protocole no 7 (paragraphes 150, 154 et 155 ci-dessus).

173. La Cour constate ensuite que les parties divergent sur le point de savoir si les procédures litigieuses visaient les mêmes faits (paragraphes 157 et 164 ci-dessus).

174. Pour sa part, la Cour note que les trois procédures ont été diligentées à la suite d’une lettre envoyée par J.B., un actionnaire de la BCP, à la CMVM et à la BdP le 28 novembre 2007, puis au procureur-général de la République, et complétée d’un écrit additionnel le 11 décembre 2007 (paragraphes 8, 9, 10, 40 et 80 ci-dessus). Elle relève ensuite que J.B. y dénonçait les manœuvres mises en place par le conseil d’administration de la BCP, lesquelles consistaient en un système de « trading circulaire » reposant sur des sociétés offshore qui se trouvaient sous le contrôle de la banque (paragraphes 5-7 ci‑dessus). Or, tant la procédure pénale que les procédures administratives engagées contre le requérant par la CMVM et la BdP à la suite de cette dénonciation portaient sur l’utilisation de sociétés offshore, constituées et financées par la BCP, pour acheter et vendre des actions de la banque en question, ainsi que sur l’occultation des pertes de celle-ci (paragraphes 20, 43 et 83 ci-dessus). La Cour peut donc accepter que les faits ayant fait l’objet des trois procédures litigieuses étaient essentiellement les mêmes (voir, mutatis mutandis, Bragi Guðmundur Kristjánsson c. Islande, no 12951/18, § 53, 31 août 2021).

b) Y-a-t-il eu une décision définitive ?

1. Principes généraux

175. La Cour rappelle que l’article 4 du Protocole no 7 a pour objet de prohiber la répétition de procédures pénales « définitivement » clôturées. D’après le rapport explicatif sur le Protocole no 7, rapport qui se réfère lui‑même à la Convention européenne sur la valeur internationale des jugements répressifs, une décision est définitive « si elle est, selon l’expression consacrée, passée en force de chose jugée. Tel est le cas lorsqu’elle est irrévocable, c’est-à-dire lorsqu’elle n’est pas susceptible de voies de recours ordinaires ou que les parties ont épuisé ces voies ou laissé passer les délais sans les exercer ». Cette approche est bien établie dans la jurisprudence de la Cour (Sergueï Zolotoukhine, précité, § 107, avec d’autres références).

176. Les décisions susceptibles d’un recours ordinaire ne bénéficient pas de la garantie que renferme l’article 4 du Protocole no 7 tant que le délai d’appel n’est pas expiré. En revanche, les recours extraordinaires ne sont pas pris en compte lorsqu’il s’agit de déterminer si la procédure a été définitivement clôturée (ibidem, § 108).

177. Ainsi, pour vérifier si une décision est « définitive » au sens de l’article 4 du Protocole no 7, il faut déterminer si elle est susceptible d’un « recours ordinaire ». Pour établir quels sont les « recours ordinaires » dans une affaire donnée, la Cour part du droit et de la procédure internes. Elle estime que le droit interne – matériel et procédural – doit satisfaire au respect du principe de sécurité juridique qui exige, d’une part, qu’aux fins de l’article 4 du Protocole no 7 l’étendue d’un recours soit clairement délimitée dans le temps, et, d’autre part, que les modalités de son exercice soient claires pour les parties autorisées à s’en prévaloir. En d’autres termes, pour que soit respecté le principe de sécurité juridique, qui est inhérent au droit à ne pas être jugé ou puni deux fois pour la même infraction, un recours doit opérer de manière à ce qu’il n’y ait aucune ambiguïté possible quant au moment où une décision devient définitive. En particulier, la Cour remarque dans ce contexte que la nécessité de prévoir un délai pour qu’un recours puisse être considéré comme « ordinaire » ressort implicitement du texte même du rapport explicatif, qui indique que la décision est irrévocable si les parties ont laissé passer « les délais » d’exercice d’une telle voie de droit. Une loi qui conférerait un pouvoir illimité à l’une des parties pour l’exercice d’un certain recours ou qui encadrerait un certain recours par des conditions mettant en évidence un déséquilibre important entre les pouvoirs des parties dans l’exercice dudit recours irait à l’encontre du principe de sécurité juridique (Mihalache, précité, § 115).

2. Application de ces principes à la présente espèce

178. En l’espèce, la Cour note que si les procédures en question ont été ouvertes plus ou moins au même moment, elles ont été clôturées à des dates différentes. Ainsi :

– la procédure administrative engagée par la BdP s’est conclue par un arrêt de la cour d’appel de Lisbonne du 9 juin 2015, ayant acquis force de chose jugée le 26 juin 2015 (paragraphes 91-96 ci-dessus).

– la procédure pénale s’est soldée par un arrêt de la cour d’appel de Lisbonne du 25 février 2015, ayant acquis force de chose jugée le 14 juillet 2016 (paragraphes 34 et 37 ci-dessus) ;

– la procédure administrative engagée par la CMVM s’est, quant à elle, terminée par un arrêt de la cour d’appel de Lisbonne du 11 juillet 2019 tranchant la question de la fixation de l’amende administrative globale ainsi que de la sanction accessoire finale (paragraphe 68 ci-dessus).

179. Par conséquent, la première procédure à avoir été conclue de manière « définitive » est la procédure administrative engagée par la BdP, suivie de la procédure pénale, puis, enfin, de la procédure diligentée par la CMVM. Cela dit, la Cour estime que cette circonstance est sans incidence sur l’examen, ci‑dessous, de l’articulation des trois procédures entre elles (comparer avec A et B c. Norvège, précité, § 142 et Nodet, précité, § 46).

c) Y-a-t-il eu une répétition des poursuites (« bis ») ou les procédures relèvent‑elles d’un système intégré permettant de réprimer un méfait sous ses différents aspects ?

