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09/02/2021 | CEDH | N°001-207804

CEDH | CEDH, AFFAIRE RAMAZAN DEMİR c. TURQUIE, 2021, 001-207804


DEUXIÈME SECTION

AFFAIRE RAMAZAN DEMİR c. TURQUIE

(Requête no 68550/17)

ARRÊT

Art 10 • Liberté de recevoir des informations • Restrictions injustifiées apportées à la possibilité pour un détenu d’accéder à des sites Internet publiant des informations juridiques pour des raisons sécuritaires • Accès sous le contrôle des autorités dans des buts de formation et de réinsertion prévu en droit turc • Absence d’examen concret par les juridictions nationales des raisons à l’appui du refus et de sa nécessité • Défaut de motifs pertinents

et suffisants

STRASBOURG

9 février 2021

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’ar...

DEUXIÈME SECTION

AFFAIRE RAMAZAN DEMİR c. TURQUIE

(Requête no 68550/17)

ARRÊT

Art 10 • Liberté de recevoir des informations • Restrictions injustifiées apportées à la possibilité pour un détenu d’accéder à des sites Internet publiant des informations juridiques pour des raisons sécuritaires • Accès sous le contrôle des autorités dans des buts de formation et de réinsertion prévu en droit turc • Absence d’examen concret par les juridictions nationales des raisons à l’appui du refus et de sa nécessité • Défaut de motifs pertinents et suffisants

STRASBOURG

9 février 2021

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Ramazan Demir c. Turquie,

La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en une Chambre composée de :

Jon Fridrik Kjølbro, président,
Marko Bošnjak,
Aleš Pejchal,
Valeriu Griţco,
Branko Lubarda,
Pauliine Koskelo,
Saadet Yüksel, juges,
et de Hasan Bakırcı, greffier adjoint de section,

Vu :

la requête (no 68550/17) dirigée contre la République de Turquie et dont un ressortissant de cet État, M. Ramazan Demir (« le requérant ») a saisi la Cour en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention ») le 14 juillet 2017,

la décision de porter à la connaissance du gouvernement turc (« le Gouvernement ») le grief concernant l’atteinte alléguée portée au droit du requérant à la liberté d’expression et de déclarer la requête irrecevable pour le surplus,

les observations communiquées par le gouvernement défendeur et celles communiquées en réplique par le requérant,

les commentaires reçus d’İfade Özgürlüğü Derneği (Association de la liberté d’expression), que le président de la section avait autorisée à se porter tierce intervenante (article 36 § 2 de la Convention et article 44 § 2 du Règlement de la Cour),

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 12 janvier 2021,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

inTRODUCTION

1. La requête concerne le rejet par les autorités pénitentiaires d’une demande d’accès à certains sites Internet introduite par le requérant, qui était détenu dans un centre pénitentiaire à l’époque des faits.

EN FAIT

2. Le requérant est né en 1983 et réside à Istanbul. Il a été représenté par Me B. Molu, avocate à Istanbul.

3. Le Gouvernement a été représenté par son agent.

4. Le requérant est avocat de profession. Il est le représentant de requérants dans plusieurs affaires pendantes devant la Cour.

5. À l’époque des faits, il était détenu au centre pénitentiaire de Silivri à la suite d’une décision de placement en détention provisoire rendue le 6 avril 2016 dans le cadre d’une enquête pénale diligentée contre lui. Il était soupçonné d’avoir commis les infractions d’appartenance à une organisation terroriste et de propagande en faveur d’une organisation terroriste. Il fut remis en liberté le 7 septembre 2016.

6. Le 12 avril 2016, le requérant demanda à l’administration pénitentiaire de l’autoriser à avoir accès aux sites Internet de la Cour, de la Cour constitutionnelle et du Journal officiel afin d’obtenir les informations juridiques dont il aurait eu besoin pour mieux suivre les dossiers de ses clients en tant qu’avocat devant ces deux juridictions et pour préparer sa propre défense en vue d’une audience devant se tenir le 22 juin 2016 dans le cadre de la procédure pénale engagée contre lui.

7. Le 14 avril 2016, la direction du comité d’administration et d’observation de l’administration pénitentiaire rejeta la demande du requérant au motif qu’elle était inappropriée au regard de l’article 90 §§ 3 et 4 du règlement relatif à la direction des établissements pénitentiaires et à l’exécution des peines et des mesures préventives (« le règlement ») (paragraphe 15 ci-dessous).

