La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/01/2024 | CEDH | N°001-230315

CEDH | CEDH, AFFAIRE O.G. ET AUTRES c. GRÈCE, 2024, 001-230315


TROISIÈME SECTION

AFFAIRE O.G. ET AUTRES c. GRÈCE

(Requêtes nos 71555/12 et 48256/13)

ARRÊT


Art 8 • Vie privée • Prises de sang imposées à des prostituées dans un commissariat de police sans leur consentement préalable • Ingérence non prévue par la loi

Art 8 • Vie privée • Décision du procureur de rendre publiques les données médicales très sensibles des intéressées séropositives associées à leurs identité et photos ainsi qu’à la raison des poursuites pénales engagées contre elles • Données téléchargées sur le

site internet de la police et par la suite diffusées par les médias • Ingérence insuffisamment justifiée et disproportionné...

TROISIÈME SECTION

AFFAIRE O.G. ET AUTRES c. GRÈCE

(Requêtes nos 71555/12 et 48256/13)

ARRÊT

Art 8 • Vie privée • Prises de sang imposées à des prostituées dans un commissariat de police sans leur consentement préalable • Ingérence non prévue par la loi

Art 8 • Vie privée • Décision du procureur de rendre publiques les données médicales très sensibles des intéressées séropositives associées à leurs identité et photos ainsi qu’à la raison des poursuites pénales engagées contre elles • Données téléchargées sur le site internet de la police et par la suite diffusées par les médias • Ingérence insuffisamment justifiée et disproportionnée

Préparé par le Greffe. Ne lie pas la Cour.

STRASBOURG

23 janvier 2024

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire O.G. et autres c. Grèce,

La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

Pere Pastor Vilanova, président,
Jolien Schukking,
Yonko Grozev,
Darian Pavli,
Peeter Roosma,
Ioannis Ktistakis,
Oddný Mjöll Arnardóttir, juges,
et de Milan Blaško, greffier de section,

Vu les requêtes (nos 71555/12 et 48256/13) dirigées contre la République hellénique et dont onze ressortissantes de cet État (« les requérantes »), dont la liste figure en annexe, ont saisi la Cour en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention ») respectivement le 30 octobre 2012 et le 6 juillet 2013,

Vu la décision de porter à la connaissance du gouvernement grec (« le Gouvernement ») les griefs concernant les articles 3, 5 § 1, 8 et 13 de la Convention et de déclarer irrecevables les requêtes pour le surplus,

Vu la décision de ne pas divulguer l’identité des requérantes,

Vu les observations des parties,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 14 novembre et 5 décembre 2023,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette dernière date :

INTRODUCTION

1. Les requêtes concernent la responsabilité encourue par des autorités internes du fait de leur décision de rendre publiques des données médicales très sensibles relatives aux requérantes, prostituées qui, à l’exception de la requérante de la requête no 71555/12 désignée par le numéro 8, étaient séropositives. Elles portent également sur les circonstances dans lesquelles une prise de sang a été imposée aux intéressées.

EN FAIT

2. Les requérantes sont nées aux dates mentionnées dans la liste figurant en annexe. Elles ont été admises au bénéfice de l’assistance judiciaire, et sont représentées par Mes K. Farmakidis-Markou, A. Stamoulis, E. Spathana, V. Papadopoulos, I. Tzeferakou, H. Papageorgiou et P. Masouridou.

3. Le Gouvernement est représenté par la déléguée de son agent, Mme M. Germani, auditrice auprès du Conseil juridique de l’État.

1. Les circonstances de l’espèce
1. Requête no 71555/12
1. L’arrestation des requérantes désignées par les numéros 1-7 et la procédure pénale engagée contre elles

4. Le 30 avril 2012, dans le contexte d’une opération policière menée au centre d’Athènes, quatre-vingt-seize femmes au total, dont les requérantes désignées par les numéros 1 à 7, furent emmenées au commissariat de police d’Omonoia, puis à la direction de la police des étrangers de l’Attique.

5. Selon le Gouvernement, les policiers effectuèrent les interpellations afin de vérifier l’identité de ces femmes, celles-ci, d’une part, n’ayant pas de pièces d’identité sur elles et, d’autre part, ayant, par leur comportement, éveillé chez eux des soupçons sérieux quant à la commission par elles de l’infraction prévue à l’article 5 de la loi no 2734/1999, à savoir se prostituer sans disposer du permis et du livret de santé spécial prévus par la loi. Le Gouvernement précise que les policiers de la patrouille avaient auparavant observé les femmes en question et qu’ils avaient constaté qu’elles sollicitaient, par des phrases, des poses et des gestes obscènes, les hommes passant dans la rue, incitant ceux-ci à avoir des rapports sexuels tarifés avec elles.

6. Les femmes interpellées furent soumises à un examen médical de dépistage de maladies sexuellement transmissibles, qui fut réalisé dans les locaux de la direction des étrangers par une équipe de médecins affectés au centre de contrôle et de prévention des maladies (à l’époque, le « KEELPNO »). L’examen de dépistage du VIH, qui consistait en une recherche rapide d’anticorps, aurait révélé que onze des femmes interpellées étaient séropositives, dont les requérantes désignées par les numéros 1 à 7. Les requérantes indiquent qu’elles subirent les prises de sang sans recueil préalable de leur consentement ni explication de la part des autorités policières, et qu’en tout état de cause, certaines d’entre elles souffraient de syndromes de sevrage et ne pouvaient donc pas donner de consentement valable. Elles exposent qu’elles furent ensuite conduites à la direction générale de la police de l’Attique (ΓΑΔΑ) et précisent avoir été informées à un stade ultérieur de la procédure que les prélèvements sanguins visaient à dépister leur séropositivité éventuelle.

7. Le 1er mai 2012, les policiers, après avoir pris les dépositions sous serment de D.M., chef des patrouilles pédestres qui avaient emmené les requérantes au commissariat de police d’Omonoia, et de S.S., médecin du KEELPNO, redigèrent un rapport pour chacune des requérantes et envoyèrent les conclusions de leur enquête au procureur près le tribunal correctionnel d’Athènes (« le procureur »).

8. Aux premières heures du 1er mai 2012, celles des femmes contrôlées qui avaient été diagnostiquées séropositives furent arrêtées par les policiers pour avoir commis l’infraction visée aux articles 310 § 1-3 et 94, ainsi que 308 § 1 du code pénal (CP), à voir pour tentative de l’infraction d’infliction d’un préjudice corporel grave avec intention, en concours avec l’infraction d’infliction d’un préjudice simple. Informées par ceux-ci des accusations portées contre elles, les requérantes furent invitées à signer un procès-verbal d’arrestation et déclarèrent qu’elles souhaitaient présenter leur défense devant le procureur en étant assistées par un avocat.

9. Les femmes arrêtées (dont les requérantes désignées par les numéros 1 à 7) furent présentées devant le procureur le même jour, et celui-ci engagea des poursuites pénales contre elles pour tentative et commission de l’infraction d’infliction d’un préjudice corporel grave avec intention, en concours avec celle d’infliction d’un préjudice corporel grave avec intention potentielle, et infraction aux articles 1, 2, 3 et 5 § 1 a) de la loi no 2734/1999, c’est-à-dire pour exercice de la prostitution sans autorisation officielle, absence de permis d’exploiter une maison de prostitution et absence de livret de santé spécial. Il ordonna également l’ouverture d’une instruction principale, transmettant le dossier à la juge d’instruction en charge de l’affaire.

10. À la même date, le procureur, se fondant sur les dispositions des articles 2 (a) et (b) et 3 § 2 (b) de la loi no 2472/1997, ordonna en outre, par une ordonnance no 23/2012, la divulgation des photos et des noms des requérantes, accompagnés de la raison pour laquelle des poursuites pénales avaient été engagées contre elles et de la mention de leur séropositivité. Ladite ordonnance était rédigée comme suit en ses passages pertinents en l’espèce :

« (...) la société sera protégée et l’État atteindra plus aisément son but de répression des infractions susvisées, avec la révélation de la commission éventuelle d’actes similaires de leur part, par l’incitation de tous ceux qui auraient déjà eu des rapports avec elles à se soumettre à des examens médicaux et par la prévention de toute panique qui pourrait prendre tous ceux qui auraient eu des rapports avec des prostituées présentant des caractéristiques similaires. »

11. L’ordonnance fut téléchargée sur le site internet de la police et, par la suite, diffusée par les médias. La publication des données personnelles des requérantes fit l’objet d’une couverture médiatique importante pendant plusieurs jours.

12. Plus tard au cours de cette même journée du 1er mai 2012, les requérantes furent amenées devant la juge d’instruction afin de présenter leur défense, mais elles lui demandèrent un délai supplémentaire de trois jours, qui leur fut accordé. Elles auraient déclaré en outre, lors de ces échanges, qu’elles consentaient à leur détention.

13. Le 4 mai 2012, les requérantes déposèrent une demande de révocation de l’ordonnance no 23/2012 auprès du directeur du bureau du procureur près le tribunal correctionnel d’Athènes. Elles estimaient que la divulgation de données personnelles sensibles les concernant était contraire aux articles 2, 5, 9, 9A et 25 de la Constitution et aux articles 3 et 8 de la Convention, et qu’elle était disproportionnée au but visé. Selon elles, cette demande fut rejetée sans décision écrite et sans qu’elles en fussent informées.

14. Le même jour, les requérantes furent de nouveau conduites devant la juge d’instruction, devant laquelle elles présentèrent leur défense, et à l’issue de cette audition celle-ci décida, en accord avec le procureur, de les placer en détention provisoire. Le 8 mai 2012 à 14 heures, elles furent transférées des locaux de la direction de la police d’Athènes, où elles se trouvaient depuis le 1er mai 2012 à 6 heures, à la section des femmes de la prison de Korydallos.

15. Le Gouvernement précise que les requérantes désignées par les numéros 2, 3, 5 et 7 furent placées à la prison de Korydallos en vertu de la décision du juge d’instruction, mais que la détention des requérantes désignées par les numéros 1 et 4, O.G. et C.N., intervenait en exécution de peines d’emprisonnement qui avaient été prononcées contre elles auparavant. Selon lui, elles furent toutefois détenues en vertu de l’ordonnance de la juge d’instruction pour les faits relatifs à cette affaire, concernant O.G., à partir du 24 septembre et jusqu’au 27 septembre 2012 et, concernant C. N., à partir du 1er août 2012 jusqu’au 17 octobre 2012, les intéressées ayant été remises en liberté à l’issue de ces périodes respectives.

16. Le 30 octobre 2012, après la fin de l’instruction principale, le procureur introduisit l’affaire devant la chambre d’accusation afin que cette dernière se prononçât sur un renvoi en jugement des prévenues. Il préconisa, entre autres, un changement du chef d’accusation afin que les requérantes fussent renvoyées pour l’infraction de tentative d’infliction d’un préjudice corporel grave avec intention potentielle, ainsi que pour l’infraction visée à l’article 5 § 1 a) de la loi no 2734/1999, à savoir la prostitution sans être titulaire d’un certificat d’exercice ou sans s’être soumis aux examens pertinents visés.

17. Par une ordonnance no 4207/2012 du 16 novembre 2012, la chambre d’accusation entérina la proposition du procureur et renvoya les requérantes devant le tribunal correctionnel d’Athènes. L’audience de l’affaire fut initialement fixée au 17 juin 2013, puis ajournée au 23 janvier 2015.

18. Le 16 décembre 2016, le tribunal correctionnel d’Athènes, statuant en formation de trois juges, mit fin aux poursuites pénales engagées contre les requérantes désignées par les numéros 3, 4 et 5 du fait de leur décès, et il acquitta les autres requérantes, abrogeant l’ordonnance no 23/2012 (arrêts nos 35098/3-11-2016, 36956/15-11-16, 27885/21-11-16, 40121a/2-12-2016, 42379/16-12-16).

2. Les recours introduits par les requérantes devant les juridictions internes

a) Procédure devant les juridictions pénales

19. Le 30 juillet 2012, les requérantes de la requête no 71555/12 désignées par les numéros 1, 3, 5, 6 et 7 avaient introduit une plainte devant le procureur, se plaignant d’actes commis par des médecins et des policiers relativement à l’examen de dépistage du VIH qui leur avait été imposé. Elles soutenaient notamment que la prise de sang avait été réalisée sans leur consentement, et que celui-ci ne pouvait être donné dès lors qu’elles présentaient, selon elles, des symptômes de sevrage.

20. Le 26 octobre 2012, le procureur ordonna l’ouverture d’une enquête des chefs d’atteinte à la dignité humaine, de violences illégales et de manquement au devoir. Le juge d’instruction mena une instruction préliminaire et le 11 décembre 2012, il transmit au procureur le dossier, lequel contenait les procès-verbaux d’audition des plaignantes, un mémoire supplémentaire déposé par elles et les dépositions de trois témoins. À la suite d’une demande du procureur datée du 11 mars 2013, le dossier fut complété par une déposition sans prestation de serment, dix mémoires en défense des personnes auxquelles les infractions étaient reprochées, ainsi qu’un mémoire produit par les policiers mis en cause. Par suite d’une nouvelle demande du procureur, datée du 30 septembre 2013, les dépositions sans prestation de serment des quatre policiers visés par la plainte furent versées au dossier.

21. Par une ordonnance no 13/2014 du 31 janvier 2014, le procureur classa l’affaire sans suite. L’ordonnance n’a pas été communiquée à la Cour, mais selon les requérantes, le procureur estima que quand bien même la prise de sang aurait été effectuée sans le consentement des intéressées, le dépistage était en tout état de cause prévu par la loi.

22. Le 30 avril 2014, les requérantes de la requête no 71555/12 désignées par les numéros 1 et 6 contestèrent l’ordonnance no 13/2014.

23. Par une ordonnance no 131/2014 du 25 août 2014, le procureur près la cour d’appel rejeta leur recours. Il estima qu’il n’existait pas d’indices suffisants de la commission des infractions dénoncées par les plaignantes par le médecin du KEELPNO ou par les autres personnes mises en cause, lesquelles avaient soutenu dans leurs mémoires en défense que les plaignantes avaient consenti à la prise de sang. Plus précisément, il indiqua qu’il ne résultait d’aucun élément ou d’aucune preuve que les plaignantes eussent subi une quelconque atteinte à la dignité humaine ou un traitement inhumain ou dégradant, étant donné que la prise de sang avait été effectuée lege artis par un médecin dans une chambre séparée, qu’elle avait duré seulement quelques minutes et qu’elle n’avait causé aucune douleur ou angoisse aux intéressées. Il releva que la base légale des actes reprochés aux policiers mis en cause était l’article 251 du code de procédure pénale, lequel énonçait l’obligation pour la police d’agir sans délai pour recueillir des informations concernant une infraction, et que l’ingérence était par conséquent prévue par la loi, comme exigé par l’article 8 § 2 de la Convention. Il considéra en outre que les requérantes n’étaient pas vulnérables, vu qu’elles avaient déjà été arrêtées auparavant pour les mêmes infractions et qu’elles pouvaient donc comprendre la procédure, et que par ailleurs les symptômes de sevrage que certaines d’entre elles présentaient alors n’atteignaient pas un niveau qui fût de nature à altérer leurs capacités intellectuelles d’une manière qui les empêchât de comprendre la procédure ou d’y consentir. Il ajouta que l’intervention des médecins avait quant à elle pour base légale l’arrêté no 39A/2012 du ministre de la Santé, qui prévoyait un dépistage du VIH à l’égard des personnes droguées et prostituées. À cet égard, il retint qu’il ressortait de l’interprétation de la disposition en question que le dépistage visé devait être effectué dans les cas tels que celui des plaignantes, c’est-à-dire lorsque des personnes droguées et prostituées étaient arrêtées aux fins de la protection tant de la santé publique que de leur santé individuelle.