1. Principes généraux

180. Dans les affaires où l’article 4 du Protocole no 7 entre en jeu, la Cour a pour tâche de déterminer si la mesure nationale spécifique dénoncée constitue, dans sa substance ou dans ses effets, une double incrimination portant préjudice au justiciable ou si, au contraire, elle est le fruit d’un système intégré permettant de réprimer un méfait sous ses différents aspects de manière prévisible et proportionnée et formant un tout cohérent, en sorte de ne causer aucune injustice à l’intéressé (A et B c. Norvège, précité, § 122, et Korneyeva c. Russie, no 72051/17, § 56, 8 octobre 2019). Il ne bannit pas les systèmes juridiques qui traitent de manière « intégrée » le fait socialement répréhensible en question, notamment en réprimant celui-ci dans le cadre de phases parallèles menées par des autorités différentes à des fins différentes (A et B c. Norvège, précité, § 123, et Korneyeva, précité, § 56). L’article 4 du Protocole no 7 n’exclut pas la conduite de procédures mixtes, même jusqu’à leur terme, pourvu que certaines conditions soient remplies. En particulier, pour convaincre la Cour de l’absence de répétition de procès ou de peines (bis) proscrite par l’article 4 du Protocole no 7, l’État défendeur doit établir de manière probante que les procédures mixtes en question étaient unies par un « lien matériel et temporel suffisamment étroit ». Autrement dit, il doit être démontré que ces procédures se combinaient de manière à être intégrées dans un tout cohérent. Cela signifie non seulement que les buts poursuivis et les moyens utilisés pour y parvenir doivent être en substance complémentaires et présenter un lien temporel, mais aussi que les éventuelles conséquences découlant d’une telle organisation du traitement juridique du comportement en question doivent être proportionnées et prévisibles pour le justiciable (A et B c. Norvège, précité, § 130, Jóhannesson et autres c. Islande, no 22007/11, § 49, 18 mai 2017, et Velkov, précité, § 70).

181. Dans l’arrêt A et B c. Norvège (précité, §§ 132‑134), la Cour a donné des exemples d’éléments à prendre en compte pour apprécier le lien matériel et temporel dans le cas de procédures mixtes (voir aussi Jóhannesson et autres, précité, § 49, et Velkov, précité, §§ 71-72).

182. Les éléments pertinents pour l’appréciation de l’existence ou non d’un lien suffisamment étroit du point de vue matériel sont notamment les suivants (A et B c. Norvège, précité, § 132) :

– le point de savoir si les différentes procédures visent des buts complémentaires et concernent ainsi, non seulement in abstracto mais aussi in concreto, des aspects différents de l’acte socialement répréhensible en cause ;

– le point de savoir si la mixité des procédures en question est une conséquence prévisible, aussi bien en droit qu’en pratique, du même comportement incriminé (idem) ;

– le point de savoir si les procédures en question ont été conduites d’une manière permettant d’éviter autant que possible toute répétition dans la collecte et dans l’appréciation des éléments de preuve, notamment grâce à l’existence entre les diverses autorités d’une interaction adéquate, propre à garantir que l’établissement des faits effectué dans l’une des procédures soit repris dans l’autre ;

– et, surtout, le point de savoir si la sanction imposée à l’issue de la procédure arrivée à son terme en premier a été prise en compte dans la procédure ayant pris fin en dernier, de manière à ne pas faire porter en définitive à l’intéressé un fardeau excessif, ce dernier risque étant moins susceptible de se présenter s’il existe un mécanisme compensatoire conçu pour assurer que le quantum global de toutes les peines prononcées est proportionné.

183. De plus, lorsqu’il faut déterminer si l’article 4 du Protocole no 7 a été respecté dans les affaires de procédures mixtes (administratives et pénales), la mesure dans laquelle la procédure administrative présente les caractéristiques d’une procédure pénale ordinaire est un élément important. Des procédures mixtes satisferont plus vraisemblablement aux critères de complémentarité et de cohérence si les sanctions imposables dans la procédure non formellement qualifiée de « pénale » sont spécifiques au comportement en question et ne font donc pas partie du « noyau dur du droit pénal » (voir, à cet égard, Jussila c. Finlande [GC], no 73053/01, § 43, CEDH 2006‑XIV). Si, à titre additionnel, cette procédure n’a pas de caractère véritablement infamant, il y a moins de chances qu’elle fasse peser une charge disproportionnée sur l’accusé. À l’inverse, plus la procédure administrative présente des caractéristiques infamantes la rapprochant dans une large mesure d’une procédure pénale ordinaire, plus les finalités sociales poursuivies par la punition du comportement fautif dans des procédures différentes risquent de se répéter (bis) au lieu de se compléter (A et B c. Norvège, précité, § 133).

184. En ce qui concerne le lien temporel entre les deux procédures, la Cour rappelle que même lorsque le lien matériel est suffisamment solide, la condition du lien temporel demeure et doit être satisfaite. Il ne faut pas en conclure pour autant que les deux procédures doivent être menées simultanément du début à la fin. L’État doit avoir la faculté d’opter pour une conduite progressive des procédures si cela répond à un souci d’efficacité et de bonne administration de la justice, si les procédures poursuivent des finalités sociales différentes et si une telle manière de faire ne cause pas un préjudice disproportionné à l’intéressé. Toutefois, il doit toujours y avoir un lien temporel. Ce lien doit être suffisamment étroit pour que le justiciable ne soit pas en proie à l’incertitude et à des lenteurs, et pour que les procédures ne s’étalent pas trop dans le temps, même dans l’hypothèse où le régime national pertinent prévoit un mécanisme « intégré » comportant un volet administratif et un volet pénal distincts. Plus le lien temporel est ténu, plus il faudra que l’État explique et justifie les lenteurs dont il pourrait être responsable dans la conduite des procédures (A et B c. Norvège, précité, § 134).

2. Application de ces principes à la présente espèce

α) L’existence d’un lien matériel

‒ Les trois procédures visaient-elles des buts complémentaires ?

185. Pour ce qui concerne la question de savoir si les trois procédures visaient des buts complémentaires et concernaient, non seulement in abstracto mais aussi in concreto, des aspects différents de l’acte préjudiciable à la société en cause (voir A et B c. Norvège, précité, § 132, et, dans le même sens, l’arrêt de la CJUE C-27/22, Volkswagen Group Italia et Volkswagen Aktiengesellschaft, § 94, cité au paragraphe 125 ci-dessus), la Cour note que, selon le Gouvernement, les buts poursuivis par les procédures étaient complémentaires dès lors que l’objectif de la procédure pénale était de protéger l’intérêt général de la société à disposer d’un marché financier fonctionnant d’une manière régulière alors que la procédure administrative engagée par la CMVM avait pour finalité la protection des intérêts des investisseurs, et la procédure engagée par la BdP, la protection du système bancaire (paragraphe 166 ci-dessus). Elle constate que le requérant conteste cette thèse (paragraphe 158 ci-dessus).