8. Le 15 avril 2016, le requérant forma opposition contre la décision de l’administration pénitentiaire. Il exposa qu’il introduisait pour ses clients des recours devant la Cour constitutionnelle et devant la Cour en sa qualité d’avocat et qu’il lui importait d’accéder aux derniers arrêts et décisions de ces deux juridictions, publiés sur leur site Internet ainsi que sur celui du Journal officiel, afin d’assurer un bon suivi de ces recours. Il indiqua en outre qu’il avait besoin de faire référence aux jurisprudences de la Cour et de la Cour constitutionnelle pour bien se défendre dans le cadre des poursuites pénales diligentées contre lui. Il allégua que l’article 90 § 4 du règlement (paragraphe 15 ci-dessous) ne devait pas s’appliquer à lui étant donné qu’il n’était pas un condamné mais un détenu, et que cette disposition n’était pas prévisible dans la mesure où elle aurait accordé à l’administration une grande latitude pour apprécier la dangerosité d’un détenu. Il soutint en outre que l’organisation de son accès aux sites Internet susmentionnés n’imposerait aucun fardeau particulier à l’administration pénitentiaire et ne poserait aucun risque sur la sécurité et l’ordre de l’établissement pénitentiaire. Il argua enfin que le rejet de sa demande sans motivation suffisante constituait une violation de l’article 10 de la Convention et se référa à cet égard à l’arrêt Kalda c. Estonie rendu par la Cour (no 17429/10, 19 janvier 2016).

9. Le 4 mai 2016, le juge de l’exécution de Silivri rejeta l’opposition du requérant au motif que la décision de l’administration pénitentiaire était conforme à la procédure et à la loi. Après avoir cité l’article 67 §§ 3 et 4 de la loi no 5275 relative à l’exécution des peines et des mesures préventives (« la loi no 5275 ») (paragraphe 14 ci-dessous) et l’article 90 §§ 3 et 4 du règlement (paragraphe 15 ci-dessous), il considéra que, selon cette législation, l’accès à Internet demandé par le requérant n’était possible que dans le cadre de programmes de formation et de réinsertion. Il indiqua en outre qu’il n’avait décelé aucune non-conformité à la procédure et à la loi dans l’utilisation par l’administration pénitentiaire de sa marge d’appréciation dans sa décision.

10. Le 9 mai 2016, le requérant forma opposition contre la décision du juge de l’exécution. Réitérant les arguments qu’il avait précédemment présentés devant ce dernier juge, il soutint que le rejet de sa demande d’accès aux sites Internet de la Cour, de la Cour constitutionnelle et du Journal officiel portait atteinte à son droit de recevoir des informations, protégé par l’article 10 de la Convention.

11. Le 23 mai 2016, la cour d’assises de Silivri rejeta l’opposition du requérant au motif que la décision du juge de l’exécution ainsi que la motivation de cette décision étaient conformes à la procédure et à la loi.

12. Le 13 juillet 2016, le requérant introduisit un recours individuel devant la Cour constitutionnelle en alléguant notamment que la décision de l’administration pénitentiaire, confirmée par la suite par le juge de l’exécution et la cour d’assises, constituait une violation de son droit de recevoir des informations et de son droit à la liberté d’expression, protégés par l’article 10 de la Convention. Il soutint à cet égard qu’il devait pouvoir bénéficier de la pratique existante concernant l’accès des détenus à Internet dans le cadre de programmes de formation et de réinsertion prévue par la législation pertinente. En effet, il indiqua qu’il voulait avoir accès aux seuls sites Internet de la Cour et de la Cour constitutionnelle, sous contrôle de l’administration et pendant les périodes et aux horaires décidés par elle, et que sa demande avait pour buts la préparation de sa défense dans le cadre de la procédure pénale engagée contre lui et son développement professionnel pendant sa détention en vue de la poursuite de la représentation de ses clients après sa remise en liberté. Il considéra que les décisions des instances ayant rejeté sa demande ne contenaient aucune motivation quant aux éventuels problèmes qui seraient posés par son accès aux sites Internet susmentionnés, qui n’imposerait, selon lui, aucun coût ou fardeau pour l’administration. Il argua enfin que ni l’administration pénitentiaire, ni le juge de l’exécution, ni la cour d’assises n’avaient expliqué dans leurs décisions de rejet pourquoi il devait être considéré comme « dangereux pour la société ».

