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08/03/2022 | CEDH | N°001-216017

CEDH | CEDH, AFFAIRE REYES JIMENEZ c. ESPAGNE, 2022, 001-216017


TROISIÈME SECTION

AFFAIRE REYES JIMENEZ c. ESPAGNE

(Requête no 57020/18)

ARRÊT

Art 8 • Vie privée • Obligations positives • Rejet injustifié par les tribunaux du recours contre le non-respect de l’exigence légale de recueillir par écrit le consentement à l’une des trois opérations chirurgicales connexes • Nécessité de respecter les exigences du droit interne, même si la Convention elle-même n’établit aucune forme particulière de consentement

STRASBOURG

8 mars 2022

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions d

éfinies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Reyes Jimenez c. E...

TROISIÈME SECTION

AFFAIRE REYES JIMENEZ c. ESPAGNE

(Requête no 57020/18)

ARRÊT

Art 8 • Vie privée • Obligations positives • Rejet injustifié par les tribunaux du recours contre le non-respect de l’exigence légale de recueillir par écrit le consentement à l’une des trois opérations chirurgicales connexes • Nécessité de respecter les exigences du droit interne, même si la Convention elle-même n’établit aucune forme particulière de consentement

STRASBOURG

8 mars 2022

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Reyes Jimenez c. Espagne,

La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une Chambre composée de :

Georges Ravarani, président,
Georgios A. Serghides,
María Elósegui,
Darian Pavli,
Anja Seibert-Fohr,
Peeter Roosma,
Andreas Zünd, juges,
et de Olga Chernishova, greffière adjointe de section,

Vu :

la requête (no 57020/18) dirigée contre le Royaume d’Espagne et dont un ressortissant de cet État, M. Luis Reyes Jimenez (« le requérant ») a saisi la Cour le 23 novembre 2018 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »),

la décision, en date du 23 avril 2020, de porter à la connaissance du gouvernement espagnol (« le Gouvernement ») le grief relatif à l’article 8 de la Convention,

les observations des parties,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 28 septembre 2021, 14 décembre 2021 et 8 février 2022,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette dernière date :

INTRODUCTION

1. L’affaire concerne la forte dégradation de l’état de santé physique et neurologique du requérant, mineur au moment des faits, qui se trouve dans un état de dépendance et d’incapacité totales à la suite de trois interventions chirurgicales qu’il avait subies en raison d’une tumeur cérébrale. Devant la Cour, le requérant, représenté par son père, se plaint de manquements quant au consentement éclairé donné par écrit pour une des interventions. La question est de savoir si le consentement éclairé donné par écrit par les parents pour la première intervention peut être étendu à la seconde, étant donné que la loi espagnole prévoit que toute intervention chirurgicale doit être acceptée par écrit par le patient. Est en cause l’article 8 de la Convention.

EN FAIT

2. Le requérant est né en 2002 et réside à Los Dolores, Carthagène (Murcie). Sa requête a été introduite en son nom par son père, Francisco Reyes Sánchez. Il a été représenté par Me F. Martínez Romero, avocat à Carthagène.

3. Le Gouvernement a été représenté par Mme H. E. Nicolás Martínez,
co-agente du Royaume d’Espagne auprès de la Cour européenne des droits de l’homme.

4. Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.

5. Le requérant, alors âgé de six ans, fut à plusieurs reprises examiné à l’hôpital public universitaire Virgen de l’Arrixaca de Murcie en raison de différents symptômes, notamment une légère perte des capacités motrices ainsi que des vomissements et céphalées. Il fit l’objet d’un scanner crânien, qui permit de déceler une tumeur cérébrale (astrocytome au cervelet, non infiltrant, bien délimité). Le 18 janvier 2009 il fut admis aux urgences de l’hôpital public dans un état très aggravé. Après l’admission, deux interventions chirurgicales eurent lieu les 20 janvier et 24 février 2009. Une troisième intervention d’urgence eut lieu le même jour que la deuxième. L’état de santé physique et neurologique du requérant connut une forte dégradation, de nature irrémédiable. Il se trouve dans un état de dépendance et d’incapacité totales : il souffre d’une paralysie générale qui l’empêche de bouger, de communiquer, de parler, de voir, de mâcher et de déglutir. Il est alité, incapable de se lever et de se tenir assis.

6. La première intervention chirurgicale avait pour but la résection de la tumeur. Les parents donnèrent leur consentement écrit à l’acte. Une deuxième intervention fut pratiquée par le même médecin-chef du service de neurologie de l’hôpital public en cause, pour retirer les restes de la tumeur encore présents dans le cervelet du requérant. Cette fois-ci, le consentement des parents fut recueilli verbalement. L’entrée d’air dans la cavité crânienne lors de la deuxième intervention aurait eu pour conséquence une pneumencéphalie à tension, pour lequel une troisième intervention chirurgicale d’urgence dut avoir lieu. Cette troisième intervention, pour laquelle le consentement des parents fut donné par écrit, fut effectuée par des médecins de garde autres que celui précité.