186. La Cour partage l’avis du Gouvernement et estime que les intérêts protégés par les trois procédures étaient distincts et que celles-ci visaient à réprimer différents aspects des faits reprochés au requérant (comparer avec C.Y. c. Belgique, no 19961/17, § 62, 14 novembre 2023 ; voir également, a contrario, Tsonyo Tsonev c. Bulgarie (no 4), no 35623/11, § 51, 6 avril 2021). En effet, comme l’a relevé la cour d’appel de Lisbonne dans son arrêt du 9 juin 2015 (paragraphes 91-94 ci-dessus), alors que la procédure pénale tendait à des fins dissuasives et répressives, les deux procédures administratives, conformément au RGICSF et au CVM (paragraphes 105 et 107 ci-dessus), poursuivaient, en plus du but répressif, l’objectif aussi, d’une part, de prévenir tout risque systémique et d’autre part, pour la procédure engagée par la CMVM, de protéger les investisseurs et de garantir le bon fonctionnement des marchés financiers, et, pour la procédure diligentée par la BdP, de protéger le système bancaire. La Cour estime que ces buts sont complémentaires eu égard aux intérêts différents qu’ils visaient à protéger et aux différents aspects des faits litigieux (comparer avec A et B c. Norvège, précité, § 144). La Cour rejette donc l’argument du requérant (paragraphe 163 ci-dessus), selon lequel la présente espèce serait similaire à l’affaire Nodet (précitée). En effet, dans celle-ci, qui concernait deux procédures pour manipulation de cours ouvertes par les juridictions pénales françaises et l’Autorité des Marchés Financiers (« l’AMF »), les intérêts protégés dans ces procédures étaient identiques (Nodet, précité, § 48), tout comme d’ailleurs les faits (à cet égard, voir Grande Stevens et autres, précité, § 227) et les aspects de l’acte préjudiciable qui étaient en cause (A et B c. Norvège, précité, § 132).

‒ La mixité des procédures en question était-elle une conséquence prévisible ?

187. Quant au point de savoir si la mixité des trois procédures en cause était une conséquence prévisible, aussi bien en droit qu’en pratique, du même comportement réprimé (A et B c. Norvège, précité, § 132 ; voir aussi, dans un sens similaire, l’arrêt de la CJUE C-27/22, Volkswagen Group Italia et Volkswagen Aktiengesellschaft, cité au paragraphe 126 ci-dessus, et l’arrêt de la CJUE C‑117/20, bpost, cité au paragraphe 127 ci-dessus), la Cour observe que le requérant a été poursuivi en sa qualité de vice-président du conseil d’administration d’un établissement bancaire exerçant des activités d’intermédiation financière, la BCP (paragraphe 4 ci-dessus). Or, en cette qualité, il ne pouvait ignorer que ladite banque était placée sous la supervision de la BdP, la banque centrale portugaise, et de la CMVM, en tant qu’autorités publiques chargées de la réglementation et du contrôle des marchés financiers (paragraphes 105 et 107 ci-dessus). La Cour en déduit que le requérant aurait pu, dès lors, savoir qu’il était susceptible d’être poursuivi pour violation des obligations qui lui incombaient, en tant que vice-président du conseil d’administration de la BCP, à l’égard de ces autorités de supervision, en complément des poursuites pénales pouvant être engagées contre tout citoyen (comparer avec Bragi Guðmundur Kristjánsson, précité, § 61).

‒ Les procédures ont-elles été conduites d’une manière permettant d’éviter autant que possible toute répétition dans la collecte et dans l’appréciation des éléments de preuve ?

188. Concernant la question de savoir si les procédures ont été conduites d’une manière à éviter autant que possible toute répétition dans le recueil et dans l’appréciation des éléments de preuve, notamment grâce à une interaction adéquate entre les diverses autorités (A et B c. Norvège, précité. § 132), la Cour constate que les autorités pénales, la CMVM et la BdP n’ont cessé d’échanger des informations au sujet des procédures qu’elles avaient ouvertes à la suite de la plainte de J.B. et qu’elles menaient en parallèle (paragraphes 8-9, 11-17, 40-42 et 81 ci-dessus).

189. La Cour note, plus particulièrement, que le 22 décembre 2008, la BdP a transmis au procureur près le tribunal de Lisbonne la copie des réquisitions qu’elle avait formulées contre le requérant (paragraphe 17 ci‑dessus). Elle relève aussi que, pour fonder ses réquisitions, le parquet a tenu compte des dossiers des procédures administratives relatives à l’intéressé qui lui avaient été fournis par la CMVM et la BdP (paragraphe 19 ci-dessus). Il a par ailleurs ordonné que lesdites réquisitions fussent communiquées à ces mêmes autorités (paragraphe 21 ci-dessus).

190. Les procédures ont donc bien été conduites de manière coordonnée. Le fait, noté par le requérant (paragraphes 158 ci-dessus), que les accusés et les témoins aient été entendus dans le cadre des trois procédures peut s’expliquer par la nécessité de garantir les droits procéduraux des accusés sous l’angle de l’article 6 § 1 de la Convention (comparer avec Galović c. Croatie, no 45512/11, § 120, 31 août 2021).

‒ La sanction imposée à l’issue de la procédure arrivée à son terme en premier a-t-elle été prise en compte dans la procédure ayant pris fin en dernier, de manière à ne pas faire porter un fardeau excessif au requérant ?

191. Enfin, pour ce qui est du point de savoir si la sanction imposée à l’issue de la procédure arrivée à son terme en premier a été prise en compte dans la procédure ayant pris fin en dernier, de manière à ne pas faire porter un fardeau excessif au requérant (voir A et B c. Norvège, précité, § 132, et, dans le même sens, l’arrêt de la CJUE C-117/22, bpost SA, cité au paragraphe 127 ci-dessus), comme la Cour l’a déjà relevé (paragraphes 178-179 ci-dessus), la première procédure à avoir été conclue de manière « définitive » est la procédure administrative engagée par la BdP. Certes, aucune condamnation n’a été prononcée contre le requérant à l’issue de ladite procédure, celle-ci s’étant conclue par un arrêt du 9 juin 2015 par lequel la cour d’appel de Lisbonne a annulé le jugement de condamnation qui avait été rendu par le TPIC contre le requérant, déclarant l’action publique prescrite à l’égard d’une partie des infractions administratives qui lui étaient reprochées et l’acquittant des autres chefs de poursuite (paragraphes 89 et 91-97 ci-dessus). Cependant, la Cour note qu’en vertu de l’article 227 § 2 du RGICSF (paragraphe 106 ci‑dessus), toute sanction accessoire prononcée par la BdP est exécutoire jusqu’à ce qu’une décision judiciaire définitive l’annule. Aussi, au moment où la décision finale a été rendue dans la procédure en question, le requérant, ainsi qu’il le soutient, avait déjà exécuté, pendant plus de cinq ans, la sanction accessoire qui lui avait été infligée par la BdP, à savoir une incapacité d’exercer des fonctions sociales, de direction, de gestion ou d’administration dans un établissement de crédit ou une société financière (paragraphes 84-85, 97 et 160 ci-dessus).

