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23/01/2024 | CEDH | N°001-230316

CEDH | CEDH, AFFAIRE O.R. c. GRÈCE, 2024, 001-230316


TROISIÈME SECTION

AFFAIRE O.R. c. GRÈCE

(Requête no 24650/19)

ARRÊT


Art 3 (matériel) • Traitement inhumain et dégradant • Mineur non accompagné, au passé familial traumatisant, demandeur d’asile, abandonné à lui-même pendant presque six mois par les autorités alertées de sa situation, sans accès à un logement stable et dans un dénuement matériel extrême • Environnement totalement inadapté, en termes de sécurité, de logement, d’hygiène ou d’accès à la nourriture et aux soins et précarité inacceptable • Absence de désigna

tion d’un tuteur et d’accélération de son placement dans une structure appropriée en méconnaissance du droit intern...

TROISIÈME SECTION

AFFAIRE O.R. c. GRÈCE

(Requête no 24650/19)

ARRÊT

Art 3 (matériel) • Traitement inhumain et dégradant • Mineur non accompagné, au passé familial traumatisant, demandeur d’asile, abandonné à lui-même pendant presque six mois par les autorités alertées de sa situation, sans accès à un logement stable et dans un dénuement matériel extrême • Environnement totalement inadapté, en termes de sécurité, de logement, d’hygiène ou d’accès à la nourriture et aux soins et précarité inacceptable • Absence de désignation d’un tuteur et d’accélération de son placement dans une structure appropriée en méconnaissance du droit interne applicable à l’époque des faits • État dans l’obligation de prise en charge et de protection de l’intéressé relevant de la catégorie des personnes les plus vulnérables de la société

Préparé par le Greffe. Ne lie pas la Cour.

STRASBOURG

23 janvier 2024

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire O.R. c. Grèce,

La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

Pere Pastor Vilanova, président,
Jolien Schukking,
Yonko Grozev,
Darian Pavli,
Ioannis Ktistakis,
Andreas Zünd,
Oddný Mjöll Arnardóttir, juges,
et de Milan Blaško, greffier de section,

Vu :

la requête (no 24650/19) dirigée contre la République hellénique et dont un ressortissant afghan, M. O.R. (« le requérant »), a saisi la Cour en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention ») le 8 mai 2019,

la décision de porter à la connaissance du gouvernement grec (« le Gouvernement ») les griefs concernant les articles 3 et 8 de la Convention,

la décision de ne pas dévoiler l’identité du requérant,

les observations des parties,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 12 décembre 2023,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

INTRODUCTION

1. La requête concerne, sous l’angle de l’article 3 et de l’article 8 de la Convention, les conditions de vie en Grèce du requérant, mineur non accompagné et demandeur de protection internationale, qui est prétendument resté pendant près de six mois sans abri, sans accès aux biens de première nécessité et sans tuteur légal permanent désigné par les autorités.

EN FAIT

2. Le requérant est né le 1er septembre 2003. Il a été représenté par Me I.‑M. Tzeferakou, avocate.

3. Le Gouvernement a été représenté par les déléguées de son agent, Mme A. Dimitrakopoulou et Mme O. Patsopoulou, assesseures auprès du Conseil juridique de l’État.

4. Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.

1. LES PROCÉDURES ADMINISTRATIVES

5. Le requérant allègue être arrivé en Grèce en novembre 2018 en tant que mineur non accompagné.

6. Il ressort des documents produits par le requérant que le 24 novembre 2018, sa représentante envoya au bureau régional d’asile du Pirée un courrier électronique par lequel elle l’informait que le requérant était un mineur non accompagné se trouvant à Athènes et qu’il souhaitait introduire une demande de protection internationale auprès des autorités. Les 26 et 29 novembre 2018 respectivement, le Procureur des Mineurs d’Athènes et le Service national de solidarité social (l’« EKKA ») furent avertis par courrier électronique de ces mêmes éléments, ainsi que de la nécessité de trouver un logement à l’intéressé.

7. Le 19 décembre 2018, le requérant déposa une demande de protection internationale auprès du Bureau régional d’asile du Pirée, laquelle fut enregistrée le jour même. Dans le formulaire soumis aux autorités, le requérant exposait qu’il ne souhaitait pas retourner dans son pays parce que son père, toxicomane, l’y forçait à travailler. Il expliquait en outre qu’il avait décidé de venir en Grèce pour demander à bénéficier d’un regroupement familial avec sa mère, qui résidait en Allemagne.

8. Le même jour, le Bureau régional d’asile du Pirée adressa une demande à l’EKKA en vue de l’attribution d’un logement au requérant. Il informa également le Procureur des Mineurs du Pirée de l’enregistrement de la demande de protection internationale de l’intéressé, de la demande de logement et de nomination d’un tuteur légal permanent le concernant, ainsi que d’investigations en cours quant à la possibilité d’un regroupement familial avec sa mère en Allemagne.

9. Dans le formulaire relatif à l’évaluation de l’intérêt supérieur de l’enfant aux fins d’application du règlement de Dublin, qui a été fourni à la Cour par le requérant, la travailleuse sociale de l’ONG « Arsis » attesta les 8 et 12 février 2019 que le requérant n’avait pas grandi dans un environnement sain et qu’il avait été exposé à des expériences traumatisantes avec son père et la famille de son père, telles que des violences physiques, une interdiction d’aller à l’école et une obligation de travailler. Ella nota en outre que lors de son séjour à Athènes, il avait dormi dans une église du quartier d’Agios Panteleimonas avant d’être hébergé par des compatriotes pendant quelques jours, mais qu’il était de nouveau sans abri.

10. Le requérant a également produit devant la Cour la copie d’une lettre datée du 12 février 2019, par laquelle sa représentante signalait de nouveau aux autorités, dont notamment le Procureur des Mineurs d’Athènes, qu’il vivait dans des conditions précaires et qu’il était sans abri. Elle les informait en outre qu’il séjournait alors « de manière informelle », à savoir sans y être autorisé, dans le camp de Malakasa, où il ne se sentait pas en sécurité, y étant victime de tentative de harcèlement sexuel.

11. Selon les documents fournis par le requérant, le 30 avril 2019, sa représentante relança l’EKKA par courrier électronique, indiquant que l’intéressé avait toujours besoin d’un hébergement sécurisé et joignant au courrier une note psychosociale non datée établie par une référente psychosociale qui avait examiné le requérant sur demande de ladite représentante. La note en question précisait que la famille paternelle du requérant l’avait maltraité en Afghanistan – où, selon ses allégations, il résidait à l’âge de deux ans - lui interdisant notamment d’aller à l’école. Ladite note précisait également qu’en Iran - où, selon le requérant, il aurait été transféré à l’âge de dix ans - son père, qui était toxicomane et violent, l’avait forcé à travailler pour obtenir l’argent nécessaire à son approvisionnement en drogue. Il y était également signalé que le requérant était un mineur à haut risque, qu’il ne disposait pas d’un logement convenable et qu’il avait été harcelé sexuellement par des adultes à deux reprises.

