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08/12/2022 | CEDH | N°001-221264

CEDH | CEDH, AFFAIRE M.K. ET AUTRES c. FRANCE, 2022, 001-221264


CINQUIÈME SECTION

AFFAIRE M.K. ET AUTRES c. FRANCE

(Requêtes nos 34349/18, 34638/18 et 35047/18)

ARRÊT


Art 6 § 1 (civil) • Accès à un tribunal • Refus des autorités administrative d’exécuter des ordonnances de référé enjoignant à l’État d’héberger en urgence des demandeurs d’asiles et leurs enfants • Art 6 § 1 applicable à l’octroi et refus d’une place en hébergement d’urgence constituant un droit civil • Entière passivité des autorités administratives malgré le fait que les ordonnances étaient le fruit d’une proc

dure d’urgence • Prise en charge des requérants que suite aux mesures provisoires prononcées par la Cour européenne

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CINQUIÈME SECTION

AFFAIRE M.K. ET AUTRES c. FRANCE

(Requêtes nos 34349/18, 34638/18 et 35047/18)

ARRÊT

Art 6 § 1 (civil) • Accès à un tribunal • Refus des autorités administrative d’exécuter des ordonnances de référé enjoignant à l’État d’héberger en urgence des demandeurs d’asiles et leurs enfants • Art 6 § 1 applicable à l’octroi et refus d’une place en hébergement d’urgence constituant un droit civil • Entière passivité des autorités administratives malgré le fait que les ordonnances étaient le fruit d’une procédure d’urgence • Prise en charge des requérants que suite aux mesures provisoires prononcées par la Cour européenne

STRASBOURG

8 décembre 2022

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire M.K. et autres c. France,

La Cour européenne des droits de l’homme (cinquième section), siégeant en une Chambre composée de :

Georges Ravarani, président,
Carlo Ranzoni,
Mārtiņš Mits,
María Elósegui,
Mattias Guyomar,
Kateřina Šimáčková,
Mykola Gnatovskyy, juges,
et de Victor Soloveytchik, greffier de section,

Vu :

les requêtes (nos 34349/18, 34638/18 et 35047/18) dirigées contre la République française et dont des ressortissants congolais (M.K. et autres et A.D. et autres) et géorgiens (I.K. et autres) (« les requérants ») ont saisi la Cour en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention ») aux dates indiquées dans le tableau joint en annexe,

la décision de porter à la connaissance du gouvernement français (« le Gouvernement ») les griefs concernant les articles 3, 6 § 1 et 13 de la Convention,

la décision de poser des questions complémentaires aux parties,

l’ensemble des observations communiquées par le gouvernement défendeur et celles communiquées en réplique par les requérants,

les observations du Défenseur des droits que la présidente de la section avait autorisé à se porter tiers intervenant,

les mesures provisoires indiquées au gouvernement défendeur en vertu de l’article 39 du règlement,

la décision de ne pas dévoiler l’identité des requérants,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 15 novembre 2022,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

INTRODUCTION

1. Les présentes affaires concernent des demandeurs d’asile sans hébergement à l’époque des faits. À leur demande, le juge des référés du tribunal administratif enjoignit à l’État de les mettre à l’abri au titre de l’hébergement d’urgence. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, les requérants se plaignent de l’inexécution des ordonnances du juge des référés par l’administration. Invoquant en outre l’article 3 de la Convention, ils affirment avoir été contraints de vivre à la rue dans des conditions inhumaines et dégradantes pendant plusieurs semaines. Sous l’angle de l’article 13 de la Convention, ils font également valoir que leur droit à un recours effectif a été méconnu.

EN FAIT

2. Les informations détaillées concernant les requérants, représentés par Me Saskia Ducos-Mortreuil et admis au bénéfice de l’assistance judiciaire, figurent dans le tableau en annexe. Le gouvernement français (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, M. D. Colas, directeur des Affaires juridiques au ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.

1. Requête no 34349/18 (M.K. et autres)

3. La première requérante, née en 1983, est une ressortissante congolaise. Elle indique avoir fui son pays d’origine accompagnée de ses trois filles âgées de 3, 5 et 14 ans (les trois autres requérantes). La première requérante soutient que sa fille de 5 ans a été victime d’un viol avant son arrivée en France.

4. Les requérantes entrèrent sur le territoire français le 29 mai 2018.

5. Le 1er juin 2018, la première requérante sollicita l’asile auprès de la préfecture de la Haute-Garonne qui lui délivra une attestation de demande d’asile dite « procédure Dublin », l’examen de sa demande relevant d’un autre État de l’Union européenne.

6. Le même jour, elle accepta le bénéfice des conditions matérielles d’accueil proposées par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII).

7. Du 2 juin 2018 au 21 juin 2018, la première requérante contacta à quatorze reprises les services de la veille sociale à Toulouse, dits « 115 » selon le numéro d’appel, afin de bénéficier d’une mise à l’abri avec ses trois filles. Elle se vit toutefois opposer des refus. Dans les notes individuelles dont fait l’objet chaque foyer familial ayant présenté une demande d’hébergement d’urgence, les agents de la veille sociale relevèrent que la permanence d’accès aux soins de santé (PASS), la permanence d’accueil, d’information et d’orientation (PAIO) et des associations avaient signalé la vulnérabilité de cette famille. Ils notèrent également que l’une des fillettes était malade et que la requérante avait eu peur pour sa fille aînée, laquelle aurait été menacée par des hommes dans le parc où elles dormaient. Ils mentionnèrent à plusieurs reprises l’épuisement des membres du foyer.

8. Le 11 juin 2018, un médecin des hôpitaux de Toulouse rédigea un certificat dans lequel il fit part de son inquiétude concernant l’état de santé de la fillette de 5 ans et indiqua qu’une mise à l’abri du foyer familial était indispensable. La fillette bénéficia d’un suivi psychologique ainsi qu’en attestent des comptes-rendus de la permanence d’accès aux soins de santé des 15, 20, 27 juin 2018 et du 20 juillet 2018. Dans ces mêmes comptes-rendus, il fut mentionné que la famille recevait des repas dans un espace social dénommé « Grand Ramier » et perçut un chèque de 300 euros (EUR) en juin 2018 de la part de la maison des solidarités.

9. À compter du 12 juin 2018, la première requérante passa ses nuits, accompagnée de ses filles, dans le hall d’un hôpital, sur des sièges ou à même le sol.

10. Le 21 juin 2018, la première requérante alerta l’OFII et les services de la préfecture de la Haute-Garonne de l’urgence d’une mise à l’abri de sa famille.

11. Le 22 juin 2018, elle contacta à deux reprises la veille sociale qui, face à la détresse du foyer, lui accorda quatre nuits en dispositif hôtelier.

12. Le 25 juin 2018, la première requérante saisit le tribunal administratif de Toulouse d’un référé liberté afin qu’il soit enjoint à l’administration de l’héberger avec ses filles. Sa demande fut dirigée, d’une part, contre l’OFII au titre de l’hébergement prévu dans le cadre de la procédure d’asile, et, d’autre part, contre la préfecture de la Haute-Garonne au titre de l’hébergement d’urgence prévu par le code de l’action sociale et des familles.

13. À partir du 26 juin 2018, la famille vécut encore à la rue et contacta à deux reprises la veille sociale jusqu’au 27 juin 2018. La situation de la famille fit à nouveau l’objet d’un signalement de la part de l’association « la Croix Rouge » qui craignait notamment pour la sécurité de la jeune adolescente.

14. Par une ordonnance du 27 juin 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse rejeta la demande dirigée contre l’OFII mais enjoignit au préfet de la Haute-Garonne, qui n’avait présenté aucun mémoire ni ne s’était présenté ou fait représenter à l’audience, de désigner sans délai un lieu d’hébergement d’urgence aux requérantes à compter de la notification de l’ordonnance, et ce, sous une astreinte de 200 EUR par jour de retard.

15. Du 27 juin 2018 au 3 juillet 2018, la famille vécut de nouveau à la rue et contacta la veille sociale à sept reprises. Le foyer familial fut également signalé au service du 115 par la permanence d’accès aux soins et par la permanence d’accueil, d’information et d’orientation. Les commentaires de la veille sociale firent mention de l’urgence d’accorder un hébergement à ces personnes épuisées tout en constatant l’absence de solution à proposer.

16. Le 3 juillet 2018, la première requérante fournit une copie de l’ordonnance du 27 juin 2018 à la permanence d’accueil, d’information et d’orientation.

17. Du 4 juillet 2018 au 20 juillet 2018, la famille vécut de nouveau à la rue et contacta la veille sociale à quatorze reprises, toujours sans résultat. Il fut également signalé au service du 115 par la permanence d’accueil, d’information et d’orientation. Les commentaires de la veille sociale firent mention de l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif, de l’épuisement de la famille, de son isolement, de sa détresse et de son incompréhension ainsi que de l’extrême précarité de sa situation.