192. En venant à la procédure pénale, la Cour observe que celle-ci s’est terminée avec une condamnation du requérant, sur le fondement de l’article 379 § 1 du CVM, à deux ans d’emprisonnement avec sursis, contre le paiement de 300 000 EUR à une institution caritative, pour manipulation du marché, peine qui était assortie, en application de l’article 380 § 1 alinéa a) du CVM, d’une interdiction d’exercer des fonctions administratives, de direction et de contrôle dans toute institution de crédit ou toutes sociétés financières pendant quatre ans (paragraphes 30, 34, 37 et 108 ci-dessus). C’est donc à l’issue de cette procédure que la première condamnation a été prononcée. Par conséquent, il convient à présent de déterminer si dans la procédure subséquente, à savoir la procédure devant la CMVM, qui s’est conclue en dernier (voir paragraphes 178-179 ci-dessus), les sanctions infligées dans le cadre de la procédure pénale ont été prises en considération.

193. La Cour constate que cette procédure s’est soldée par un arrêt de la cour d’appel de Lisbonne du 11 juillet 2019 et a abouti à la condamnation du requérant à une amende administrative globale de 480 000 EUR pour trois infractions administratives très graves de divulgation de fausses informations au marché financier (paragraphes 65-66 et 68 ci-dessus). Elle relève aussi que les sanctions accessoires infligées à l’intéressé ont été réduites à une période d’un an et trois mois, puis jugées éteintes (extintas), en application de l’article 420 § 3 du CVM pris dans sa rédaction issue de la loi no 28/2017 du 30 mai 2017 (paragraphe 111 ci-dessus), laquelle était considérée comme plus favorable au requérant, en raison du fait qu’elles avaient déjà été purgées en exécution des condamnations prononcées à l’issue tant de la procédure pénale que de la procédure devant la BdP (paragraphe 66 ci-dessus). La Cour note, en outre, que la cour d’appel de Lisbonne a rejeté la demande du requérant tendant à l’application d’un traitement similaire relativement à la sanction administrative principale (paragraphe 67 ci-dessus), au motif que la sanction en question avait une nature différente de la peine d’emprisonnement, à laquelle se rapportait la condition du versement d’une somme à une institution caritative, prononcée à l’issue de la procédure pénale (paragraphe 69 ci-dessus).

194. Il découle des constatations qui précédent que l’autorité ayant statué en dernier, à savoir la CMVM, a bien pris en considération les sanctions principales et accessoires qui avaient été infligées dans le cadre de la procédure pénale, ainsi du reste que la sanction accessoire qui avait été exécutée de facto dans le cadre de la procédure devant la BdP (comparer avec C.Y. c. Belgique, précité, § 67 ; voir également, a contrario, Milošević c. Croatie, no 12022/16, § 41, 31 août 2021, et Goulandris et Vardinogianni c. Grèce, no 1735/13, § 78, 16 juin 2022).

195. En fin de compte, le requérant a été condamné à une peine de deux ans d’emprisonnement assortie d’un sursis contre le paiement de 300 000 EUR à une institution caritative ainsi qu’à une amende administrative 480 0000 EUR, et il s’est vu infliger une interdiction d’exercer des fonctions administratives, de direction et de contrôle dans toute institution de crédit ou toutes sociétés financières pendant cinq ans (paragraphe 191 ci‑dessus). Aux yeux de la Cour, il n’apparaît donc pas que le requérant ait subi un préjudice disproportionné ou une injustice en conséquence de la réponse juridique intégrée aux faits litigieux (comparer avec A et B c. Norvège, précité, § 147, et voir, dans le même sens, l’arrêt de la CJUE C-27/22, Volkswagen Group Italia et Volkswagen Aktiengesellschaft, § 93, cité au paragraphe 125 ci-dessus).

‒ Conclusion quant à l’existence d’un lien matériel

196. Au vu de ce qui précède (paragraphes 185-195 ci-dessus), la Cour estime que les procédures engagées respectivement par les autorités pénales, par la CMVM et par la BdP contre le requérant étaient unies par un lien matériel suffisamment étroit.

β) L’existence d’un lien temporel

197. Quant à l’exigence d’un lien temporel, comme elle l’a relevé aux paragraphes 174 et 178 ci-dessus, la Cour note que les trois procédures litigieuses ont été ouvertes au même moment, à la fin de l’année 2007 et au début de 2008, à la suite de la même plainte (paragraphes 8 et 9, 10, 40 et 80 ci-dessus).

198. Si la procédure pénale et la procédure devant la BdP se sont terminées plus ou moins au même moment (paragraphes 34, 37, 91 et 98 ci-dessus), la procédure menée par la CMVM n’a été conclue que quatre ans plus tard, compte tenu de la nécessité de réévaluer, après la déclaration de prescription d’une des infractions administratives pour lesquelles le requérant avait été condamné (paragraphe 68 ci-dessus), les sanctions administratives globales qui avaient été infligées à l’intéressé en conséquence de cette condamnation. Cette seule circonstance ne saurait toutefois exclure l’existence d’un lien temporel dans la présente espèce. En effet, jusqu’à l’année 2015, les procédures ont été conduites en parallèle, le requérant indiquant d’ailleurs que des audiences ont été tenues devant les différentes autorités à des intervalles de temps parfois très rapprochés (paragraphe 158 ci-dessus). Aussi, aux yeux de la Cour, les trois procédures menées contre le requérant étaient bien unies par un lien temporel (voir, a contrario, Bragi Guðmundur Kristjánsson, précité, § 75).

3. Conclusion

199. Eu égard à l’ensemble de ces observations, la Cour conclut que les procédures objet de la présente espèce présentaient le lien tant matériel que temporel requis pour être considérées comme formant un tout cohérent (comparer avec A et B c. Norvège, précité, § 153, et Galović, précité, § 123).