13. Le 14 avril 2017, la Cour constitutionnelle, considérant que le recours individuel du requérant était manifestement mal fondé, le déclara irrecevable.

Dans sa motivation, elle estima d’abord que, même si la demande du requérant d’accéder à Internet afin de suivre les affaires de ses clients et de préparer sa propre défense en vue de son audience du 22 juin 2016 se rapportait partiellement au droit au travail et ne pouvait être considérée comme entrant, ratione materiae, dans le champ d’application d’un recours individuel, les allégations de l’intéressé pouvaient globalement être examinées dans le cadre de la liberté d’expression.

Elle releva ensuite que le rejet de la demande du requérant poursuivait les objectifs légitimes de maintien de l’ordre et de la sécurité dans l’établissement pénitentiaire et de prévention du crime. Elle ajouta que l’accès à Internet n’avait pas été complètement annulé ou restreint, étant donné qu’il pouvait être assuré dans le cadre de programmes de formation et de réinsertion. Elle jugea enfin que, eu égard à ces considérations, le rejet de la demande d’accès à Internet formée par le requérant poursuivait un but légitime au sens de l’article 26 § 2 de la Constitution relatif à la liberté d’expression.

LE CADRE JURIDIQUE INTERNE PERTINENT

1. La loi relative à l’exécution des peines et des mesures préventives

14. La partie pertinente en l’espèce de l’article 67 de la loi no 5275 du 13 décembre 2004 relative à l’exécution des peines et des mesures préventives, entrée en vigueur le 1er juin 2005, se lit comme suit :

« (...)

3. Dans les établissements pénitentiaires ouverts et fermés ainsi que dans les centres d’éducation pour mineurs, l’utilisation d’outils et d’équipements de formation audiovisuels ne peut être autorisée que dans le cadre de programmes de formation et de réinsertion et dans les locaux désignés à cet effet par l’administration pénitentiaire. L’Internet peut être utilisé sous contrôle et dans la mesure rendue nécessaire par les programmes de formation et de réinsertion. Le condamné ne peut garder un ordinateur dans sa cellule. Cependant, l’introduction dans les établissements pénitentiaires d’ordinateurs dans un but formatif et culturel peut être autorisée après avis favorable du ministère de la Justice.

4. Ces droits peuvent être restreints à l’égard des condamnés présentant une certaine dangerosité ou appartenant à une organisation illégale. »

2. Le règlement relatif à la direction des établissements pénitentiaires et à l’exécution des peines et des mesures préventives

15. La partie pertinente en l’espèce de l’article 90 du règlement du 20 mars 2006 relatif à la direction des établissements pénitentiaires et à l’exécution des peines et des mesures préventives, publié au Journal officiel le 6 avril 2006, est ainsi libellée :

« (...)

3. Dans les établissements ouverts et fermés ainsi que dans les centres d’éducation pour mineurs, l’utilisation d’outils et d’équipements de formation audiovisuels ne peut être autorisée que dans le cadre de programmes de formation et de réinsertion et dans les locaux désignés à cet effet par l’administration pénitentiaire. L’Internet peut être utilisé sous contrôle et dans la mesure rendue nécessaire par les programmes de formation et de réinsertion. Le condamné ne peut garder un ordinateur dans sa cellule. Cependant, l’introduction dans les établissements pénitentiaires d’ordinateurs dans un but formatif et culturel peut être autorisée après avis favorable du ministère de la Justice.

4. Ces droits peuvent être restreints par la décision du comité d’administration et d’observation à l’égard des condamnés présentant une certaine dangerosité ou appartenant à une organisation illégale.

(...) »

3. LES TEXTES INTERNATIONAUX PERTINENTS

16. Les documents du Conseil de l’Europe et d’autres textes internationaux concernant le rôle d’Internet en relation avec le droit de recevoir ou de communiquer des informations sont cités dans l’arrêt Kalda (précité, §§ 23-25).

EN DROIT

1. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 10 DE LA CONVENTION

17. Le requérant allègue que le rejet par les autorités de sa demande d’accès aux sites Internet de la Cour, de la Cour constitutionnelle et du Journal officiel pendant la période durant laquelle il a été détenu au centre pénitentiaire a porté atteinte à son droit de recevoir des informations ou des idées. Il invoque l’article 10 de la Convention, qui est ainsi libellé :

« 1. Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n’empêche pas les États de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d’autorisations.