18. Le 5 juillet 2018, la première requérante sollicita l’ouverture d’une procédure d’exécution de l’ordonnance du 27 juin 2018 au titre des articles L. 911-4 et suivants du code de justice administrative. Ce même jour, le tribunal administratif de Toulouse demanda à la préfecture de la Haute-Garonne de justifier, dans un délai de sept jours, de la nature et de la date des mesures prises pour exécuter l’ordonnance du 27 juin 2018. La préfecture ne répondit pas à cette demande.

19. Le 13 juillet 2018, la première requérante introduisit un nouveau référé liberté afin que soit constaté le refus d’exécution du préfet et qu’il lui soit enjoint de l’orienter, avec ses trois filles, vers une structure d’hébergement.

20. Par une ordonnance du 18 juillet 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse releva que l’ordonnance du 27 juin 2018 restait inexécutée, en méconnaissance de l’article 6 § 1 de la Convention, et enjoignit au préfet de désigner dans les vingt-quatre heures suivant la notification de son ordonnance un lieu d’hébergement d’urgence au foyer familial, sous une astreinte de 500 EUR par jour de retard. Dans cette instance, le préfet, qui n’avait présenté aucun mémoire, n’était ni présent ni représenté à l’audience.

21. L’État ne releva appel d’aucune des ordonnances du tribunal administratif de Toulouse.

22. Le 23 juillet 2018, la première requérante saisit la Cour d’une demande de mesure provisoire au titre de l’article 39 de son règlement.

23. Le 24 juillet 2018, la Cour prit une mesure provisoire à l’encontre du gouvernement français, dans l’intérêt des parties et du bon déroulement de la procédure devant elle, lui demandant d’assurer la prise en charge des requérantes en leur octroyant notamment un hébergement d’urgence.

24. À compter de cette date, le foyer familial fut hébergé à l’hôtel, puis, à partir du 26 juillet 2018, fut pris en charge au titre du programme d’accueil et d’hébergement des demandeurs d’asile (PRADHA).

25. Par une ordonnance du 30 juillet 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse décida qu’il n’y avait plus lieu de procéder à la liquidation des astreintes fixées par les ordonnances des 27 juin 2018 et 18 juillet 2018.

26. Le 11 janvier 2019, l’OFII attesta du versement, au bénéfice des requérantes, de l’allocation pour demandeur d’asile au titre des mois de juin à décembre 2018, notamment pour un montant de 732 EUR pour le mois de juin 2018 et de 756,40 EUR pour le mois de juillet 2018.

2. Requête no 34638/18 (A.D. et autres)

27. Les requérants, un couple, nés en 1978 et 1982, et leur fille, née en 2015, sont ressortissants congolais. Ils indiquent avoir fui leur pays en raison de menaces de mort.

28. Ils arrivèrent en France au mois de juin 2018. La deuxième requérante était par ailleurs enceinte de près de huit mois.

29. Du 13 au 17 juin 2018, la veille sociale fut sollicitée à sept reprises par les requérants ou les services sociaux du département de la Haute‑Garonne en vue de l’hébergement de la famille, toujours sans résultat. Les agents de la veille sociale mentionnèrent que ce foyer familial était démuni, épuisé et en détresse, que la requérante, enceinte, était extrêmement éprouvée et que les intéressés passaient leurs nuits sur un parking.

30. Le 18 juin 2018, les requérants sollicitèrent l’asile auprès de la préfecture de la Haute-Garonne qui leur délivra une attestation de demande d’asile dite « procédure Dublin », l’examen de leur demande relevant d’un autre État de l’Union européenne.

31. Le même jour, ils acceptèrent le bénéfice des conditions matérielles d’accueil proposées par l’OFII.

32. Le même jour également, un médecin des hôpitaux de Toulouse certifia que l’état de santé de la deuxième requérante nécessitait un logement.

33. Du 18 au 20 juin 2018, la veille sociale fut sollicitée à cinq reprises par les requérants ou les services sociaux du département de la Haute-Garonne en vue de l’hébergement de la famille, toujours sans résultat. Les commentaires de la veille sociale firent mention de l’admission aux urgences de la requérante.

34. Le 19 juin 2018, le conseil des requérants alerta l’OFII de l’urgence d’une mise à l’abri de cette famille.

35. Le 20 juin 2018, la deuxième requérante fut hospitalisée en vue de la surveillance de sa grossesse. Cette hospitalisation durera jusqu’à la mise à l’abri du foyer familial, consécutive à la mesure provisoire indiquée par la Cour (paragraphe 50 ci-dessous).

36. Du 21 juin 2018 au 1er juillet 2018, la veille sociale fut sollicitée à onze reprises par les deux premiers requérants ou les services sociaux du département de la Haute-Garonne en vue de l’hébergement de la famille, toujours sans résultat. Les commentaires de cette veille firent mention d’un signalement effectué par la maternité, de l’hospitalisation de la requérante, épuisée, et de la séparation des membres du foyer familial du fait de l’hospitalisation, de l’épuisement et du désespoir du père en l’absence d’hébergement, du caractère « de plus en plus inquiétant » de la situation et de l’extrême vulnérabilité de la famille.

37. Le 29 juin 2018, les deux premiers requérants saisirent le tribunal administratif de Toulouse d’un référé liberté afin qu’il soit enjoint à l’administration de les héberger avec leur enfant. Leur demande fut dirigée, d’une part, contre l’OFII au titre de l’hébergement prévu dans le cadre de la procédure d’asile, et, d’autre part, contre la préfecture de la Haute-Garonne au titre de l’hébergement d’urgence prévu par le code de l’action sociale et des familles.

38. Par une ordonnance du 2 juillet 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse rejeta la demande dirigée contre l’OFII mais enjoignit au préfet de la Haute-Garonne, qui n’avait présenté aucun mémoire ni ne s’était présenté ou fait représenter à l’audience, de désigner un lieu d’hébergement d’urgence aux requérants, susceptible de les accueillir dans un délai de 24 heures à compter de la notification de son ordonnance.

39. Les requérants soutiennent avoir fourni une copie de cette ordonnance à la permanence d’accueil, d’information et d’orientation.

40. Le 3 juillet 2018, les deux premiers requérants contactèrent les services de la préfecture en vue de l’exécution de l’ordonnance rendue la veille, mais ne reçurent pas de réponse.

41. Le 6 juillet 2018, les deux premiers requérants sollicitèrent l’ouverture d’une procédure d’exécution de l’ordonnance du 2 juillet 2018 au titre des articles L. 911-4 et suivants du code de justice administrative. Le 9 juillet 2018, le tribunal administratif de Toulouse demanda à la préfecture de la Haute-Garonne de justifier, dans un délai de sept jours, de la nature et de la date des mesures prises pour exécuter l’ordonnance du 2 juillet 2018. La préfecture ne répondit pas à cette demande.

42. Le 16 juillet 2018, la deuxième requérante donna naissance au second enfant du couple, quatrième requérant devant la Cour.

43. Le 17 juillet 2018, les deux premiers requérants introduisirent un nouveau référé liberté auprès du tribunal administratif de Toulouse afin que soit constaté le refus d’exécution du préfet et qu’il lui soit enjoint de leur désigner une structure d’hébergement.

44. Le 18 juillet 2018, un médecin des hôpitaux de Toulouse certifia que l’état de santé du nouveau-né, prématuré, nécessitait la mise à disposition d’un logement adapté aux besoins de la famille à compter de la sortie du service de néonatologie, pour une durée de six mois.

45. Du 3 au 18 juillet 2018, la veille sociale fut sollicitée à onze reprises par les requérants ou les services sociaux du département de la Haute-Garonne en vue de l’hébergement de la famille, toujours sans résultat. Les commentaires de cette veille firent état de l’épuisement de la famille, de la décision du tribunal administratif enjoignant à son hébergement, de l’indignation, de la fatigue et de l’inquiétude du premier requérant, de la peur des intéressés face à la perspective de devoir dormir à la rue avec un nourrisson.

46. Par une ordonnance du 19 juillet 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse releva que l’ordonnance du 2 juillet 2018 restait inexécutée. Il enjoignit au préfet de désigner un lieu d’hébergement d’urgence au foyer, dans les vingt-quatre heures suivant la notification de son ordonnance, sous une astreinte de 100 EUR par jour de retard. Dans cette instance, le préfet, qui n’avait présenté aucun mémoire, n’était ni présent ni représenté à l’audience.

47. Du 20 au 24 juillet 2018, l’ordonnance resta inexécutée. La veille sociale fut sollicitée à cinq reprises par les requérants. Les agents de ce service mentionnèrent un nouveau signalement de la maternité, le caractère « très préoccupant » de la situation et l’inquiétude du premier requérant.

48. L’État ne releva appel d’aucune des ordonnances du tribunal administratif de Toulouse.

49. Le 24 juillet 2018, les requérants saisirent la Cour d’une demande de mesure provisoire au titre de l’article 39 de son règlement.

50. Le 25 juillet 2018, la Cour prit une mesure provisoire à l’encontre du gouvernement français, dans l’intérêt des parties et du bon déroulement de la procédure devant elle, lui demandant d’assurer la prise en charge des requérants, en leur octroyant notamment un hébergement d’urgence.