7. Estimant qu’il y avait eu en l’espèce des fautes professionnelles de la part des médecins, ainsi que des manquements quant au consentement éclairé concernant, en particulier, la deuxième intervention chirurgicale, le 24 février 2010, les parents du requérant entamèrent une procédure administrative devant le département de santé et politique sociale de la région de Murcie afin d’engager la responsabilité patrimoniale de l’État pour mauvais fonctionnement des services médicaux de l’administration publique. Ils réclamèrent la somme de 2 350 000 euros (EUR).

8. Face à l’absence de réponse à leur recours administratif, le 28 octobre 2011 les parents du requérant formèrent un recours contentieux-administratif. Le département de santé et politique sociale de Murcie débouta alors les parents du requérant de leur recours administratif (paragraphe 7 ci-dessus) par une décision du 5 octobre 2012. Ils élargirent alors leur recours contentieux-administratif à cette décision également. Ils soulignèrent que la deuxième intervention, qui eut lieu en février 2009 et qui aggrava l’état postopératoire initial du mineur, fut pratiquée sans informer les parents sur les alternatives de traitement, les risques et le pronostique. Les parents du requérant se plaignirent dans leur recours de négligence médicale, de l’absence de consentement éclairé donné par écrit lors de la deuxième intervention et des informations insuffisantes depuis le début du traitement.

9. Par un jugement rendu le 20 mars 2015, le Tribunal supérieur de justice de Murcie rejeta leur recours. Il prit largement en compte dans son arrêt le dossier administratif et le témoignage détaillé du médecin ayant pratiqué l’intervention, dont la version des faits différait de celle donnée par les parents du mineur. Ledit médecin considérait qu’il « n’y avait aucun doute sur les informations données lors de la première intervention parce qu’il exist[ait] un formulaire signé dans lequel [étaient] indiqués les risques généraux et d’autres ». Ce même médecin affirma avoir informé oralement les parents du requérant lors de la deuxième intervention et précisa que les risques de cette dernière étaient les mêmes que ceux de la première, et qu’elle était nécessaire. L’arrêt tint compte également du rapport de l’inspection médicale qui se prononça en faveur de l’hôpital et des médecins, affirmant que la chirurgie effectuée était la plus indiquée et qu’elle impliquait une morbidité élevée. Il nota que la famille en avait été informée et qu’elle avait signé le consentement éclairé pour la première intervention. Le rapport d’inspection, commandé par l’hôpital, réitéra les propos du médecin quant au caractère de « réintervention » de la deuxième intervention et appuya les arguments du chirurgien relatifs à l’annotation manuscrite « famille informée » au dossier médical dans la mesure où les risques de la deuxième intervention seraient les mêmes que ceux de la première. La compagnie d’assurances Zurich présenta deux rapports d’expertise rédigés par quatre médecins spécialistes en chirurgie et pédiatrie qui confirmèrent que des séquelles dans ce type d’intervention étaient inévitables dans plus de 50 % de cas et que la conduite médicale du médecin était correcte. Seul un rapport d’expertise rédigé à la demande des parents du mineur nota que la résection d’une tumeur bénigne (astrocytome) au cervelet, non infiltrant et bien délimité comme c’était le cas en l’occurrence, ne devrait pas provoquer des séquelles, présentant une haute probabilité de guérison totale dans 90 % des cas. Ce dernier rapport nota le retard inexplicable et inconcevable d’un an dans le diagnostic et ajouta que le mauvais résultat obtenu, disproportionné par rapport à ce qui pouvait être attendu dans ces cas était la conséquence d’une action injustifiée et contraire à la pratique normale.

10. L’arrêt rendu par le Tribunal supérieur de justice de Murcie estima qu’il n’y avait pas eu de retard dans le diagnostic du requérant, les médecins ayant agi correctement et dans les meilleurs délais. Sur la question du consentement éclairé des parents aux interventions, il conclut que, malgré l’absence de document écrit, les parents avaient été correctement informés et avaient donné leur consentement quant à la deuxième intervention. Il s’exprima dans les termes suivants à cet égard :

« 10. (...)

Pour ce qui est de la première intervention, le consentement des parents a été recueilli par écrit. Pour ce qui est de la deuxième intervention, elle n’est qu’une réintervention, comme il a été indiqué, [qui était] nécessaire, et [qui constituait] la seule possibilité dans le cas d’espèce ; le médecin informa [les parents] des bénéfices et des risques (qui étaient les mêmes que lors de la première intervention), verbalement. À cet égard, il peut être constaté [que] dans le dossier médical [figure la mention] « famille informée » (page 207). Le médecin informa que « dans la mesure où l’enfant était toujours à l’hôpital depuis la première intervention et que les visites et l’information de notre côté intervenaient tous les jours, nous avons estimé suffisant d’informer et d’obtenir le consentement seulement verbalement ».