12. Le 10 mai 2019, une place fut réservée au requérant dans une structure d’accueil pour mineurs non accompagnés à Athènes, qu’il intégra le 16 mai 2019.

13. Le 14 juin 2019, la demande de protection internationale du requérant fut rejetée comme irrecevable, au motif qu’une procédure de regroupement familial avec sa mère, résidente en Allemagne, était en cours. Le requérant resta dans ladite structure jusqu’au 25 septembre 2019, date à laquelle il quitta la Grèce pour Berlin.

2. LES CONDITIONS DE VIE
1. La version du requérant

14. Le requérant allègue que dès son arrivée en Grèce, en novembre 2018, et jusqu’au 10 mai 2019, il a été soumis à des conditions très stressantes, inappropriées et inadaptées à sa situation personnelle.

15. Il soutient en particulier qu’il n’a pas eu accès à un logement sûr et convenable. Il relate, à cet égard, qu’il a notamment été obligé de passer plusieurs nuits dehors sur la place de Agios Panteleimonas à Athènes et qu’il a été hébergé pendant quelques jours dans des maisons surpeuplées, en compagnie d’hommes adultes. Il mentionne également avoir dormi pendant quelques nuits, sans y être autorisé, dans les camps de Skaramagas et Malakasa, soit à même le sol dans des chambres réservées aux hommes adultes, soit en plein air, de peur d’être repéré par les autorités de sécurité des camps. Il précise qu’il est resté sans abri pendant les mois d’hiver et qu’il a souffert du froid et du mauvais temps.

16. Il affirme en outre qu’il ne disposait pas d’eau potable, de nourriture et de chauffage et qu’il n’avait accès ni à l’eau chaude, ni aux toilettes, expliquant qu’il ne pouvait par conséquent prendre soin de son hygiène et de sa santé physique et mentale. Il ajoute qu’eu égard à son indigence, l’ONG « Arsis » l’a aidé à se procurer des vêtements et de la nourriture. Il indique qu’il n’avait pas davantage accès à l’éducation ou à d’autres activités pour mineurs.

17. Il allègue en outre avoir été harcelé sexuellement par des adultes à deux reprises au cours de cette période, et l’avoir signalé au référent psychosocial de l’ONG « Arsis ».

18. Le requérant précise avoir développé des troubles psychologiques en raison de ses conditions d’accueil en Grèce et de son traumatisme passé et avoir demandé, en vain, à bénéficier d’un soutien psychologique.

19. Il fait par ailleurs observer que malgré sa minorité, le Procureur des mineurs, en sa qualité de tuteur provisoire, n’a jamais désigné de tuteur permanent et qu’aucune mesure de tutelle n’a été prise dans son intérêt supérieur.

20. Il affirme avoir ressenti de la peur, de l’insécurité, du désespoir et de la solitude du fait, selon lui, de l’indifférence des autorités, et il considère que pendant cette période, il n’a pas eu accès à une vie digne.

21. Enfin, il argue que compte tenu de sa jeunesse, du fait qu’il était étranger en situation irrégulière dans un pays qu’il ne connaissait pas, non accompagné et donc livré à lui-même, il relevait de la « catégorie des membres les plus vulnérables de la société », et que par conséquent le traitement que les autorités lui ont infligé, en particulier le fait d’avoir vécu sans abri et sans tutelle pendant plus de cinq mois, l’exposait à de grands risques et était humiliant et dégradant.

2. La version du Gouvernement

22. Le Gouvernement soutient que les autorités ont pris les mesures adéquates à leur disposition pour assurer au requérant des conditions de vie et une protection convenables.

23. Il allègue, en particulier, que pendant la période où le requérant séjournait sans autorisation dans les camps de Malakasa et Skaramagas, il avait accès aux services prévus dans le cadre de la coordination générale des procédures d’accueil, de protection, d’interprétation et d’éducation alternative, ainsi qu’aux services de protection des groupes vulnérables et de protection de l’enfance, qui s’occupent du soutien psychosocial, de l’information juridique et de la représentation des mineurs non accompagnés. Il ajoute que le requérant avait également accès aux services alimentaires et de santé de ces deux structures, expliquant que l’ensemble des services susmentionnés sont également fournis aux résidents non enregistrés.

24. Le Gouvernement expose par ailleurs que selon le droit national, le requérant avait libre accès aux établissements publics de santé avant même l’enregistrement de sa demande de protection internationale.

LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES ET INTERNATIONAUX PERTINENTS

1. LE DROIT INTERNE PERTINENT
1. La loi 4540/2018

25. La loi 4540/2018 de mai 2018, qui a transposé la directive établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale (Directive 2013/33/UE (refonte)), disposait ce qui suit dans sa rédaction en vigueur à l’époque des faits :

Article 21

Mineurs (Article 23 de la directive 2013/33/UE)

« 1. L’intérêt supérieur de l’enfant constitue une considération primordiale pour les autorités compétentes lors de la mise en œuvre des dispositions de la présente loi. Un niveau de vie adéquat est garanti aux mineurs pour leur développement physique, mental, spirituel, moral et social. Lorsqu’elles évaluent l’intérêt supérieur de l’enfant, les autorités compétentes tiennent dûment compte, en particulier, des possibilités de regroupement familial, du bien-être et du développement social du mineur, des considérations tenant à la sûreté et à la sécurité, en particulier lorsque le mineur est susceptible d’être une victime de la traite des êtres humains, et de l’avis du mineur, en fonction de son âge et de sa maturité.

2. Les autorités compétentes font en sorte que les mineurs qui ont été victimes de toute forme d’abus, de négligence, d’exploitation, de torture, de traitements cruels, inhumains et dégradants, ou de conflits armés, aient accès à des services de réadaptation ; elles veillent à ce que soient dispensés des soins de santé mentale appropriés et que les victimes aient accès, si besoin est, à un soutien qualifié.

3. Les autorités compétentes font en sorte que les mineurs aient accès à des activités de loisirs, y compris des jeux et des activités récréatives adaptés à leur âge et à leur genre, à l’intérieur des centres d’hébergement et à des activités en plein air. »

Article 22

Mineurs non accompagnés (Article 24 de la directive 2013/33/UE)

« 1. Toute autorité compétente constatant l’entrée d’un mineur non accompagné ou séparé sur le territoire grec, dont en particulier les autorités compétentes en poste aux points d’entrée du territoire grec, en informe sans délai le parquet le plus proche et l’autorité en charge de la protection des mineurs non accompagnés et des mineurs séparés.

2. Le service d’accueil et d’identification est chargé d’accueillir et d’identifier les mineurs non accompagnés dans les centres d’accueil et d’identification. Dans ce contexte, il veille également, par l’intermédiaire du procureur compétent, à ce que la prise en charge du mineur isolé soit confiée à un proche parent adulte, dans la mesure où cela est jugé dans l’intérêt supérieur du mineur. Ce parent agit en tant que représentant du mineur et accomplit la mission qui lui est assignée par le procureur compétent.