2. L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire. »

1. Sur la recevabilité

18. Constatant que la requête n’est pas manifestement mal fondée ni irrecevable pour un autre motif visé à l’article 35 de la Convention, la Cour la déclare recevable.

2. Sur le fond
1. Thèses des parties

a) Le requérant

19. Faisant référence aux arrêts Kalda (précité, § 45) et Jankovskis c. Lituanie (no 21575/08, § 55, 17 janvier 2017) rendus par la Cour, le requérant soutient que le refus des autorités pénitentiaires de l’autoriser à accéder aux sites Internet de la Cour, de la Cour constitutionnelle et du Journal officiel constituait une ingérence dans l’exercice de son droit de recevoir des informations ou des idées compris dans son droit à la liberté d’expression garanti par l’article 10 de la Convention. Il expose à cet égard que, même s’il ne précise pas clairement quels sont les types de sites Internet accessibles en prison, le droit turc autorise l’accès des détenus à Internet dans un but d’éducation et de réinsertion. Indiquant en outre que sa demande visait la préparation de sa propre défense ainsi que celle de ses clients, le requérant soutient que son accès aux jurisprudences de la Cour et de la Cour constitutionnelle ainsi qu’à la législation pertinente à ses yeux était essentiel pour l’exercice de ses droits en tant que détenu et en tant qu’avocat.

20. Le requérant reconnaît ensuite que l’ingérence litigieuse était prévue par la loi et qu’elle poursuivait des buts légitimes, tels que la protection des droits d’autrui, la prévention des crimes et la protection de la sécurité dans l’établissement pénitentiaire.

21. Quant à la nécessité de l’ingérence, renvoyant aux arrêts Kalda et Jankovskis précités, le requérant soutient que le droit d’un détenu à un accès à Internet est garanti dans deux situations : soit un tel droit est reconnu en droit interne, soit l’accès à Internet est nécessaire pour l’exercice d’autres droits reconnus en droit interne. Il expose à cet égard que la législation turque autorise l’accès des détenus à Internet pour des motifs de formation et de réinsertion. Il estime que sa demande d’accès aux sites Internet de la Cour, de la Cour constitutionnelle et du Journal officiel afin de s’informer des arrêts et décisions récents de ces deux juridictions, qui, selon lui, ne sont souvent accessibles qu’en ligne, lui aurait permis de poursuivre son développement personnel et professionnel et pouvait être considérée comme relevant des motifs de formation et de réinsertion ainsi que de son droit de se défendre au sens de l’article 6 § 3 c) de la Convention.

22. Selon le requérant, les autorités nationales n’ont pas apporté de motivation suffisante pour justifier la restriction de son accès aux sites Internet en question et elles n’ont pas démontré qu’il existait des obstacles techniques ou économiques à cet accès ou que sa demande présentait une menace pour l’ordre et la sécurité de l’établissement pénitentiaire. Il ajoute qu’il avait surtout besoin de naviguer et faire des recherches sur les sites Internet de la Cour et de la Cour constitutionnelle et que commander à l’administration pénitentiaire les versions imprimées des arrêts publiés, ce qui aurait d’ailleurs été assez coûteux pour lui, ne pouvait pas être une alternative efficace et appropriée à sa demande d’accès à Internet. Il considère enfin que, en refusant son accès aux sites Internet en cause sans effectuer, à son avis, une mise en balance adéquate entre son droit de recevoir des informations et les buts légitimes poursuivis et sans apporter de motivation suffisante à l’appui de leurs décisions, les autorités nationales n’ont pas démontré que la mesure litigieuse était nécessaire dans une société démocratique.

b) Le Gouvernement

23. Le Gouvernement soutient d’emblée que, en l’espèce, le rejet de la demande du requérant d’accéder aux sites Internet de la Cour, de la Cour constitutionnelle et du Journal officiel lors de sa détention dans les buts de préparer sa propre défense et de traiter les affaires de ses clients, qui, selon lui, ne concernaient pas un programme d’éducation et de réinsertion – les cas dans lesquels la législation interne autorise l’accès d’un détenu à Internet –, ne peut être considérée comme une ingérence dans l’exercice par le requérant de son droit de recevoir des informations ou des idées. Pour le cas où l’existence de pareille ingérence serait admise par la Cour, il expose que cette ingérence était prévue par l’article 67 § 3 de la loi no 5275 et par l’article 90 § 3 du règlement et qu’elle poursuivait les buts légitimes que constituent la défense de l’ordre et la prévention du crime en prison.