24. Partant, la plainte déposée contre lesdits policiers et médecins des chefs d’atteinte à la dignité humaine, de violences illégales et de manquement au devoir fut rejetée.

b) Procédure devant l’autorité chargée de la protection des données à caractère personnel

25. Le 9 août 2012, les requérantes de la requête no 71555/12 désignées par les numéros 1, 3, 4, 6 et 7 avaient introduit par ailleurs un recours devant l’autorité pour la protection des données personnelles, se plaignant en particulier de la publication de leurs photographies dans la presse. Selon le Gouvernement, elles n’y formulèrent aucun grief quant à une quelconque coercition en relation avec les examens médicaux qui avaient été effectués sur elles. Ladite autorité classa l’affaire sans examiner le recours, se fondant sur un constat d’incompétence auquel elle était parvenue à son endroit dans sa décision no 128/2012.

3. Pour ce qui concerne la requérante désignée par le numéro 8

26. Le 1er mai 2012, la requérante désignée par le numéro 8, S.P., fut avertie par une connaissance qu’au cours du journal télévisé de vingt heures, son nom était apparu à l’écran, accompagné de la photo d’une autre personne, et d’une mention indiquant qu’elle était une prostituée séropositive. Il fut mis en évidence par la suite que la requérante désignée par le numéro 5, M.P., qui était la sœur de l’intéressée, avait, lors de son arrestation, décliné l’identité de celle-ci à la place de la sienne. Cette fausse déclaration n’ayant pas été immédiatement décelée par les policiers, lorsque le procureur ordonna la publication des photos et des noms des requérantes, la photo de la requérante no 5 apparut accompagnée du nom de la requérante no 8.

27. Selon la requérante désignée par le numéro 8, elle se rendit à la direction générale de la police de l’Attique le jour même et, présentant sa carte d’identité, elle demanda, sans succès, la correction des données qui avaient été jointes à la photographie de sa sœur. Le lendemain, elle renouvela les mêmes démarches auprès du juge d’instruction et du procureur en charge de l’affaire, sans plus de succès.

28. Le 4 mai 2012, l’intéressée forma auprès du chef du bureau du procureur près le tribunal correctionnel d’Athènes une demande de révocation de l’ordonnance no 23/2012, à tout le moins pour ce qui la concernait.

29. Par une ordonnance no 23A/2012 du 15 mai 2012, le procureur, acceptant la demande de la requérante, remplaça le nom de S.P. par celui de M.P. La requérante soutient que ladite ordonnance ne lui fut pas notifiée, et qu’elle ne fut pas davantage versée au dossier de l’affaire, de sorte qu’elle continua de se voir notifier les décisions concernant sa sœur.

30. En parallèle, une procédure pénale fut engagée contre la requérante désignée par le numéro 5 pour fausse déclaration. L’audience de l’affaire fut fixée au 11 juin 2014, date à laquelle elle fut ajournée. Selon le Gouvernement, la requérante désignée par le numéro 8 n’introduisit pas de demande de constitution de partie civile dans le cadre de cette procédure. La Cour n’a pas reçu plus d’informations concernant ladite procédure pénale.

2. Requête no 48256/13

31. Le 5 mai 2012, des patrouilles similaires à celles qui avaient eu lieu le 30 avril 2012 furent effectuées, et à l’issue de l’opération, les policiers amenèrent dix-neuf femmes, parmi lesquelles les requérantes de la requête no 48256/13, à la direction des étrangers de l’Attique, estimant qu’elles se prostituaient. Lesdites femmes y furent soumises à un examen médical, réalisé par des médecins du KEELPNO, en vue d’un dépistage du VIH, et il en ressortit que les requérantes étaient porteuses du virus. Elles furent alors arrêtées sur le fondement des articles 310 §§ 1-3 et 94 du CP (lésions corporelles graves à répétition), ainsi que 308 § 1 du CP (lésion corporelle simple) et elles signèrent le procès-verbal de leur arrestation. Les requérantes indiquent qu’elles subirent les prises de sang sans recueil préalable de leur consentement ni explication de la part des autorités policières.

32. Plus tard dans la journée, des policiers prirent la déposition sous serment d’A.T., un policier qui avait été témoin du comportement des requérantes, ainsi que du médecin du KEELPNO qui avait procédé à l’examen médical. Ils constatèrent en outre que les requérantes avaient été arrêtées dans le passé pour prostitution et vols, mais les intéressées nièrent se prostituer et déclarèrent qu’elles ignoraient qu’elles étaient séropositives.

33. Le même jour, des poursuites pénales furent engagées contre les requérantes pour lésions corporelles graves à répétition ainsi que, concernant P.K., pour fausse déposition sans prestation de serment, celle-ci ayant indiqué lors de son arrestation de fausses données d’identité. Par une ordonnance no 27/2012 du 5 mai 2012, qui comportait une motivation similaire à celle de l’ordonnance no 23/2012 (paragraphe 10 ci-dessus), le procureur ordonna, entre autres, la publication des photographies des requérantes accompagnées de leur nom ainsi que de la raison pour laquelle des poursuites pénales avaient été engagées contre elles et de la mention de leur séropositivité.

34. Au cours de la même journée, les requérantes furent conduites devant la juge d’instruction, qui, à leur demande, leur accorda un délai, fixé au 10 mai 2012, pour la présentation de leur défense. Les requérantes déclarèrent consentir à être détenues pendant ce délai de cinq jours.

35. Lors de l’exposé de leur défense en présence de leur avocat, le 10 mai 2012, les requérantes nièrent se prostituer et indiquèrent souffrir de problèmes de drogue. Elles ne firent pas état d’une quelconque contrainte dans la réalisation sur elles des examens médicaux, pas plus qu’elles ne demandèrent que les résultats de ces examens ne fussent pris en considération.

36. Le même jour, la juge d’instruction près le tribunal correctionnel d’Athènes ordonna la détention provisoire des intéressées, qu’elle justifia notamment par la gravité des actes qui leur étaient reprochés et par la nécessité d’assurer leur présence à l’audience. Le 11 mai 2012, les requérantes furent transférées à la prison de Korydallos.

37. Par une décision no 2749/2012 du 20 juillet 2012, la chambre d’accusation du tribunal correctionnel d’Athènes renvoya les requérantes en jugement.

38. Par un arrêt no 8/2013 du 7 janvier 2013, la cour d’assises d’Athènes acquitta les intéressées, car il ne ressortait pas qu’elles se prostituaient ni qu’elles avaient décidé d’infliger de préjudice corporel grave. Les requérantes furent libérées en conséquence le 8 janvier 2013. Le 29 mai 2014, le procureur interdit, par une nouvelle ordonnance, la publication de leurs données personnelles.

39. P.K. et M.F., la première et la deuxième requérantes sont décédées ultérieurement, à des dates qui n’ont pas été précisées. Les deux enfants de la première requérante, P.M. et C.-V.G., ont exprimé le souhait de poursuivre la procédure.

3. Les conditions de détention des requérantes à la direction de la police de l’Attique
1. La version des requérantes

40. Les requérantes indiquent qu’elles ont été détenues pendant plusieurs jours dans un endroit qui, par sa nature même, était destiné à des détentions de courte durée, et elles ajoutent notamment qu’elles y ont été privées de toute possibilité de se promener.

41. Elles estiment que les locaux de la direction générale de la police de l’Attique n’étaient pas adaptés à la détention, expliquant qu’elles y ont séjourné dans un espace exigu, sans aération ni accès à la lumière, que la nourriture était de très mauvaise qualité et qu’il n’y avait pas de cour intérieure pour se promener. Elles allèguent par ailleurs qu’aucun soin médical ne leur a été administré malgré leurs conditions de santé et qu’elles ne reçurent aucun soutien médical ni psychologique.

2. La version du Gouvernement

42. Le Gouvernement précise que les requérantes de la requête no 71555/12 ont été détenues dans les cellules réservées aux femmes de la direction de la sécurité de l’Attique du 1er mai 2012 à 6 heures au 8 mai 2012 à 14 heures, et que les requérantes de la requête no 48256/13 y ont été détenues du 5 mai 2012 à 18 h 30 au 11 mai 2012 à 12 h 10. Il explique que chacune des cellules a une superficie de 10 m2 et qu’un maximum de quatre personnes y sont placées. Il affirme qu’elles sont suffisamment éclairées, ventilées et chauffées, que les locaux sont nettoyés tous les jours et désinfectés régulièrement, et que les détenues y reçoivent trois repas par jour, identiques à ceux servis aux policiers, précisant par ailleurs que des articles d’hygiène personnelle y furent distribués aux requérantes.

43. Il soutient en outre que chaque fois que l’une des requérantes manifestait des symptômes de sevrage, elle était transférée à l’hôpital. Il indique en particulier que le 2 mai 2012, C.N., O.P., A.K., G.Z., V.K., M.P. et O.G. furent transportées à l’hôpital psychiatrique d’Athènes « Dafni », que le 6 mai 2012, C.N., O.P., A.K., V.K., P.K., M.F. et C.F. furent conduites à l’hôpital psychiatrique « Aiginiteio », et que le 9 mai 2012, P.K. fut à nouveau prise en charge en milieu psychiatrique, à l’hôpital d’Athènes « Dafni », alors que M.F. était orientée vers l’hôpital « Evaggelismos ».

LE CADRE JURIDIQUE ET LA PRATIQUE PERTINENTS

1. LE DROIT INTERNE
1. La Constitution

44. Les articles pertinents en l’espèce de la Constitution disposent ce qui suit :

Article 2

« 1. Le respect et la protection de la dignité de l’homme constituent l’obligation primordiale de la République. »

Article 9

« 1. Le domicile de chacun est un sanctuaire. La vie privée et familiale de l’individu est inviolable (...) »

Article 9A

« Toute personne a le droit d’être protégée contre la collecte, le traitement et l’utilisation, notamment par voie électronique, de données à caractère personnel la concernant, dans les conditions prévues par la loi. La protection des données à caractère personnel est assurée par une autorité indépendante, établie et fonctionnant conformément à la loi. »

Article 25

« 1. Les droits de l’homme en tant qu’individu et membre du corps social et le principe de l’État-providence constitutionnel sont garantis par l’État. Tous les agents de l’État sont tenus d’en assurer l’exercice libre et effectif. Ces principes s’appliquent également aux relations privées et à tout ce qui s’y rapporte. Les restrictions de toutes sortes qui, conformément à la Constitution, peuvent être apportées à ces droits doivent être prévues soit directement par la Constitution, soit par la loi; dans le cas où cette indication existe, [elles sont appliquées] sans préjudice de la loi et dans le respect du principe de proportionnalité.

(...) »

Article 99

« 1. Une Cour spéciale, composée d’un président – le président du Conseil d’État – et de membres désignés par tirage au sort – un conseiller d’État, un conseiller à la Cour de cassation, un conseiller maître à la Cour des comptes, deux professeurs de droit des facultés de droit des universités du pays et deux avocats membres du Conseil supérieur disciplinaire de l’ordre des avocats –, statue, ainsi que la loi le prévoit, sur les actions de prise à partie (αγωγή κακοδικίας) engagées contre des magistrats (...) »

2. Le code de procédure pénale (CPP)

45. Les dispositions du code de procédure pénale pertinentes en l’espèce sont décrites dans l’arrêt de la Cour [Tsalikidis et autres c. Grèce](https://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-178960) (no 73974/14, § 34, 16 novembre 2017).

46. En outre, les articles pertinents du CPP applicables à l’époque des faits se lisaient comme suit :

Article 177

Le principe de la preuve morale

« (...)

2. Les éléments de preuve obtenus par ou grâce à des actes criminels ne sont pas pris en compte dans la procédure d’admission des preuves. »

Article 243 § 2

Enquête préliminaire

Quand et par qui elle est effectuée

« Lorsqu’un retard risque de créer un danger immédiat, ou en cas de crime ou délit devant être jugé en comparution immédiate, tous les enquêteurs sont tenus d’accomplir les actes nécessaires pour vérifier la commission de l’infraction et en découvrir l’auteur, et ce même en l’absence de décision préalable du procureur (...) »

Article 251

Devoirs de la personne chargée de l’interrogatoire

« Le juge d’instruction et les officiers de police judiciaire mentionnés aux articles 33 et 34, lorsqu’ils en reçoivent l’ordre du procureur, ou d’office dans les cas visés à l’article 243 par. 2, doivent recueillir sans délai des informations sur l’infraction, ses auteurs et les personnes impliquées, interroger les témoins et les inculpés, se rendre, si nécessaire, sur les lieux avec les experts médico-légaux ou tout autre expert qu’ils auront désignés en vue de la réalisation d’une autopsie, mener des investigations, saisir les preuves et, d’une manière générale, faire tout ce qui est nécessaire à la collecte et à la conservation des preuves et au prélèvement de toute trace [laissée sur les lieux] de l’infraction. »

47. En outre, l’article 48 du CPP prévoit contre l’ordonnance du procureur un droit de recours que la jurisprudence et la doctrine qualifient de quasi-appel, estimant que le procureur près la cour d’appel exerce dans ce cadre un « pouvoir juridictionnel de second degré », parce que le recours en question permet au plaignant de demander le réexamen de l’ordonnance du procureur près le tribunal correctionnel en vue de son annulation ou de sa réformation. Par conséquent les dispositions relatives aux recours juridiques lui sont applicables par analogie, tant pour ce qui concerne la procédure que pour ce qui est de l’objet (contrôle de la régularité) et des effets dudit recours (Aspiotis c. Grèce (déc.), no 4561/17, § 36, 1er mars 2022).

3. Le code pénal

48. Les dispositions du code pénal applicables à la cause sont ainsi libellées en leurs passages pertinents en l’espèce :

Article 225

Faux témoignage sans prestation de serment

« 1. Est puni d’un emprisonnement d’au moins un an :

(a) quiconque, interrogé en tant que partie ou témoin sans avoir prêté serment par une autorité compétente à cette fin, ment sciemment ou nie ou dissimule la vérité,

(b) quiconque s’est déclaré prêt à faire un faux témoignage sous serment devant le tribunal, mais ne l’a pas fait parce que la partie adverse a accepté [son témoignage] comme s’il avait [déjà] prêté serment.

2. Dans tout autre cas, quiconque dit sciemment un mensonge ou nie ou dissimule la vérité lorsqu’il est interrogé par une autorité ou un fonctionnaire habilité par une autorité ou lorsqu’il fait rapport à une autorité, sera puni d’une peine d’emprisonnement d’au moins un an ou d’une amende. La même peine sera infligée à toute personne qui, comparaissant comme témoin devant une autorité, refuse obstinément de donner son témoignage ou de prêter serment. »

Article 243

Défaut de vérification d’un document d’identité

« Le fonctionnaire en charge de la délivrance ou de la rédaction de documents publics qui, au cours de la délivrance ou de la rédaction du document, ne s’assure pas de l’identité de la personne concernée par ledit document dans les conditions prévues par la loi, est puni d’une peine d’emprisonnement n’excédant pas trois mois. »

Article 308

Dommage corporel simple

« 1. Quiconque cause des lésions corporelles ou porte atteinte à la santé d’autrui est puni d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à deux (2) ans, ou d’une amende. (...) »

Article 310

Dommage corporel grave

« 1. Si l’acte incriminé à l’article 308 a entraîné des lésions corporelles graves, un emprisonnement d’au moins un (1) an est prononcé.

2. Quiconque cause des lésions corporelles graves à autrui est puni d’une peine d’emprisonnement d’au moins deux (2) ans. Chercher à causer des lésions corporelles graves est passible d’une peine d’emprisonnement.

3. Il y a atteinte corporelle grave notamment lorsque l’acte a causé à la victime une maladie mettant en jeu le pronostic vital, ou une maladie grave et de longue durée, ou une mutilation grave, ou une incapacité ou défiguration permanente, ou s’il l’a empêchée de manière significative et prolongée de disposer normalement de son corps ou de son esprit. »

4. La loi introduisant le code civil

49. La loi introduisant le code civil prévoit notamment ce qui suit :

Article 105

« L’État est tenu de réparer le dommage causé par les actes illégaux ou omissions de ses organes lors de l’exercice de la puissance publique, sauf si l’acte ou l’omission a eu lieu en méconnaissance d’une disposition destinée à servir l’intérêt public. La personne fautive est solidairement responsable avec l’État, sous réserve des dispositions spéciales sur la responsabilité des ministres. »

5. L’arrêté ministériel no 39A/2012

50. L’arrêté ministériel no 39A/2012 se lit comme suit en ses passages pertinents en l’espèce :

Article 1er

« (...)