3. La Direction générale de la solidarité sociale du ministère du Travail, de la Sécurité sociale et de la Solidarité sociale est l’autorité compétente désignée pour protéger les mineurs non accompagnés et les mineurs isolés. Elle doit :

a. prendre sans attendre les mesures appropriées afin de respecter les obligations qui lui incombent en vertu de la présente loi et d’assurer la représentation nécessaire des mineurs non accompagnés ou séparés, garantissant ainsi l’exercice de leurs droits ainsi que le respect des obligations prévues par la présente loi.

À cette fin, l’autorité compétente prend les mesures nécessaires pour qu’un représentant soit désigné par le procureur territorialement compétent en la matière et informe immédiatement le mineur non accompagné de la désignation de ce représentant. Dans les cas où le représentant désigné est une personne morale, une personne physique est nommée parmi ses membres pour accomplir la mission de représentant. L’autorité compétente en matière de protection des mineurs non accompagnés et des mineurs isolés évalue régulièrement le caractère adéquat des représentants et des moyens mis en œuvre pour représenter les mineurs non accompagnés ;

b. commencer à rechercher, dès que possible après le dépôt d’une demande de protection internationale, les membres de la famille du mineur non accompagné ou du mineur séparé, le cas échéant avec l’aide d’organismes et d’organisations accrédités. Dans les cas où la vie ou l’intégrité physique d’un mineur ou de ses parents proches pourraient être menacées, en particulier s’ils sont restés dans le pays d’origine, il convient de faire en sorte que la collecte, le traitement et la diffusion d’informations concernant ces personnes soient effectués à titre confidentiel, pour éviter de compromettre leur sécurité ;

c. placer les mineurs non accompagnés au sein d’une famille d’accueil et en assurer le suivi ;

d. veiller à ce que les mineurs non accompagnés soient orientés vers des centres d’hébergement pour mineurs non accompagnés ou à d’autres centres d’hébergement dans lesquels il existe des espaces adaptés aux mineurs, et qu’ils y soient conduits et y séjournent aussi longtemps qu’ils restent dans le pays ou jusqu’à ce qu’ils soient placés dans une famille d’accueil ou dans un logement supervisé. Les changements de lieux de résidence des mineurs non accompagnés sont limités au minimum et n’ont lieu qu’en cas d’absolue nécessité ;

e. veiller à ce que les mineurs soient hébergés avec des parents adultes ou d’autres adultes aptes à s’occuper d’eux, si c’est dans leur intérêt supérieur et à condition que les procédures formelles d’attribution de la garde du mineur à ces personnes aient été suivies, conformément à la loi ;

f. veiller à ce que les fratries soient hébergées et vivent ensemble, eu égard à l’âge, au genre, à la maturité et à l’intérêt supérieur du mineur concerné ;

g. assurer l’hébergement des mineurs non accompagnés de plus de seize ans dans des logements supervisés, sans préjudice de leur protection en tant que mineurs. Les organes de surveillance, les normes minimales, les modalités et procédures de sélection, d’orientation, d’hébergement ou de résiliation du logement fourni ainsi que tous les détails pertinents sont réglementés par une décision du ministre du Travail, de la Sécurité sociale et de la Solidarité sociale.

4. Le personnel des organismes chargés des mineurs non accompagnés et des mineurs isolés a, et continue à recevoir régulièrement, une formation adaptée concernant les besoins des mineurs. Il est tenu au respect d’un code de conduite et à la confidentialité des données à caractère personnel dont il a connaissance dans l’exercice de ses fonctions ou du fait de son travail.

5. Le représentant d’un mineur non accompagné désigné en vertu du paragraphe 3, alinéa a), doit avoir les connaissances et l’expérience nécessaires pour accomplir sa mission au service de l’intérêt supérieur et du bien-être général du mineur. Les personnes dont les intérêts entrent en conflit ou sont susceptibles d’entrer en conflit avec les intérêts du mineur non accompagné ne peuvent pas être désignées pour le représenter. Une personne désignée en tant que représentant ne peut être remplacée par l’autorité visée au paragraphe 1 que si cette personne n’est pas en mesure de représenter le mineur pour des raisons pratiques ou juridiques. »

2. Le décret présidentiel no 220/2007

26. Le décret présidentiel no 220/2007 a transposé au niveau national la Directive 2003/9/CE du Conseil de l’Union européenne du 27 janvier 2003 relative à des normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile dans les États membres. Il a été abrogé par la loi 4554/2018, promulguée le 18 juillet 2018 et entrée en vigueur le 1er mars 2020, qui établit un nouveau cadre réglementaire de la tutelle des mineurs non accompagnés. Toutefois, son article 19 a été maintenu en vigueur en vertu de l’article 30 § 6 de la loi no 4540/2018, avant d’être ultérieurement abrogé. À l’époque des faits, ledit article 19 énonçait ce qui suit :

« 1. En ce qui concerne les mineurs non accompagnés, les autorités compétentes prennent immédiatement les mesures appropriées afin d’assurer la représentation nécessaire de ceux-ci. Dans ce but, elles informent le procureur compétent en matière de mineurs et, si celui-ci n’existe pas, le procureur près le tribunal de première instance du lieu, lequel agit comme tuteur provisoire et entreprend les démarches nécessaires pour la désignation d’un tuteur. »

3. La loi 4375/2016

27. La loi 4375/2016, applicable à l’époque de faits, transposait la Directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil relative à des « procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale (refonte) ». Elle prévoyait notamment ce qui suit :

Article 45

(article 25 de la Directive)

Demandes des mineurs non accompagnés

« 1. Lorsqu’un mineur non accompagné introduit une demande [de protection internationale], les autorités compétentes interviennent en vue de désigner un tuteur, conformément au paragraphe 1 de l’article 19 du décret présidentiel no 220/2007. Le mineur non accompagné est informé immédiatement de la désignation du tuteur. Le tuteur représente le mineur, veille à ce que ses droits soient protégés pendant la procédure d’asile et à ce qu’il bénéficie d’une assistance et d’une représentation juridiques adéquates devant les autorités compétentes. Le tuteur ou la personne exerçant une forme de tutelle particulière veille à ce que le mineur soit dûment informé en temps utile et de manière adaptée, en particulier du sens et des éventuelles conséquences de l’entretien individuel, et à lui indiquer [le cas échéant] comment se préparer à celui-ci. Le tuteur ou la personne exerçant une forme de tutelle particulière est invité à assister à cet entretien personnel et a la possibilité de poser des questions ou de formuler des observations afin de faciliter la procédure. La présence du mineur non accompagné peut être jugée nécessaire lors de l’entretien personnel, même si le tuteur ou la personne exerçant une forme de tutelle particulière est présent.

2. Les personnes chargées de mener les entretiens personnels et de prendre les décisions concernant les mineurs non accompagnés ont les connaissances nécessaires quant aux besoins particuliers des mineurs, et elles conduisent l’entretien de manière à ce que le demandeur en comprenne pleinement la teneur, eu égard, en particulier, à son âge.