51. Le même jour, la famille fut hébergée.

52. Durant toute la période au cours de laquelle ils ne furent pas hébergés, les requérants passèrent leurs nuits sur un parking ou sous un porche d’immeuble, à l’exception, pour la deuxième requérante et le quatrième requérant, des journées d’hospitalisation.

53. Le 11 janvier 2019, l’OFII attesta du versement de l’allocation pour demandeur d’asile au bénéfice des requérants pour les mois de juin à décembre 2018, notamment pour un montant de 396,20 EUR pour le mois de juin 2018 et de 880,40 EUR pour le mois de juillet 2018.

3. Requête no 35047/18 (I.K. et autres)

54. Les requérants, un couple, nés en 1961 et 1983, et leur fille, née en 2003, sont ressortissants géorgiens.

55. Ils arrivèrent en France au mois d’avril 2018. Le premier requérant est paraplégique, son état de santé nécessite des soins infirmiers continus ainsi qu’un suivi en service d’infectiologie et de chirurgie.

56. Les requérants contactèrent à de nombreuses reprises la veille sociale du 20 au 22 avril 2018 en vue d’une mise à l’abri de la famille, toujours sans résultat. Les commentaires de cette veille sociale firent état d’une famille épuisée, désemparée, en situation de grande vulnérabilité. Les agents du service mentionnèrent que le handicap du premier requérant « ren[dait] la rue insupportable ». Ils relevèrent les souffrances physiques subies par l’intéressé et les problèmes d’hygiène qu’il rencontrait du fait de ses conditions de vie. Ils mentionnèrent le signalement de la plateforme d’accueil des demandeurs d’asile et relevèrent « l’urgence de la situation ».

57. Le 23 avril 2018, les requérants sollicitèrent l’asile auprès de la préfecture de la Haute-Garonne qui leur délivra une attestation de demande d’asile en procédure dite accélérée.

58. Les requérants indiquent avoir accepté le même jour le bénéfice des conditions matérielles d’accueil proposées par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII).

59. Du 23 avril 2018 au 13 juin 2018, la veille sociale fut sollicitée à plus de trente reprises par les requérants, la permanence d’accueil, d’information et d’orientation ou les services des hôpitaux de Toulouse en vue de l’hébergement de la famille, toujours sans résultat. Les commentaires de la veille sociale firent mention de l’isolement de la famille et de son état d’épuisement et de désespoir. Ils relevèrent que l’état de santé du premier requérant était inquiétant et qu’il avait besoin de soins quotidiens ; ils mentionnèrent que l’adolescente rencontrait des difficultés psychologiques. Les commentaires firent état d’un appel du premier requérant décrivant des conditions de vie insupportables. Les agents qualifièrent la situation de « réellement inquiétante », nécessitant un traitement en urgence.

60. Du 10 mai 2018 au 14 juin 2018, le premier requérant fut hospitalisé. Les requérantes dormirent dans le hall de l’hôpital puis à la rue. Elles sollicitèrent en vain la veille sociale. Les agents firent mention d’une situation de plus en plus difficile, de l’inquiétude des services de l’État et notèrent l’épuisement des requérantes, lesquelles s’inquiétaient de la fin de la période d’hospitalisation du premier requérant.

61. À compter du 14 juin 2018, les requérants furent mis à l’abri dans le cadre de l’hébergement d’urgence.

62. Le 28 juin 2018, l’OFII attesta du versement, au bénéfice de des requérants, de l’allocation pour demandeur d’asile depuis le 23 avril 2018, notamment pour un montant de 951,60 EUR pour le mois de mai 2018, 852 EUR pour le mois de juin 2018 et 880,40 EUR pour le mois de juillet 2018.

63. Le 5 juillet 2018, leur prise en charge au titre de l’hébergement d’urgence prit fin, sans explication selon eux.

64. Ce même jour, un médecin des hôpitaux de Toulouse attesta que le premier requérant était paraplégique, en fauteuil et non autonome. Il indiqua que son état de santé était incompatible avec une absence de mise à l’abri.

65. Le 9 juillet 2018, les requérants alertèrent tant l’OFII que les services de la préfecture de la Haute-Garonne de l’urgence de leur mise à l’abri. Ces sollicitations restèrent sans réponse.

66. Du 5 au 11 juillet 2018, la veille sociale fut sollicitée à neuf reprises par les requérants, la permanence d’accueil, d’information et d’orientation ou les services des hôpitaux de Toulouse en vue de l’hébergement de la famille, toujours sans résultat. Les commentaires firent mention de la détresse de la famille, apeurée, de la dégradation de l’état de santé de la jeune fille, des problèmes de santé persistants et importants du premier requérant avec des risques de « conséquences médicales très graves ». Les agents relatèrent le récit des requérants relatif à une agression nocturne au cours de laquelle le premier requérant aurait été battu et la troisième requérante agressée. Les notes mentionnèrent enfin que la famille étant en situation de grande vulnérabilité et totalement démunie à la rue, une mise à l’abri semblait vitale.

67. Le 10 juillet 2018, les deux premiers requérants saisirent le tribunal administratif de Toulouse d’un référé liberté afin qu’il soit enjoint à l’administration de les héberger avec leur fille. Leur demande fut dirigée, d’une part, contre l’OFII au titre de l’hébergement prévu dans le cadre de la procédure d’asile, et, d’autre part, contre la préfecture de la Haute-Garonne au titre de l’hébergement d’urgence prévu par le code de l’action sociale et des familles.

68. Par une ordonnance du 12 juillet 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse rejeta la demande dirigée contre l’OFII mais enjoignit au préfet de la Haute-Garonne, qui n’avait présenté aucun mémoire ni ne s’était présenté ou fait représenter à l’audience, de désigner sans délai un lieu d’hébergement d’urgence aux requérants dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de son ordonnance.

69. Du 13 au 17 juillet 2018, la veille sociale fut sollicitée à sept reprises par les requérants, la permanence d’accueil, d’information et d’orientation ou les services des hôpitaux de Toulouse en vue de l’hébergement de la famille, toujours sans résultat. Les commentaires de la veille sociale mentionnèrent la dégradation de l’état de santé du premier requérant et l’épuisement de la famille, en grande difficulté.

70. Le 17 juillet 2018, les deux premiers requérants sollicitèrent l’ouverture d’une procédure d’exécution de l’ordonnance du 12 juillet 2018 au titre des articles L. 911-4 et suivants du code de justice administrative. Ce même jour, le tribunal administratif de Toulouse demanda à la préfecture de la Haute-Garonne de justifier, dans un délai de sept jours, de la nature et de la date des mesures prises pour exécuter l’ordonnance du 12 juillet 2018. La préfecture ne répondit pas à cette demande.

71. Du 18 au 24 juillet 2018, la veille sociale fut sollicitée à cinq reprises par les requérants.

72. L’État ne releva pas appel de l’ordonnance du 12 juillet 2018 du tribunal administratif de Toulouse.

73. Le 26 juillet 2018, les requérants saisirent la Cour d’une demande de mesure provisoire au titre de l’article 39 de son règlement.

74. Le même jour, la Cour prit une mesure provisoire à l’encontre du gouvernement français, dans l’intérêt des parties et du bon déroulement de la procédure devant elle, lui demandant d’assurer la prise en charge des requérants, en leur octroyant un hébergement d’urgence.

75. À compter du 27 juillet 2018, la famille fut hébergée.

76. Ce même jour, une psychologue clinicienne des hôpitaux de Toulouse certifia rencontrer la troisième requérante depuis le 19 juillet 2018. Elle attesta que cette dernière présentait un tableau clinique inquiétant et que la situation d’urgence sociale dans laquelle se trouvait la famille imprimait des « traces graves sur [s]a santé psychique ».

LE CADRE JURIDIQUE et la pratique INTERNEs PERTINENTs

1. L’hÉbergement d’urgence

77. L’article L. 345-2 du code de l’action sociale et des familles (CASF) prévoit que :

« Dans chaque département est mis en place, sous l’autorité du représentant de l’État, un dispositif de veille sociale chargé d’accueillir les personnes sans abri ou en détresse, de procéder à une première évaluation de leur situation médicale, psychique et sociale et de les orienter vers les structures ou services qu’appelle leur état. Cette orientation est assurée par un service intégré d’accueil et d’orientation, dans les conditions définies par la convention conclue avec le représentant de l’État dans le département prévue à l’article L. 345-2-4. / Ce dispositif fonctionne sans interruption et peut être saisi par toute personne, organisme ou collectivité. ».