2. Les maladies susceptibles de présenter un risque pour la santé publique sont notamment :

a) Les maladies infectieuses transmissibles qui, sur décision du ministre de la Santé et de la Solidarité sociale prise par arrêté spécial après avis du KEELPNO, nécessitent un isolement ou un confinement (quarantaine) aux fins de la limitation de leur transmission. Ces maladies sont les suivantes : grippe pandémique, syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), fièvres hémorragiques virales, choléra, diphtérie, tuberculose pulmonaire active, pneumonie, variole, fièvre jaune.

b) Les maladies transmissibles qui constituent une urgence médicale selon les critères définis par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) ou les Centres américains de contrôle et de prévention des maladies (CDC). Ces maladies sont en particulier les suivantes :

tuberculose pulmonaire active, paludisme, poliomyélite sauvage, syphilis principale et secondaire, lèpre active, lymphogranulome vénérien, granulome inguinal (donovanose), chancre, fièvres hémorragiques virales et gonorrhée.

Des maladies peuvent être ajoutées ou retirées de la liste des maladies susmentionnées par le ministre de la Santé et de la Solidarité sociale sur recommandation du KEELPNO.

Pour les maladies visées au paragraphe 2b, un contrôle des personnes sans autorisation de séjour et des demandeurs d’asile est mis en place.

...

4. Un dépistage spécifique est prévu pour le VIH, le VHB et le VHC à l’égard des personnes qui font usage de stupéfiants en intraveineuse ainsi que des personnes qui se prostituent et n’ont pas de carnet de santé. Si les personnes qui se prostituent sont victimes de traite, les services anti-traite du KEELPNO et de la police sont immédiatement prévenus. »

6. La loi no 2734/1999 sur les personnes prostituées

51. Les dispositions pertinentes de la loi no 2734/1999 sur les personnes prostituées sont libellées comme suit :

Article 2

« 1. Les personnes qui ont le certificat prévu à l’article précédent [le certificat autorisant l’exercice de la profession de prostituée] sont obligées de subir des examens médicaux tous les quinze (15) jours sous la responsabilité des services de santé des préfectures. Le résultat de chaque examen médical est inscrit dans leur carnet de santé. »

Article 5

« Est puni d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à deux (2) ans et d’une amende quiconque :

a. se prostitue contre rémunération sans être titulaire d’un certificat d’exercice ou sans s’être soumis aux examens pertinents visés au paragraphe 1de l’article 2 (...) »

52. En vertu des décisions ministérielles 660 et 661 de l’année 2000 relatives au mode de réalisation du contrôle médical des personnes prostituées, celles-ci devaient subir un examen de dépistage du VIH tous les trois mois.

7. Dispositions concernant le consentement du patient

53. Le droit du patient à ne subir d’interventions médicales qu’avec son consentement est prévu par plusieurs dispositions de la législation interne, notamment l’article 47 de la loi no 2071/1992 sur l’organisation du système national de santé, l’article 12 de la loi no 3418/2005 sur le code d’éthique des médecins et l’article 5 de la loi no 2619/1998 portant ratification de la Convention d’Oviedo.

8. La loi no 2472/1997 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel

54. Les dispositions pertinentes de la loi no 2472/1997 transposant en droit grec la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, qui s’appliquaient à l’époque des faits, se lisaient comme suit :

Article 2

Définitions

« Aux fins de la présente loi, on entend par :

a) « données à caractère personnel » : toute information relative à la personne concernée. Ne sont pas considérées comme des données à caractère personnel les données de nature statistique à partir desquelles les personnes concernées ne peuvent pas être identifiées.

b) « Données sensibles » : données relatives à l’origine raciale ou ethnique, les opinions politiques, les convictions religieuses ou philosophiques, l’appartenance syndicale, la santé, le bien-être social et la vie sexuelle, les données relatives aux poursuites ou condamnations pénales, et les données relatives à l’appartenance à des associations de personnes en lien avec ce qui précède.

En particulier, pour ce qui est des informations relatives aux poursuites ou condamnations pénales, la divulgation ne peut être autorisée que par le bureau des procureurs, concernant les infractions visées au paragraphe 2, point b), de l’article 3, ou sur ordre du procureur près du tribunal de première instance compétent, ou du procureur près de la cour d’appel si l’affaire est pendante devant la cour d’appel. Cette divulgation vise à protéger la société dans son ensemble, les mineurs ou les groupes de population vulnérables ou sans défense et à faciliter la réalisation de la demande de l’État concernant la répression des infractions susmentionnées. »

55. L’article 2 a été amendé ultérieurement par l’article 79 de la loi no 4139/2013. Dans sa version issue de cette loi, il prévoyait un droit de recours de la personne dont les données seraient publiées.

Article 3

Champ d’application

« (...)

2. Les dispositions de la présente loi ne s’appliquent pas au traitement de données effectué

(a) par une personne physique dans l’exercice d’activités de nature exclusivement personnelle ou domestique,

(b) dans le cadre de l’administration de la justice ou pour les besoins de leur fonctionnement par les autorités judiciaires et les procureurs, ou par les services agissant sous leur contrôle direct, en vue de la constatation des infractions punissables en tant que crimes ou délits intentionnels, en particulier les crimes contre la vie, contre la liberté sexuelle, d’exploitation économique de la vie sexuelle, contre la liberté personnelle, contre la propriété, contre les droits à caractère financier, les infractions à la législation sur les stupéfiants, les infractions contre l’ordre public et les crimes commis contre les enfants victimes.

Les dispositions de droit pénal matériel et procédural en vigueur s’appliquent à ce qui précède (...) »

Article 5

Conditions de traitement

« 1. Le traitement des données à caractère personnel n’est autorisé que si la personne concernée a donné son consentement.

2. Exceptionnellement, le traitement sans consentement est autorisé lorsque :

(...)

e) le traitement est absolument nécessaire aux fins de la satisfaction de l’intérêt légitime que poursuit le responsable du traitement ou le tiers ou les tiers auxquels les données sont communiquées, et à condition que cela soit manifestement supérieur aux droits et intérêts des personnes auxquelles les données se réfèrent et sans préjudice des libertés fondamentales de la personne. »

9. La circulaire Y1/3239/4.7.2000 du ministre de la Santé sur le VIH/AIDS et les principes de la protection des droits de l’homme et des libertés individuelles

56. Les principes pertinents énoncés dans la circulaire Y1/3239/4.7.2000 du ministre de la Santé sur le VIH/AIDS et les principes de la protection des droits de l’homme et des libertés individuelles se lisent comme suit :

« 43. Les tests de détection des anticorps du virus du SIDA ne peuvent être effectués qu’avec le consentement de la personne testée. Le refus d’une personne de consentir à un test est sans conséquence pour elle.

44. Aucun examen général de la population (screening) n’est autorisé.

45. Le dépistage de groupes sociaux spécifiques n’est pas autorisé. Les exceptions concernent uniquement les personnes qui se prostituent, les donneurs de sang et les donneurs d’organes, de tissus et de sperme, pour des raisons de protection des tiers.

46. Le dépistage obligatoire des personnes n’est en aucun cas autorisé, y compris lorsque, pour quelque raison que ce soit, elles sont considérées comme étant « soupçonnées d’être séropositives ».

47. Les tests sont anonymes et confidentiels, à l’exception de ceux concernant les donneurs de sang, d’organes, de tissus et de sperme. »

2. LES COMMUNIQUÉS DE PRESSE, RAPPORTS ET DÉCISIONS ÉMANANT D’ORGANISATIONS ET ASSOCIATIONS INTERNES

57. Il ressort du dossier qu’au cours de la période comprise entre mai et juillet 2012, plusieurs instances nationales, parmi lesquelles l’Association médicale d’Athènes, le Centre de soins pour toxicomanes, le Médiateur et la Commission nationale pour les droits de l’homme, ont condamné la publication des données médicales des requérantes ou ont exprimé, à tout le moins, des réserves quant à sa légalité. Les passages pertinents de ces textes sont exposés ci-dessous.

1. Le Secrétariat général pour l’égalité des sexes du ministère de l’Intérieur

58. Le Secrétariat général pour l’égalité des sexes du ministère de l’Intérieur a publié le 2 mai 2012 un communiqué de presse intitulé « Prostitution, violence contre les femmes et pénalisation du client », dont les passages pertinents étaient libellés comme suit :

« La première question mise en lumière par l’actualité concerne la publication de données personnelles sensibles de femmes séropositives victimes de violences, qui a pour effet de les stigmatiser et de les victimiser à nouveau. Les questions soulevées du point de vue du genre sont les suivantes :

Dans quelle mesure la publication respecte-t-elle les règles déontologiques afin que la dignité élémentaire de ces personnes soit protégée et quelle est la responsabilité des médias et du Conseil national de l’audiovisuel à cet égard ?

Si la publication des données personnelles de femmes prostituées protège la santé publique, pourquoi la publication des noms des « clients » ne la protégerait-elle pas, voire ne la protégerait-elle pas davantage ? Dans ces conditions, les clients qui ont choisi d’utiliser ces « services » sans protection ne présentent-ils pas également un risque pour la santé publique, dès lors qu’ils peuvent transmettre la maladie à leurs partenaires/conjoints ainsi qu’à d’autres femmes non averties [de leur recours auxdits services] avec lesquelles ils ont probablement des rapports sexuels ?

(...) »

2. Le Centre de soins pour toxicomanes (ΚΕΘΕΑ)

59. Le 3 mai 2012, le Centre de soins pour toxicomanes a publié un communiqué de presse intitulé « Annonce du Centre de soins pour toxicomanes au sujet de l’humiliation de femmes séropositives », dont les parties pertinentes se lisaient comme suit :

« (...)

Avec comme principal argument la protection de la santé publique, on adopte une mesure extrême qui conduit vers des chemins dangereux. La publication des photos et des données personnelles d’un nombre plus important jour après jour de femmes séropositives prostituées constitue une violation des droits de l’homme et du secret médical et porte profondément atteinte à la dignité humaine.

La protection de l’ensemble de la société contre la propagation de problèmes tels que le VIH/SIDA, en tant que question de santé publique et de politique sociale, nécessite des programmes et des services, tant au niveau de l’information et de la prévention qu’au niveau du soutien médical et psychologique des personnes déjà affectées. Il ne peut s’agir de désamorcer la peur, la colère et l’incertitude qui envahissent la Grèce en cette période de crise en blâmant les femmes, souvent accablées par la traite, la toxicomanie, la pauvreté et l’exploitation.

Dans la même logique que celle suivant laquelle aujourd’hui, les visages et les données personnelles de ces femmes sont rendus publics, demain, on pourrait dire que les visages et données personnelles de leurs clients devraient [à leur tour] être rendus publics, puis ceux des partenaires sexuels de ces clients et, enfin, de tous les porteurs du virus du sida. De même, les visages de tous ceux qui souffrent d’une maladie infectieuse quelconque, qui sont ou ont été toxicomanes, qui souffrent d’un trouble psychiatrique quelconque, et la liste est encore longue...

Les lignes de séparation sociale entre « santé » et « maladie » [et entre] « morale » et « immoralité », au lieu de protéger la société dans son ensemble, accentuent les fissures dans sa cohésion bancale. La principale préoccupation de l’État et de la société doit être d’apporter une aide humanitaire et de soutenir l’intégration sociale des personnes qui sont victimes d’une situation, et qui apparaissent aujourd’hui comme des coupables. Tant que la dégradation et la dévalorisation de l’État-providence se poursuivent, les groupes socialement vulnérables continueront à être les boucs émissaires d’une société en crise, et la répression remplacera la politique sociale et les mesures pour la santé publique. »

3. L’Association médicale d’Athènes

60. Le 4 mai 2012, l’Association médicale d’Athènes a soumis un rapport auprès de l’Autorité de protection des données personnelles, dont la teneur était la suivante :

« Nous nous adressons à vous en tant qu’autorité indépendante légalement compétente afin de vous confirmer que le monde médical observe avec stupéfaction la publication dans les médias, sur ordre du parquet, de photos de personnes qui ont été brutalement contrôlées et testées positives au VIH. Ce moyen a été jugé nécessaire et approprié pour informer le public et protéger la santé publique.

En tant que gardienne de la santé publique, l’Association médicale d’Athènes considère que de telles actions « destructrices de l’individu » (ανθρωποφαγικές), contraires aux droits de l’homme garantis par la Constitution, sont non seulement inappropriées du point de vue de la politique de la santé, mais qu’elles peuvent également conduire à des résultats totalement opposés à ceux escomptés. La publication des photos de ces victimes est une violation manifeste du secret médical de ces patients et, en plus d’être une violation flagrante des droits de l’homme, elle constitue une action qui anéantit tout effort concerté d’enregistrement et de contrôle des cas par les organes compétents. L’objectif est et doit être le recensement réel de l’ampleur du problème et la cartographie de la population dans le seul but de sauvegarder la santé publique dans la société grecque.

La publication des photos en question dans les médias était sans aucun doute, dans ce cas, le dernier des procédés à ne pas être, en principe, nécessaires. Une vaste campagne d’information scientifique et concrète du public, portant sur les risques ou même sur le nombre de prostituées testées et déclarées positives, éventuellement combinée avec une information plus complète des citoyens qui se rendraient volontairement au Centre de contrôle et de prévention des maladies pour obtenir des informations et des tests, aurait certainement été une stratégie plus appropriée. De plus et surtout, cette action est inefficace du point de vue de la santé publique, selon les données scientifiques actuelles. L’humiliation des personnes arrêtées éloigne des services de santé compétents, en raison de leur crainte évidente et légitime d’être diffamés, ceux qui devraient être examinés. Ainsi, la politique adoptée, outre les questions morales ou juridiques qu’elle soulève, est inopportune du point de vue de la politique de santé. »

4. La Commission nationale des droits de l’homme

61. Le 25 mai 2012, la Commission nationale des droits de l’homme a publié un communiqué de presse intitulé « Traitements cruels et dégradants de nos semblables : la responsabilité de l’État », dans lequel elle déclarait notamment ce qui suit :

« Ces derniers temps, nous avons été témoins d’actions indignes d’un État démocratique menées par des organismes publics. Des femmes malades et démunies, victimes d’exploitation sexuelle et financière, ont été, avec la complicité de l’État, poursuivies, stigmatisées et vilipendées comme des sous-hommes. Et tout cela au nom, soi-disant, de la protection de la santé publique.

Malgré de fortes réactions sociales et scientifiques et un tollé international, ces actions se poursuivent, créant une situation de violation grave de l’État de droit et des droits fondamentaux qui dévalorise la dignité humaine, sape la cohésion sociale et dégrade notre civilisation.

La Commission nationale des droits de l’homme, en tant qu’organe consultatif indépendant de l’État pour la protection des droits de l’homme, est profondément préoccupée par un tel traitement cruel et dégradant de nos semblables, qui méconnaît les exigences de la Constitution et du droit européen et international, [à savoir] : les impératifs de respect et de protection de la dignité humaine, l’inviolabilité de la vie privée et des données personnelles (qui inclut le secret médical), le droit de toute personne à l’assistance sociale et à la protection de la santé, la présomption d’innocence.

(...)

La Commission nationale des droits de l’homme demande à toutes les institutions publiques d’assumer les responsabilités qui leur incombent en vertu de la Constitution. Ces institutions ne devraient pas participer à des actions telles que celles mentionnées ci-dessus, même si elles sont ordonnées par leurs supérieurs, car elles sont contraires à la Constitution, dont le respect est le devoir suprême de chaque organe de l’État. [Les institutions publiques] doivent [au contraire] contribuer à l’abrogation des dispositions qui autorisent ou imposent de telles actions et les condamner publiquement. Elles doivent informer et rassurer l’opinion publique. »

5. L’Autorité de protection des données personnelles

62. Le 27 juillet 2012, l’Autorité de protection des données personnelles a rendu la décision no 128/2012 sur la publication de données personnelles relatives à des poursuites pénales et des condamnations en application d’ordonnances rendues par le procureur (femmes prostituées séropositives, femme accusée de pédopornographie). Les passages pertinents se lisent comme suit :

« 1. (...)