Dès lors, bien qu’il n’y ait pas de document formel, la famille était informée, les risques étaient les mêmes que lors de la première intervention, il s’agissait d’une intervention nécessaire étant donné qu’elle était la seule possibilité en l’espèce.

Par conséquent, au vu de ce qui précède, nous considérons qu’il n’a pas été démontré que les médecins intervenants aient commis des fautes professionnelles (mala praxis) et qu’il n’y a pas de raisons permettant d’accueillir le recours. Partant, il est rejeté. »

11. Les parents du requérant se pourvurent en cassation. Ils firent valoir que l’arrêt du Tribunal supérieur de justice de Murcie n’avait pas donné réponse à leurs griefs (incongruencia omisiva) et manquait de motivation. Ils estimèrent que ledit arrêt se limitait à recueillir les déclarations et les rapports d’expertise favorables à l’administration défenderesse pour conclure en quelques lignes à l’existence de consentement éclairé, sans toutefois répondre aux motifs de leur recours, notamment en ce qui concerne l’absence de consentement écrit.

12. Se référant à diverses dispositions de la loi no 41/2002 du 14 novembre 2002, quant à la deuxième intervention programmée à l’avance, ils soulignèrent que le tribunal n’avait pas répondu à leurs arguments ni expliqué les raisons pour lesquelles le consentement éclairé n’avait pas été recueilli par écrit en l’espèce, alors qu’il ne s’agissait pas d’une intervention d’urgence mais programmée à l’avance (voir les articles 8, 9 § 2 et 10 § 2 de la loi no 41/2002 au paragraphe 15 ci-dessous).

13. Par un arrêt du Tribunal suprême du 9 mai 2017, les parents du requérant furent déboutés. Le Tribunal estima que le jugement de première instance était largement motivé et se fondait sur plusieurs moyens de preuve, notamment les rapports médicaux émis par différents experts. Il considéra que le récit des faits établis et le raisonnement du jugement de première instance ne pouvaient être réputés arbitraires, illogiques ou déraisonnables. Il dit tout d’abord que le consentement éclairé concernant la première intervention avait été donné par écrit et qu’aucun grief n’en était tiré. Concernant la deuxième intervention, compte tenu des annotations dans le dossier médical du requérant et du fait que la communication entre le médecin et les parents était continue, il constata que l’existence d’un consentement effectivement donné avait été correctement appréciée. Il ajouta enfin que la deuxième intervention était une conséquence nécessaire de la première, puisque dans la majorité des opérations de ce genre la tumeur n’est pas totalement extirpée la première fois et qu’une deuxième intervention s’avère nécessaire. Il dit qu’un consentement donné verbalement était valide s’il était possible de le prouver, comme c’était le cas en l’espèce.

14. Les parents du requérant formèrent un recours d’amparo mais le Tribunal Constitutionnel les débouta par une décision rendue le 29 mai 2018, signifiée le 4 juin 2019, au motif que leur recours était sans pertinence constitutionnelle. Pour étayer le manque de consentement écrit lors de la deuxième intervention chirurgicale, invasive et ayant eu de conséquences graves dérivées de la première intervention, les parents du requérant se référaient à la jurisprudence constitutionnelle sur le consentement éclairé (voir, par exemple, citation au paragraphe 16 ci-dessous). Ils soutenaient aussi dans leur recours d’amparo que le Tribunal suprême n’avait pas répondu, de façon motivée, à toutes les questions liées au consentement éclairé de leur recours en cassation.

LE CADRE JURIDIQUE INTERNE ET INTERNATIONAL PERTINENT

1. Le droit ET LA PRATIQUE interneS

15. Les dispositions pertinentes en l’espèce de la loi no 41/2002 du 14 novembre 2002, régissant l’autonomie du patient ainsi que les droits et obligations en matière d’information et de documentation cliniques, étaient ainsi rédigées à l’époque des faits :

Article 4 – Droit à l’information sur les soins

« 1. Les patients ont le droit de connaître, à l’occasion de toute action dans le domaine de leur santé, toutes les informations disponibles à ce sujet, à l’exception des cas exemptés par la loi. En outre, toute personne a le droit de faire respecter sa volonté de ne pas être informée. Les informations, qui en règle générale sont fournies verbalement et consignées dans le dossier médical, indiquent au moins le but et la nature de chaque intervention, ses risques et ses conséquences.

2. Les informations cliniques s’appliquent à tous les actes médicaux, [elles] doivent être exactes et communiquées au patient de manière compréhensible et appropriée au vu de ses besoins, et l’aider à prendre des décisions selon sa propre volonté.