200. Partant, il n’y a pas eu violation de l’article 4 du Protocole no 7 à la Convention.

3. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION (requête no 2276/20)

201. Concernant la procédure relative à la détermination des sanctions administratives globales infligées par la CMVM (paragraphe 57 ci-dessus), le requérant se plaint, d’une part, d’un défaut de motivation des décisions par lesquelles les tribunaux internes ont rejeté sa demande de renvoi d’une question préjudicielle devant la CJUE et, d’autre part, du refus de la cour d’appel de Lisbonne de tenir une audience publique. Il y voit une atteinte à ses droits garantis par l’article 6 § 1 de la Convention qui, en ses parties pertinentes en l’espèce, est ainsi libellé :

« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal indépendant et impartial, (...), qui décidera (...), soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »

1. Observation préliminaire

202. Le Gouvernement soulève une exception d’incompatibilité ratione matériae desdits griefs avec l’article 6 de la Convention. Se référant aux affaires A.R. c. Italie (no 13960/88, 12 octobre 1992), Bravo Belo c. Portugal ((déc.), no 57026/11, 21 juin 2016), Previti c. Italie ((déc.), no 1845/08, § 80, 12 février 2013) et Nourmagomedov c. Russie (no 30138/02, § 50, 7 juin 2007), il estime que la procédure menée après la déclaration de prescription de l’une des infractions administratives pour lesquelles le requérant avait été condamné (paragraphes 53 et 58 ci-dessus) concernait non plus le bien-fondé d’une « accusation pénale » portée contre lui, mais le calcul de l’amende administrative globale conformément à l’article 19 du RGCO (paragraphe 113 ci-dessus). Ainsi, selon le Gouvernement, il s’agissait uniquement de trancher, dans le cadre de cette procédure, une question de droit procédural.

203. Le requérant soutient que l’exception du Gouvernement doit être rejetée. Il considère que la procédure conduite relativement au calcul de l’amende administrative globale portait sur une question de droit matériel pénal. Il argue que l’article 19 du RGCO doit être lu conjointement avec l’article 18 du RGCO, qui énonce les critères devant être pris en considération pour fixer la sanction administrative (paragraphe 113 ci-dessus). Il estime ainsi qu’au cours d’une telle procédure la responsabilité globale de l’accusé est réexaminée, la suspension de la sanction pouvant dès lors être déterminée dans ce cadre, tout comme la loi la plus favorable, qui peut être appliquée à ce moment-là.

204. Pour le cas où l’article 6 ne serait pas applicable sous son volet pénal à la procédure concernant le calcul de l’amende administrative globale, le requérant est d’avis que la question en cause relève du volet civil de la disposition conventionnelle, se référant sur ce point à l’arrêt Torri c. Italie (no 26433/95, § 19, 1er juillet 1997).

205. La Cour n’estime pas nécessaire de se prononcer sur l’exception soulevée par le Gouvernement concernant l’incompatibilité ratione materiae des griefs que le requérant formule sous l’angle de l’article 6 § 1 de la Convention (paragraphe 202 ci-dessus), ces griefs étant en tout état de cause irrecevables pour les motifs exposés ci-après.

2. Sur la violation alléguée de l’article 6 § 1 de la Convention à raison du refus de saisir la CJUE à titre préjudiciel
1. Thèses des parties

a) Le Gouvernement

206. Dans le cas où l’article 6 § 1 de la Convention serait applicable à la procédure portant sur la fixation du montant de l’amende administrative globale, le Gouvernement estime que, pour ce qui est du défaut allégué de motivation des décisions internes ayant rejeté la demande formée par le requérant le 4 avril 2018 (paragraphe 60 ci-dessus) concernant le renvoi d’une question préjudicielle devant la CJUE, tant le jugement rendu par le TPIC le 8 juin 2018 que l’arrêt prononcé par la cour d’appel de Lisbonne le 11 juillet 2019 (paragraphes 61, 64 et 68 ci-dessus) sont suffisamment motivés. Il explique que le recours préjudiciel sollicité portait en l’occurrence sur la question de savoir si le principe non bis in idem garanti par l’article 50 de la Charte (paragraphe 117 ci-dessus) avait été respecté. Il ajoute que, comme l’ont relevé les juridictions internes, la condamnation du requérant avait acquis force de chose jugée le 27 mars 2015, et que la procédure menée après la prescription d’une des infractions administratives pour lesquelles le requérant avait été condamné avait trait uniquement à la détermination d’une amende globale. Il est ainsi d’avis que la question relative à une atteinte au principe non bis in idem ne pouvait plus se poser, et en déduit que ledit renvoi préjudiciel était sans pertinence.

b) Le requérant

207. Le requérant conteste les arguments du Gouvernement. Il se plaint de ce que les juridictions internes ont rejeté sans motivation sa demande de renvoi préjudiciel devant la CJUE relative à l’interprétation de l’article 50 de la Charte. Il allègue que les juridictions internes ont relevé que la question était pertinente mais ont écarté sa demande en se fondant uniquement sur le fait que la décision interne avait acquis autorité de chose jugée. Or, selon lui, pareille motivation est arbitraire, ce d’autant plus qu’elle ne ferait pas référence aux critères Cilfit. Il estime par ailleurs que la présente espèce est comparable à l’affaire Sanofi Pasteur c. France (no 25137/16, 13 février 2020), exposant que celle-ci portait aussi sur le rejet d’une demande de renvoi préjudiciel dans le cadre d’un recours formé contre un jugement qui n’était pas encore définitif.

2. Appréciation de la Cour

a) Principes généraux

208. Les principes généraux concernant le droit d’accès à une procédure de renvoi d’une question préjudicielle devant la CJUE ont été résumés dans l’arrêt Ullens de Schooten et Rezabek c. Belgique (nos 3989/07 et 38353/07, §§ 57-62, 20 septembre 2011), et rappelés dans l’arrêt Sanofi Pasteur (précité, §§ 69-71 ; concernant la jurisprudence de la CJUE relative à la saisine préjudicielle de cette juridiction, voir les §§ 36-38).