78. Les deux premiers alinéas de l’article L. 345-2-2 du CASF disposent que :

« Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d’hébergement d’urgence. / Cet hébergement d’urgence doit lui permettre, dans des conditions d’accueil conformes à la dignité de la personne humaine, de bénéficier de prestations assurant le gîte, le couvert et l’hygiène, une première évaluation médicale, psychique et sociale, réalisée au sein de la structure d’hébergement ou, par convention, par des professionnels ou des organismes extérieurs et d’être orientée vers tout professionnel ou toute structure susceptibles de lui apporter l’aide justifiée par son état, notamment un centre d’hébergement et de réinsertion sociale, un hébergement de stabilisation, une pension de famille, un logement-foyer, un établissement pour personnes âgées dépendantes, un lit halte soins santé ou un service hospitalier. »

79. L’article L. 345-2-4 du CASF prévoit la conclusion d’une convention entre le représentant de l’État dans le département et une personne morale assurant un service intégré d’accueil et d’orientation (SIAO), responsable de la veille sociale dont le numéro d’urgence « 115 ». Cette personne morale n’a qu’une compétence départementale, mais peut, par dérogation, depuis une réforme introduite par la loi no 2018-1021 du 23 novembre 2018 ajoutant le dernier alinéa ci-après, exercer ses missions à l’échelle de plusieurs départements :

« Afin d’assurer le meilleur traitement de l’ensemble des demandes d’hébergement et de logement formées par les personnes ou familles sans domicile ou éprouvant des difficultés particulières, en raison de l’inadaptation de leurs ressources ou de leurs conditions d’existence, pour accéder par leurs propres moyens à un logement décent et indépendant et d’améliorer la fluidité entre ces deux secteurs, une convention est conclue dans chaque département entre l’État et une personne morale pour assurer un service intégré d’accueil et d’orientation qui a pour missions, sur le territoire départemental :

1o De recenser toutes les places d’hébergement, les logements en résidence sociale ainsi que les logements des organismes qui exercent les activités d’intermédiation locative ;

2o De gérer le service d’appel téléphonique pour les personnes ou familles mentionnées au premier alinéa ;

[...]

6o D’assurer la coordination des personnes concourant au dispositif de veille sociale prévu à l’article L. 345-2 et, lorsque la convention prévue au premier alinéa du présent article le prévoit, la coordination des acteurs mentionnés à l’article L. 345-2-6 ;

[...]

Par dérogation au premier alinéa de l’article L. 345-2 et du présent article, les missions du service intégré d’accueil et d’orientation et des personnes morales concourant au dispositif de veille sociale prévu à l’article L. 345-2 peuvent être exercées à l’échelon de plusieurs départements. À cette fin, une convention peut être conclue entre une personne morale et les représentants de l’État dans plusieurs départements pour assurer, sous l’autorité, dans chaque département, du représentant de l’État, un service intégré d’accueil et d’orientation intervenant sur le territoire de plusieurs départements. »

80. Le Conseil d’État a par ailleurs précisé le champ d’application de ce dispositif d’hébergement, dans une décision du 13 juillet 2016, no 399829 :

« 6. Considérant qu’il appartient aux autorités de l’État [...] de mettre en œuvre le droit à l’hébergement d’urgence reconnu par la loi à toute personne sans abri qui se trouve en situation de détresse médicale, psychique ou sociale ; qu’une carence caractérisée dans l’accomplissement de cette mission peut faire apparaître, pour l’application de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale lorsqu’elle entraîne des conséquences graves pour la personne intéressée ; qu’il incombe au juge des référés d’apprécier dans chaque cas les diligences accomplies par l’administration en tenant compte des moyens dont elle dispose ainsi que de l’âge, de l’état de la santé et de la situation de famille de la personne intéressée ; que, les ressortissants étrangers qui font l’objet d’une obligation de quitter le territoire français ou dont la demande d’asile a été définitivement rejetée et qui doivent ainsi quitter le territoire en vertu des dispositions de l’article L. 743-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile n’ayant pas vocation à bénéficier du dispositif d’hébergement d’urgence, une carence constitutive d’une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ne saurait être caractérisée, à l’issue de la période strictement nécessaire à la mise en œuvre de leur départ volontaire, qu’en cas de circonstances exceptionnelles [...]. »

2. le référé liberté

81. Les articles L. 521‑2 et L. 523‑1 du code de justice administrative, relatifs au référé liberté, disposent que :

Article L. 521-2

« Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. »

Article L. 523-1

« [...] Les décisions rendues en application de l’article L. 521-2 sont susceptibles d’appel devant le Conseil d’État dans les quinze jours de leur notification [...]. »

3. l’exécution des décisions de justice

82. L’article L. 11 du code de justice administrative (CJA) dispose que :

« Les jugements sont exécutoires. »

83. L’article L. 911-4 du CJA prévoit quant à lui :

« En cas d’inexécution d’un jugement ou d’un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d’appel qui a rendu la décision d’en assurer l’exécution.

[...]

Si le jugement ou l’arrêt dont l’exécution est demandée n’a pas défini les mesures d’exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d’exécution et prononcer une astreinte.

Le tribunal administratif ou la cour administrative d’appel peut renvoyer la demande d’exécution au Conseil d’État. »

84. L’article L. 521-4 du même code dispose que :

« Saisi par toute personne intéressée, le juge des référés peut, à tout moment, au vu d’un élément nouveau, modifier les mesures qu’il avait ordonnées ou y mettre fin. »

85. Par une décision du 28 juillet 2017, no 410677, le Conseil d’État a apporté les précisions suivantes :

« 16. Il incombe aux différentes autorités administratives de prendre, dans les domaines de leurs compétences respectives, les mesures qu’implique le respect des décisions juridictionnelles. Si l’exécution d’une ordonnance prise par le juge des référés, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, peut être recherchée dans les conditions définies par le livre IX du même code, et en particulier les articles L. 911-4 et L. 911-5, la personne intéressée peut également demander au juge des référés, sur le fondement de l’article L. 521-4 du même code, d’assurer l’exécution des mesures ordonnées demeurées sans effet par de nouvelles injonctions et une astreinte [...]. »

86. Par une ordonnance du 19 février 2009, no 324864, le Conseil d’État a retenu que le juge du référé liberté était compétent pour liquider une astreinte prononcée antérieurement :

« Considérant qu’aux termes de l’article L. 521-2 du code de justice administrative : « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale... » ; qu’aux termes de l’article L. 523‑1 : «... Les décisions rendues en application de l’article L. 521-2 sont susceptibles d’appel devant le Conseil d’État dans les quinze jours de leur notification... » et qu’aux termes de l’article L. 522-3 : « Lorsque la demande ne présente pas un caractère d’urgence ou lorsqu’il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu’elle est irrecevable ou qu’elle est mal fondée, le juge des référés peut la rejeter par une ordonnance motivée sans qu’il y ait lieu d’appliquer les deux premiers alinéas de l’article L. 522-1. » ;

Considérant qu’il résulte des dispositions précitées, combinées avec celles des articles L. 911-1, L. 911-2 et L. 911-3 du code de justice administrative, que le juge des référés statuant en application de l’article L. 521-2 est compétent pour connaître de conclusions qui tendent au prononcé d’une injonction, sur le fondement des articles L. 911-1 et L. 911-2 du même code, ou d’une astreinte, sur le fondement de l’article L. 911-3, et s’il y a lieu pour liquider ultérieurement l’astreinte prononcée ; qu’il en est de même, le cas échéant, du juge des référés statuant en appel [...] ».

87. Par une décision du 6 octobre 2010, no 307683, le Conseil d’État a indiqué, concernant la nature de la décision procédant à liquidation de l’astreinte, que :

« la décision par laquelle la juridiction ayant prononcé une astreinte provisoire statue sur sa liquidation présente un caractère juridictionnel [...] »

4. L’engagement de la responsabilité de l’administration en cas d’inexécution ou d’exécution tardive des décisions de justice

88. Par une décision du 27 mai 1949, no 93122-96949, le Conseil d’État a reconnu qu’un requérant pouvait prétendre à l’indemnisation des préjudices nés du « retard abusif que l’administration a[vait] apporté au règlement qu’impliquait l’exécution des précédentes décisions du Conseil d’État », lesquelles supposaient en l’espèce de procéder à la réintégration de l’intéressé dans son emploi.

89. Par une décision du 23 juin 2014, no 369946, le Conseil d’État a réaffirmé que :

« [...] si la responsabilité de l’État est susceptible d’être engagée en raison du fonctionnement défectueux du service public de la justice, un délai excessif dans l’exécution d’une décision juridictionnelle engage, en principe, la responsabilité de la personne à qui incombait cette exécution [...] »

EN DROIT

1. JONCTION DES REQUÊTES

90. Eu égard à la similarité de l’objet des requêtes, la Cour juge opportun de les examiner ensemble dans un arrêt unique.

2. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE de L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION

91. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention et l’article 13 combiné à l’article 3, les requérants se plaignent de l’inexécution des ordonnances rendues par le juge des référés du tribunal administratif enjoignant leur prise en charge dans le cadre de l’hébergement d’urgence et de l’absence de procédure effective d’urgence pour l’exécution d’une ordonnance de référé.

92. Maîtresse de la qualification juridique des faits (Tarakhel c. Suisse [GC], no 29217/12, § 55, CEDH 2014 (extraits)), la Cour estime plus approprié d’examiner ces griefs uniquement sous l’angle de l’article 6 de la Convention, aux termes duquel :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) ».

1. Sur la recevabilité
1. Sur l’applicabilité de l’article 6 § 1 de la Convention aux présents litiges

a) Arguments des parties

1. Le Gouvernement

93. Le Gouvernement ne nie pas l’existence d’une contestation mais estime que les présents litiges ne portent pas sur un droit de caractère civil ou une accusation en matière pénale au sens de l’article 6 § 1 de la Convention. Il souligne l’autonomie de ces notions par rapport aux qualifications juridiques de l’État défendeur.