(...)

8. Garantir l’intérêt supérieur de l’enfant est une obligation primordiale lors de la mise en œuvre des dispositions du présent article.

(...) »

Article 50

(Article 24 de la Directive)

Demandeurs nécessitant des garanties procédurales spéciales

« 1. Les autorités d’accueil évaluent, dans un délai raisonnable après la présentation de la demande de protection internationale, ou à tout moment de la procédure où le besoin s’en fait sentir, si le demandeur nécessite des garanties procédurales spéciales, notamment en raison d’indications ou d’allégations selon lesquelles il serait victime de torture, de viol ou d’autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle.

2. Lorsque les demandeurs ont été identifiés comme étant des demandeurs nécessitant des garanties procédurales spéciales, il leur est accordé un soutien adéquat pour qu’ils puissent, tout au long de la procédure d’asile, bénéficier des droits et se conformer aux obligations [prévus par] la présente partie [de la loi]. Les demandes de protection internationale des personnes nécessitant de garanties procédurales spéciales sont toujours examinées selon la procédure normale. »

4. Le code de procédure administrative

28. L’article 210 du code de procédure administrative est libellé comme suit en ses passages pertinents en l’espèce :

« (...) La personne qui a introduit un recours ou exercé une action peut demander au tribunal de prendre des mesures provisoires (...) »

5. Le code de procédure civile et la loi d’accompagnement du code civil

29. L’article 682 du code de procédure civile prévoit ce qui suit :

« 1. Selon la procédure spéciale visée aux articles 683 à 703, les juridictions peuvent, dans des cas urgents ou afin de prévenir un danger imminent, ordonner l’adoption de mesures provisoires aux fins de la sauvegarde ou du maintien d’un droit ou du règlement d’une situation, et réviser et retirer ces mesures. Ledit droit peut dépendre d’une condition ou d’un délai ou concerner une réclamation future.

2. Des mesures provisoires peuvent également être ordonnées au cours du procès concernant l’affaire principale. »

30. L’article 105 de la loi d’accompagnement du code civil se lit comme suit :

« L’État est tenu de réparer les dommages causés par les actes illégaux ou omissions commis par ses organes lors de l’exercice de la puissance publique, sauf si les actes ou omissions [en question] ont eu lieu en méconnaissance d’une disposition destinée à servir l’intérêt public. L’organe fautif est solidairement responsable avec l’État, sous réserve des dispositions spéciales sur la responsabilité des ministres. »

2. Les textes internationaux pertinents et les constats des organisations internationales
1. La Convention relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989, ratifiée par la Grèce le 11 mai 1993

31. Les articles pertinents de ce texte sont exposés dans les affaires Rahimi (précité, § 33) et Khan c. France (no 12267/16, § 38, 28 février 2019).

2. Les textes adoptés par les organes du Conseil de l’Europe
1. Le rapport du 19 février 2019 du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) relatif à la visite effectuée en Grèce du 10 au 19 avril 2018

32. Faisant part de ses inquiétudes quant à la situation concernant l’hébergement des enfants migrants non accompagnés en Grèce continentale, le CPT a indiqué notamment ce qui suit :

« 122. (...) Au 31 mai 2018, sur un nombre estimé de 3 500 enfants non accompagnés actuellement en Grèce, moins de 1 000 étaient hébergés dans des centres d’accueil dédiés.

(...)

En conséquence, le nombre d’enfants non accompagnés ou séparés sur la liste d’attente a grimpé à plus de 2 700.

(...)

Cela dit, dans sa communication du 3 juillet 2018, la police hellénique a réaffirmé que la question des enfants non accompagnés était un sujet de préoccupation particulière. Sa direction générale demande depuis longtemps l’établissement d’une stratégie nationale pour la gestion des enfants non accompagnés, la réforme de l’institution de tutelle et la création de refuges plus spécialisés pour les enfants non accompagnés, mais tous ces éléments attendent encore d’être mis en pratique.

(...)

Le CPT réitère sa précédente recommandation aux autorités grecques de poursuivre leurs efforts pour augmenter de manière significative et rapide le nombre de centres d’accueil ouverts (ou semi-ouverts) dédiés aux enfants non accompagnés. »

2. Le Comité européen des droits sociaux

33. Dans sa décision du 26 janvier 2021 sur le bien-fondé de l’affaire Commission internationale de Juristes (CIJ) et Conseil européen sur les Réfugiés et Exilés (ECRE) c. Grèce (réclamation no173/2018), le Comité européen des droits sociaux a exposé ce qui suit :

« 137. (...) selon les informations communiquées par les organisations réclamantes, deux enfants non accompagnés sur trois sur le continent ne disposent pas d’une prise en charge et d’un hébergement adaptés à leur âge. Nombre d’entre eux n’ont pas de toit ou sont logés dans des conditions déplorables dans des hôtels ou des centres d’accueil ouverts. Selon les données de l’EKKA, à la date du 30 septembre 2018, 2 363 enfants non accompagnés étaient sur liste d’attente pour obtenir une place dans un foyer ; parmi eux, 272 avaient une solution d’hébergement informelle et 451 étaient signalés comme étant sans abri.

138. (...) dans les observations du HCR qu’en dépit de certains progrès au niveau du cadre institutionnel et de la mise en place de nouvelles modalités de prise en charge, plus globale, des enfants non accompagnés, les insuffisances constatées dans le nombre, le type et la qualité des dispositifs existants persistent. Le HCR cite les données de l’EKKA (31 mai 2019), selon lesquelles 2 858 enfants ne bénéficiaient pas d’une prise en charge sur le long terme ; 1 060 d’entre eux vivaient dans des logements informels et précaires ou étaient sans abri. Le HCR attire l’attention sur le fait qu’un nombre important d’enfants non accompagnés (27 %) sont sans abri ou vivent dans des logements informels ou précaires.

(...)

141. (...) la situation des enfants non accompagnés ne s’est pas améliorée. Selon des données plus récentes publiées par l’EKKA (15 mai 2020), le nombre total d’enfants non accompagnés présents en Grèce était estimé à 5 028 dont 341 enfants séparés : 1 485 d’entre eux étaient logés dans des structures d’hébergement de longue durée (foyers pour enfants non accompagnés et appartements de semi-autonomie) et 589 dans des structures d’accueil temporaire (zones sécurisées et hébergement d’urgence à l’hôtel). Outre les enfants accueillis dans d’autres types de structures destinées à l’accueil d’urgence ou à l’accueil temporaire (soit 1 987 enfants, logés dans une structure d’hébergement d’urgence pour enfants non accompagnés, un centre d’hébergement temporaire ouvert ou un centre d’accueil et d’identification, ou placés en rétention « à titre de protection »), 967 enfants non accompagnés étaient signalés comme ayant des conditions de vie informelles et précaires, c’est-à-dire qu’ils partageaient provisoirement un appartement avec d’autres, vivaient dans des squats, étaient sans abri ou n’avaient pas de solution d’hébergement stable et devaient changer souvent de logement. Ces chiffres font référence à la situation globale des enfants non accompagnés en Grèce. Le Comité comprend néanmoins, eu égard aux allégations spécifiques mises en avant dans la réclamation, que la majorité des enfants vivant dans la rue ou sans abri se trouvent sur le continent à la suite de leur transfert depuis l’un des centres d’accueil et d’identification.