209. La Convention ne garantit pas, comme tel, un droit à ce qu’une affaire soit renvoyée à titre préjudiciel par le juge interne devant la CJUE (Ullens de Schooten et Rezabek, précité, § 57). L’article 6 § 1 met toutefois à la charge des juridictions internes une obligation de motiver au regard du droit applicable les décisions par lesquelles elles refusent de poser une question préjudicielle, d’autant plus lorsque le droit applicable n’admet un tel refus qu’à titre d’exception. La Cour en a déduit que, lorsqu’elle est saisie sur ce fondement d’une allégation de violation de l’article 6 § 1, sa tâche consiste à s’assurer que la décision de refus critiquée devant elle est dûment assortie de tels motifs. Cela étant, elle a rappelé que, s’il lui revient de procéder rigoureusement à cette vérification, il ne lui appartient pas de connaître d’erreurs qu’auraient commises les juridictions internes dans l’interprétation ou l’application du droit pertinent (Sanofi Pasteur, précité, § 69, et les références qui y sont citées). Sur ce dernier point, elle a également indiqué qu’il revient au premier chef aux autorités nationales, tout particulièrement aux cours et tribunaux, d’interpréter et d’appliquer le droit interne, le cas échéant en conformité avec le droit de l’Union européenne, le rôle de la Cour se limitant à vérifier la compatibilité avec la Convention des effets de leurs décisions (Ullens de Schooten et Rezabek, précité, § 54).

210. La Cour a en outre précisé que, dans le cadre spécifique du troisième alinéa de l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, si une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne refuse de saisir la CJUE à titre préjudiciel d’une question relative à l’interprétation du droit de l’Union européenne soulevée devant elle, elle est tenue de motiver son refus au regard des exceptions prévues par la jurisprudence de la CJUE (Ullens de Schooten et Rezabek, précité, § 62, et Sanofi Pasteur, précité, § 70).

b) Application de ces principes à la présente espèce

211. En l’espèce, la Cour note, tout d’abord, que le requérant a demandé au TPIC, le 4 avril 2018, de renvoyer une question préjudicielle devant la CJUE relativement à l’interprétation de l’article 50 de la Charte (paragraphe 117 ci-dessus) alors que ledit tribunal s’apprêtait à réévaluer les sanctions administratives globales à imposer au requérant après que l’action publique eut été déclarée prescrite à l’égard de l’une des infractions administratives pour lesquelles il avait été condamné (paragraphe 60 ci-dessus). Elle constate que la juridiction en question l’a débouté de cette demande le 8 juin 2018, au motif que le jugement de condamnation rendu le 6 mars 2014 dans le cadre de la procédure menée devant la CMVM avait acquis autorité de chose jugée le 27 mars 2015, et que la seule question qui lui revenait de trancher concernait le calcul de l’amende administrative globale (paragraphes 53, 56 et 61 ci-dessus). La Cour relève que le TPIC a également considéré que les condamnations prononcées contre le requérant à l’issue, respectivement, de la procédure pénale et de la procédure engagée par la BdP, étaient elles aussi devenues définitives (paragraphe 61 ci-dessus), et qu’il en a déduit que cet élément distinguait l’espèce soumise à son examen de l’affaire Garlsson Real Estate et autres de la CJUE, que le requérant avait invoquée à l’appui de sa demande (paragraphes 64 et 128 ci-dessus).

212. La Cour observe ensuite que, dans un arrêt du 11 juillet 2019, alors qu’elle était appelée à statuer en deuxième et dernière instance, en application de l’article 75 du RGCO (paragraphe 113 ci-dessus), et qu’elle était, de ce fait, le cas échéant, tenue de saisir la CJUE de la question préjudicielle en question conformément à l’article 267 du TFUE (paragraphe 116 ci-dessus), la cour d’appel de Lisbonne a confirmé le refus de saisir la CJUE en se fondant sur le même raisonnement que celui suivi par le TPIC (paragraphe 68 ci-dessus). Autrement dit, tant le TPIC que la cour d’appel de Lisbonne ont considéré que la demande de renvoi préjudiciel était inutile dès lors qu’au moment où elle avait été formulée, les condamnations prononcées contre le requérant dans le cadre des trois procédures le concernant étaient passées en force de chose jugée et que tout examen visant à contrôler le respect du principe non bis in idem, garanti par l’article 50 de la Charte, était ainsi forclos. Il était donc sans importance de savoir comment cette disposition était interprétée par la CJUE. La Cour estime qu’il ne lui appartient pas de revenir sur une telle interprétation du droit interne, laquelle visait à assurer la sécurité juridique et une bonne administration de la justice (à cet égard, voir Brumărescu c. Roumanie [GC], no 28342/95, § 61, CEDH 1999‑VII, et Nejdet Şahin et Perihan Şahin c. Turquie [GC], no 13279/05, § 57, 20 octobre 2011). De surcroît, le requérant n’explique pas pourquoi il n’a pas formulé la demande plus tôt, lorsque les trois procédures en question étaient en instance.

213. Le refus de saisir la CJUE de la question préjudicielle soulevée en l’espèce n’apparaissant, du reste, ni arbitraire ni déraisonnable, la Cour conclut qu’il n’y a pas eu atteinte à la substance du droit d’accès du requérant à une procédure de renvoi préjudiciel devant la CJUE. Partant, ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté conformément à l’article 35 § 3 a) et 4 de la Convention.

3. Sur la violation alléguée de l’article 6 § 1 de la Convention à raison du refus de la cour d’appel de tenir une audience publique
1. Thèses des parties

a) Le Gouvernement

214. Pour ce qui est du refus de la cour d’appel de faire droit à la demande du requérant concernant la tenue d’une audience publique (paragraphe 201 ci-dessus), le Gouvernement expose que l’intéressé ne remplissait pas les conditions prévues à l’article 411 § 5 du CPP (paragraphe 102 ci-dessus), applicable à ladite procédure, faute pour lui d’avoir indiqué les points qu’il souhaitait voir débattus dans ce cadre. Il relève que ladite demande était formulée au point 113 de la conclusion du mémoire en appel du requérant avec la simple mention d’un débat sur toutes les questions relatives au droit de l’Union européenne. Le Gouvernement considère que dès lors qu’il n’a pas précisé les questions qu’il voulait voir examiner en audience publique, le requérant est le seul responsable de la non-tenue de pareille audience dans le cadre de son recours devant la cour d’appel de Lisbonne.

b) Le requérant

215. Le requérant conteste les arguments du Gouvernement. Il soutient qu’il aurait été important qu’il fût entendu dans le cadre d’une audience publique visant à déterminer l’amende administrative globale devant être prononcée à son égard. D’après lui, des questions cruciales restaient par ailleurs à débattre, telle celle relative à une atteinte au principe ne bis in idem et l’interprétation de celui-ci à l’aune du droit de l’Union européenne. Il estime que la cour d’appel de Lisbonne a rejeté sa demande d’audience publique par une motivation excessivement formaliste, en violation de l’exigence d’équité procédurale posée par l’article 6 de la Convention.