94. Il relève qu’en vertu d’une jurisprudence bien établie, les décisions relatives à l’immigration, à l’entrée, au séjour et à l’éloignement des étrangers n’emportent pas contestation sur les droits ou obligations de caractère civil d’un requérant ni n’ont trait au bien-fondé d’une accusation en matière pénale dirigée contre lui.

95. Il mentionne qu’au niveau interne le Conseil d’État considère que l’article 6 de la Convention n’est pas applicable aux décisions prises en matière de droit des étrangers.

96. Il rappelle que les conditions matérielles d’accueil des demandeurs d’asile, qui constituent l’objet de la procédure juridictionnelle interne, sont attachées à la qualité de demandeurs d’asile des requérants et indissociables de celle-ci. Dans ses dernières écritures, il précise que si le litige concernait effectivement une prise en charge au titre de l’hébergement d’urgence, les requérants faisaient avant tout valoir leur statut de demandeur d’asile.

97. Il en conclut que le grief tiré de l’inexécution des ordonnances du juge des référés du tribunal administratif est incompatible ratione materiae avec l’article 6 § 1 de la Convention et est ainsi irrecevable.

2. Les requérants

98. Les requérants soutiennent que l’article 6 de la Convention est applicable aux présents litiges dès lors que les contestations mettaient en jeu des questions sociales dans le cadre d’un régime non contributif pour lesquelles les éléments de droit privé primaient sur ceux du droit public.

99. À titre subsidiaire, ils font valoir qu’indépendamment de la nature civile des contestations litigieuses, les violations répétées par l’État de la force exécutoire de jugements nationaux emportent l’applicabilité de l’article 6 de la Convention.

b) Observations du Défenseur des droits

100. Le Défenseur des droits soutient qu’un litige portant sur la privation des conditions matérielles d’accueil pour un demandeur d’asile relève du volet civil de l’article 6 de la Convention. Il fait valoir que le statut de demandeur d’asile ne saurait priver ce dernier de l’invocabilité de cet article et soutient que la jurisprudence Maaouia c. France n’est pas applicable en l’espèce.

101. À cet égard, il mentionne l’autonomie du terme « civil » dans la jurisprudence de la Cour et rappelle que les contestations relatives à des questions de sécurité sociale, d’aide sociale, d’allocations relatives au logement et d’aide à l’obtention d’un logement social relèvent du champ d’application de l’article 6.

102. Il souligne qu’en l’espèce les demandeurs d’asile se prévalent d’un droit à l’hébergement prévu par le droit interne au titre d’une part, des conditions matérielles d’accueil, et, d’autre part, de l’hébergement d’urgence et relève que le pouvoir discrétionnaire de l’État est limité lorsque les conditions prévues par la loi sont remplies.

103. Il s’étonne que la question de l’applicabilité de l’article 6 de la Convention se pose concernant des affaires relatives à l’exécution des décisions de justice.

c) Appréciation de la Cour

1. Principes applicables

104. La Cour a dit à maintes reprises que pour que l’article 6 § 1 trouve à s’appliquer sous son volet « civil », il faut qu’il y ait contestation sur un « droit » que l’on peut prétendre, au moins de manière défendable, reconnu en droit interne, que ce droit soit ou non protégé par la Convention. Il doit s’agir d’une contestation réelle et sérieuse, qui peut concerner aussi bien l’existence même d’un droit que son étendue ou ses modalités d’exercice (Károly Nagy c. Hongrie [GC], no 56665/09, § 60, 14 septembre 2017, et les jurisprudences citées).

105. Pour décider si le « droit » invoqué possède vraiment une base en droit interne, il faut prendre pour point de départ les dispositions du droit national pertinent et l’interprétation qu’en font les juridictions internes (Károly Nagy, précité, § 62).

106. Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, les décisions relatives à l’immigration, à l’entrée, au séjour et à l’éloignement des étrangers n’emportent pas contestation sur des droits ou obligations de caractère civil du requérant ni n’ont trait au bien-fondé d’une accusation en matière pénale dirigée contre lui, au sens de l’article 6 § 1 de la Convention (voir Maaouia c. France [GC], no 39652/98, § 40, CEDH 2000-X, et M.N. et autres c. Belgique (déc.) [GC], no 3599/18, § 137, 5 mai 2020). En particulier, la Cour a jugé l’article 6 inapplicable aux procédures internes relatives aux relèvements d’une interdiction du territoire, aux refus d’octroi d’un visa et d’accès au territoire, aux expulsions, aux extraditions ou encore aux procédures d’asile (voir, parmi beaucoup d’autres, Maaouia, précité, § 40, Mamatkoulov et Askarov c. Turquie [GC], nos 46827/99 et 46951/99, § 82, CEDH 2005-I, Zarmayev c. Belgique, no 35/10, § 129, 27 février 2014, M.N. et autres c. Belgique, précité, § 137, et Muhammad and Muhammad v. Romania [GC], no 80982/12, § 115, 15 octobre 2020).

107. La Cour souligne toutefois que ces restrictions du champ d’application matériel de l’article 6 § 1 de la Convention ne concernent que l’objet du litige.

108. Ainsi, la Cour rappelle qu’indépendamment du statut de la personne concernée, elle a admis l’applicabilité de l’article 6 § 1 de la Convention à des litiges relatifs à l’hébergement social (Tchokontio Happi c. France, no 65829/12, 9 avril 2015, et Fazia Ali c. Royaume-Uni, no 40378/10, §§ 56‑60, 20 octobre 2015) ou à des prestations sociales (Deumeland c. Allemagne, 29 mai 1986, §§ 59-74, série A no 100), même non contributives (Salesi c. Italie, 26 février 1993, § 19, série A no 257-E).

2. Application de ces principes aux cas d’espèce

109. En premier lieu, la Cour rappelle que le cadre juridique de l’hébergement d’urgence est fixé par les dispositions précitées des articles L. 345-2 et L. 345-2-2 du code de l’action sociale et des familles (paragraphes 77 et 78 ci-dessus), lesquelles ouvrent à toute personne sans abri qui se trouve en situation de détresse médicale, psychique ou sociale un droit à l’hébergement d’urgence.

110. Ce droit matériel est assorti du droit procédural permettant d’en faire sanctionner le respect en justice, dans les limites précisées ci-après.

111. D’une part, le Conseil d’État a défini l’office du juge du référé liberté concernant la reconnaissance de ce droit en décidant qu’il peut prononcer une injonction à l’encontre de l’État en cas de carence caractérisée des services dans l’accomplissement de leur mission d’hébergement d’urgence faisant apparaître une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, cette carence étant appréciée en fonction des « diligences accomplies par l’administration en tenant compte des moyens dont elle dispose ainsi que de l’âge, de l’état de la santé et de la situation de famille de la personne intéressée » (paragraphe 80 ci-dessus).

112. D’autre part, le Conseil d’État a restreint la possibilité de faire valoir ce droit dans le cadre du référé liberté pour les ressortissants étrangers se trouvant dans certaines situations administratives liées à l’absence de droit au séjour sur le territoire français (paragraphe 80 ci-dessus).

113. La Cour en conclut qu’il existe en France un droit à l’hébergement d’urgence pour les personnes se trouvant dans les situations visées par le législateur, et souligne que ce droit est susceptible d’être revendiqué sur le fondement de la procédure du référé liberté dans les limites définies par le Conseil d’État.

114. En l’espèce, le juge du référé liberté a reconnu que les requérants remplissaient les conditions prévues pour l’octroi d’un hébergement d’urgence puis a retenu que la carence de l’État à accomplir sa mission était caractérisée, faisant apparaître une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale que constituait le droit à l’hébergement d’urgence.

115. Dans ces conditions, la Cour en conclut que les requérants bénéficiaient d’un droit au sens de l’article 6 § 1 de la Convention.

116. En second lieu, la Cour considère que le droit à l’hébergement d’urgence, par sa nature et sa finalité sociales, s’apparente aux droits reconnus dans le cadre du droit au logement opposable ou des prestations d’aide sociale au sens de la jurisprudence citée au paragraphe 108 ci-dessus.

117. Dans ces conditions, l’octroi ou le refus d’une place en hébergement d’urgence constituait, en l’espèce, un droit civil qui ne saurait être regardé comme une décision relative à l’immigration, à l’entrée, au séjour ou à l’éloignement des étrangers au sens de la jurisprudence citée au paragraphe 106 ci-dessus.

118. La Cour en conclut que l’article 6 § 1 de la Convention trouve à s’appliquer aux présents litiges.

2. Sur l’épuisement des voies de recours internes

a) Arguments des parties

1. Le Gouvernement

119. Dans ses observations initiales sur la recevabilité et le bien-fondé des requêtes, le Gouvernement relève que tant les dispositions du code de justice administrative que la jurisprudence des juridictions administratives offrent des voies de droit effectives pour contester le défaut d’hébergement d’urgence pour des demandeurs d’asile. Il reconnaît que les requérants ont pu exercer certains de ces recours et que le juge a fait droit à leurs prétentions.