142. (...) le fait qu’un nombre important d’enfants non accompagnés soient sans abri ou vivent dans des logements informels et précaires montre que le dispositif de mise à l’abri prévu pour ces enfants sur le continent ne répond pas aux prescriptions de l’article 31§2 en termes de quantité ou capacité. Le Comité est donc d’avis que la Grèce ne garantit pas le droit à un abri des enfants migrants non accompagnés aux fins de prévenir et réduire l’état de sans-abri, en violation de l’article 31§2.

(...)

191. (...) l’absence persistante de mesures prises pour garantir une prise en charge et un hébergement appropriés a pour effet d’exposer une proportion significative de ces enfants à de graves dangers physiques et moraux, qui peuvent consister en des abus et des violences, y compris la violence sexuelle et sexiste, l’exploitation sexuelle et la traite. »

EN DROIT

1. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DES ARTICLEs 3 et 8 DE LA CONVENTION

34. Invoquant les articles 3 et 8 de la Convention, le requérant se plaint de ses conditions de vie, qu’il estime inadéquates, et notamment d’un manque de logement stable et de biens matériels de première nécessité, ainsi que de l’absence de mise en place par les autorités internes d’une tutelle permanente à son égard.

35. La Cour, maîtresse de la qualification juridique des faits de la cause (Radomilja et autres c. Croatie [GC], nos 37685/10 et 22768/12, § 114, 20 mars 2018), juge plus approprié d’examiner les griefs du requérant sous l’angle de l’article 3 de la Convention. L’article 3 est ainsi libellé :

« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

1. Sur la recevabilité
1. Sur l’exception de Gouvernement tirée d’un défaut de qualité de victime du requérant

36. Le Gouvernement estime que le requérant n’a pas la qualité de victime. Il lui reproche, en particulier, de ne pas avoir fait connaître aux autorités en temps utile, notamment lors de son entrée dans le pays, son statut de mineur non accompagné, et de ne pas avoir précisé la date exacte et les circonstances de son arrivée à Athènes. Il considère par ailleurs que l’intéressé ne produit pas de moyens de preuve suffisants, concernant son lieu de séjour, propres à établir les conditions de vie qu’il allègue. Il soutient que lorsque le requérant s’est adressé aux autorités, celles-ci lui ont immédiatement fourni une assistance adaptée à son âge, arguant qu’il a été placé dans une structure d’hébergement pour mineurs dans un délai très court à compter de l’enregistrement de sa demande de protection internationale. Le Gouvernement invite en outre la Cour à rayer l’affaire du rôle, affirmant, sans plus de précisions, que le différend en question a déjà été réglé et que la poursuite de son examen n’est pas justifiée.

37. Le requérant rétorque qu’il a la qualité de victime. Il allègue qu’il a souffert pendant cinq mois de conditions d’accueil insuffisantes, de l’errance, du désespoir, de la misère, de l’insécurité et d’une absence de tutelle appropriée, et voit dans cette situation une violation de ses droits qui, selon lui, n’a pas été reconnue ni réparée par les autorités.

38. La Cour considère que l’exception du Gouvernement relève de l’examen au fond du grief soulevé par le requérant sous l’angle de l’article 3 de la Convention. Elle décide donc de joindre cette objection au fond.

2. Sur l’exception de Gouvernement tirée d’un non-épuisement des voies des recours internes

a) Thèses des parties

39. Le Gouvernement estime que la requête est irrecevable pour non-épuisement des voies de recours internes. Arguant, à cet égard, que le requérant ne s’est pas présenté aux autorités administratives compétentes immédiatement après son entrée dans le pays, qu’il ne les a pas informées des détails critiques de sa situation personnelle et qu’il n’a pas introduit de demande en vue de bénéficier des conditions matérielles de vie auxquelles il avait droit en vertu de la législation nationale et européenne applicable, le Gouvernement considère que l’État défendeur n’a pas été mis à même de reconnaître et de redresser, le cas échéant, les violations alléguées de la Convention.

40. Il expose, en outre, qu’en cas de négligence des autorités administratives, selon la nature des doléances en cause, une demande de mesures provisoires peut être formée devant les juridictions civiles en vertu des articles 682 et 683 du code de procédure civile ou une action visant à obtenir un règlement provisoire de la situation peut être introduite devant les tribunaux administratifs sur le fondement de l’article 210 du code de procédure administrative. Il ajoute que le requérant lui-même ou ses représentants, après avoir obtenu l’autorisation du Procureur de première instance en sa qualité de tuteur provisoire, auraient pu exercer lesdits recours.

41. Dans ses observations complémentaires, le Gouvernement, considérant que toutes les demandes du requérant ont été satisfaites in fine au niveau interne, soutient pour la première fois qu’il aurait pu introduire, sur le fondement de l’article 105 de la loi d’accompagnement du code civil, une action en dommages-intérêts contre l’État relativement au préjudice moral qu’il estime avoir subi.

42. Le requérant rétorque qu’il a fait tout ce qui pouvait être raisonnablement exigé de lui pour satisfaire à la condition de l’épuisement des voies de recours internes. Se reportant à l’exposé des faits qu’il a soumis à la Cour, il allègue s’être présenté dès le 24 novembre 2018 devant les autorités administratives compétentes, soit le plus tôt possible après son arrivée en Grèce, et les avoir informées, via sa représentante, tant de sa situation personnelle que de son besoin de protection, y compris concernant son hébergement et la désignation d’un tuteur permanent.

43. Il soutient également, pour ce qui est du recours devant les tribunaux administratifs cité par le Gouvernement, que pareille action ne peut être introduite que dans les cas où un recours ou une action principale est pendante. Ainsi, d’après lui, la législation nationale ne prévoit aucun recours par lequel il aurait pu contester les conditions d’accueil et de vie qui lui étaient imposées, ou un dysfonctionnement, voire une inefficacité, de la tutelle temporelle. Il argue en outre que les juridictions civiles n’avaient pas compétence pour examiner les conditions de vie et que, par conséquent, toute demande de mesure provisoire sur le fondement du code de procédure civile aurait été irrecevable. Il ajoute que compte tenu de son incapacité juridique, toute action en justice aurait dû être intentée en son nom par le Procureur des mineurs agissant en qualité de tuteur provisoire, représenté par un avocat mandaté à cet effet, et il fait observer, à cet égard, que ledit Procureur n’a pris aucune mesure en vue de sa représentation ou de sa protection.