2. Appréciation de la Cour

a) Principes généraux

216. La Cour rappelle qu’elle n’a pas pour tâche de se substituer aux juridictions internes. C’est au premier chef aux autorités nationales, notamment aux cours et aux tribunaux, qu’il incombe d’interpréter la législation interne. La Cour n’est pas une instance d’appel des juridictions nationales et il ne lui appartient pas de connaître des erreurs de fait ou de droit prétendument commises par ces juridictions, sauf si et dans la mesure où elles pourraient avoir porté atteinte aux droits et libertés sauvegardés par la Convention (Ramos Nunes de Carvalho e Sá c. Portugal [GC], nos 55391/13 et 2 autres, § 186, 6 novembre 2018, et les références qui y sont citées ; voir également la jurisprudence citée au paragraphe 209 ci-dessus). Ceci est particulièrement vrai s’agissant de l’interprétation par les tribunaux des règles de nature procédurale telles que les délais régissant le dépôt de documents ou l’introduction de recours. La Cour estime par ailleurs que la réglementation relative aux formalités et aux délais à respecter pour former un recours vise à assurer une bonne administration de la justice et le respect, en particulier, du principe de la sécurité juridique, et que les intéressés doivent s’attendre à ce que ces règles soient appliquées (Miragall Escolano et autres c. Espagne, nos 38366/97 et 9 autres, § 33, CEDH 2000‑I). Cela dit, si le droit d’exercer un recours est bien entendu soumis à des conditions légales, les tribunaux doivent, en appliquant des règles de procédure, éviter à la fois un excès de formalisme qui porterait atteinte à l’équité de la procédure et une souplesse excessive qui aboutirait à supprimer les conditions de procédure établies par les lois (Bulena c. République tchèque, no 57567/00, § 30, 20 avril 2004).

b) Application de ces principes à la présente espèce

217. Se tournant vers la présente espèce, la Cour observe que le requérant a demandé à la cour d’appel de Lisbonne de tenir une audience publique pour débattre de toutes les questions qui étaient soulevées devant elle et, plus particulièrement, celles afférentes au droit de l’Union européenne (paragraphe 67 ci-dessus). Il a été débouté de sa demande au motif qu’il n’avait pas précisé, comme l’exigeait l’article 411 § 5 du CPP (paragraphes 68 et 102 ci-dessus), les points spécifiques qu’il souhaitait soumettre à débat.

218. La Cour constate que la juridiction en question était appelée à se prononcer sur l’appel du requérant, introduit au moyen d’un mémoire long de cent huit pages (paragraphe 67 ci-dessus), et qu’elle intervenait ainsi en deuxième instance, selon l’article 75 § 1 du RGCO (paragraphe 113 ci‑dessus), autrement dit sur les questions de droit relatives au calcul de l’amende administrative globale. Elle relève aussi qu’une audience publique avait déjà été tenue devant le TPIC (paragraphe 59 ci-dessus). Eu égard à la portée du recours, la Cour peut comprendre l’exigence posée par le droit interne de préciser les points de droit à discuter. Contrairement au requérant (paragraphe 215 ci-dessus), elle ne voit donc pas en quoi pareille obligation témoignerait d’un formalisme excessif. Il en va d’autant plus ainsi qu’en l’espèce, le requérant était représenté par deux avocats dans le cadre dudit recours (paragraphe 67 ci-dessus).

219. À titre surabondant, la Cour estime que l’intéressé n’a pas démontré en l’espèce en quoi l’audience publique sollicitée aurait été essentielle au vu de la portée de la procédure en question et, plus particulièrement, des questions purement juridiques que, selon le requérant, l’affaire soulevait (paragraphe 67 ci-dessus). Du reste, la situation du requérant ne semble pas relever des situations pour lesquelles une audience publique aurait été nécessaire (voir, à cet égard, Ramos Nunes de Carvalho e Sá, précité, § 191).

220. Dès lors, il n’apparaît pas qu’en rejetant la demande du requérant tendant à la tenue d’une audience publique, la cour d’appel de Lisbonne ait fait preuve d’un formalisme excessif de nature à porter atteinte à l’équité de la procédure.

4. Conclusion

221. Eu égard aux constatations qui précèdent, il y a lieu de rejeter les griefs formulés par le requérant sur le terrain de l’article 6 § 1 de la Convention pour défaut manifeste de fondement, en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.

4. SUR La VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’Article 7 de la CONVENTION (requête no 2276/20)

222. Dans ses observations soumises devant la Cour le 11 avril 2022, le requérant se plaint, pour la première fois, de ce que les juridictions internes aient rejeté sa demande tendant à l’application de l’article 420 § 2 du CVM combiné avec l’article 399-A § 1 b) du CVM, dans leurs versions issues de la loi no 28/2017 du 30 mai 2017 (paragraphe 111 ci-dessus). Selon lui, ces dispositions lui étaient plus favorables dès lors qu’elles prescrivaient l’extinction de la procédure administrative engagée par la CMVM. Il y voit une atteinte à l’article 7 de la Convention qui, en ses parties pertinentes en l’espèce, est ainsi libellé :

« Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d’après le droit national ou international. De même il n’est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’infraction a été commise. »

223. Dans ses observations supplémentaires devant la Cour, le Gouvernement s’oppose à l’examen par elle de ce grief, arguant qu’il ne relève pas de l’objet de l’affaire telle qu’elle lui a été communiquée. Il estime en outre que le grief en question est manifestement mal-fondé, expliquant à cet égard que l’infraction administrative de manipulation du marché découle de l’article 399-A b) du CVM pris dans sa rédaction issue de la Loi no 28/2017 du 30 mai 2017 (paragraphe 111 ci-dessus) et que, de ce fait, le requérant n’a pas été poursuivi de ce chef par la CMVM. Aussi, d’après lui, l’application d’une loi plus favorable à l’égard de l’intéressé ne se posait pas.