3. Le médecin responsable du patient doit veiller au respect du droit de ce dernier à l’information. Les professionnels qui traitent le patient pendant le processus de soins ou qui lui appliquent une technique ou une procédure particulière sont eux aussi chargés de l’informer. »

Article 8 – Consentement éclairé

« 1. Toute action dans le domaine de la santé d’un patient requiert le consentement libre et volontaire de la personne concernée, une fois qu’elle a reçu les informations visées à l’article 4 et qu’elle a pesé les options qui lui sont ouvertes dans le cas considéré.

2. Le consentement est, en règle générale, verbal. Toutefois, il doit être donné par écrit dans les cas suivants : intervention chirurgicale, procédures diagnostiques et thérapeutiques invasives et, en général, application de procédures comportant des risques ou présentant des inconvénients aux conséquences négatives notoires et prévisibles sur la santé du patient.

3. Le consentement écrit du patient sera nécessaire pour chacune des actions indiquées au paragraphe précédent du présent article, sous réserve de la possibilité d’incorporer des annexes et d’autres données générales, et il devra comporter des informations suffisantes sur la procédure d’application et ses risques.

(...) »

Article 9 – Limites du consentement éclairé et du consentement par procuration

« (...)

2. Les médecins peuvent effectuer des interventions cliniques essentielles bénéfiques à la santé du patient sans le consentement de celui-ci dans les cas suivants :

(...)

b) Lorsqu’il existe un risque grave immédiat pour l’intégrité physique ou psychique du patient et qu’il n’est pas possible d’obtenir son autorisation, en consultant, lorsque les circonstances le permettent, ses proches ou les personnes auxquelles il est effectivement attaché. (...) »

Article 10 – Conditions d’information et de consentement écrit

« 1. Le médecin doit fournir au patient les informations élémentaires suivantes avant de lui demander son consentement écrit :

a) Les conséquences pertinentes ou importantes qu’entraînera vraisemblablement l’intervention.

b) Les risques liés à la situation personnelle ou professionnelle du patient.

c) Les risques susceptibles de se produire dans des conditions normales, selon l’expérience et l’état de la science ou directement liés au type d’intervention.

d) Les contre-indications.

2. Le médecin responsable considère dans chaque cas que plus le résultat d’une intervention est incertain, plus le consentement écrit préalable du patient est nécessaire. »

16. Les parties pertinentes de l’arrêt du Tribunal constitutionnel 37/2011 du 28 mars 2011 disposent comme suit :

« 5. L’information préalable, qui a donné lieu à ce qu’on appelle le consentement éclairé, peut donc être considérée comme une procédure ou un mécanisme de garantie pour l’efficacité du principe d’autonomie de la volonté du patient et partant, comme faisant partie des dispositions constitutionnelles qui garantissent les droits fondamentaux susceptibles d’être concernés par les actions médicales. [Ce consentement informé est donc] une conséquence implicite et logique de la protection du droit à l’intégrité physique et morale, ayant ainsi une pertinence constitutionnelle qui détermine que son omission ou sa mauvaise réalisation peut porter atteinte au droit fondamental même »

2. Le droit international

17. La Convention pour la protection des droits de l’homme et de la dignité de l’être humain à l’égard des applications de la biologie et de la médecine : Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine (Convention d’Oviedo) a été ouverte à la signature le 4 avril 1997 et est entrée en vigueur à l’égard de l’Espagne le 1er janvier 2000. En ses parties pertinentes en l’espèce, elle se lit comme suit :

Article 5 – Règle générale

« Une intervention dans le domaine de la santé ne peut être effectuée qu’après que la personne concernée y a donné son consentement libre et éclairé.

Cette personne reçoit préalablement une information adéquate quant au but et à la nature de l’intervention ainsi que quant à ses conséquences et ses risques.

La personne concernée peut, à tout moment, librement retirer son consentement. »

Article 6 – Protection des personnes n’ayant pas la capacité de consentir

« (...) une intervention ne peut être effectuée sur une personne n’ayant pas la capacité de consentir, que pour son bénéfice direct.

Lorsque, selon la loi, un mineur n’a pas la capacité de consentir à une intervention, celle-ci ne peut être effectuée sans l’autorisation de son représentant, d’une autorité ou d’une personne ou instance désignée par la loi (...) »

EN DROIT

1. OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES

18. La Cour estime nécessaire de préciser au préalable un point relatif à la portée du grief formulé par le requérant. Dans le cadre de la procédure interne, les parents du requérant s’étaient plaints de plusieurs fautes professionnelles médicales et de manquements quant au consentement des interventions chirurgicales. Devant la Cour, le grief du requérant, représenté par son père, concernait l’absence de consentement éclairé et par écrit de ses parents, en particulier dans le cadre de la deuxième intervention. Les parents du requérant se sont plaints de ce manque de consentement dès le début de la procédure interne ainsi que devant la Cour. Toutefois, les allégations relatives aux prétendues fautes professionnelles ne figurent pas dans le formulaire de requête, bien qu’elles aient été soulevées devant les juridictions internes et dans les observations du requérant devant la Cour, et sur lesquelles le Gouvernement n’avait pas été invité à présenter des commentaires. Elles ne seront donc pas examinées dans le présent arrêt (Mándli et autres c. Hongrie, no 63164/16, §§ 15-18, 26 mai 2020, Markus c. Lettonie, no 17483/10, § 63, 11 juin 2020, et Radomilja et autres c. Croatie [GC], nos 37685/10 et 22768/12, § 108, 20 mars 2018).

2. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 8 DE LA CONVENTION

19. Les parents du requérant soutiennent qu’ils n’ont pas reçu d’informations complètes et adéquates concernant les interventions chirurgicales pratiquées sur leur fils et qu’ils n’ont donc pas pu y donner leur consentement libre et éclairé, par écrit. Le requérant invoque l’article 8 de la Convention, qui est ainsi libellé :

« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien‑être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »

1. Sur la recevabilité

20. Constatant que la requête n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 de la Convention et qu’elle ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour la déclare recevable.

2. Sur le fond
1. Thèses des parties

21. Le requérant, représenté par son père, allègue que bien que ses parents aient donné leur consentement par écrit à la première intervention, « qui indiquait [une partie] de possibles complications et séquelles », ce consentement ne peut pas « suffire pour considérer qu’ils ont été éclairés pour la deuxième », chaque intervention étant unique. Il note que « le fait que la deuxième intervention chirurgicale dérive de la première ne saurait justifier l’absence [dudit] consentement éclairé ». Il « estime indispensable que le patient reçoive l’information médicale nécessaire et adéquate, non seulement sur les mesures thérapeutiques [à appliquer] mais aussi sur les complications et séquelles [possibles] dérivées [de ces mesures], compte tenu surtout des risques aggravés d’une deuxième intervention par rapport à ceux de l’intervention précédente ». Dès lors que chaque intervention avait entraîné pour le requérant des séquelles importantes, et donc que son état de santé était différent à chaque fois, les risques liés à la deuxième intervention auraient été plus élevés. En ce sens, les parents n’auraient pas reçu d’informations précises et par écrit, et ils n’auraient donc pas eu la possibilité de faire un choix pleinement libre et éclairé (voir motifs invoqués en cassation au paragraphes 11-12 ci-dessus).

22. En particulier, le père du requérant souligne que dans son dossier médical le médecin traitant avait inclus une mention spécifique (« Faites attention aux informations ! ») qui semblait confirmer que ses parents n’avaient pas été correctement informés. D’autre part, il conteste l’affirmation selon laquelle il n’existait aucune alternative à son traitement médical. De plus, il aurait été aussi envisageable d’informer les parents de la possibilité d’obtenir un second avis auprès d’un autre médecin ou dans un centre médical.

23. Le Gouvernement estime que, dès lors que seul l’article 8 a été invoqué par le requérant et non pas l’article 6, la Cour ne devrait pas pouvoir remettre en cause les faits tels que recueillis par les juridictions internes. Il expose que ces dernières ont procédé à leurs conclusions factuelles sur la base de preuves rassemblées au cours de la procédure judiciaire et qu’il ne saurait être question que la Cour réexamine et réapprécie ces éléments. Il souligne, en particulier, que tous les témoins proposés par les parties au litige ont été acceptés et entendus, chacune de celles-ci ayant pu défendre ses droits.

24. En particulier, le Gouvernement constate que les juridictions internes ont conclu que la deuxième opération sur l’enfant était une réintervention faisant suite à la première. Il soutient que, en effet, dès lors que la tumeur n’avait pas été complètement ôtée, il avait fallu faire une deuxième opération qui présentait les mêmes risques et avantages que la première. En ce sens, il faut selon lui tenir compte de ce que la validité du consentement éclairé à la première intervention n’a pas été mis en cause par les parents du requérant devant la Cour. Le Gouvernement note que les juridictions internes ont également conclu que la réintervention sur le requérant était le seul traitement possible dans sa situation, et que les parents avaient été informés verbalement par le médecin traitant des risques et avantages de la deuxième intervention. Il remarque que la seule alternative possible était l’absence de traitement, tel qu’il avait été prouvé dans le cadre de la procédure judiciaire et confirmé par tous les experts, même celui désigné par les parents du requérant. En ce qui concerne la troisième intervention, il expose qu’elle était une réintervention d’urgence réalisée juste après la deuxième, à la suite de complications survenues lors de cette dernière et que, à cet égard, comme l’ont reconnu les parents du requérant, ils avaient donné son consentement par écrit. Il souligne que le requérant n’allègue aucun manquement éventuel concernant cette troisième intervention.

25. Le Gouvernement en conclut que les parents du requérant n’ont pas été empêchés de prendre une décision libre et volontaire à propos de la deuxième intervention chirurgicale de leur fils. Le consentement éclairé des parents n’avait certes pas été consigné par écrit, comme dans le cas de la première intervention, mais il avait été prouvé que le médecin traitant les avait correctement informés des risques et avantages. Concrètement, selon le Gouvernement, la juridiction interne a pris en compte le contenu du dossier médical du requérant, ainsi que divers rapports techniques et témoignages d’experts.