b) Appréciation de la Cour

44. Pour ce qui concerne l’allégation du Gouvernement selon laquelle le requérant ne s’est pas présenté aux autorités administratives immédiatement après son entrée dans le pays, la Cour estime qu’elle est sans pertinence s’agissant de l’épuisement des voies de recours internes. La Cour constate en effet qu’à partir du 24 novembre 2018, le requérant, par l’intermédiaire de sa représentante, s’est adressé à plusieurs reprises aux autorités administratives compétentes pour les informer de sa présence à Athènes, de sa situation personnelle, notamment de son statut de mineur non accompagné, de son besoin de protection ainsi que de son intention de demander une protection internationale. La Cour note également qu’entre la date susmentionnée et le 30 avril 2019, la représentante du requérant a averti à plusieurs reprises les autorités administratives des conditions de vie du requérant, notamment concernant son hébergement. Elle observe en outre que le Gouvernement ne précise pas quel recours complémentaire le requérant aurait dû exercer, ou aurait pu utiliser lors de son entrée dans le pays pour faire valoir devant les autorités administratives sa situation personnelle, son besoin de protection et ses conditions matérielles de vie. Par conséquent, la Cour rejette cette branche de l’exception préliminaire soulevée par le Gouvernement.

45. Pour ce qui est des recours devant les tribunaux civils et administratifs, la Cour relève que les mesures provisoires sont étroitement liées à un recours ou une action principale et qu’elles dépendent de son bien-fondé (pour le règlement provisoire d’une situation en vertu de l’article 210 du code de procédure administrative, voir Pitsiladi et Vasilellis c. Grèce, nos 5049/14 et 5122/14, § 32, 6 juin 2023). La Cour estime, sur ce point, que l’exception du Gouvernement est vague et non-étayée, étant donné qu’il ne précise ni le recours ou l’action principale dont le requérant aurait disposé en relation avec les mesures provisoires en question, ni l’objet ou la nature desdits recours ou actions, ni enfin les dispositions pertinentes de la législation nationale les concernant. Εn tout état de cause, le Gouvernement n’a fourni aucun exemple d’arrêts par lesquels des plaignants auraient obtenu un redressement approprié relativement à une violation subie dans des circonstances similaires. Il convient dès lors de rejeter également la deuxième branche de l’exception.

46. Quant à l’action en dommages-intérêts prévue par l’article 105 de la loi d’accompagnement du code civil, la Cour note que le Gouvernement a mentionné pour la première fois le non-exercice de cette voie de recours dans ses observations complémentaires et sur la satisfaction équitable du 29 mars 2022. La Cour rappelle qu’aux termes de l’article 55 de son règlement, si la Partie contractante défenderesse entend soulever une exception d’irrecevabilité, elle doit le faire, pour autant que la nature de l’exception et les circonstances le permettent, dans ses observations écrites ou orales sur la recevabilité de la requête (N.C. c. Italie [GC], no 24952/94, § 44, CEDH 2002‑X). En l’espèce, le Gouvernement n’a pas clairement invoqué l’article 105 de la loi d’accompagnement du code civil à l’appui de l’exception de non-épuisement des voies de recours internes formulée dans ses observations du 18 novembre 2021, et la question de la non-introduction, par le requérant, d’une action en dommages-intérêts sur le fondement de l’article 105 de la loi d’accompagnement du code civil a été abordée pour la première fois par la partie défenderesse dans ses observations complémentaires et sur la satisfaction équitable. La Cour relève par ailleurs qu’au cours de la procédure devant elle, le Gouvernement n’a indiqué aucun obstacle éventuel qui l’aurait empêché d’évoquer, dans ses premières observations sur la recevabilité et le fond de l’affaire du 18 novembre 2021, la non-utilisation par le requérant du recours prévu par ladite disposition. Elle considère par conséquent que le Gouvernement est forclos à exciper du non‑exercice de cette voie interne par l’intéressé (Khlaifia et autres c. Italie [GC], no 16483/12, §§ 51-54, 15 décembre 2016).

47. En tout état de cause, la Cour rappelle que l’article 105 de la loi d’accompagnement du code civil est une disposition transversale du droit grec qui s’applique à une multitude de situations. Dans le cadre d’une action fondée sur cet article, les tribunaux examinent de manière incidente s’il y a eu de la part des autorités un acte illégal ou une omission et, dans l’affirmative, ils accordent au demandeur une indemnité pour dommage moral (A.F. c. Grèce, no 53709/11, § 55, 13 juin 2013). Ainsi, l’action en dommages-intérêts prévue à l’article 105 est étroitement liée aux dispositions d’un texte législatif ou réglementaire, et celles-ci doivent par ailleurs être rédigées en termes suffisamment précis et garantir des droits « justiciables » (De los Santos et de la Cruz c. Grèce, nos 2134/12 et 2161/12, § 34, 26 juin 2014).

48. En l’espèce, la Cour constate que le Gouvernement n’explique pas quels actes illégaux ou omissions les autorités nationales auraient commis dans la présente cause. Il n’indique pas davantage quelle disposition pertinente de la législation nationale aurait dû être invoquée à l’appui d’une action en dommages-intérêts fondée sur l’article 105, pas plus qu’il ne précise si elle constituait, dans le cas du requérant, un fondement juridique solide garantissant un droit « justiciable ». La Cour note également que le Gouvernement n’a pas produit d’arrêts par lesquels des personnes se trouvant dans une situation analogue à celle du requérant se seraient vu octroyer des dommages-intérêts à raison de leur exposition à des conditions de vie inadéquates. À la lumière des considérations qui précèdent, la Cour n’est pas convaincue qu’un recours indemnitaire sur le fondement de l’article 105 de la loi d’accompagnement du code civil du fait de conditions de vie inappropriées aurait eu une chance raisonnable de succès et aurait pu offrir, au moment des faits, un redressement approprié.

49. Constatant que le grief du requérant n’est pas manifestement mal fondé ni irrecevable pour un autre motif visé à l’article 35 de la Convention, la Cour le déclare recevable.

2. Sur le fond
1. Thèses des parties

50. Se référant à l’exposé des faits qu’il a soumis devant la Cour, le requérant dénonce une inertie des autorités à lui apporter une assistance dans l’attente de l’aboutissement de sa demande d’hébergement alors que, d’après lui, elles savaient qu’il était sans abri ou qu’il séjournait sans y être autorisé dans les camps de Malakasa et de Skaramagas.

51. À ce dernier égard, il soutient que, n’ayant pas l’autorisation de demeurer dans ces camps, il n’y avait accès à aucun service, nourriture ou soutien. Il allègue qu’on l’a cependant laissé dormir sur le sol de tentes ou de containers avec des adultes, certains d’entre eux l’ayant, selon ses dires, harcelé sexuellement, et il fait observer qu’aucune mesure n’a été prise pour y régulariser son hébergement à titre temporaire, ou à tout le moins lui fournir de la nourriture et un sac de couchage, et que son transfert vers une zone sûre et adaptée à ses besoins n’a pas davantage été mis en œuvre. Il ajoute que les autorités n’ont conservé aucune information individuelle concernant son séjour dans les camps en question alors qu’il leur incombait, selon lui, d’identifier et d’assurer le suivi des mineurs non enregistrés qui y vivaient.