120. Dans les observations produites à la suite de la communication complémentaire effectuée par la Cour, le Gouvernement oppose néanmoins une irrecevabilité tirée du non-épuisement des voies de recours internes, se prévalant des décisions de la Cour Dessources c. France (déc.), no 11125/15, 20 octobre 2020, et Bouhamla c. France (déc.), no 31798/16, 25 juin 2019.

121. Il soutient que les violations alléguées par les requérants des articles 3 et 6 ont notamment cessé à la date de leur hébergement par les autorités françaises et qu’il leur appartenait de former un recours indemnitaire afin d’obtenir réparation du préjudice qu’ils estimaient avoir subi.

122. Le Gouvernement se fonde sur des jugements rendus par les juridictions françaises dans le cadre de la réparation des préjudices causés par une carence de l’administration à prendre en charge des personnes dans le cadre des conditions matérielles d’accueil liées à l’asile ou dans le cadre de l’hébergement d’urgence de droit commun.

2. Les requérants

123. Les requérants soutiennent que le Gouvernement ne soulève aucune exception d’irrecevabilité dans ses observations initiales, dans lesquelles il reconnaît clairement que les intéressés ont fait usage de l’ensemble des voies de recours effectives en droit interne.

124. Ils soutiennent qu’à l’époque des faits et de l’introduction de leur requête devant la Cour, ils ont épuisé l’ensemble des recours disponibles et susceptibles de redresser les violations de la Convention. Ils indiquent s’être prévalus de la violation de l’autorité de chose jugée dans leur demande d’exécution auprès du tribunal administratif.

125. Ils soulignent que ce n’est que postérieurement à l’indication d’une mesure provisoire par la Cour que la violation a cessé.

126. Ils ajoutent qu’un recours indemnitaire contre l’État aurait été totalement inefficace à l’époque des faits, en raison de l’inertie de l’administration et de la longueur d’une telle procédure devant le juge interne.

127. Ils rappellent enfin que la règle de l’épuisement des voies de recours ne s’applique pas aux demandes de satisfaction équitable.

b) Appréciation de la Cour

1. Principes généraux

128. La Cour rappelle que la règle de l’épuisement des voies de recours internes énoncée à l’article 35 § 1 de la Convention impose aux requérants l’obligation d’utiliser auparavant les recours qu’offre le système juridique de leur pays. Les États n’ont donc pas à répondre de leurs actes devant la Cour européenne avant d’avoir eu la possibilité de redresser la situation dans leur ordre juridique interne. Cette règle se fonde sur l’hypothèse que l’ordre interne offre un recours effectif quant à la violation alléguée (V. c. Royaume‑Uni [GC], no 24888/94, § 57, CEDH 1999-IX).

129. La Cour souligne que cette obligation d’épuisement des voies de recours internes s’apprécie en principe à la date d’introduction de la requête devant elle (Selahattin Demirtaş c. Turquie (no 2) [GC], no 14305/17, § 193, 22 décembre 2020).

130. La Cour entend toutefois réaffirmer que dans le cadre du dispositif de protection des droits de l’homme, cette règle doit s’appliquer avec une certaine souplesse et sans formalisme excessif (Sejdovic c. Italie [GC], no 56581/00, § 44, CEDH 2006-II). De surcroît, un requérant qui a utilisé une voie de droit apparemment effective et suffisante ne saurait se voir reprocher de ne pas avoir essayé d’en utiliser d’autres qui étaient disponibles mais ne présentaient guère plus de chances de succès (Aquilina c. Malte [GC], no 25642/94, § 39, CEDH 1999-III).

2. Application de ces principes aux cas d’espèce

131. La Cour relève que les requérants ont été hébergés les 24 (M.K. et autres), 25 (A.D. et autres) et 27 juillet 2018 (I.K et autres) (paragraphes 24, 51 et 75 ci-dessus). Ainsi, ils ont finalement obtenu la mise à l’abri que le juge du référé liberté avait ordonné de leur accorder.

132. Dès lors que la violation continue qu’ils dénonçaient avait cessé à ces dates, les requérants auraient en principe dû engager le recours indemnitaire à leur disposition pour satisfaire à l’exigence de l’article 35 § 1 de la Convention (paragraphes 88 et 89 ci-dessus).

133. Néanmoins, la Cour relève qu’en l’espèce, avant même l’introduction de leurs requêtes devant elle, les requérants ont saisi le tribunal administratif d’une demande d’exécution des ordonnances enjoignant à leur hébergement d’urgence sur le fondement des dispositions de l’article L. 911‑4 du code de justice administrative (paragraphes 18 (M.K.), 41 (A.D.) et 70 (I.K.) ci-dessus). En outre, les requérants M.K. et A.D. ont formé un second référé liberté, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, aux fins de voir exécuter la première ordonnance rendue en leur faveur (paragraphes 19 (M.K.) et 43 (A.D.) ci-dessus).

134. Dans ces conditions, la Cour considère, eu égard aux diligences effectuées par les requérants pour obtenir l’exécution des décisions de justice qui avaient fait droit à leur demande d’hébergement d’urgence et compte tenu des pouvoirs dont dispose le juge administratif tant en phase administrative d’exécution qu’en procédure de référé liberté aux fins de contraindre l’administration à exécuter ses décisions (paragraphes 83 à 87 ci-dessus), qu’imposer aux requérants de saisir en outre le juge de l’indemnisation constituerait un obstacle disproportionné à l’exercice efficace de leur droit de recours individuel, tel que défini à l’article 34 de la Convention (voir, mutatis mutandis, Veriter c. France, no 31508/07, §§ 58-60, 14 octobre 2010).

135. La Cour en conclut que, dans ces circonstances particulières, les requérants doivent être dispensés de l’obligation d’épuiser le recours indemnitaire disponible en droit interne.

136. Il s’ensuit que l’exception soulevée par le Gouvernement doit être rejetée.

137. Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé ni irrecevable pour un autre motif visé à l’article 35 de la Convention, la Cour le déclare recevable.

2. Sur le fond
1. Arguments des parties

a) Les requérants

138. Les requérants soutiennent que le refus persistant des autorités françaises d’exécuter les ordonnances rendues par le juge des référés du tribunal administratif constitue une violation de l’article 6 § 1 de la Convention, alors que ces autorités étaient en mesure de s’y conformer.

139. Ils soulignent en particulier le silence opposé par les autorités administratives qui n’ont répondu à aucune des sollicitations du tribunal administratif ou de leur conseil. Ils font valoir que si le juge a effectivement ordonné leur hébergement, cela n’a pas été effectif en raison de l’inertie de l’administration.

140. Ils soutiennent que tant la nature de la décision de justice que la liberté fondamentale que visaient à protéger les ordonnances justifiaient leur exécution en urgence.

141. Ils notent que l’État n’a pas relevé appel des ordonnances du tribunal administratif, de telle sorte qu’elles étaient exécutoires et définitives.

142. Ils soutiennent que la saturation du dispositif d’hébergement était prévisible et aurait dû être anticipée. Ils indiquent qu’ils ne sont pas en mesure de vérifier les chiffres avancés par le Gouvernement. Ils relèvent enfin que rien n’empêchait les autorités compétentes de diriger les familles vers un dispositif semblable dans un autre département.

143. Ils insistent sur le fait que ce n’est que postérieurement à la saisine de la Cour et au prononcé de mesures provisoires qu’ils ont été hébergés.

b) Le Gouvernement

144. Le Gouvernement soutient que le juge administratif a fait usage des pouvoirs dont il disposait pour faire exécuter les décisions de justice qu’il a rendues, tant dans le cadre du référé liberté que de la procédure d’exécution relevant de l’article L. 911-4 du code de justice administrative.

145. Il indique être conscient que le manque de fonds ou d’autres ressources ne pouvait justifier l’absence d’exécution de décisions de justice. Il considère toutefois qu’il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir exécuté les décisions litigieuses, les requérants ayant obtenu la désignation, par le préfet, d’un hébergement les 24 (M.K.), 25 (A.D.) et 27 juillet 2018 (I.K.), soit quelques jours ou semaines seulement après la notification des ordonnances.

146. Le Gouvernement fait valoir que si le préfet de la Haute-Garonne n’a pas été en mesure de fournir un hébergement aux requérants avant la fin du mois de juillet 2018, cela était dû, d’une part, à la saturation des dispositifs d’hébergement des demandeurs d’asile et d’hébergement de droit commun, dans ce département, au cours de ce mois, d’autre part, à un défaut de crédits disponibles et, enfin, à la complexité que revêtait l’exécution des injonctions des ordonnances de référé. À cet égard, le Gouvernement livre les éléments chiffrés suivants :

Fin juin et début juillet 2018, 98,5 % des 7 364 places d’hébergement pour demandeurs d’asile que comptait la région Occitanie étaient occupées.

Au sein de cette région, le département de la Haute-Garonne comptait 1 609 places d’hébergement pour demandeurs d’asile, répartis dans l’ensemble des dispositifs pérennes et d’urgence.