26. Enfin, le Gouvernement expose que les circonstances de l’affaire se distinguent nettement de celles des affaires Glass c. Royaume-Uni, no 61827/00, CEDH 2004‑II, et M.A.K. et R.K. c. Royaume-Uni, nos 45901/05 et 40146/06, 23 mars 2010, où les parents de l’enfant soit s’étaient opposés expressément au traitement, soit n’y avaient pas donné leur consentement. Il soutient que, en revanche, dans le cas d’espèce, les parents avaient donné leur consentement. Il souligne en outre que les dispositions de la Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine (Convention d’Oviedo) n’exigent pas que le consentement éclairé soit donné par écrit.

2. Appréciation de la Cour

a) Principes généraux

27. La Cour rappelle que si l’article 8 a essentiellement pour objet de prémunir l’individu contre des ingérences arbitraires des pouvoirs publics dans sa vie privée, il ne se contente pas de commander à l’État de s’abstenir de pareilles ingérences : à cet engagement négatif peuvent s’ajouter des obligations positives inhérentes au respect effectif de la vie privée. Ces obligations peuvent impliquer l’adoption de mesures visant au respect de la vie privée jusque dans les relations des individus entre eux. De plus, le concept de « vie privée » est une notion large qui ne se prête pas à une définition exhaustive. Il englobe également l’intégrité physique et psychologique d’une personne et le corps d’une personne représente un aspect intime de la vie privée (Nicolae Virgiliu Tănase c. Roumanie [GC], no 41720/13, §§ 125-126, 25 juin 2019).

28. La Cour rappelle que selon sa jurisprudence bien établie, même si le droit à la santé ne figure pas en tant que tel parmi les droits garantis par la Convention et ses Protocoles, les Hautes Parties contractantes ont, parallèlement à leurs obligations positives découlant de l’article 2 de la Convention, une obligation positive découlant de l’article 8. À cet égard, elle réaffirme que, dans le contexte d’allégations de négligence médicale, les obligations positives matérielles des États en matière de traitement médical sont limitées au devoir de poser des règles, c’est-à-dire de mettre en place un cadre réglementaire effectif obligeant les établissements hospitaliers, qu’ils soient publics ou privés, à adopter les mesures appropriées pour protéger la vie des patients. Le simple fait que le cadre réglementaire puisse être défaillant par certains côtés ne suffit pas en lui-même à soulever une question sous l’angle de l’article 2 de la Convention. Il faut encore démontrer que cette défaillance a nui au patient (Lopes de Sousa Fernandes c. Portugal [GC], no 56080/13, §§ 183-188, 19 décembre 2017).

29. La Cour a déjà mis en exergue non seulement l’importance du consentement des patients, soulignant notamment dans l’arrêt Pretty c. Royaume-Uni (no 2346/02, § 63, CEDH 2002‑III) que « l’imposition d’un traitement médical sans le consentement du patient ... s’analyserait en une atteinte à l’intégrité physique de l’intéressé pouvant mettre en cause les droits protégés par l’article 8 § 1 », mais aussi celle, pour les personnes exposées à un risque pour leur santé, d’avoir accès aux informations leur permettant d’évaluer celui-ci (voir notamment l’arrêt Guerra et autres c. Italie, § 60, 19 février 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998‑I, et Codarcea c. Roumanie, no 31675/04, § 104, 2 juin 2009).

30. La Cour a estimé que les États parties sont, au titre de cette obligation, tenus de prendre les mesures réglementaires nécessaires pour que les médecins s’interrogent sur les conséquences prévisibles que l’intervention médicale projetée peut avoir sur l’intégrité physique de leurs patients et qu’ils en informent préalablement ceux-ci de manière à ce qu’ils soient en mesure de donner un accord éclairé. En corollaire, en particulier, si un risque prévisible de cette nature se réalise sans que le patient en ait été dûment préalablement informé par ses médecins, l’État partie concerné peut être directement responsable sur le terrain de l’article 8 du fait de ce défaut d’information (Trocellier c. France (déc.), no 75725/01, § 4, ECHR 2006-XIV, Codarcea, précité, § 105, et Csoma c. Roumanie, no 8759/05, § 42, 15 janvier 2013). Afin de déterminer la forme de ce consentement éclairé, les exigences du droit interne peuvent être prises en compte (M.A.K. et R.K. c. Royaume-Uni, précité, § 80, et G.H. c. Hongrie (déc.), no 54041/14, 9 juin 2015).