L’article 9A de la Constitution garantit le droit à la protection des données personnelles. Les principes fondamentaux de ce droit découlent non seulement de la directive 95/46/CE, mais aussi des instruments internationaux ratifiés par l’Union européenne. La Grèce a ratifié ces instruments. En particulier, le noyau dur du droit consacré à l’article 9A de la Constitution, le droit à la protection des données à caractère personnel, auquel la législation de droit commun ne peut porter atteinte, est constitué du principe de la licéité du traitement [ainsi que] du principe de finalité et de proportionnalité [de celui-ci] (au sens plus spécifique de nécessité et de pertinence), de l’interdiction de principe du traitement des données sensibles, de la sauvegarde des droits des personnes concernées, ainsi que du contrôle par une autorité indépendante du respect des règles précitées.

(...)

3. En particulier, il va de soi que [les magistrats du] parquet, dans l’exercice de leurs pouvoirs et en tant que garants du respect de la Constitution et de la loi, appliqueront l’article 9A, [dont] le contenu est indiqué ci-dessus dans le paragraphe 1, ainsi que les dispositions substantielles de la loi no 2472/1997 et en particulier le principe de proportionnalité. Par conséquent, conformément au principe de proportionnalité, ils jugeront si, pour atteindre les objectifs de la disposition en question [l’article 2 b) de la loi no 2472/1997] (qui doit être appliquée avec parcimonie), il est nécessaire de rendre publiques des données relatives à des poursuites pénales ou à des condamnations et prendront en compte le fait que la divulgation en vertu de ladite disposition n’est tolérée, conformément à la Constitution et à la loi no 2472/1997, que lorsque les données personnelles divulguées sont appropriées et absolument nécessaires aux fins de la réalisation du but poursuivi tel qu’indiqué dans l’ordonnance du procureur, à savoir, selon le cas, la protection de la société ou des mineurs ou l’établissement en tous ses éléments de l’infraction spécifique pour laquelle des poursuites pénales ont été engagées et une enquête préliminaire ou une instruction, dans le cadre de laquelle la divulgation a été décidée, est en cours. La personne chargée d’émettre l’ordonnance appréciera également si cette finalité pourrait être atteinte par la simple mention des poursuites pénales et des éléments déterminants absolument nécessaires et étroitement liés à l’affaire relative à l’auteur présumé, et elle évitera toute publicité redondante des données à caractère personnel, en particulier des données sensibles, compte tenu des lourdes conséquences, irréversibles dans la plupart des cas, de l’exposition desdites données.

4. En réponse à la demande du Secrétaire général du ministère de la Justice [chargé de] la transparence et des droits de l’homme, il est noté que le cadre législatif actuel doit être modifié, ce qui permettrait une mise en œuvre plus efficace des principes fondamentaux de la protection des données à caractère personnel, et plus particulièrement du principe de proportionnalité, ainsi que la limitation des conséquences négatives que peut avoir, pour une personne, tant la divulgation de données [à caractère personnel] relatives aux poursuites ou condamnations pénales que celle d’autres données personnelles la concernant, notamment les données sensibles. En particulier, l’Autorité considère qu’il est nécessaire de prendre une initiative législative afin d’assurer que la disposition législative susmentionnée soit complétée de la manière suivante :

(a) prévoir que l’ordonnance du procureur doit être spécifiquement et pleinement justifiée et doit préciser la finalité [pour laquelle] elle impose, dans le cas d’espèce, la divulgation de données qu’elle mentionne de manière exhaustive ;

(b) préciser que l’ordonnance du procureur indique les modalités et la durée de la divulgation, afin de ne laisser aucune marge d’appréciation aux autorités chargées de l’appliquer ;

(c) établir un droit de recours ouvert à la personne accusée contre l’ordonnance du procureur devant une autorité hiérarchique supérieure, laquelle statuera dans un délai très court, et dont l’exercice aura un effet suspensif et devra intervenir dans un délai également très court. »

3. LE DROIT INTERNATIONAL

63. Les documents pertinents émanant des organes du Conseil de l’Europe en l’espèce sont décrits dans l’arrêt Mitkus c. Lettonie, no 7259/03, §§ 59 et 60, 2 octobre 2012. De plus, les instruments suivants sont également pertinents pour la présente affaire.

64. La Convention pour la protection des Droits de l’Homme et de la dignité de l’être humain à l’égard des applications de la biologie et de la médecine : Convention sur les Droits de l’Homme et la biomédecine (Convention d’Oviedo) a été ouverte à la signature le 4 avril 1997, et elle est entrée en vigueur à l’égard de la Grèce le 1er décembre 1999. En ses parties pertinentes en l’espèce, elle se lit comme suit :

Article 5 – Règle générale

« Une intervention dans le domaine de la santé ne peut être effectuée qu’après que la personne concernée y a donné son consentement libre et éclairé.

Cette personne reçoit préalablement une information adéquate quant au but et à la nature de l’intervention ainsi que quant à ses conséquences et ses risques.

La personne concernée peut, à tout moment, librement retirer son consentement. »

Article 6 – Protection des personnes n’ayant pas la capacité de consentir

« (...) une intervention ne peut être effectuée sur une personne n’ayant pas la capacité de consentir, que pour son bénéfice direct (...) »

65. L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (« APCE ») a évoqué la question du VIH/sida dans un certain nombre de documents. Dans sa Recommandation 1116(1989) sur le sida et les droits de l’homme, elle a exposé notamment ce qui suit :

« L’Assemblée,

(...)

4. Estimant pourtant qu’il est primordial de veiller à ce que les droits de l’homme et les libertés fondamentales ne soient pas mis en péril au nom de la peur qu’inspire le SIDA ;

5. Inquiète en particulier des discriminations dont sont victimes certains malades ou même des personnes séropositives ;

6. Soulignant à cet égard la nécessité impérieuse de garantir le secret médical et d’assurer l’anonymat des personnes malades ou séropositives ;

7. Convaincue qu’une approche humaniste est pleinement compatible avec la lutte contre la maladie,

8. Recommande au Comité des Ministres :

(...)

d. d’inviter les États membres du Conseil de l’Europe :

8.4.1. à prendre toutes les dispositions pour assurer le respect de la confidentialité et/ou de l’anonymat des personnes séropositives ou atteintes du SIDA ;

(...) »

66. Dans sa Recommandation 1785 (2007) sur la propagation du VIH/sida chez les femmes et les jeunes filles en Europe, l’APCE a précisé les éléments suivants :

« 6. Parallèlement, il est important de combattre la discrimination à l’encontre des femmes et des jeunes filles séropositives. Les tests de dépistage du VIH, notamment les tests prénatals, doivent être confidentiels ; ils exigent un consentement éclairé et doivent s’accompagner de conseils et d’informations sur les possibilités de traitement (y compris les traitements destinés à empêcher la transmission du virus de la mère à l’enfant). L’accès à de tels services ne doit pas dépendre du sexe de la personne concernée. »

67. Les parties pertinentes de la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, qui était en vigueur à l’époque des faits et a été abrogée ultérieurement par le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données), se lisaient comme suit :

« (...)

(33) considérant que les données qui sont susceptibles par leur nature de porter atteinte aux libertés fondamentales ou à la vie privée ne devraient pas faire l’objet d’un traitement, sauf consentement explicite de la personne concernée; que, cependant, des dérogations à cette interdiction doivent être expressément prévues pour répondre à des besoins spécifiques, en particulier lorsque le traitement de ces données est mis en œuvre à certaines fins relatives à la santé par des personnes soumises à une obligation de secret professionnel ou pour la réalisation d’activités légitimes par certaines associations ou fondations dont l’objet est de permettre l’exercice de libertés fondamentales ;

(34) considérant que les États membres doivent également être autorisés à déroger à l’interdiction de traiter des catégories de données sensibles lorsqu’un motif d’intérêt public important le justifie dans des domaines tels que la santé publique et la protection sociale - particulièrement afin d’assurer la qualité et la rentabilité en ce qui concerne les procédures utilisées pour régler les demandes de prestations et de services dans le régime d’assurance maladie - et tels que la recherche scientifique et les statistiques publiques; qu’il leur incombe, toutefois, de prévoir les garanties appropriées et spécifiques aux fins de protéger les droits fondamentaux et la vie privée des personnes ;

(...)

(45) considérant que, dans le cas où des données pourraient faire l’objet d’un traitement licite sur le fondement d’un intérêt public, de l’exercice de l’autorité publique ou de l’intérêt légitime d’une personne, toute personne concernée devrait, toutefois, avoir le droit de s’opposer, pour des raisons prépondérantes et légitimes tenant à sa situation particulière, à ce que les données la concernant fassent l’objet d’un traitement; que les États membres ont, néanmoins, la possibilité de prévoir des dispositions nationales contraires ;

(...) »

Article 7

« Les États membres prévoient que le traitement de données à caractère personnel ne peut être effectué que si :

a) la personne concernée a indubitablement donné son consentement ou

b) il est nécessaire à l’exécution d’un contrat auquel la personne concernée est partie ou à l’exécution de mesures précontractuelles prises à la demande de celle-ci ou

c) il est nécessaire au respect d’une obligation légale à laquelle le responsable du traitement est soumis ou

d) il est nécessaire à la sauvegarde de l’intérêt vital de la personne concernée ou

e) il est nécessaire à l’exécution d’une mission d’intérêt public ou relevant de l’exercice de l’autorité publique, dont est investi le responsable du traitement ou le tiers auquel les données sont communiquées ou

f) il est nécessaire à la réalisation de l’intérêt légitime poursuivi par le responsable du traitement ou par le ou les tiers auxquels les données sont communiquées, à condition que ne prévalent pas l’intérêt ou les droits et libertés fondamentaux de la personne concernée, qui appellent une protection au titre de l’article 1er paragraphe 1. »

Article 8

Traitements portant sur des catégories particulières de données

« 1. Les États membres interdisent le traitement des données à caractère personnel qui révèlent l’origine raciale ou ethnique, les opinions politiques, les convictions religieuses ou philosophiques, l’appartenance syndicale, ainsi que le traitement des données relatives à la santé et à la vie sexuelle.

2. Le paragraphe 1 ne s’applique pas lorsque :

a) la personne concernée a donné son consentement explicite à un tel traitement, sauf dans le cas où la législation de l’État membre prévoit que l’interdiction visée au paragraphe 1 ne peut être levée par le consentement de la personne concernée ou

b) le traitement est nécessaire aux fins de respecter les obligations et les droits spécifiques du responsable du traitement en matière de droit du travail, dans la mesure où il est autorisé par une législation nationale prévoyant des garanties adéquates ou

c) le traitement est nécessaire à la défense des intérêts vitaux de la personne concernée ou d’une autre personne dans le cas où la personne concernée se trouve dans l’incapacité physique ou juridique de donner son consentement ou

d) le traitement est effectué dans le cadre de leurs activités légitimes et avec des garanties appropriées par une fondation, une association ou tout autre organisme à but non lucratif et à finalité politique, philosophique, religieuse ou syndicale, à condition que le traitement se rapporte aux seuls membres de cet organisme ou aux personnes entretenant avec lui des contacts réguliers liés à sa finalité et que les données ne soient pas communiquées à des tiers sans le consentement des personnes concernées ou

e) le traitement porte sur des données manifestement rendues publiques par la personne concernée ou est nécessaire à la constatation, à l’exercice ou à la défense d’un droit en justice.

3. Le paragraphe 1 ne s’applique pas lorsque le traitement des données est nécessaire aux fins de la médecine préventive, des diagnostics médicaux, de l’administration de soins ou de traitements ou de la gestion de services de santé et que le traitement de ces données est effectué par un praticien de la santé soumis par le droit national ou par des réglementations arrêtées par les autorités nationales compétentes au secret professionnel, ou par une autre personne également soumise à une obligation de secret équivalente.

4. Sous réserve de garanties appropriées, les États membres peuvent prévoir, pour un motif d’intérêt public important, des dérogations autres que celles prévues au paragraphe 2, soit par leur législation nationale, soit sur décision de l’autorité de contrôle.

5. Le traitement de données relatives aux infractions, aux condamnations pénales ou aux mesures de sûreté ne peut être effectué que sous le contrôle de l’autorité publique ou si des garanties appropriées et spécifiques sont prévues par le droit national, sous réserve des dérogations qui peuvent être accordées par l’État membre sur la base de dispositions nationales prévoyant des garanties appropriées et spécifiques. Toutefois, un recueil exhaustif des condamnations pénales ne peut être tenu que sous le contrôle de l’autorité publique.

Les États membres peuvent prévoir que les données relatives aux sanctions administratives ou aux jugements civils sont également traitées sous le contrôle de l’autorité publique.

(...) »

Article 13

Exceptions et limitations

« 1. Les États membres peuvent prendre des mesures législatives visant à limiter la portée des obligations et des droits prévus à l’article 6 paragraphe 1, à l’article 10, à l’article 11 paragraphe 1 et aux articles 12 et 21, lorsqu’une telle limitation constitue une mesure nécessaire pour sauvegarder :

(...)

d) la prévention, la recherche, la détection et la poursuite d’infractions pénales ou de manquements à la déontologie dans le cas des professions réglementées ;

(...)

g) la protection de la personne concernée ou des droits et libertés d’autrui.

(...) »

Article 22

Recours

« Sans préjudice du recours administratif qui peut être organisé, notamment devant l’autorité de contrôle visée à l’article 28, antérieurement à la saisine de l’autorité judiciaire, les États membres prévoient que toute personne dispose d’un recours juridictionnel en cas de violation des droits qui lui sont garantis par les dispositions nationales applicables au traitement en question.

(...) »

EN DROIT

1. JONCTION DES REQUÊTES

68. Eu égard à la similarité de l’objet des requêtes en question, la Cour juge opportun de les examiner ensemble dans un arrêt unique.

2. REMARQUES PRÉLIMINAIRES
1. Sur le décès des requérantes désignées par les numéros 3, 4 et 5 de la requête no 71555/12 et de celles désignées par les numéros 1 et 2 de la requête no 48256/13

69. En novembre 2021, le Gouvernement et les représentants des requérantes ont informé la Cour que les requérantes de la requête no 71555/12 désignées par les numéros 3, 4 et 5 et de celles de la requête no 48256/13 désignées par les numéros 1 et 2 étaient décédées postérieurement à l’introduction des présentes requêtes, à des dates qui n’ont pas été précisées. Pour ce qui concerne la requérante désignée par numéro 1 de la requête no 48256/13, P.K., les représentants des requérantes ont informé la Cour, par une lettre du 14 avril 2022, que des proches de l’intéressée, notamment ses deux enfants (paragraphe 39 ci-dessus), entendaient maintenir ses griefs. Pour ce qui concerne les autres requérantes décédées, aucun ayant droit ou proche parent n’a exprimé son intention de poursuivre la procédure en leur nom, au sens de l’article 37 § 1 a) de la Convention.

70. Le Gouvernement demande à la Cour de radier les requêtes du rôle concernant les intéressées. Il considère que les griefs soulevés par la requérante P.K. sont étroitement liés à sa personne et ne sont pas transférables à ses héritiers et, pour ce qui est des autres requérantes décédées, qu’il n’existe pas en l’espèce de circonstances spéciales qui exigeraient que la Cour poursuive l’examen de la requête en vertu de l’article 37 § 1 in fine.

71. Les représentants des requérantes invitent la Cour à poursuivre l’examen des requêtes pour ce qui concerne les requérantes de la requête no 71555/12 désignées par les numéros 3, 4 et 5 et de celles de la requête no 48256/13 désignées par les numéros 1 et 2 nonobstant le décès de celles-ci, estimant que des circonstances spéciales touchant au respect des droits de l’homme garantis par la Convention et ses Protocoles l’exigent, conformément à l’article 37 § 1 in fine de la Convention.

72. La Cour rappelle que, dans les cas où un requérant décède après l’introduction de la requête, elle autorise normalement les proches de l’intéressé à continuer la procédure, à condition qu’ils aient un intérêt légitime à le faire (Malhous c. République tchèque (déc.) [GC], no 33071/96, CEDH 2000‑XII, et Murray c. Pays-Bas [GC], no 10511/10, § 79, CEDH 2016).