En 2017, les deux guichets uniques pour demandeurs d’asile de la région Occitanie (GUDA de Toulouse et de Montpellier) ont enregistré 4 404 demandes d’asile, dont 2 693 demandes au GUDA de Toulouse, auquel est rattaché le département de la Haute-Garonne. La demande d’asile tant au niveau régional que départemental représentait une hausse de 48 % par rapport à 2016, contre une hausse de 26 % au niveau national.

Au premier semestre 2018, les GUDA de la région ont enregistré près de 1 900 demandes, dont 1 200 au GUDA de Toulouse ce qui représente une hausse de 7 % par rapport à l’année précédente.

Les places pérennes existant dans les structures d’hébergement d’urgence, tant de droit commun que dans le dispositif national d’accueil (DNA) des demandeurs d’asile, étant saturées, les autorités françaises ont eu recours pour mettre à l’abri les ménages en situation de très grande vulnérabilité (enfants en très bas âge, personnes handicapées ou atteintes de pathologies lourdes) au dispositif hôtelier.

Ce recours au dispositif hôtelier (hébergement de droit commun et hébergement des demandeurs d’asile) a notamment été très important au cours de la période hivernale 2017-2018. Ainsi, 1 000 personnes (dont des demandeurs d’asile) ont été hébergées chaque nuit à l’hôtel en période hivernale, malgré l’ouverture de 345 places supplémentaires dédiées à l’hébergement hivernal de droit commun et la mobilisation d’un gymnase de 100 places pendant toute cette période.

Au 29 juin 2018, 856 personnes (contre 350 à la même date en 2017) étaient encore hébergées à l’hôtel.

En juillet 2018, l’État n’était donc plus en capacité de faire face dans ce département à de nouvelles demandes d’hébergement d’urgence par manque, d’une part, de places disponibles dans les structures d’hébergement et, d’autre part, de crédits disponibles pour financer des nuits d’hôtel supplémentaires.

Or, en moyenne sur la période du 23 au 28 juillet 2018, entre 200 et 300 demandes d’hébergement ont été enregistrées au 115 quotidiennement, avec un taux d’orientation positive de 15 % à 20 % des demandes. Ces orientations positives concernaient surtout des personnes isolées et sur des places de courte durée. À contrario, il n’y avait quasiment plus de possibilités de prise en charge pour les familles avec enfants.

147. Le Gouvernement soutient que les astreintes prononcées par le juge administratif dans les dossiers des requérants M.K. et A.D. n’ont pas été liquidées, soit parce que les requérants avaient déjà été relogés, soit parce que cela n’a pas été demandé alors même que l’intégralité des sommes serait revenue aux intéressés.

148. Le Gouvernement précise que les requérants ont perçu une allocation pour demandeur d’asile, majorée d’un montant journalier additionnel, afin de leur permettre de financer un hébergement, dès le 1er mai 2018 pour I.K. et T.L. et dès le 1er juillet 2018 pour M.K. et A.D., conformément à ce qui est prévu par la directive Accueil de l’Union européenne.

2. Observations du Défenseur des droits

149. Le Défenseur des droits soutient que l’absence d’exécution par les autorités étatiques d’une décision de justice définitive et exécutoire leur enjoignant de désigner un lieu d’hébergement à des demandeurs d’asile porte atteinte au droit de ceux-ci à l’exécution des décisions de justice, tel que prévu par l’article 6 de la Convention et prive cette disposition de tout effet utile.

150. Il rappelle que l’État ne peut prétexter d’un manque de logement, de fonds ou d’autres ressources pour ne pas exécuter une décision de justice.

3. Appréciation de la Cour

a) Principes applicables

151. La Cour rappelle sa jurisprudence selon laquelle le droit d’accès à un tribunal garanti par l’article 6 § 1 de la Convention serait illusoire si l’ordre juridique interne d’un État contractant permettait qu’une décision judiciaire définitive et obligatoire reste inopérante au détriment d’une partie. L’exécution d’un jugement, de quelque juridiction que ce soit, doit être considérée comme faisant partie intégrante du « procès » au sens de l’article 6 de la Convention (voir, parmi d’autres précédents, Scordino c. Italie (no 1) [GC], no 36813/97, § 196, CEDH 2006-V).

152. La Cour considère que c’est au premier chef aux autorités de l’État qu’il incombe de garantir l’exécution d’une décision de justice rendue contre celui-ci, et ce dès la date à laquelle cette décision devient obligatoire et exécutoire (Bourdov c. Russie (no 2), no 33509/04, § 69, CEDH 2009).

153. Par ailleurs, la Cour réaffirme qu’aux termes de sa jurisprudence constante, une autorité de l’État ne peut prétexter du manque de fonds ou d’autres ressources pour ne pas honorer, par exemple, une dette fondée sur une décision de justice (Tchokontio Happi, précité, § 50).

154. Enfin, la Cour considère qu’un délai d’exécution déraisonnablement long d’un jugement obligatoire peut emporter violation de la Convention, le caractère raisonnable du délai devant s’apprécier en tenant compte en particulier de la complexité de la procédure d’exécution, du comportement du requérant et des autorités compétentes ainsi que du montant et de la nature de la somme accordée par le juge (Bourdov, précité, § 66). Un retard peut se justifier dans des circonstances particulières mais, en tout état de cause, il ne peut avoir pour conséquence une atteinte à la substance même du droit protégé par l’article 6 § 1 (Bourdov, précité, § 67).

b) Application de ces principes aux cas d’espèce

155. La Cour entend, en premier lieu, analyser la complexité de la procédure d’exécution des ordonnances de référé. À cet égard, elle note que le Gouvernement se prévaut d’une saturation des structures d’accueil dans le département de la Haute-Garonne, en particulier au mois de juillet 2018, pour des foyers familiaux tels que ceux des requérants, et d’un défaut de crédits pour recourir à des prestations hôtelières privées. La Cour relève que si les requérants demandent à connaître les sources des informations utilisées par le Gouvernement, celui-ci ne les fournit pas.

156. La Cour constate que le Gouvernement ne précise pas si l’hébergement dans d’autres départements était envisageable. En tout état de cause, il ne se prévaut d’aucune action positive de la préfecture de la Haute‑Garonne pour signaler à l’administration centrale les difficultés rencontrées concernant l’hébergement d’urgence des personnes à la rue, en particulier dans le cadre de l’exécution des ordonnances du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse.

157. La Cour en conclut que le Gouvernement ne démontre pas la complexité de la procédure d’exécution des ordonnances de référé dont bénéficiaient les requérants.

158. En deuxième lieu, la Cour, analysant le comportement des requérants, ne peut que noter leur diligence particulière en ce qui concerne leurs démarches tendant à obtenir l’exécution des ordonnances du juge des référés du tribunal administratif. En particulier, ils ont multiplié les appels auprès de la veille sociale (paragraphes 15, 17 (M.K.), 45, 47 (A.D.), 69, 71 (I.K.) ci-dessus) et de la permanence d’accueil, d’information et d’orientation (paragraphes 16 (M.K.), 39 (A.D.) ci-dessus). Ils ont contacté la préfecture en vue de l’exécution des ordonnances (paragraphe 40 (A.D.) ci-dessus). Ils ont également introduit de nouvelles procédures juridictionnelles en vue de l’exécution des premières ordonnances portant injonction d’hébergement, dans le cadre de la phase administrative d’exécution prévue par l’article L. 911-4 du CJA (paragraphes 18 (M.K.), 41 (A.D.), 70 (I.K.) ci‑dessus) et dans le cadre d’un nouveau référé liberté (paragraphes 19 (M.K.), 43 (A.D.) ci-dessus).

159. Il ne saurait ainsi leur être reproché une quelconque négligence alors au demeurant que le caractère exécutoire de ces ordonnances de référé impliquait leur exécution d’office par l’État, tant en vertu du droit interne (paragraphe 82 ci-dessus) que des exigences attachées à l’article 6 de la Convention (paragraphe 152 ci-dessus).

160. En troisième lieu, la Cour doit évaluer le comportement des autorités compétentes. Elle relève à cet égard que, postérieurement aux premières ordonnances enjoignant à l’hébergement des requérants, le préfet, représentant de l’État dans le département, n’a pas apporté les explications sollicitées par le tribunal administratif en phase administrative d’exécution (paragraphes 18 (M.K.), 41 (A.D.) et 70 (I.K.) ci-dessus), n’a pas défendu dans le cadre du référé liberté tendant à l’exécution des premières ordonnances (paragraphes 20 (M.K.) et 46 (A.D.) ci-dessus), n’a pas répondu aux sollicitations des requérants (paragraphe 40 (A.D.) ci-dessus) et n’a pas exécuté ces ordonnances avant l’intervention des mesures provisoires prononcées par la Cour. Enfin, la Cour note que l’État n’a jamais fait appel desdites ordonnances (paragraphes 21 (M.K.), 48 (A.D.) et 72 (I.K.) ci‑dessus).

161. La Cour déplore l’entière passivité des autorités administratives compétentes en ce qui concerne l’exécution des décisions de la juridiction administrative dans le ressort de laquelle elles se trouvaient, en particulier pour des litiges portant sur la protection de la dignité humaine.