31. La Cour rappelle que pour que des obligations positives soient respectées, il faut que les mécanismes de protection prévus en droit interne non seulement existent en théorie, mais aussi fonctionnent effectivement en pratique (Lopes de Sousa Fernandes, § 216, et Csoma, § 43, précités).

b) Application de ces principes au cas d’espèce

32. La Cour relève, tout d’abord, que la question dont elle est saisie ne concerne pas une prétendue négligence qui aurait été commise par le personnel médical (paragraphe 18 ci-dessus). En outre, elle est convaincue que le cadre législatif interne prévoyait expressément le consentement libre et éclairé du patient, ou de ses parents dans le cas d’un mineur, lorsqu’une intervention médicale pouvait porter atteinte à l’intégrité physique du patient. En fait, les dispositions du droit espagnol sur l´autonomie du patient et les droits et obligations en matière d´information, telles qu’elles sont soutenues par la pratique interne, obligent en termes explicites les médecins à fournir aux patients des informations préliminaires suffisantes et pertinentes pour un consentement éclairé à une telle intervention et il devra comporter des informations suffisantes sur ses risques (paragraphes 15 et 16 ci-dessus). Ceci est pleinement conforme à la Convention sur les Droits de l’Homme et la biomédecine (Convention d’Oviedo) (paragraphe 17 ci-dessus). En outre, les dispositions légales nationales précisent que pour chacune des actions indiquées par la loi (« intervention chirurgicale... et, en général, application de procédures comportant des risques ou présentant des inconvénients aux conséquences négatives notoires et prévisibles sur la santé du patient ») ce consentement doit nécessairement être donné par écrit, avec des exceptions très étroitement définies, notamment concernant l’existence d’un danger immédiat et grave pour la vie de la personne et lorsque le patient ou ses proches ne seraient pas en mesure de donner ce consentement. Cette exigence s’impose d’autant plus lorsque le médecin responsable considère que le résultat de l’intervention est incertain (articles 8, 9 et 10 § 2 de la loi no 41/2002 du 14 novembre 2002, paragraphes 15 et 16 ci-dessus).

33. En l’espèce, les parents du requérant ont porté leurs griefs devant les juridictions internes, en insistant, entre autres, sur le fait qu’aucun consentement valable n’avait été obtenu avant la seconde opération. Ils ont rappelé les dispositions du droit interne qui exigeaient que ce consentement soit donné par écrit. Cela les plaçait, selon eux, dans une situation où ils n’avaient pas été en mesure de réaliser pleinement leur droit au consentement éclairé à une intervention chirurgicale prévue, qui avait finalement entraîné de graves conséquences pour la santé du requérant. Ils ont donc eu accès aux juridictions internes, ce qui constitue normalement une réparation suffisante pour ce type de plaintes. La Cour doit examiner si la manière dont les plaintes des parents du requérant ont été traitées peut être considérée comme suffisante, en l’espèce, pour satisfaire l’obligation positive de l’État au titre de l’article 8 de la Convention (paragraphes 30 et 31 ci-dessus).

34. Les juridictions internes ont fourni un certain nombre d’arguments selon lesquels la seconde intervention était étroitement liée à la première et les parents étaient en contact avec les médecins entre les deux interventions. La Cour observe d’ailleurs que les juridictions internes n’ont pas répondu à des motifs clés soulevés par les parents du requérant dans leurs recours et notamment dans leur pourvoi en cassation. Elle relève en particulier qu’aucune raison n’a été donnée par les juridictions internes sur la question de savoir pourquoi la prestation du consentement pour la deuxième intervention n’a pas satisfait à la condition fixée par la loi espagnole, selon laquelle chaque acte chirurgical nécessite un consentement écrit, d’autant plus que les perspectives n’étaient pas claires (article 10 § 2 de la loi no 41/2002, paragraphe 15 ci-dessus).

35. Certes, les deux interventions avaient pour même but de retirer la tumeur. Toutefois, force est de constater que la deuxième intervention a eu lieu à une date ultérieure, après qu’une partie de la tumeur avait déjà été enlevée et alors que l’état de santé de l’enfant mineur n’était plus le même. Dans ces conditions, les juridictions internes ont conclu que le consentement qui aurait été donné verbalement pour la deuxième intervention (ablation du reste de la tumeur cérébrale) était suffisant, sans tenir compte des conséquences de la première intervention et sans avoir précisé pourquoi il ne s’agissait pas d’une intervention distincte, qui aurait nécessité le consentement écrit séparé exigé par la législation espagnole. La Cour note que la seconde opération n’est pas intervenue dans la précipitation et a eu lieu près d’un mois après la première. Le fait que les juridictions internes ont considéré que les parents étaient continuellement en contact avec les médecins, en se fondant sur une simple note du médecin traitant dans le dossier médical du requérant (« famille informée ») (paragraphe 9 ci-dessus) et la mention « Faites attention aux informations ! » ne saurait suffire à conclure sans ambiguïté que les parents du requérant ont été dûment informés et ont consenti à l’intervention, selon les règles internes. Il convient de noter aussi que la troisième intervention sur l’enfant mineur s’est avérée nécessaire pour des motifs d’urgence, à la suite de complications survenues lors de la deuxième intervention. Même dans ces circonstances, le consentement des parents a été recueilli par écrit, ce qui fait contraste avec l’absence de consentement écrit en ce qui concerne la deuxième intervention (paragraphes 5 et 6 ci-dessus).