73. L’article 37 § 1 de la Convention prévoit ce qui suit :

« À tout moment de la procédure, la Cour peut décider de rayer une requête du rôle lorsque les circonstances permettent de conclure

a) que le requérant n’entend plus la maintenir ; ou

b) que le litige a été résolu ; ou

c) que, pour tout autre motif dont la Cour constate l’existence, il ne se justifie plus de poursuivre l’examen de la requête.

Toutefois, la Cour poursuit l’examen de la requête si le respect des droits de l’homme garantis par la Convention et ses Protocoles l’exige. »

74. La Cour note que P.M. et C.-V.G., les enfants de la requérante désignée par le numéro 1 de la requête no 48256/13, ont manifesté leur volonté de maintenir les griefs initialement présentés par elle. Eu égard à l’objet de la requête et à l’ensemble des éléments dont elle dispose, la Cour estime qu’en l’espèce, les intéressés ont un intérêt légitime au maintien de la requête et, de ce fait, qualité pour agir au titre de l’article 34 de la Convention.

75. Quant aux autres requérantes concernées, la Cour rappelle qu’avant de radier une requête à la suite du décès d’un requérant, elle doit examiner s’il existe des circonstances relatives au respect des droits de l’homme garantis par la Convention et ses Protocoles qui exigent la poursuite de l’examen de l’affaire en question (article 37 § 1 in fine). À cet égard, la Cour estime que l’objet de la présente requête porte sur ce que l’on peut considérer être une question importante d’intérêt général, touchant notamment à l’interprétation de sa jurisprudence concernant la publication des données des personnes séropositives. Toutefois, la Cour constate que les griefs soulevés par les requérantes décédées sont les mêmes que ceux formulés par le reste des requérantes. Dès lors, elle n’aperçoit aucun motif tenant au respect des droits de l’homme garantis par la Convention et ses Protocoles qui exigerait, conformément à l’article 37 § 1 in fine, la poursuite de l’examen de la requête à leur égard ([Sharifi et autres c. Italie et Grèce](https://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-147287), no 16643/09, § 134, 21 octobre 2014). En conclusion, la Cour estime qu’il y a lieu de rayer la requête du rôle en vertu de l’article 37 § 1 de la Convention pour autant qu’elle concerne les requérantes de la requête no 71555/12 désignées par les numéros 3, 4 et 5 et la requérante désignée par le numéro 2 de la requête no 48256/13.

2. Sur le défaut de procuration des représentants de la requérante désignée par le numéro 2 de la requête no 71555/12

76. Le Gouvernement invite la Cour à rejeter la requête concernant la requérante désignée par le numéro 2 de la requête no 71555/12, V.K., pour défaut de procuration de ses représentants.

77. La Cour note que par une lettre du 23 mai 2014, le Greffe a demandé aux représentants de la requérante de leur faire parvenir au plus vite un pouvoir dûment rempli et signé par l’intéressée. Par une lettre du 8 septembre 2014, les représentants ont produit une nouvelle procuration en faveur de V.K., qui était signée par la requérante et par Me E. Spathana, l’un des avocats représentant les requérantes devant la Cour. Le document avait été validé par les autorités le 27 juin 2014. Il a été transmis au Gouvernement le 12 septembre 2014.

78. La Cour rappelle que des lacunes dans des requêtes, telles celles examinées en l’espèce, peuvent, en principe, avoir des implications sur le terrain des articles 45 et 47 du règlement de la Cour, qui énoncent les conditions de forme, notamment en ce qui concerne la procuration ou le pouvoir écrit dûment complétés (articles 45 § 3 et 47 § 1 c) du règlement) et l’indication du nom du requérant sur le formulaire de requête (article 47 § 1 a)). En outre, le non-respect des conditions relatives au formulaire de requête peut avoir des conséquences directes sur la détermination de la date d’introduction de la requête au sens de l’article 35 § 1 de la Convention (voir, en ce qui concerne le pouvoir écrit, Kaur c. Pays-Bas (déc.), no 35864/11, § 13, 15 mai 2012, et Kokhreidze et Ramishvili c. Géorgie (déc.), nos 17092/07 et 22032/07, § 17, 25 septembre 2012). Plus précisément, la date retenue à cet égard est en principe déterminante dans l’analyse de la question de savoir si une requête a été déposée dans le délai correspondant, à compter de la date à laquelle la décision définitive est intervenue dans la procédure interne.

79. La Cour constate que les requérantes ont envoyé leur première lettre à la Cour le 30 octobre 2012, et que leur formulaire de requête a été reçu le 14 janvier 2013. Faisant suite à la lettre du 23 mai 2014 par laquelle le Greffe l’invitait à lui transmettre au plus vite une procuration dûment remplie et signée, la requérante désignée par le numéro 2 de la requête no 71555/12 a produit le document requis le 8 septembre 2014.

80. Dans ces conditions, la Cour considère que l’intéressée a réagi avec une promptitude suffisante à la demande du Greffe de fournir une procuration dûment remplie et que la présente requête ne peut par conséquent être rejetée concernant V.K. pour absence de requérant au sens de l’article 34 de la Convention. En effet, la présente espèce se distingue de l’affaire Kaur c. Pays-Bas (précitée), dans laquelle le requérant ne s’était pas conformé dans les délais fixés par le Greffe aux demandes de celui-ci de lui fournir une procuration. Partant, l’objection du Gouvernement ne saurait être retenue.

3. Sur la poursuite de l’examen de la requête en ce qui concerne la requérante désignée par le numéro 3 de la requête no 48256/13

81. Dans leurs observations en réponse à une question posée par écrit par la Cour aux parties concernant d’éventuels développements qui seraient intervenus dans les affaires en question, les représentants des requérantes ont indiqué le 2 décembre 2021 que la requérante désignée par le numéro 3 de la requête no 48256/13 était décédée. Puis, par une lettre du 17 janvier 2022, ils ont informé la Cour qu’il se pouvait que ladite requérante fût vivante, même s’ils n’avaient pas de contact avec elle ; à cet effet, ils ont joint une déclaration écrite de M. Smetopoulos, représentant légal de l’organisation non-gouvernementale « STEPS », datée du même jour. Celui‑ci y exposait qu’il avait été initialement avisé, en novembre 2021, du décès de C.F., mais que cette information s’était révélée fausse, l’intéressée s’étant présentée en personne devant lui, et qu’à la suite de cette prise de contact elle bénéficiait des services dispensés par son organisation.

82. Le Gouvernement, pour sa part, n’a pas abordé dans ses observations la question de la poursuite de l’examen de l’affaire par la Cour.

83. Au vu de ces circonstances, la Cour estime devoir d’abord examiner la nécessité de poursuivre l’examen de la requête au regard des critères définis à l’article 37 de la Convention, qui est cité ci-dessus (paragraphe 73).

84. La Cour rappelle que dans l’affaire V.M. et autres c. Belgique (radiation) [GC] (no 60125/11, § 35, 17 novembre 2016), examinant la nécessité de la poursuite de l’examen d’une requête au regard des critères définis à l’article 37 de la Convention, elle a précisé, à la lumière de l’article 37 § 1 a), que le représentant d’un requérant devait non seulement produire une procuration ou un pouvoir écrit (article 45 § 3 du règlement de la Cour), mais qu’il importait également que les contacts entre le requérant et celui‑ci fussent maintenus tout au long de la procédure, car pareils contacts étaient essentiels tant pour approfondir la connaissance d’éléments factuels concernant la situation particulière du requérant que pour confirmer la persistance de sonintérêt à la poursuite de l’examen de sa requête (voir aussi l’arrêt Sharifi et autres, précité, §§ 124-134).

85. La Cour observe que dans des cas où le représentant du requérant avait perdu le contact avec son client, notamment dans des affaires relatives à des expulsions d’étrangers, elle a jugé qu’une telle situation pouvait justifier que la requête fût rayée du rôle en application de l’article 37 § 1. L’absence de contacts a parfois été considérée comme une indication que le requérant n’entendait plus maintenir la requête, au sens de l’article 37 § 1 a) (Ibrahim Hayd c. Pays-Bas (déc.), no 30880/10, 29 novembre 2011, et Kadzoev c. Bulgarie (déc.), no 56437/07, § 7, 1er octobre 2013) ou que l’examen de la requête ne se justifiait plus, le représentant étant, malgré le pouvoir l’habilitant à poursuivre la procédure, empêché « d’une manière significative » d’exercer son mandat en l’absence notamment d’instructions de la part du requérant (Ali c. Suisse, 5 août 1998, §§ 30-33, Recueil des arrêts et décisions 1998-V, et Ramzy c. Pays-Bas (radiation), no 25424/05, §§ 64‑66, 20 juillet 2010). Dans d’autres affaires, la Cour a combiné ces deux motifs (M.H.et autres c. Chypre (déc.), no 41744/10, § 14, 14 janvier 2014, et M.Is. c. Chypre (déc.), no 41805/10, § 20, 10 février 2015). Dans l’arrêt Sharifi et autres (précité), la Cour a rayé la requête du rôle pour autant qu’elle concernait certains requérants au sujet desquels les informations que détenait l’avocat étaient vagues, superficielles et insuffisamment étayées (§§ 127-129, 131-134).

86. La Cour note qu’en l’espèce, le Gouvernement n’a pas demandé la radiation de l’affaire pour ce motif. Toutefois, il ressort clairement de la lettre des représentants du 17 janvier 2022 que ceux-ci ne sont plus en contact avec la requérante désignée par le numéro 3 de la requête 48256/13. La Cour considère que ces circonstances permettent de conclure que l’intéressée a perdu son intérêt pour la procédure et n’entend plus maintenir la requête, au sens de l’article 37 § 1 a) de la Convention (V.M. et autres c. Belgique, précité, § 40).

87. La Cour relève, par ailleurs, que les griefs de la requérante C.F. sont identiques à ceux soulevés par le reste des requérantes. Dès lors, elle n’aperçoit aucun motif tenant au respect des droits de l’homme garantis par la Convention et ses Protocoles qui exigerait, conformément à l’article 37 § 1 in fine, la poursuite de l’examen de la requête à l’égard de l’intéressée. En conclusion, la Cour estime qu’il y a lieu de rayer la requête du rôle pour autant qu’elle concerne la requérante désignée par le numéro 3 de la requête no 48256/13.

4. Conclusion

88. À la lumière de ce qui précède, la Cour va poursuivre l’examen des requêtes pour les requérantes désignées par les numéros 1, 2, 6, 7 et 8 de la requête no 71555/12 et pour la requérante désignée par le numéro 1 de la requête no 48256/13 (« les requérantes »).

3. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 8 DE LA CONVENTION quant à la rÉalisation d’une prise de sang sans consentement préalable des intÉressÉes

89. À l’exception de la requérante désignée par le numéro 8 de la requête no 71555/12, les requérantes se plaignent de ce que leur consentement n’a pas été recueilli préalablement à la prise de sang à laquelle elles ont dû se soumettre, et estiment qu’il y a eu violation des articles 3 et 8 de la Convention. La Cour, maîtresse de la qualification juridique des faits de la cause, estime tout d’abord qu’en l’état actuel de sa jurisprudence et eu égard à la nature des griefs des requérantes, les questions que soulève la présente affaire doivent être examinées sous le seul angle de l’article 8 de la Convention. Cette disposition est ainsi libellée :

« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien‑être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »

1. Sur la recevabilité
1. Le Gouvernement

90. Le Gouvernement soutient que les requérantes n’ont pas épuisé les voies de recours internes. Il explique, d’une part, que la requérante désignée par le numéro 1 de la requête no 48256/13 et la requérante désignée par le numéro 2 de la requête no 71555/12 n’ont pas introduit de plainte contre les médecins et les policiers qui ont procédé aux examens en cause, et, d’autre part, que ladite requérante de la requête no 48256/13 n’a nullement formulé de grief analogue à celui qu’elle soulève devant la Cour devant la juge d’instruction ou à l’audience pénale qui s’est tenue dans le cadre de la procédure pénale engagée contre elle. Il ajoute que la requérante désignée par le numéro 7 de la requête no 71555/12 aurait dû également former un recours devant le procureur près la cour d’appel d’Athènes contre l’ordonnance no 2013/14 du procureur. Quant aux requérantes de la requête no 71555/12 désignées par les numéros 1 et 6, il estime que le grief est prématuré dès lors que le recours qu’elles ont introduit le 30 avril 2014 devant le procureur près la cour d’appel était encore pendant au moment de l’introduction de la requête.

91. Le Gouvernement reproche de surcroît à l’ensemble des requérantes de ne pas avoir engagé d’action en dommages-intérêts contre l’État sur le fondement de l’article 105 de la loi introduisant le code civil, alors même que certaines d’entre elles avaient exprimé devant le procureur leur intention d’exercer ce recours.

92. Il considère en outre, pour ce qui concerne la requérante de la requête no 48256/13, que le grief doit en tout état de cause être rejeté pour non-respect du délai de six mois, arguant que l’intéressée a introduit sa requête le 6 juillet 2013 alors que l’examen médical en cause avait eu lieu le 5 mai 2012.

93. Dans ses observations supplémentaires, le Gouvernement relève, en réponse à l’argument des requérantes selon lequel l’arrêté ministériel no 39A/2012 serait incompatible avec les dispositions de la Constitution (paragraphe 107 ci-dessous), qu’aucune des requérantes n’a engagé d’action en annulation devant le Conseil d’État alors que, selon lui, les actes administratifs de réglementation encourent l’annulation et les cours administratives ont compétence pour examiner au fond l’incompatibilité alléguée de pareil arrêté ministériel avec la Constitution ou avec la Convention. À cet égard, il expose que deux associations avaient introduit contre ledit arrêté ministériel, le 18 juin 2012, un recours en annulation qui devait être examiné par la formation plénière du Conseil d’État le 7 juin 2013, mais que les deux associations s’étant finalement désistées de leur action trois jours avant l’audience, les juridictions internes n’ont pas eu l’occasion de se prononcer sur la question soulevée par les présentes requêtes.

2. Les requérantes

94. Les requérantes estiment qu’elles ont épuisé les voies de recours internes à leur disposition. Elles soutiennent par ailleurs qu’étant séropositives et toxicomanes, elles étaient en situation de vulnérabilité et qu’en conséquence on ne saurait exiger d’elles une application stricte de la règle en question.

95. Pour ce qui est des requérantes qui ont déposé plainte, elles arguent que leurs griefs n’ont pas été examinés de manière effective par le procureur, celui-ci ayant considéré que les personnes soupçonnées de se prostituer devaient être soumises à des tests de dépistage du VIH, même sans leur consentement. Elles ajoutent qu’en tout état de cause, le recours en question ne satisfaisait pas aux exigences de promptitude et d’efficacité requises en la matière. Quant à la requérante désignée par le numéro 7 de la requête no 71555/12, qui n’a pas interjeté appel contre l’ordonnance no 131/2014, elle soutient que selon la jurisprudence de la Cour, un recours hiérarchique ne saurait être considéré comme effectif.

96. La requérante désignée par le numéro 1 de la requête no 48256/13 considère quant à elle que le délai de six mois a commencé à courir à compter de son acquittement définitif au pénal, soit le 7 février 2013, et que par conséquent elle a respecté la règle des six mois.

3. Appréciation de la Cour

97. La Cour estime que les arguments soulevés par le Gouvernement s’analysent, d’une part, en une exception tirée du non-respect du délai de six mois pour ce qui concerne la requérante désignée par le numéro 1 de la requête no 48256/13 et, d’autre part, en une exception de non-épuisement des voies de recours internes concernant l’ensemble des requérantes, faute pour elles d’avoir introduit un recours en annulation devant le Conseil d’État contre l’arrêté ministériel no 39A/2012 et une action en dommages-intérêts contre l’État. Il reproche en outre à la requérante désignée par le numéro 1 de la requête no 48256/13 et à la requérante désignée par le numéro 2 de la requête no 71555/12 de ne pas avoir déposé de plainte devant le procureur et, pour ce qui est de la première, de ne pas avoir formulé devant le juge d’instruction un grief analogue à celui soulevé devant la Cour, et enfin à la requérante désignée par le numéro 7 de la requête no 71555/12 de ne pas avoir formé de recours devant le procureur près la cour d’appel d’Athènes contre l’ordonnance no 2013/14 de classement de sa plainte rendue par le procureur près le tribunal correctionnel d’Athènes.

a) Sur le respect du délai de six mois par la requérante désignée par le numéro 1 de la requête no 48256/13

98. La Cour rappelle qu’en vertu de l’article 35 § 1 de la Convention, tel qu’il était en vigueur à l’époque des faits, elle ne pouvait être saisie d’une affaire que « dans un délai de six mois à partir de la date de la décision interne définitive ». En outre, ainsi qu’elle l’a indiqué à maintes reprises, lorsque la violation alléguée s’analyse en une « situation continue », le délai pour saisir la Cour ne commence à courir qu’à compter du moment où cette situation a pris fin (voir, parmi beaucoup d’autres, Seleznev c. Russie, no 15591/03, § 34, 26 juin 2008).