1. Les principes généraux

224. La Cour rappelle que l’article 7 § 1 de la Convention garantit non seulement le principe de non-rétroactivité des lois pénales plus sévères, mais aussi, implicitement, le principe de rétroactivité de la loi pénale plus douce. Ce principe se traduit par la règle voulant que, si la loi pénale en vigueur au moment de la commission de l’infraction et les lois pénales postérieures adoptées avant le prononcé d’un jugement définitif sont différentes, le juge doit appliquer celle dont les dispositions sont les plus favorables au prévenu (Scoppola c. Italie (no 2) [GC], no 10249/03, § 109, 17 septembre 2009, Avis consultatif relatif à l’utilisation de la technique de « législation par référence » pour la définition d’une infraction et aux critères à appliquer pour comparer la loi pénale telle qu’elle était en vigueur au moment de la commission de l’infraction et la loi pénale telle que modifiée [GC], demande no P16-2019-001, Cour Constitutionnelle arménienne, § 82, 29 mai 2020 (« Avis consultatif P16-2019-001 »), et Jidic c. Roumanie, no 45776/16, § 80, 18 février 2020). Le principe de l’application rétroactive de la loi pénale plus douce s’applique également dans le contexte d’une réforme concernant la définition de l’infraction (Parmak et Bakır c. Turquie, nos 22429/07 et 25195/07, § 64, 3 décembre 2019, et Avis consultatif P16-2019-001, précité, § 82).

225. La Cour n’a pas pour tâche d’examiner in abstracto la question de savoir si la non-application rétroactive d’une loi pénale nouvelle est, en soi, incompatible avec l’article 7 de la Convention. Cette question doit être examinée au cas par cas compte tenu des circonstances propres à la cause et, notamment, du point de savoir si les juridictions internes ont appliqué la loi dont les dispositions étaient les plus favorables à l’accusé (Maktouf et Damjanović c. Bosnie‑Herzégovine [GC], nos 2312/08 et 34179/08, § 65, CEDH 2013, et Jidic, précité, § 82). La question cruciale est celle de savoir si le choix qui a été fait d’appliquer une loi pénale plutôt que l’autre au terme d’une appréciation concrète des actes commis a placé l’accusé dans une situation désavantageuse quant à la détermination de sa peine (Maktouf et Damjanović, précité, §§ 69-70, et Jidic, précité, § 85).

226. Même si le principe de concrétisation a été élaboré dans des affaires qui concernaient des modifications apportées aux peines encourues, la Cour, au vu des considérations qui précèdent, estime que ce même principe s’applique également aux affaires qui nécessitent de comparer la définition de l’infraction telle qu’elle existait au moment de sa commission et sa définition résultant d’une modification de la loi (Avis consultatif P16‑2019-001, précité, § 90).

2. Application à la présente espèce

227. En l’espèce, la Cour convient avec le Gouvernement que le requérant a soulevé, pour la première fois devant la Cour, le grief fondé sur l’article 7 de la Convention le 11 avril 2022, dans le cadre de ses observations (paragraphe 222 ci-dessus). En l’occurrence, il se plaignait ne pas avoir bénéficié de l’application rétroactive d’une loi pénale qui, selon lui, lui était plus favorable. La Cour n’estime pas nécessaire de se pencher sur la question de savoir si ce grief relève de l’objet de l’affaire telle qu’elle a été communiquée (voir l’exception du Gouvernement à cet égard, résumée au paragraphe 223 ci-dessus), cette doléance étant de toute manière irrecevable pour les raisons suivantes.

228. À cet égard, la Cour note que le requérant a sollicité, sur le fondement de l’article 3 § 2 du RGCO (paragraphe 113 ci-dessus), l’application rétroactive de l’article 399-A b) du CVM, pris dans sa version issue de la loi no 28/2017 du 30 mai 2017 (paragraphe 111 ci-dessus), qu’il estimait lui être plus favorable, dans une demande formée devant le TPIC le 5 juin 2020, autrement dit après l’introduction de sa requête no 2276/20 devant la Cour (paragraphe 75 ci-dessus).

229. Elle relève que le TPIC l’a débouté de ses prétentions dans un jugement du 25 avril 2021 au motif que la question avait déjà été tranchée dans le cadre de la décision qu’il avait rendue le 8 juin 2018, laquelle, entretemps, était devenue définitive (paragraphes 61-63 et 76 ci-dessus). La Cour note que la cour d’appel de Lisbonne a confirmé le rejet de la demande le 25 novembre 2021 (paragraphes 78 ci-dessus).

230. La Cour constate que le requérant a été poursuivi par la CMVM pour plusieurs chefs de violation du devoir de transmettre une information de qualité, prévu aux articles 7, 388 § 1 a) et 389 § 1 a) du CVM (paragraphes 44 et 84 ci-dessous), et non pas pour une infraction administrative de manipulation du marché. Cette dernière infraction a été introduite dans le CVM par la loi no 28/2017 du 30 mai 2017 portant transposition au niveau interne de la Directive 2014/57/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 et adaptation du droit portugais au Règlement (UE) no 596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 sur les abus de marché (paragraphes 111, 122 et 123 ci-dessus). L’infraction visée à l’article 399-A § 1 b) du CVM est donc une infraction administrative nouvelle. Aussi, aux yeux de la Cour, l’interprétation de l’article 420 § 2 du CVM faite par la cour d’appel de Lisbonne dans son arrêt du 25 novembre 2021 (paragraphes 78 et 79 ci-dessus) n’apparaît pas déraisonnable dès lors qu’aucune question de doubles poursuites ne se posait en l’espèce devant la CMVM relativement à l’infraction de manipulation du marché incriminée au niveau pénal, en vertu de l’article 379 § 1 du CVM (paragraphes 10 et 108 ci-dessus) et au niveau administratif, en vertu du nouvel article 399-A § 1 b) du CVM. Dans ces circonstances, la Cour ne saurait souscrire à la thèse du requérant selon laquelle les juridictions internes auraient arbitrairement refusé d’appliquer la loi pénale qui lui était plus favorable.

231. Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et qu’il doit être rejeté, en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Décide de joindre les requêtes ;
2. Déclare le grief relatif à l’article 4 du Protocole no 7 à la Convention (requête no 48047/15) recevable, et les griefs soulevés sous l’angle des articles 6 § 1 et 7 de la Convention (requête no 2276/20) irrecevables ;

3. Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 4 du Protocole no 7 à la Convention.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 8 octobre 2024, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Andrea Tamietti Gabriele Kucsko-Stadlmayer
Greffier Présidente


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