36. La Cour a déjà mis en exergue l’importance du consentement des patients et le fait que l’absence de ce dernier peut s’analyser en une atteinte à l’intégrité physique de l’intéressé (paragraphes 29-30 ci-dessus). Toute méconnaissance par le personnel médical du droit du patient à être dûment informé peut engager la responsabilité de l’État en la matière (Csoma, précité, § 48). La Cour souligne que même si la Convention elle-même n’établit aucune forme particulière de ce consentement, lorsque le droit interne fixe certaines exigences expresses, celles-ci doivent être respectées pour que l’ingérence soit considérée comme étant prévue par la loi (comparer avec G.H. c. Hongrie, décision précitée, § 22).

37. De l’avis de la Cour, les questions soulevées par les parents du requérant concernaient d’importantes questions relatives à l’existence du consentement et à la responsabilité éventuelle des professionnels de santé impliqués, ce qui nécessitait un examen approprié (voir, mutatis mutandis, Lopes de Sousa Fernandes, §§ 172 et 216, et Csoma, §§ 52-54, précités). Toutefois, ces questions n’ont pas été traitées de manière appropriée au cours de la procédure interne, ce qui amène la Cour à conclure que cette procédure n’était pas suffisamment efficace (Lopes de Sousa Fernandes, précité, § 226). La Cour ne peut que conclure, après avoir examiné les pièces du dossier, que les jugements internes, du Tribunal supérieur de justice de Murcie jusqu’au Tribunal suprême (paragraphes 10 et 13 ci-dessus), n’ont pas donné de réponse à l’argument spécifique concernant l’exigence du droit espagnol d’obtenir un consentement écrit dans des circonstances pareilles. Leur conclusion selon laquelle un accord oral était valable dans les circonstances de l’espèce n’est pas suffisante à la lumière des dispositions spécifiques de la loi espagnole, qui exigent le consentement éclairé sous une forme écrite. Si la Convention n’impose en aucune manière que le consentement éclairé soit donné par écrit tant qu’il est fait sans équivoque, la loi espagnole exigeait un tel consentement écrit et les tribunaux n’ont pas suffisamment expliqué pourquoi ils ont estimé que l’absence d’un tel consentement écrit n’avait pas enfreint le droit du requérant.

38. Les considérations qui précèdent suffisent à la Cour pour conclure que le système national n’a pas apporté une réponse adéquate à la question de savoir si les parents du requérant ont effectivement donné leur consentement éclairé à chaque intervention chirurgicale, conformément au droit interne. Par conséquent, il y a eu violation de l’article 8 de la Convention à raison de l’ingérence dans la vie privée du requérant.

3. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

39. Aux termes de l’article 41 de la Convention :

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

1. Dommage

40. Le père du requérant demande 3 000 000 EUR au titre du dommage matériel et moral que, selon lui, son fils a subi.

41. Le Gouvernement soutient qu’il n’y a pas lieu d’octroyer une telle indemnité dès lors que, dans l’hypothèse où une violation viendrait à être constatée, les parents du requérant auraient la possibilité d’entamer une procédure en révision et d’obtenir un nouveau jugement conforme à la Convention ainsi qu’une indemnité au titre de la responsabilité patrimoniale de l’État. Il ajoute que le père du requérant ne précise pas sur quelle base il demande une telle somme et qu’une indemnisation ne peut être basée sur les séquelles subies par le requérant, dès lors que dans la présente affaire les parents se sont plaints de manquements quant au consentement éclairé et non pas des fautes professionnelles qui avaient été initialement dénoncées dans la procédure interne.

42. La Cour ne distingue aucun lien de causalité entre la violation constatée et le dommage matériel allégué. Elle rejette donc la demande formulée à ce titre. En revanche, elle octroie au requérant 24 000 EUR pour dommage moral, plus tout montant pouvant être dû sur cette somme à titre d’impôt.

2. Frais et dépens

43. Le requérant ne réclame aucune somme au titre des frais et dépens qu’il a engagés dans le cadre de la procédure interne et celle menée devant la Cour.

44. Par conséquent, la Cour estime qu’il n’y a lieu d’octroyer aucun montant au requérant de ce chef.

3. Intérêts moratoires

45. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Déclare la requête recevable ;
2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 8 de la Convention ;
3. Dit

a) que l’État défendeur doit verser au requérant, dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, la somme de 24 000 EUR (vingt-quatre mille euros), plus tout montant pouvant être dû sur cette somme à titre d’impôt, pour dommage moral ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

4. Rejette le surplus de la demande de satisfaction équitable.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 8 mars 2022, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Olga Chernishova Georges Ravarani
Greffière adjointe Président


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