99. La Cour relève qu’en l’espèce, le grief que la requérante de la requête no 48256/13 a formulé sur le terrain de l’article 8 concerne la prise de sang qui aurait été réalisée sans son consentement dans les locaux de police lors de son arrestation le 5 mai 2012 (paragraphe 31 ci-dessus). Or, la requête a été introduite le 6 juillet 2013, soit après l’expiration du délai, à l’époque, de six mois prévu par l’article 35 § 1 de la Convention. Par ailleurs, contrairement à ce qu’avance l’intéressée, son acquittement est sans rapport avec la prise de sang litigieuse.

100. Il s’ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée pour non-respect du délai de six mois, en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

b) Sur l’épuisement des voies de recours internes

101. La Cour renvoie aux principes relatifs à l’épuisement des voies de recours internes tels qu’ils ont été rappelés dans les arrêts Selmouni c. France ([GC], no 25803/94, §§ 74-77, CEDH 1999‑V), Kozacıoğlu c. Turquie ([GC], no 2334/03, §§ 39-40, 19 février 2009), Karoussiotis c. Portugal, (no 23205/08, § 57, CEDH 2011 (extraits)), Vučković et autres c. Serbie ((exceptions préliminaires) [GC], no 17153/11, et 29 autres, §§ 69-77, 25 mars 2014).

102. Se tournant vers les circonstances de la cause, la Cour note que le système juridique grec prévoit, en principe, deux voies de recours pour les victimes d’actes illégaux ou criminels imputables à l’État ou à ses agents, à savoir le recours civil et le recours pénal (Fountas c. Grèce, no 50283/13, § 52, 3 octobre 2019). En l’espèce, les requérantes désignées par les numéros 1, 6 et 7 ont introduit une plainte devant le procureur, se plaignant d’actes commis par des médecins et des policiers relativement à l’examen de dépistage du VIH qui leur aurait été imposé. Elles ont avancé les mêmes arguments que ceux formulés devant la Cour, invoquant la Convention et soutenant notamment que la prise de sang avait été effectuée sans leur consentement, et qu’en tout état de cause elles ne pouvaient donner pareil consentement dès lors qu’elles avaient des symptômes de sevrage. À la suite de leur plainte, une enquête pénale a été ouverte et une instruction préliminaire a été menée (paragraphe 20 ci-dessus). Le recours suivi par les requérantes permettait donc d’examiner la responsabilité pénale et les autorités chargées de l’enquête étaient tenues de rassembler des preuves et d’établir les circonstances de l’incident. Cette procédure était donc susceptible de conduire, le cas échéant, à la sanction des responsables (voir, mutatis mutandis, [L.F. c. Hongrie](https://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-217490), no 621/14, § 52, 19 mai 2022). La Cour constate également que si l’enquête pénale avait abouti aux poursuites pénales contre les policiers, les requérantes auraient pu joindre la procédure en tant que parties civiles. À la suite du classement de leur plainte par le procureur, les requérantes désignées par les numéros 1 et 6 ont interjeté appel de sa décision. Leur recours a été rejeté par le procureur près de la cour d’appel, qui a estimé qu’il n’y avait pas d’indices suffisants pour donner suite à leur plainte.

103. La Cour constate que l’ordonnance de classement du procureur n’a pas été produite devant elle. Elle observe toutefois que le procureur près la cour d’appel a confirmé l’ordonnance attaquée après avoir dûment examiné les arguments des intéressées relativement aux faits pertinents en l’espèce ainsi qu’à la violation alléguée de la Convention (paragraphe 23 ci-dessus). La Cour ne dispose en outre d’aucun élément lui permettant de dire que le recours en question était, en principe, inefficace ou voué à l’échec, et elle estime par conséquent que le grief doit être rejeté pour ce qui concerne la requérante désignée par le numéro 2 dès lors qu’elle n’a pas formé de plainte devant le procureur ou n’a entrepris aucune autre action. Les mêmes considérations s’appliquent à la requérante désignée par le numéro 7, laquelle n’a pas interjeté appel de l’ordonnance du procureur sur le fondement de l’article 48 du CPP, ce recours ayant été jugé efficace par la Cour dans une autre affaire (Aspiotis, précité, §§ 51-55). Au vu de ce qui précède, la Cour, rappelant que lorsqu’une voie de recours a été utilisée, l’usage d’une autre voie dont le but est pratiquement le même n’est pas exigé (Micallef c. Malte [GC], no 17056/06, § 58, CEDH 2009 et L.F. c. Hongrie, précité, § 55), conclut qu’il n’est pas nécessaire de se prononcer sur l’efficacité des autres recours mentionnés par le Gouvernement.

104. Il s’ensuit que le grief soulevé par les requérantes désignées par les numéros 2 et 7 de la requête no 71555/12 doit être rejeté pour non-épuisement des voies de recours internes, en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

105. En ce qui concerne l’argument du Gouvernement selon lequel le grief était prématuré au moment de l’introduction de la requête concernant les requérantes désignées par les numéros 1 et 6, la Cour observe que le procureur près la cour d’appel a rejeté la plainte des intéressées le 25 août 2014, c’est-à-dire après que la présente affaire eut été communiquée au Gouvernement. Dans ces circonstances et compte tenu du fait qu’à la date à laquelle ledit procureur s’est prononcé sur l’appel des requérantes, elle‑même n’avait pas encore été appelée à se prononcer sur la recevabilité du grief tiré de l’article 8 de la Convention, la Cour conclut qu’elle ne saurait accueillir l’exception du Gouvernement (voir, mutatis mutandis, Ghimp et autres c. République de Moldova, no 32520/09, § 36, 30 octobre 2012, et Gavriliță c. République de Moldova, no 22741/06, § 53, 22 avril 2014). Partant, elle la rejette.

106. Eu égard de ce qui précède, et constatant que le grief n’est pas manifestement mal fondé ni irrecevable pour un autre motif visé à l’article 35 de la Convention, la Cour le déclare recevable pour les requérantes désignées par les numéros 1 et 6 de la requête no 71555/12.

2. Sur le fond
1. Arguments des parties

107. Les requérantes soutiennent que si l’arrêté no 39A/2012 du ministre de la Santé ne précisait certes pas la méthode devant être employée pour l’examen des personnes concernées, le VIH en tout état de cause ne figurait pas parmi les virus pour lesquels les articles 1 et 2b dudit arrêté prévoyaient un examen médical obligatoire. Elles font également valoir que l’exercice des droits de l’homme ne peut être restreint que par la loi, et non pas par voie d’arrêté ministériel. Elles estiment en outre, d’une part, que l’arrêté en question invoquait comme « lois d’autorisation », dans son préambule, des lois qui n’étaient pas pertinentes et que par conséquent sa publication procédait d’un « abus d’autorisation législative » et, d’autre part, qu’il ne contenait aucune justification scientifique et était par ailleurs contraire aux articles 2, 5, 6, 7, 9 et 25 de la Constitution. Elles considèrent de surcroît que les autorités nationales ne se sont pas conformées à la législation nationale, européenne et internationale en matière de protection des personnes séropositives et en matière d’autonomie des personnes quant au droit de chacun à ne pas être soumis à une intervention médicale sans son consentement. À cet égard, elles affirment qu’en l’espèce, l’examen litigieux a eu lieu dans un commissariat de police et expliquent qu’elles s’y trouvaient parmi de nombreuses autres femmes détenues par la police et que, dans ce contexte, la procédure médicale, qui n’a pas été consignée dans les registres pertinents et a eu lieu sans que leur consentement fût préalablement recueilli, s’est déroulée avec l’assistance de policiers et en l’absence de toute confidentialité, assistance médicale et psychologique ou protocole suivi. Elles ajoutent qu’elles étaient particulièrement vulnérables en raison des problèmes de drogue dont elles souffraient et qu’elles n’ont été informées ni des raisons de leur arrestation ni du but de la prise de sang. Elles considèrent enfin que la divulgation de leurs données médicales par le médecin qui les a examinées était illégale.

108. Le Gouvernement conteste les affirmations des requérantes selon lesquelles, d’une part, elles auraient présenté des symptômes de sevrage au cours de l’examen médical et, d’autre part, celui-ci se serait révélé négatif. Il argue en outre que seules les requérantes désignées par les numéros 1 et 6 de la requête no 71555/12 ont soutenu devant les autorités nationales que cet examen avait eu lieu par la force, étant les seules à avoir relevé appel de la décision de classement de la plainte déposée devant le procureur alors même que de nombreuses femmes avaient fait l’objet de l’examen de dépistage du virus en l’espèce. Le Gouvernement ajoute que les personnes qui se prostituent sont en tout état de cause obligées d’effectuer des examens médicaux, soutenant, à cet égard, qu’à supposer même que la prise de sang ait eu lieu contre la volonté des intéressées, elle a été effectuée lege artis et qu’elle était nécessaire aux fins de l’appréciation tant de leur état de santé que d’éventuels dommages ayant pu être causés à des tiers. Le Gouvernement souligne enfin que le recours des requérantes de la requête no 71555/12 désignées par les numéros 1 et 6 contre l’ordonnance no 13/14 a été rejeté par le procureur près la cour d’appel.

2. Appréciation de la Cour

a) Les principes généraux

109. La Cour rappelle que selon sa jurisprudence bien établie, une intervention médicale sans le consentement libre et éclairé du patient s’analyse en une ingérence dans le droit de celui au respect de sa vie privée, tel que protégé par l’article 8 de la Convention (G.H. c. Hongrie (déc.), no 54041/14, § 22, 9 juin 2015 et les affaires citées). Elle a déjà eu l’occasion de préciser, en particulier, que le respect de la vie privée telle que protégée par l’article 8 implique le respect de l’intégrité physique d’une personne, et que le prélèvement d’un échantillon de sang et de salive constitue une intervention médicale qui doit par conséquent, même si elle est d’importance mineure, être considérée, lorsqu’elle est obligatoire, comme une ingérence dans le droit au respect de la vie privée (voir Schmidt c. Allemagne, (déc.), no 32352/02, 5 janvier 2006).

110. Pareille ingérence constituera une violation de l’article 8 de la Convention à moins qu’elle ne puisse être justifiée, en vertu du paragraphe 2 de la disposition, comme étant « prévue par la loi », comme poursuivant un ou plusieurs des buts légitimes qui y sont énumérés et comme étant nécessaire « dans une société démocratique » pour atteindre le ou les buts visés (voir Peruzzo et Martens c. Allemagne (déc.), no 7841/08 et 57900/12, § 34, 4 juin 2013).

111. La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle les termes « prévue par la loi » signifient que la mesure litigieuse doit avoir une base en droit interne et être compatible avec la prééminence du droit, expressément mentionnée dans le préambule de la Convention et inhérente à l’objet et au but de l’article 8. La loi doit ainsi être suffisamment accessible et prévisible, c’est-à-dire énoncée avec assez de précision pour permettre à l’individu – en s’entourant au besoin de conseils éclairés – de régler sa conduite. Pour que l’on puisse la juger conforme à ces exigences, elle doit fournir une protection adéquate contre l’arbitraire et, en conséquence, définir avec une netteté suffisante l’étendue et les modalités d’exercice du pouvoir conféré aux autorités compétentes (Malone c. Royaume-Uni, 2 août 1984, §§ 66-68, série A no 82, Rotaru c. Roumanie [GC], no 28341/95, § 55, CEDH 2000-V, et Amann c. Suisse [GC], no 27798/95, § 56, CEDH 2000-II).

112. Le niveau de précision requis de la législation interne – laquelle ne peut du reste parer à toute éventualité – dépend dans une large mesure du contenu du texte considéré, du domaine qu’il est censé couvrir et du nombre et de la qualité de ses destinataires (Hassan et Tchaouch c. Bulgarie [GC], no 30985/96, § 84, CEDH 2000-XI, et références citées).

113. La Cour rappelle également que même lorsqu’une mesure n’est pas motivée par une nécessité thérapeutique, l’article 8 de la Convention n’interdit pas en tant que tel le recours à une intervention médicale contre la volonté d’un suspect en vue de l’obtention de la preuve de sa participation à une infraction. Ainsi, les institutions de la Convention ont conclu à plusieurs reprises que le prélèvement de sang ou de salive contre la volonté d’un suspect dans le cadre d’une enquête relative à une infraction n’avait pas enfreint ces articles dans les circonstances des affaires examinées (Jalloh c. Allemagne [GC], no 54810/00, § 70, CEDH 2006-IX et les affaires y citées).

b) Application de ces principes au cas d’espèce

114. La Cour considère que le prélèvement sanguin en cause s’analyse en une ingérence dans la « vie privée » des requérantes, au sens de l’article 8 de la Convention (voir Caruana C. Malte (déc.), no 41079/16, § 26, 15 mai 2018).

115. La Cour note que le Gouvernement indique que l’intervention en question avait pour base légale une combinaison de dispositions, à savoir la loi no 2734/1999, qui prévoit les obligations des personnes ayant l’autorisation de se prostituer, lesquelles incluent la réalisation tous les quinze jours d’un examen médical pour le dépistage de certaines maladies, dont le VIH, les décisions nos 660 et 661 du ministre de la Santé, qui prévoient que les personnes prostituées doivent faire des examens de dépistage du VIH tous les trois mois, et que dans le cas où elles sont séropositives, elles ne peuvent plus se prostituer, et enfin l’article 1 § 4 de l’arrêté no 39A/2012 du ministre de la Santé (paragraphes 51, 52 et 50 ci-dessus). La Cour relève que cet arrêté a également été cité par le procureur près de la cour d’appel d’Athènes, dans son ordonnance no 131/2014, comme étant, en combinaison avec l’article 251 du CPP, la base légale de l’intervention litigieuse (paragraphe 23 ci‑dessus).

116. L’article 1 § 2 dudit arrêté ministériel énumère plusieurs maladies considérées comme potentiellement dangereuses pour la santé publique, comme la grippe pandémique ou le SARS, et que le VIH ne figure pas parmi elles. Par ailleurs, le paragraphe 4 du même article dispose qu’un contrôle spécifique est prévu en vue du dépistage du VIH chez les personnes qui se prostituent sans avoir l’autorisation nécessaire. Quant à l’article 251 du CPP, il autorise le juge d’instruction et les officiers de police judiciaire à faire tout ce qui est nécessaire à la collecte et à la conservation des preuves lorsqu’ils agissent dans le cadre d’un ordre du procureur ou, dans les cas où un retard risquerait de créer un danger immédiat, en l’absence de décision préalable du procureur.

117. La Cour rappelle à cet égard qu’il appartient au premier chef aux autorités nationales, notamment aux tribunaux, d’interpréter et d’appliquer le droit interne (voir, parmi d’autres, Waite et Kennedy c. Allemagne [GC], no 26083/94, § 54, CEDH 1999-I). Ainsi, lorsqu’une requête est introduite par la suite devant la Cour, celle-ci doit pouvoir tirer profit des avis de ces tribunaux, lesquels sont en contact direct et permanent avec les forces vives de leurs pays (Burden c. Royaume-Uni [GC], no 13378/05, § 42, CEDH 2008).