24. Le Gouvernement expose par ailleurs que le requérant aurait pu déléguer les affaires de ses clients à un autre avocat pendant la durée de sa détention conformément aux dispositions de loi relative aux avocats. Il ajoute que le requérant pouvait demander à l’administration pénitentiaire les copies imprimées des arrêts et décisions de la Cour et de la Cour constitutionnelle en payant les coûts d’impression ou bien demander à son avocat de lui fournir les informations juridiques dont il avait besoin. Il considère donc que le requérant n’a pas été complètement privé de la possibilité d’accéder aux sites Internet en question durant sa détention.

25. Le Gouvernement soutient en outre que l’accès à Internet du requérant, qui était détenu pour les chefs d’appartenance à une organisation terroriste et de propagande en faveur d’une organisation terroriste, pouvait présenter une menace pour l’ordre et la sécurité de l’établissement pénitentiaire. Selon lui, le rejet de la demande du requérant ne peut être considéré comme ayant constitué un lourd fardeau ou une sanction disciplinaire pour l’intéressé.

26. Le Gouvernement estime enfin que la mesure litigieuse constitue une mesure nécessaire dans une société démocratique, adoptée pour le maintien de l’ordre et de la sécurité dans l’établissement pénitentiaire dans le cadre du vaste pouvoir discrétionnaire dont jouissent les autorités nationales en la matière. Il est d’avis qu’il ne saurait être considéré en l’espèce que les autorités nationales n’ont pas ménagé un juste équilibre entre le droit du requérant de recevoir des informations ou des idées et l’intérêt public du maintien de l’ordre dans l’établissement pénitentiaire.

c) Le tiers intervenant

27. L’association İfade Özgürlüğü Derneği soutient que, compte tenu du développement d’Internet comme moyen de propagation de l’information dans le monde d’aujourd’hui et du principe de normalisation des conditions de la vie carcérale, les détenus doivent bénéficier d’un plus large accès à Internet afin de garantir l’exercice de leurs droits fondamentaux. Elle argue ensuite que, même si un droit général pour les détenus d’accéder à Internet ne découle pas du droit de recevoir des informations ou des idées, protégé par l’article 10 de la Convention, il ressort des principes établis par la Cour dans les arrêts Kalda et Jankovskis précités que les détenus peuvent avoir droit à un accès à Internet dans les cas où un tel droit est reconnu en droit interne ou si cet accès est nécessaire pour l’exercice d’un droit reconnu en droit interne.

28. L’association İfade Özgürlüğü Derneği considère que le droit de disposer des facilités nécessaires à la préparation de sa défense au sens des articles 5 § 4 et 6 § 3 b) de la Convention, un droit que tout détenu peut choisir d’exercer lui-même sans l’assistance d’un avocat, peut obliger les autorités à autoriser les détenus à avoir accès aux sites Internet de la Cour et de la Cour constitutionnelle, d’autant plus que, selon elle, la plupart des arrêts et décisions récents de ces deux juridictions ne sont accessibles qu’en ligne et que les arrêts et décisions pertinents de ces juridictions ne peuvent être déterminés qu’à l’issue d’une recherche sur leur site Internet. Par conséquent, elle estime que le refus des autorités d’autoriser un détenu à consulter le site Internet d’un tribunal national ou international pour lui permettre d’obtenir les informations juridiques nécessaires à la préparation de sa défense constitue une ingérence dans le droit de l’intéressé de recevoir des informations ou des idées.

29. Par ailleurs, soutenant qu’il appartient aux autorités nationales de démontrer la nécessité d’une telle ingérence dans une société démocratique, elle indique être d’avis que, en l’espèce, fournir aux détenus l’accès aux sites Internet de la Cour et de la Cour constitutionnelle n’emporte pas de coûts supplémentaires insupportables sur les autorités pénitentiaires dans la mesure où cet accès est déjà prévu pour les motifs de formation et de réinsertion et que la possibilité d’un accès limité et surveillé aux sites Internet en question ne présenterait pas de risque pour la sécurité.