52. Il argue en outre que le fait d’être privé de logement stable et d’une tutelle adéquate a eu une incidence sur son droit d’accès à la santé, expliquant que ses traumatismes passés, combinés au harcèlement sexuel dont il a été victime à deux reprises, ont détérioré sa santé mentale.

53. Il dénonce également une inertie du Procureur des mineurs, en sa qualité de tuteur temporaire, à l’égard de la situation.

54. Il expose que son cas n’est pas isolé et que les autorités grecques refusent systématiquement de prendre en charge de manière adéquate les migrants mineurs non accompagnés, notamment en ce qui concerne leurs besoins en matière de logement et de tutelle. Cette constatation est, selon lui, confirmée par des rapports émanant d’organismes internationaux et d’organisations non gouvernementales spécialisées dans la promotion des droits de l’homme. Il considère qu’en vertu des textes européens et internationaux, les États supportent une obligation spéciale relativement au traitement des migrants mineurs non accompagnés, lesquels se trouvent, en principe, dans une situation d’extrême vulnérabilité.

55. Le Gouvernement soutient quant à lui que compte tenu des difficultés extrêmes que causait le nombre croissant de mineurs non accompagnés entrant irrégulièrement dans le pays à l’époque des faits, les autorités ont assuré des conditions de vie convenables au requérant. Le Gouvernement estime en outre que les allégations du requérant concernant ses conditions de vie sont vagues et non étayées, en particulier quant à sa présence non autorisée dans les camps de Malakasa et de Skaramagas. Il affirme que dans lesdits camps, le requérant avait accès aux biens de première nécessité, à savoir, principalement, la nourriture et les soins de santé, ainsi qu’à des services de protection des groupes vulnérables, qui, selon lui, sont également fournis aux personnes non enregistrées. Le Gouvernement considère ainsi que le seuil de gravité requis par l’article 3 de la Convention n’a pas été atteint.

2. Appréciation de la Cour

56. La Cour a dit à de nombreuses reprises que pour tomber sous le coup de l’interdiction contenue à l’article 3 de la Convention, un traitement doit atteindre un minimum de gravité. L’appréciation de ce minimum est relative ; elle dépend en effet de l’ensemble des données de la cause, et notamment de la durée du traitement en question, de ses effets physiques ou mentaux, ainsi que, parfois, du sexe, de l’âge et de l’état de santé de la victime (M.S.S. c. Belgique et Grèce [GC], no 30696/09, § 219, CEDH 2011, Tarakhel c. Suisse [GC], no 29217/12, § 94, CEDH 2014 (extraits), Khan c. France, no 12267/16, § 72, 28 février 2019 et N.H. et autres c. France, nos 28820/13 et 2 autres, § 158, 2 juillet 2020).

57. Combinée avec l’article 3, l’obligation que l’article 1 de la Convention impose aux États contractants de garantir aux personnes relevant de leur juridiction les droits et libertés consacrés par la Convention, leur commande de prendre des mesures propres à empêcher que ces personnes ne soient soumises à des tortures ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. L’article 3 combiné avec l’article 1 doit ainsi permettre une protection efficace, notamment des enfants et autres personnes vulnérables, et inclure des mesures raisonnables pour empêcher les mauvais traitements dont les autorités avaient ou auraient dû avoir connaissance (voir, parmi de nombreux autres, Khan, précité, § 73, Rahimi c. Grèce, no 8687/08, §§ 60 et 62, 5 avril 2011).

58. La Cour réaffirme en outre que dans les affaires relatives à l’accueil d’étrangers mineurs, accompagnés ou non accompagnés, il convient de garder à l’esprit que la situation d’extrême vulnérabilité de l’enfant est déterminante et prédomine sur la qualité d’étranger en séjour illégal (N.T.P. et autres c. France, no 68862/13, § 44, 24 mai 2018, Mubilanzila Mayeka et Kaniki Mitunga c. Belgique, no 13178/03, § 55, CEDH 2006-XI).

59. La Cour rappelle également qu’elle s’est déjà penchée sur les conditions d’existence en Grèce de demandeurs d’asile qui étaient livrés à eux-mêmes et avaient vécu pendant de longs mois dans une situation de dénuement extrême (M.S.S., précité, §§ 263-264, Rahimi, précité, §§ 92-94, et Al. K. c. Grèce, no 63542/11, §§ 59 et 62, 11 décembre 2014). En particulier, dans l’arrêt M.S.S. (ibidem, § 263), elle s’est prononcée ainsi :

« (...) compte tenu des obligations reposant sur les autorités grecques en vertu de la directive européenne Accueil (...), la Cour est d’avis qu’elles n’ont pas dûment tenu compte de la vulnérabilité du requérant comme demandeur d’asile et doivent être tenues pour responsables, en raison de leur passivité, des conditions dans lesquelles il s’est trouvé pendant des mois, vivant dans la rue, sans ressources, sans accès à des sanitaires, ne disposant d’aucun moyen de subvenir à ses besoins essentiels. La Cour estime que le requérant a été victime d’un traitement humiliant témoignant d’un manque de respect pour sa dignité et que cette situation a, sans aucun doute, suscité chez lui des sentiments de peur, d’angoisse ou d’infériorité propres à conduire au désespoir. Elle considère que de telles conditions d’existence, combinées avec l’incertitude prolongée dans laquelle il est resté et l’absence totale de perspective de voir sa situation s’améliorer, ont atteint le seuil de gravité requis par l’article 3 de la Convention. »

60. La Cour estime que ces considérations sont également pertinentes dans les circonstances de la présente espèce (N.H. et autres c. France, précité, §§ 161-162 et 164, et Tarakhel c. Suisse [GC], no 29217/12, §§ 96-98, 4 novembre 2014).

61. Elle observe tout d’abord que le Gouvernement fait valoir que le requérant s’est présenté devant les autorités le 19 décembre 2018, date à laquelle il a déposé sa demande de protection internationale. Il ressort toutefois des copies de courriels produites par l’intéressé que les autorités grecques ont été déjà informées de sa situation personnelle et de son besoin de logement les 24, 26 et 29 novembre 2018 (paragraphe 6 ci‑dessus). La Cour note également qu’après ces dates, le requérant a alerté à plusieurs reprises les autorités sur sa situation, en particulier concernant son hébergement (paragraphes 10 et 11 ci-dessus). Elle constate que le 19 décembre 2018, les autorités elles-mêmes ont adressé une demande de recherche de logement au Service National de Solidarité Sociale (paragraphe 8 ci-dessus). Cependant, ce n’est que le 16 mai 2019 que le requérant a été placé dans un centre d’accueil pour mineurs non accompagnés à Athènes (paragraphe 12 ci-dessus), soit près de six mois après avoir signalé pour la première fois aux autorités qu’il avait besoin d’un logement.