118. En l’espèce, la Cour constate que toutes les dispositions légales mentionnées par le Gouvernement concernent l’obligation pour les personnes qui se prostituent, avec ou sans autorisation, de se soumettre à des tests de dépistage concernant certaines maladies, parmi lesquelles le VIH. Cependant, aucune d’entre elles ne comporte une quelconque description de la procédure devant être suivie, pas plus que la mention d’un dépistage assuré par des autorités policières ou judiciaires, avec ou sans le consentement des personnes visées. Pour ce qui est des dispositions du CPP, la Cour note qu’elles exigent un ordre du procureur pour que le juge d’instruction ou les policiers puissent procéder à des actes d’investigation (paragraphe 46 ci‑dessus), et qu’il n’en va autrement qu’en cas de danger immédiat, ce que le Gouvernement n’a nullement invoqué et qui n’était, du reste, pas le cas ici.

119. À supposer même que l’intervention ait été réalisée en vue de l’obtention de la preuve de la participation des requérantes à une infraction dans le contexte de l’enquête préliminaire, aucune ordonnance portant autorisation de procéder à des prélèvements sanguins n’a été émise en faveur de la police ou des médecins du KEELPNO. Dès lors, aucune analyse ni même mention des dispositions légales pertinentes n’a précédé les actes en cause. Qui plus est, aucune procédure précise n’a été appliquée en l’espèce pour l’intervention médicale qui s’est déroulée dans les locaux de police. Dès lors, les circonstances de la présente affaire se distinguent de celles qui étaient en cause dans les arrêts Jalloh (précité), D.H. et autres c. Macédoine du Nord (no 44033/17, § 52, 18 juillet 2023) et Schmidt (précité, § 33), dans lesquels les interventions médicales litigieuses avaient été ordonnées sur le fondement d’un article du code pénal et suivant la procédure y décrite, à savoir à la suite d’une ordonnance adoptée respectivement par un procureur, par un juge et par un tribunal. Dans la présente cause, aucune des dispositions citées par le Gouvernement n’était susceptible de justifier une intervention médicale réalisée par des policiers ou par des médecins du KEELPNO telle que celle qui a été effectuée à l’égard des requérantes.

120. Par conséquent, la Cour est d’avis que cette ingérence n’était pas « prévue par la loi » au sens de l’article 8 § 2 de la Convention, dès lors que les dispositions de droit interne en cause se devaient d’être « prévisibles quant à [leurs] effets » pour les requérantes (voir, par exemple, Caruana, précité § 33).

121. Ces considérations suffisent à la Cour pour conclure que l’ingérence dans l’exercice par les requérantes de leur droit au respect de leur vie privée n’était pas « prévue par la loi ». Cela dispense la Cour d’examiner si l’acte constitutif de ladite ingérence poursuivait un « but légitime » et s’il était « nécessaire dans une société démocratique », au sens de l’article 8 de la Convention.

122. Partant, il y a eu violation de l’article 8 de la Convention en ce qui concerne les requérantes désignées par les numéros 1 et 6 de la requête no 71555/12.

4. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 8 DE LA CONVENTION QUANT à la publication des données personnelles des requérantes

123. Les requérantes se plaignent de la publication, en vertu d’ordonnances adoptées par le procureur, de données personnelles les concernant et notamment de données médicales sensibles, et elles soutiennent que cette mesure a méconnu l’article 8 de la Convention.

1. Sur la recevabilité
1. Arguments des parties

124. Le Gouvernement plaide le non-épuisement des voies de recours internes, reprochant aux requérantes de ne pas avoir engagé, sur le fondement de l’article 99 de la Constitution, une action de prise à partie contre le procureur qui avait émis les ordonnances litigieuses et, concernant la requérante de la requête no 71555/12 désignée par le numéro 8, de n’avoir introduit ni plainte pour défaut de vérification d’un document d’identité, sur le fondement de l’article 243 du code pénal, contre les policiers en cause, ni action en dommages-intérêts contre ceux-ci et contre sa sœur (la requérante désignée par le numéro 5). Il argue en outre que la demande de ladite requérante a été accueillie par le procureur, lequel, par une ordonnance no 23a/2012, a corrigé les mentions de l’ordonnance initiale en remplaçant le nom de la requérante désignée par le numéro 8 par le nom de la requérante désignée par le numéro 5.

125. Le Gouvernement soutient par ailleurs que la requérante désignée par le numéro 1 de la requête no 48256/13 n’a pas respecté le délai de six mois, indiquant qu’elle a introduit la requête le 6 juillet 2013, soit plus d’un an après la publication de l’ordonnance no 27/2012 rendue par le procureur près la cour d’appel d’Athènes.

126. Les requérantes rétorquent qu’elles ont épuisé les voies de recours internes disponibles. Elles expliquent, tout d’abord, qu’à l’époque des faits, la loi no 2472/1997 ne prévoyait pas de recours contre les ordonnances émises sur le fondement de l’article 2, et qu’elle n’a été modifiée qu’ultérieurement, à la suite de l’acte no 128/2012 que l’Autorité de la protection des données personnelles a adopté dans le cadre de la présente affaire. Quant à la modification de l’ordonnance litigieuse par le procureur concernant les données de la requérante désignée par le numéro 8, elles affirment que l’ordonnance no 23a/2012 n’a jamais été notifiée à l’intéressée, et ajoutent que l’engagement d’une procédure pénale contre les policiers aurait été coûteux. Pour ce qui est enfin des arguments avancés par le Gouvernement relativement à une action de prise à partie contre le procureur, les requérantes arguent, d’une part, que le tribunal compétent pour connaître de pareil recours ne dispose que de pouvoirs limités et, d’autre part, que cette action concerne uniquement des affaires dans lesquelles le juge ou le procureur a agi de façon intentionnelle ou par négligence grossière. Ainsi, selon elles, sur plus de trois cent cinquante actions introduites depuis 1929, seules deux ont été accueillies.

127. En réponse à l’exception du Gouvernement tirée du non-respect du délai des six mois, elles exposent que l’ordonnance no 27/2012 n’a jamais été révoquée et soutiennent que les photos sont toujours publiquement disponibles et que, par conséquent, la violation de l’article 8 doit être considérée comme continue.

2. Appréciation de la Cour

a) Sur la qualité de victime de la requérante désignée par le numéro 8 de la requête no 71555/12

128. La Cour rappelle qu’il appartient en premier lieu aux autorités nationales de redresser une violation alléguée de la Convention. À cet égard, la question de savoir si un requérant peut se prétendre victime du manquement allégué se pose à tous les stades de la procédure au regard de la Convention (Bourdov c. Russie, no 59498/00, § 30, CEDH 2002‑III).

129. La Cour réaffirme en outre qu’une décision ou une mesure favorable au requérant ne suffit en principe à lui retirer la qualité de « victime » que si les autorités nationales ont reconnu, explicitement ou en substance, puis réparé la violation de la Convention (Centro Europa 7 S.r.l. et Di Stefano c. Italie [GC], no 38433/09, § 81, CEDH 2012, avec les références qui y sont citées).

130. La question de savoir si une personne peut encore se prétendre victime d’une violation alléguée de la Convention implique essentiellement, pour la Cour, de se livrer à un examen ex post facto de la situation de la personne concernée (Scordino c. Italie (no 1) [GC], no 36813/97, § 181, CEDH 2006‑V).

131. Se tournant vers les faits de l’espèce, la Cour observe que le 4 mai 2012, la requérante désignée par le numéro 8 de la requête no 71555/12 a formé auprès du chef du bureau du procureur près le tribunal correctionnel d’Athènes une demande de révocation de l’ordonnance no 23/2012 pour ce qui la concernait. Sa demande a été acceptée et le 15 mai 2012, par une nouvelle ordonnance, le procureur a remplacé le nom de S.P. par celui de M.P. En parallèle, une procédure pénale a été engagée contre la requérante désignée par le numéro 5 pour fausse déclaration (paragraphes 29-30 ci‑dessus).

132. Dès lors, la Cour estime que les autorités grecques ont reconnu, au moins en substance, puis réparé la violation de la Convention concernant le préjudice allégué par la requérante, dans la mesure où elles ont fait droit à la demande de l’intéressée, qui sollicitait la modification de l’ordonnance litigieuse rendue, selon elle, en violation de l’article 8 de la Convention. Le fait que cette nouvelle ordonnance n’ait pas été notifiée à la requérante ne saurait priver ce recours de son efficacité, laquelle est manifeste en l’espèce. De plus, la Cour ne saurait ignorer que la requérante avait la possibilité d’obtenir une compensation pécuniaire dans le cadre d’une procédure judiciaire séparée, en engageant une action en dommages-intérêts fondée sur l’article 105 de la loi introduisant le code civil contre les policiers ou en se constituant partie civile dans la procédure pénale diligentée contre la requérante désignée par le numéro 5.

133. À cet égard, et compte tenu de la nature du grief de la requérante, la Cour estime qu’une action en dommages-intérêts ou une constitution de partie civile, qui étaient susceptibles de lui apporter une compensation pécuniaire, était les plus appropriées dans son cas (voir, mutatis mutandis, Mateuț c. Roumanie (déc.), no 35959/15, § 38, 1er mars 2022). Dans ces conditions, elle ne peut conclure que pareille constitution de partie civile ou action fondée sur l’article 105 de la loi introduisant le code civil étaient vouées à l’échec dans le cas de la requérante.

134. Il s’ensuit que la requête est incompatible ratione personae avec les dispositions de la Convention, au sens de l’article 35 § 3 a), pour ce qui concerne la requérante désignée par le numéro 8 dans la requête no 71555/12 et qu’elle doit être rejetée, en application de l’article 35 § 4.

b) Sur l’épuisement des voies de recours internes

135. La Cour prend note de l’argument du Gouvernement selon lequel les requérantes auraient dû introduire une action de prise à partie contre le procureur ayant ordonné la publication de leurs données. La Cour rappelle toutefois que les dispositions de l’article 35 § 1 de la Convention ne prescrivent que l’épuisement des voies de recours à la fois relatives aux violations incriminées, normalement disponibles et suffisantes pour permettre au requérant d’obtenir réparation des violations dont il se plaint (Risker c. France (déc.), no 66999/01, 24 mai 2005, et Norbert Sikorski c. Pologne, no 17599/05, § 108, 22 octobre 2009). Or, en l’espèce, l’action de prise à partie n’était pas de nature à remédier aux défaillances alléguées des ordonnances du procureur concernant le droit des requérantes au respect de leur vie privée (Gjikondi et autres c. Grèce, no 17249/10, §§ 89 et 90, 21 décembre 2017, et Safi et autres c. Grèce, no 5418/15, § 106, 7 juillet 2022). À cet égard, la Cour constate en particulier que le tribunal spécial pour les actions de prise à partie n’aurait pu accorder aux intéressées d’indemnisation pour violation de l’article 8 de la Convention (voir, mutatis mutandis, Frâncu c. Roumanie, no 69356/13, § 31, 13 octobre 2020).

136. Partant, la Cour conclut que l’exception soulevée par le Gouvernement doit être rejetée.

c) Sur le respect du délai de six mois par la requérante désignée par le numéro 1 de la requête no 48256/13

137. La Cour rappelle qu’une violation de la Convention ou de ses Protocoles peut revêtir la forme non seulement d’un acte instantané, mais également d’une situation continue. Le concept de « situation continue » désigne un état de choses résultant d’actions continues accomplies par l’État ou en son nom, dont les requérants sont victimes. Par suite, le fait qu’un événement ait des conséquences importantes étalées dans le temps ne signifie pas qu’il est à l’origine d’une « situation continue » (Posti et Rahko c. Finlande, no 27824/95, §§ 39‑40, CEDH 2002-VII, Petkov c. Bulgarie (déc.), nos 77568/01, 178/02 et 505/02, 4 décembre 2007, et Meltex LTD c. Arménie (déc.), no 37780/02, 27 mai 2008).

138. La Cour réaffirme par ailleurs que lorsque le grief porte sur une situation continue contre laquelle il n’existe aucun recours, le délai de six mois court à partir de la fin de cette situation. Tant que celle-ci perdure, la règle des six mois ne trouve pas à s’appliquer (voir, mutatis mutandis, Hornsby c. Grèce, 19 mars 1997, § 35, Recueil 1997-II, Marikanos c. Grèce (déc.), no 49282/99, 29 mars 2001, et Doğan et autres c. Turquie, nos 8803‑8811/02, 8813/02 et 8815-8819/02, § 113, CEDH 2004‑VI (extraits)).

139. En l’espèce, il revient donc à la Cour d’établir si la situation dont se plaint la requérante constitue une « situation continue » aux fins de l’article 35 de la Convention. À cet égard, la Cour rappelle que le concept de « situation continue » désigne un état de choses résultant d’actions continues accomplies par l’État ou en son nom, dont les requérants sont victimes (Posti et Rahko, précité, § 39). Étant donné que les requérantes tirent leurs griefs d’événements particuliers survenus à des dates précises, à savoir les ordonnances nos 23/2012 et 27/2012 du procureur, il ne saurait s’agir d’une « situation continue » aux fins de la règle des six mois. Le fait qu’un événement ait des conséquences importantes étalées dans le temps ne signifie pas qu’il est à l’origine d’une « situation continue ». Pour ces raisons, la Cour estime que la situation de la requérante désignée par le numéro 1 de la requête no 48256/13, dont les données ont été publiées en vertu de l’ordonnance no 27/2012, ne s’analyse pas en l’espèce en une situation continue. De l’avis de la Cour, la période de six mois en l’espèce s’est donc ouverte avec la publication de l’ordonnance no 27/2012 le 5 mai 2012 (paragraphe 33 ci‑dessus). La requête ayant été introduite le 6 juillet 2013, il s’ensuit qu’elle s’avère tardive et celle-ci doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention. Dès lors, il y a lieu d’accueillir l’exception préliminaire du Gouvernement concernant le respect du délai de six mois par ladite requérante.

140. Constatant que le grief n’est pas manifestement mal fondé ni irrecevable pour un autre motif visé à l’article 35 de la Convention pour le reste des requérantes, la Cour le déclare recevable. La Cour va donc poursuivre l’examen des requêtes pour les requérantes désignées par les numéros 1, 2, 6 et 7 de la requête no 71555/12.

2. Sur le fond
1. Arguments des parties

141. Les requérantes considèrent que le procureur n’a aucunement justifié dans l’ordonnance no 23/2012 le but visé par la publication de leurs données personnelles, et qu’il n’a pas davantage examiné si la mesure était nécessaire dans les circonstances de l’espèce. Elles déduisent de ce qui précède que l’ingérence en cause n’était pas prévue par la loi.

142. Elles estiment que les autorités auraient dû en tout état de cause rechercher une alternative à la publication de leurs données personnelles, expliquant que l’intérêt général n’a pas été mis en balance avec la protection de la confidentialité des données sensibles et l’obligation de l’État de protéger le droit des requérantes au respect de leur vie privée. Se référant à l’arrêt de la Cour Z. c. Finlande (25 février 1997, § 95, Recueil 1997-I), elles font observer que la publication de leur séropositivité ne saurait en aucun cas être justifiée, et que le procureur ne pouvait légalement inclure des données aussi sensibles dans les mesures de publication ordonnées.

143. Le Gouvernement soutient quant à lui que les dispositions du droit interne applicables étaient indiquées dans l’ordonnance no 23/2012 par laquelle le procureur a ordonné la publication des noms et photos des requérantes, accompagnés d’une mention de leur séropositivité et des poursuites qui avaient été engagées contre elles du chef d’infliction d’un préjudice corporel grave en raison du fait qu’elles se prostituaient tout en étant séropositives. Selon lui, lesdites dispositions donnent au procureur le pouvoir, d’une part, de déroger à la règle du consentement préalable des personnes concernées prévue par l’article 5 § 1 de la loi no 2472/1999 et, d’autre part, d’autoriser, dans le cadre de poursuites portant sur des crimes ou des délits intentionnels, la publication de données personnelles sensibles. Le Gouvernement relève que les infractions pour lesquelles les requérantes étaient poursuivies étaient des délits intentionnels, et il argue que les ingérences litigieuses étaient prévues par la loi, au sens de l’article 8 § 2 de la Convention, indiquant qu’en vertu des dispositions pertinentes, la publication pouvait être autorisée dès lors qu’elle avait pour but, entre autres, de protéger la société ou les mineurs et de faciliter la mission de l’État de punir les infractions reprochées.