162. En quatrième lieu, la Cour retient que le Gouvernement ne démontre pas suffisamment qu’il ne pouvait s’acquitter du montant des prestations d’hébergement.

163. En conclusion, la Cour est consciente que les durées d’inexécution réelles des premières ordonnances de référé peuvent ne pas paraître excessivement longues (27 jours (M.K.), 22 jours (A.D.) et 12 jours (I.K.)). Toutefois, elle tient à souligner que les autorités administratives de l’État ont opposé non pas un retard mais un refus caractérisé de se conformer aux injonctions du juge interne et que l’exécution n’a pas, contrairement à ce que soutient le Gouvernement, revêtu de caractère spontané mais n’a pu avoir lieu qu’à la suite de mesures provisoires prononcées par la Cour (paragraphes 23 (M.K.), 50 (A.D.) et 74 (I.K.) ci-dessus). La Cour tient à souligner que revêt, pour l’appréciation du respect des exigences de l’article 6, une importance particulière le fait qu’en l’espèce les ordonnances non exécutées étaient le fruit d’une procédure d’urgence portant sur l’hébergement d’urgence.

164. La Cour en conclut qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

3. sur la violation alléguée de l’article 3 de la Convention

165. Les requérants se plaignent des conditions dans lesquelles ils ont dû vivre lors des périodes au cours desquelles ils n’ont pas été hébergés. Ils invoquent l’article 3 de la Convention, aux termes duquel :

« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

166. Le Gouvernement soulève, concernant ce grief, une exception d’irrecevabilité tenant au défaut d’épuisement des voies de recours internes, en se fondant sur les mêmes motifs que ceux mentionnés aux paragraphes 119 à 122.

167. Les requérants soutiennent quant à eux qu’ils ont épuisé les voies de recours internes concernant ce grief, pour les mêmes motifs que ceux mentionnés aux paragraphes 123 à 127, relevant également qu’ils se sont prévalus de l’article 3 de la Convention dans le cadre de leur premier référé liberté, dont il n’a pas été fait appel, à l’appui duquel ils soutenaient que leur maintien à la rue constituait un traitement inhumain et dégradant et faisant valoir que l’épuisement des voies de recours s’apprécie, sauf exceptions, à la date d’introduction de la requête devant la Cour.

168. La Cour rappelle qu’aux termes de l’article 35 § 1 de la Convention, elle ne peut être saisie qu’après l’épuisement des voies de recours internes et que dès lors que la violation continue dénoncée a cessé, un recours effectif ne doit avoir pour vocation que d’obtenir la reconnaissance et la réparation de la violation alléguée, à la supposer établie (Bouhamla c. France (déc.), no 31798/16, § 38, 25 juin 2019, et Dessources c. France (déc.) [comité], no 11125/15, 20 octobre 2020). Elle considère que le recours en responsabilité de l’État, à raison de sa carence dans la mise en œuvre du droit à l’hébergement d’urgence présente des perspectives raisonnables de succès et qu’il doit dès lors être exercé, et ce alors même qu’eu égard à son caractère purement compensatoire, il ne s’avère effectif qu’une fois le requérant hébergé, après l’introduction de sa requête devant la Cour (voir en ce sens Dessources, décision précitée).

169. En l’espèce, la violation continue que dénonçaient les requérants a cessé à compter de leur hébergement les 24 (M.K. et autres), 25 (A.D. et autres) et 27 juillet 2018 (I.K et autres) (paragraphes 24, 51 et 75 ci-dessus). La Cour en conclut qu’ils auraient dû exercer un recours en responsabilité de l’État devant les juridictions administratives, afin de demander réparation du préjudice qu’ils allèguent avoir subi du fait de la période pendant laquelle ils se sont retrouvés sans abri, et ce, alors même qu’il ne se serait avéré effectif qu’après l’introduction de leurs requêtes respectives devant la Cour.

170. Dans ces conditions, la Cour considère que le grief tiré de l’article 3 de la Convention doit être rejeté pour non-épuisement des voies de recours internes, en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

4. ARTICLE 39 DU RèGLEMENT DE LA COUR

171. La Cour considère que la situation des requérants a évolué depuis le prononcé des mesures provisoires et que les requérants ne semblent pas demander le maintien de ces mesures.

172. En conséquence, elle décide de lever ces mesures provisoires.

5. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

173. Aux termes de l’article 41 de la Convention :

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

1. Dommage

174. Chaque foyer familial sollicite l’octroi d’une satisfaction équitable d’un montant de 15 000 euros (EUR) au titre du dommage moral. Ils soutiennent que la détresse éprouvée en raison du défaut d’hébergement a été aggravée par le refus d’exécution des décisions de justice opposé par les autorités administratives françaises.

175. Dans ces trois requêtes, le Gouvernement considère que si la Cour devait conclure à une méconnaissance par l’État français des articles de la Convention invoqués par les requérants, ces constats représenteraient une satisfaction équitable suffisante. À titre subsidiaire, se référant à la jurisprudence de la Cour, il estime qu’une somme de 1 000 EUR pour chacun des membres des familles requérantes apparaîtrait raisonnable.

176. La Cour estime qu’eu égard à la nature de la violation constatée en l’espèce, il est équitable d’accorder à M.K. et ses filles S.K., E.N. et S.N. une somme globale de 5 000 EUR, à A.D., E.D. et leurs enfants S.D. et J.D. une somme globale de 5 000 EUR de même qu’à I.K., T.L. et leur fille V.K.

2. Frais et dépens

177. Dans chacune des requêtes, les requérants réclament 3 600 EUR au titre des frais et dépens qu’ils ont engagés dans le cadre de la procédure menée devant la Cour et sollicitent que ces sommes soient versées directement à leur conseil. Ils mettent en avant la technicité des écritures, leur volume et l’urgence dans laquelle elles ont dû être produites, notamment pour les demandes de mesures provisoires.

178. Le Gouvernement soutient que les arguments développés dans les requêtes no 34349/18 (M.K. et autres), no 34638/18 (A.D. et autres) et no 35047/18 (I.K. et autres) sont identiques et que les requérants ont eu recours au même conseil. Il considère dès lors que la somme demandée est injustifiée et excessive et estime que si la Cour devait faire droit auxdites requêtes, une somme de 1 000 EUR pour chaque dossier serait raisonnable.

179. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux.

180. En l’espèce, la Cour est d’avis que les trois requêtes ont été défendues par un conseil unique et présentent un certain nombre de similitudes. Dans ces circonstances, compte tenu des documents en sa possession et des critères susmentionnés, la Cour juge raisonnable d’allouer aux requérants conjointement la somme de 8 000 EUR pour la procédure menée devant elle, de laquelle il conviendra de déduire la somme unique de 850 EUR versée le 27 mai 2019 pour ces trois dossiers par le Conseil de l’Europe au titre de l’assistance judiciaire. Cette somme est à verser directement sur le compte bancaire du représentant des requérants (Khlaifia et autres c. Italie [GC], no 16483/12, § 288, 15 décembre 2016).

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Décide de joindre les requêtes ;
2. Déclare le grief relatif à l’article 6 § 1 de la Convention recevable et le surplus de la requête irrecevable ;
3. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;
4. Décide de lever les mesures provisoires indiquées au Gouvernement en vertu de l’article 39 du règlement le 24 juillet 2018 pour les requérants M.K. et autres, le 25 juillet 2018 pour les requérants A.D. et autres et le 26 juillet 2018 pour les requérants I.K. et autres ;
5. Dit

a) que l’État défendeur doit verser aux requérants, dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes :

1. une somme globale de 5 000 EUR (cinq mille euros) à M.K. et ses filles S.K., E.N. et S.N. (requête no 34349/18), une somme globale de 5 000 EUR (cinq mille euros) à A.D., E.D. et leurs enfants S.D. et J.D. (requête no 34638/18) et une somme globale de 5 000 EUR (cinq mille euros) à I.K., T.L. et leur fille V.K. (requête no 35047/18), plus tout montant pouvant être dû sur ces sommes à titre d’impôt, pour dommage moral ;
2. la somme de 7 150 EUR (sept mille cent cinquante euros), conjointement aux requérants, sur le compte bancaire de leur représentant, plus tout montant pouvant être dû sur cette somme à titre d’impôt par les requérants, pour frais et dépens ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

6. Rejette le surplus des demandes de satisfaction équitable.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 8 décembre 2022, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Victor Soloveytchik Georges Ravarani
Greffier Président

ANNEXE

Liste des requêtes

No.

|

Requête no

|

Introduite le

|

Requérants

|

Dates de naissance

---|---|---|---|---

1.

|

34349/18

|

23/07/2018

|

M.K.

S.K. (enfant)

E.N. (enfant)

S.N. (enfant)

(anonymat accordé)

|

1983

2003

2013

2015

2.

|

34638/18

|

24/07/2018

|

A.D.

E.D.

S.D. (enfant)

J.D. (enfant)

(anonymat accordé)

|

1978

1982

2015

2018

3.

|

35047/18

|

26/07/2018

|

I. K.

T.L.

V.K. (enfant)

(anonymat accordé)

|

1981

1983

2003


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