62. La Cour est consciente de la complexité de la tâche qui incombait aux autorités internes, eu égard en particulier au nombre de mineurs non accompagnés qui entraient dans le pays à l’époque des faits. Toutefois, vu le caractère absolu de l’article 3, cela ne saurait exonérer un État de ses obligations au regard de cette disposition (N.H. et autres c. France, précité, § 157, M.S.S., précité, § 223).

63. La Cour est d’avis que la situation dans laquelle s’est trouvé le requérant était d’une particulière gravité. Elle observe à cet égard que les autorités l’ont laissé livré à lui-même, sans accès à un logement stable, pendant plusieurs mois, y compris les mois d’hiver. L’intéressé explique ainsi qu’il passait la nuit soit sur les places d’Athènes, comme sans-abri, soit dans des hébergements précaires et informels qu’il intégrait de sa propre initiative, sans y être autorisé par les autorités et sans bénéficier des services de soutien y afférents. La Cour constate par conséquent que le requérant a vécu pendant presque six mois sans pouvoir subvenir à aucun de ses besoins les plus élémentaires, étant dans l’impossibilité de se nourrir, de se laver et de se loger, et qu’il était donc dans un dénuement matériel extrême, alors même que l’obligation de lui assurer des conditions matérielles décentes incombait aux autorités grecques en vertu des dispositions expresses de la législation nationale pertinente portant transposition du droit de l’Union européenne, à savoir la directive Accueil (paragraphe 25 ci-dessus).

64. La Cour considère, sur ce point, que les allégations du requérant sont corroborées par le rapport du CPT ainsi que par les observations du Comité européen des droits sociaux (paragraphe 32 et 33 ci-dessus), qui démontrent que la situation décrite par l’intéressé était un phénomène à grande échelle à l’époque des faits et qu’elle correspondait à la réalité pour un grand nombre de demandeurs d’asile présentant le même profil que lui.

65. De surcroît, la Cour relève, concernant le camp de Malakasa, que le 11 février 2019, le requérant a informé les autorités qu’il ne s’y sentait pas en sécurité et qu’il y avait subi des tentatives de harcèlement sexuel (paragraphe 10 ci-dessus). Elle se réfère à cet égard à la note psychosociale adressée à l’EKKA le 30 avril 2019, dans laquelle il était attesté que le requérant avait été à deux reprises victime de harcèlement sexuel de la part d’adultes dans le camp en question (paragraphe 11 ci-dessus), et elle observe que le Gouvernement ne conteste ni les allégations de l’intéressé sur ce point, ni les passages de la note psychosociale correspondants. De l’avis de la Cour, ces éléments affaiblissent l’argument du Gouvernement selon lequel le requérant avait accès à des conditions de vie saines dans les camps et laissent apparaître, au contraire, une situation de précarité, d’insécurité et de dénuement physique et psychologique qui était de nature à affecter sérieusement son état mental déjà fragile, et portait atteinte à l’essence même de la dignité humaine.

66. La Cour note par ailleurs que lors du dépôt de sa demande de protection internationale, le requérant a porté à la connaissance des autorités son passé familial traumatisant, qui a également été confirmé dans le rapport d’évaluation de la travailleuse sociale des 8 et 12 février 2019 (paragraphes 7, 9 ci-dessus). Les autorités savaient donc dès le 19 décembre 2018, date de l’enregistrement de la demande de protection internationale, que le requérant était particulièrement vulnérable.

67. Or, il ne ressort pas du dossier que les autorités, et notamment le Procureur des mineurs en sa qualité de tuteur temporaire, aient entrepris des démarches subséquentes pour se conformer aux obligations découlant notamment de l’article 19 du décret présidentiel no 220/2007, en procédant à la désignation d’un tuteur et en accélérant son placement dans une structure appropriée (paragraphes 26 et 27 ci-dessus).

68. La Cour n’est donc pas convaincue que les autorités compétentes, qui n’ont pas assuré au requérant des conditions de vie propres et adaptées à ses besoins pendant une période particulièrement longue, à savoir quasiment six mois, ont fait tout ce que l’on pouvait raisonnablement attendre d’elles pour répondre à l’obligation de prise en charge et de protection qui pesait sur l’État défendeur à l’égard de l’intéressé, s’agissant d’un mineur non accompagné en situation irrégulière se disant victime d’un passé familial violent et traumatisé, c’est-à-dire un individu relevant de la catégorie des personnes les plus vulnérables de la société.

69. Eu égard aux constats auxquels elle est parvenue ci-dessus, la Cour considère que du 24 novembre 2018 au 16 mai 2019, le requérant a été abandonné à lui-même par les autorités grecques, dans un environnement totalement inadapté à sa condition de mineur, que ce soit en termes de sécurité, de logement, d’hygiène ou d’accès à la nourriture et aux soins et, plus généralement, de mise en œuvre de sa prise en charge, ainsi que dans une précarité inacceptable au regard de son statut de demandeur d’asile et de mineur non-accompagné.

70. Il s’ensuit que le requérant s’est retrouvé, par le fait des autorités, dans une situation inhumaine et dégradante contraire à l’article 3 de la Convention. Partant, la Cour rejette l’exception préliminaire du Gouvernement tirée d’une absence de qualité de victime du requérant et conclut qu’en l’espèce il y a eu violation de l’article 3 de la Convention.

2. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

71. Aux termes de l’article 41 de la Convention :

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

1. Dommage

72. Le requérant demande 8 000 EUR pour dommage moral.

73. Le Gouvernement estime que la somme réclamée par le requérant est excessive et qu’un constat de violation constituerait une satisfaction équitable suffisante.

74. La Cour est d’avis que le requérant a subi un préjudice moral, du fait notamment de la situation inhumaine et dégradante qui a résulté de la violation de ses droits garantis par l’article 3 de la Convention. Ce préjudice moral ne se trouve pas suffisamment compensé par le constat de violation auquel elle est parvenue. Statuant en équité, la Cour considère qu’il y a lieu d’octroyer au requérant l’intégralité de la somme sollicitée, à savoir 8 000 EUR, pour préjudice moral, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt à ce titre.

2. Frais et dépens

75. Le requérant réclame 500 EUR au titre des frais d’assistance judiciaire qu’il dit avoir engagés, sans toutefois produire des notes d’honoraires ou des factures à l’appui de ses prétentions.

76. Le Gouvernement juge ces sommes excessives et non étayées.

77. La Cour rejette la demande au titre des frais et dépens, aucun justificatif n’ayant été fourni par le requérant à cet égard.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Décide de joindre au fond l’exception préliminaire relative à un défaut de qualité de victime du requérant et de la rejeter ;
2. Déclare la requête recevable ;
3. Dit qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention ;
4. Dit

a) que l’État défendeur doit verser au requérant, dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, 8 000 EUR (huit mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt sur cette somme, pour dommage moral ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 23 janvier 2024, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Milan Blaško Pere Pastor Vilanova
Greffier Président


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