144. Le Gouvernement plaide en outre qu’aucune mesure alternative plus légère n’aurait pas pu être adoptée en l’espèce. Il expose à cet égard qu’une annonce générale informant la population de l’arrestation de prostituées séropositives aurait été de nature à semer la panique, ajoutant que la protection de la santé publique n’était, de surcroît, pas le seul but visé par la mesure litigieuse mais aussi la facilitation de la répression des infractions susvisées.

145. Il estime que la situation commandait une action urgente de la part de l’État et explique que les autorités espéraient, en adoptant les ordonnances en question, que certaines des personnes qui avaient eu des rapports avec les requérantes au cours des soixante-douze heures précédemment écoulées seraient à même d’éviter leur contamination en ayant recours à des médicaments rétroviraux. Le Gouvernement se livre par ailleurs à une analyse du nombre élevé d’appels reçu par le KEELPNO à la suite de la publication des données des requérantes.

2. Appréciation de la Cour

146. La jurisprudence de la Cour pertinente en la matière est résumée dans les affaires Frâncu (précité, §§ 51-56), C.C. c. Espagne (no 1425/06, §§ 31‑34, 6 octobre 2009), et Margari c. Grèce (no 36705/16, §§ 46-49 et 56, 20 juin 2023).

147. La Cour note qu’en l’espèce, les parties s’accordent à considérer que la publication des données des requérantes a constitué une ingérence dans le droit des intéressées au respect de la vie privée garanti par le paragraphe 1 de l’article 8 de la Convention. Il reste donc à déterminer si l’ingérence était justifiée au regard du paragraphe 2 de cet article.

148. La Cour prend note que l’ingérence en cause était « prévue par la loi », la mesure litigieuse trouvant sa base légale dans l’article 2 (a) et (b) et l’article 3 § 2 (b) de la loi no 2472/1997, ainsi que le procureur l’a indiqué dans les ordonnances nos 23/2012 et 27/2012. La Cour ne discerne en outre aucun élément lui permettant de conclure que ladite mesure n’était pas conforme au droit interne, ou que les effets de la législation pertinente n’étaient pas suffisamment prévisibles pour satisfaire à l’exigence de qualité que suppose l’expression « prévue par la loi » figurant au paragraphe 2 de l’article 8.

149. Concernant le but légitime, les ordonnances précisaient, entre autres, que cette mesure tendait à la protection de la société dès lors qu’elle était de nature à contribuer à la découverte d’actes similaires commis par les accusées au détriment de leurs clients, et à inciter ceux-ci à se soumettre à des examens de dépistage du VIH. La Cour estime, au vu des circonstances de l’espèce, que l’ingérence était donc destinée à « la protection des droits et libertés d’autrui ».

150. La Cour doit par conséquent déterminer si l’ingérence dont les requérantes se plaignent, à savoir la divulgation de leur identité et de leurs photos en ce qu’elles étaient associées à leur état de santé, était « nécessaire, dans une société démocratique », pour atteindre le but légitime poursuivi, c’est-à-dire si les motifs invoqués par les juridictions internes pour la justifier étaient pertinents et suffisants, et si elle était proportionnée à l’objectif poursuivi.

151. À cet égard, la Cour observe que dans l’affaire Margari (arrêt précité), qui présentait des circonstances similaires, mais non identiques, à celles de la présente cause, elle a conclu à la violation de l’article 8 de la Convention, estimant que la divulgation, en vertu de la même législation interne, de la photo de la requérante accompagnée de la mention des charges qui pesaient contre elle n’était pas nécessaire dans une société démocratique. Elle a estimé, en particulier, que la mesure n’était pas assortie de garanties appropriées et suffisantes, vu que la décision de publier des données de la requérante n’avait pas été notifiée à l’intéressée, que celle-ci ne pouvait ni être entendue avant la prise de décision la concernant, ni former de recours contre l’ordonnance après que celle-ci eut été rendue, et que les informations diffusées concernant les charges étaient imprécises.

152. La Cour ne voit pas de raison de s’écarter en l’espèce de la conclusion à laquelle elle est parvenue dans ladite affaire relativement à l’application de la loi no 2472/1997, d’autant plus que la présente affaire concerne des données ayant trait au VIH, qui sont par nature extrêmement sensibles.

153. La Cour rappelle, à cet égard, qu’une telle ingérence ne peut se concilier avec l’article 8 de la Convention que si elle vise à défendre un aspect primordial de l’intérêt public, et que les mesures de ce type prises sans le consentement de la personne concernée appellent un examen des plus rigoureux de la part de la Cour (C.C. c. Espagne, précité, §§ 33-34).

154. En l’espèce, la Cour note qu’en vertu de l’ordonnance no 23/2012, les noms et photos des requérantes ainsi que l’information selon laquelle elles étaient séropositives ont été téléchargés sur le site internet de la police et, par la suite, diffusés par les médias.

155. Elle observe toutefois que le procureur n’a pas recherché, dans ladite ordonnance, si d’autres mesures, propres à assurer une moindre exposition des requérantes, pouvaient être prises en l’espèce. Il s’est borné à ordonner la publication des données en cause sans examiner la situation particulière de chacune des requérantes, ni évaluer les effets que cette publication était susceptible d’avoir à leur égard.

156. Le procureur n’a pas davantage examiné si la diffusion, dans la seule région où les faits avaient eu lieu, d’une annonce générale mentionnant simplement l’arrestation de prostituées séropositives pouvait suffire pour atteindre le but poursuivi. En effet, si les autorités internes cherchaient à protéger la santé publique et plus particulièrement celle des individus qui avaient eu, à quelque moment que ce fût, des rapports avec les requérantes, rien n’indique que la mesure susmentionnée n’aurait pas atteint la finalité recherchée, tout en ayant de moindres répercussions sur la vie privée des intéressées. Qui plus est, les requérantes ne pouvaient légalement être entendues par le procureur avant que celui-ci ne se prononçât relativement à la divulgation de leurs données, pas plus qu’elles ne pouvaient, une fois l’ordonnance rendue, exercer de recours contre celle-ci aux fins de son réexamen par le procureur près la cour d’appel. Pareil recours n’a en effet été introduit dans la législation interne qu’à la suite des évènements ayant donné lieu aux présentes requêtes (voir l’acte de l’Autorité de la protection des données personnelles au paragraphe 62 ci-dessus).

157. Ces considérations valent d’autant plus ici que les informations diffusées concernaient la séropositivité des requérantes, dont la divulgation était susceptible d’entraîner des conséquences dévastatrices sur leur vie privée et familiale et sur leur situation sociale et professionnelle, étant de nature à les exposer à l’opprobre et à un risque d’exclusion (Z. c. Finlande, précité, § 96). En outre, la Cour ne perd pas de vue que selon les principes énoncés dans la circulaire du ministre de la Santé, si les personnes prostituées figuraient parmi les groupes sociaux à l’égard desquels un dépistage du virus était, par exception, autorisé, elles n’étaient pas, en revanche, incluses dans les cas justifiant une exception à la règle de confidentialité des tests (paragraphe 56 ci-dessus). La Cour relève par ailleurs que la décision du parquet de faire procéder à la publication de données aussi sensibles concernant les requérantes a été critiquée par plusieurs associations et organisations internes, y compris l’Association médicale d’Athènes et la Commission des droits de l’homme, qui ont souligné le fait que cette publication était contraire à la Constitution et aux principes du secret médical et de la protection de la vie privée (paragraphes 60 et 61 ci-dessus).

158. Les considérations précédentes suffisent pour permettre à la Cour de conclure que l’ingérence dans le droit des requérantes désignées par les numéros 1, 2, 6 et 7 de la requête no 71555/12 au respect de leur vie privée provoquée par l’ordonnance du procureur n’était pas suffisamment justifiée dans les circonstances particulières de l’affaire et était disproportionnée aux buts légitimes poursuivis.

159. Partant, il y a eu violation de l’article 8 de la Convention pour les requérantes désignées par les numéros 1, 2, 6 et 7 de la requête no 71555/12.

5. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DES ARTICLES 3, 5 ET 13 DE LA CONVENTION

160. Les requérantes soutiennent qu’elles ont subi une violation de leurs droits garantis par les articles 3, 5 et 13 de la Convention. Elles se plaignent notamment de la légalité de leur détention jusqu’à leur arrestation officielle, des conditions de leur détention et de l’absence de recours effectif pour la totalité de leurs griefs.

161. Eu égard toutefois aux faits de l’espèce, aux thèses des parties et aux conclusions formulées sous l’angle de l’article 8 de la Convention, la Cour estime qu’elle a examiné les principales questions juridiques soulevées par les présentes requêtes et qu’il n’y a pas lieu de statuer séparément sur les autres griefs (voir, parmi d’autres, Centre de ressources juridiques au nom de Valentin Câmpeanu c. Roumanie [GC], no 47848/08, § 156, CEDH 2014).

6. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

162. Aux termes de l’article 41 de la Convention :

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

1. Dommage

163. Les requérantes demandent 50 000 euros (EUR) chacune au titre du dommage moral qu’elles estiment avoir subi.

164. Le Gouvernement estime que cette somme est excessive.

165. Eu égard à la gravité extrême de la violation de l’article 8 constatée en l’espèce, et compte tenu de la vulnérabilité particulière des intéressées, la Cour estime approprié d’allouer à chacune des requérantes désignées par les numéros 1 et 6 de la requête no 71555/12 la somme de 20 000 EUR et à chacune des requérantes désignées par les numéros 2 et 7 de la requête no 71555/12 la somme de 15 000 EUR pour dommage moral, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt sur ces sommes.

2. Frais et dépens

166. Les requérantes réclament également 16 800 EUR pour les frais et dépens qu’elles disent avoir engagés devant les juridictions internes et devant la Cour, sans toutefois produire de factures à l’appui de leurs prétentions. Le Gouvernement estime que cette somme est excessive.

167. La Cour rejette la demande au titre des frais et dépens, aucun justificatif n’ayant été produit par les requérantes à cet égard.

PAR CES MOTIFS, LA COUR

1. Décide, à l’unanimité, de joindre les requêtes ;
2. Rejette, à l’unanimité, l’exception préliminaire du Gouvernement portant sur la qualité de P.M. et de C.-V.G, enfants de la requérante désignée par le numéro 1 de la requête no 48256/13, pour maintenir la requête devant la Cour concernant celle-ci ;
3. Décide, à l’unanimité, qu’il y a lieu de rayer du rôle la requête no 71555/12 à l’égard des requérantes désignées par les numéros 3, 4 et 5, et la requête no 48256/13 à l’égard des requérantes désignées par les numéros 2 et 3 ;
4. Déclare, à l’unanimité, le grief tiré de l’article 8 quant à la prise de sang recevable pour ce qui concerne les requérantes désignées par les numéros 1 et 6 de la requête no 71555/12, et irrecevable pour le reste des requérantes concernées ;
5. Dit, à l’unanimité, qu’il y a eu violation de l’article 8 de la Convention quant à la prise de sang pour ce qui concerne les requérantes désignées par les numéros 1 et 6 de la requête no 71555/12 ;
6. Déclare, à l’unanimité, le grief tiré de l’article 8 quant à la publication des données des requérantes recevable pour les requérantes désignées par les numéros 1, 2, 6 et 7 de la requête no 71555/12 et irrecevable pour la requérante désignée par le numéro 8 de la requête no 71555/12 ;
7. Déclare, à la majorité, le grief tiré de l’article 8 quant à la publication des données des requérantes irrecevable pour la requérante désignée par le numéro 1 de la requête no 48256/13 ;
8. Dit, à l’unanimité, qu’il y a eu violation de l’article 8 de la Convention quant à la publication des données des requérantes pour les requérantes désignées par les numéros 1, 2, 6 et 7 de la requête no 71555/12 ;
9. Dit, par six voix contre une, qu’il n’y a pas lieu d’examiner la recevabilité et le bien-fondé des griefs soulevés sous l’angle des articles 3, 5 et 13 de la Convention ;
10. Dit, à l’unanimité,

a) que l’État défendeur doit verser, dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, 20 000 EUR à chacune des requérantes désignées par les numéros 1 et 6 de la requête no 71555/12 et 15 000 EUR à chacune des requérantes désignées par les numéros 2 et 7 de la requête no 71555/12, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt sur cette somme, pour dommage moral ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

11. Rejette, à l’unanimité, la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 23 janvier 2024, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Milan Blaško Pere Pastor Vilanova
Greffier Président

Au présent arrêt se trouve joint, conformément aux articles 45 § 2 de la Convention et 74 § 2 du règlement, l’exposé de l’opinion séparée des juges Pastor Vilanova, Grozev et Ktistakis.

P.P.V.
M.B.

OPINION PARTIELLEMENT DISSIDENTE COMMUNE AUX JUGES PASTOR VILANOVA, GROZEV
ET KTISTAKIS

1. Nous avons voté contre le point 7 du dispositif, aux termes duquel la Cour déclare « le grief tiré de l’article 8 quant à la publication des données des requérantes irrecevable pour la requérante désignée par le numéro 1 de la requête no 48256/13 ».

2. Nous constatons que l’ordonnance no 27/2012 du procureur (en date du 5 mai 2012, paragraphe 33 de l’arrêt), qui concernait la requérante désignée par le numéro 1 de la requête no 48256/13, a produit ses effets jusqu’au 29 mai 2014, date de son remplacement par une nouvelle ordonnance portant interdiction de toute publication ultérieure des données de la requérante concernée (paragraphe 38 de l’arrêt).

3. Étant donné que la divulgation des données personnelles de la requérante a perduré, à tout le moins, jusqu’à ce que les autorités nationales aient mis un terme aux effets des mesures en question, nous sommes d’avis que l’action desdites autorités ne s’est pas limitée à la seule décision d’ordonner la publication des données. Pour ces raisons, nous estimons que la situation de la requérante s’analyse en l’espèce en une « situation continue » (sur la jurisprudence de la Cour sur cette question, voir les paragraphes 137 et 138 de l’arrêt). Par conséquent, nous considérons que la période de six mois en l’espèce a commencé à courir à la date de publication de la nouvelle ordonnance, le 29 mai 2014, et que le grief y afférent, qui a été introduit le 6 juillet 2013, est donc recevable.

4. Enfin, nous notons que, pour ce qui est du grief soulevé par la même requérante relativement à la réalisation d’une prise de sang sans consentement préalable, nous avons voté avec la majorité pour conclure que l’intéressée n’a pas respecté le délai de six mois puisqu’il ne s’agit évidemment pas, ici, d’une « situation continue » (paragraphes 98-100 de l’arrêt). Nous estimons par conséquent que notre position se trouve davantage renforcée par la comparaison des deux situations critiquées par la requérante, à savoir la prise de sang et la publication des données personnelles de l’intéressée.

ANNEXE

Liste des requérantes

No.

|

Requête No

|

Nom de l’affaire

|

Introduite le

|

Requérant
Année de naissance
Lieu de résidence
Nationalité

---|---|---|---|---

1.

|

71555/12

|

O.G. et autres c. Grèce

|

30/10/2012

|

1. O.G.
1981
Athènes
grecque
2. V.K.
1982
Athènes
grecque
3. A.K.
1986
Athènes
grecque
4. C.N.
1982
Athènes
grecque
5. M.P.
1986
non communiqué
grecque
6. S.-C.P.
1986
Elefsina
grecque
7. O.P.
1977
non communiqué
grecque
8. G.-M.Z.
1981
Le Pirée
grecque



2.

|

48256/13

|

P.K. et autres c. Grèce

|

06/07/2013

|

1. P.K.
1976
non communiqué
grecque
2. M.F.
1984
non communiqué
grecque
3. C.F.
1978
non communiqué
grecque


Synthèse
Formation : Cour (troisiÈme section)
Numéro d'arrêt : 001-230315
Date de la décision : 23/01/2024
Type d'affaire : au principal et satisfaction équitable
Type de recours : Violation de l'article 8 - Droit au respect de la vie privée et familiale (Article 8-1 - Respect de la vie privée);Violation de l'article 8 - Droit au respect de la vie privée et familiale (Article 8-1 - Respect de la vie privée)

Parties
Demandeurs : O.G. ET AUTRES
Défendeurs : GRÈCE

Origine de la décision
Date de l'import : 24/01/2024
Fonds documentaire ?: HUDOC

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award