2. Appréciation de la Cour

a) Existence d’une ingérence

30. La Cour rappelle avoir reconnu avec constance le droit du public à recevoir des informations d’intérêt général. Elle rappelle en outre avoir déjà jugé que le droit de recevoir des informations interdit essentiellement à un gouvernement d’empêcher une personne de recevoir des informations que d’autres souhaitent ou sont prêts à communiquer (Jankovskis, précité, § 52, et Kalda, précité, § 42).

31. Elle note que, dans la présente affaire, le requérant se plaint non pas du refus des autorités de lui communiquer certaines informations mais de leur rejet de lui autoriser l’accès, en tant que détenu, aux informations qui auraient déjà été librement disponibles dans le domaine public, plus précisément sur certains sites Internet.

32. Elle rappelle à cet égard que, grâce à leur accessibilité ainsi qu’à leur capacité à conserver et à diffuser de grandes quantités de données, les sites Internet contribuent grandement à améliorer l’accès du public à l’actualité et, de manière générale, à faciliter la communication de l’information (Delfi AS c. Estonie [GC], no 64569/09, § 133, CEDH 2015, Ahmet Yıldırım c. Turquie, no 3111/10, § 48, CEDH 2012, et Times Newspapers Ltd c. Royaume-Uni (nos 1 et 2), nos 3002/03 et 23676/03, § 27, CEDH 2009).

33. Elle note en outre que, dans un certain nombre d’instruments du Conseil de l’Europe et dans d’autres instruments internationaux, la valeur de service public d’Internet et son importance pour la jouissance d’une série de droits de l’homme ont été reconnues (Kalda, précité, §§ 23-25. L’accès à Internet est de plus en plus considéré comme un droit et des appels ont été lancés pour que soient élaborées des politiques efficaces visant à assurer l’accès universel à Internet et à combler la « fracture numérique »). La Cour estime que ces développements reflètent le rôle important que joue Internet dans la vie quotidienne des personnes. En effet, un nombre croissant de services et d’informations ne sont disponibles que sur Internet (ibidem, § 52).

34. La Cour observe par ailleurs que l’emprisonnement entraîne inévitablement un certain nombre de restrictions concernant les communications des prisonniers avec le monde extérieur, y compris pour ce qui concerne leur capacité à recevoir des informations. Elle rappelle avoir déjà considéré à cet égard que l’article 10 de la Convention ne pouvait être interprété comme imposant une obligation générale de fournir aux détenus un accès à Internet ou à des sites Internet spécifiques (Kalda, précité, § 45).

35. Cela étant, dans l’affaire Kalda précitée, elle a jugé que, étant donné que l’accès à certains sites Internet contenant des informations juridiques était déjà accordé à des détenus par le droit estonien, la restriction de leur accès à d’autres sites Internet qui contenaient également des informations juridiques constituait une ingérence dans l’exercice par le requérant de son droit à recevoir des informations (Kalda, précité, § 45). Elle a également estimé dans l’affaire Jankovskis précitée que, puisque l’accès des détenus aux informations relatives à l’éducation était prévu en droit lituanien, la restriction de l’accès du requérant au site Internet auquel le ministère l’avait renvoyé en réponse à sa demande d’information constituait une ingérence dans l’exercice par l’intéressé de son droit de recevoir des informations (Jankovskis, précité, § 55).

36. La Cour note que, en l’espèce, le droit turc prévoit l’accès des détenus à Internet dans le cadre de programmes de formation et de réinsertion (paragraphes 14 et 15 ci-dessus). Elle note ensuite que le requérant a demandé aux autorités pénitentiaires de l’autoriser à accéder aux sites Internet de la Cour, de la Cour constitutionnelle et du Journal officiel afin de pouvoir consulter les arrêts et décisions récents de ces deux juridictions en vue de préparer sa propre défense et de suivre les affaires de ses clients (paragraphe 6 ci-dessus), et que cette demande a été rejetée par les autorités pénitentiaires (paragraphe 7 ci-dessus).

37. La Cour considère que, quels que soient les motifs spécifiques indiqués par le requérant à l’appui de sa demande d’accès à Internet, il ne pouvait pas être exclu que cette demande relevait également et incontestablement des buts de formation et de réinsertion justifiant l’accès à Internet des détenus selon la législation interne, étant donné, notamment, le métier d’avocat du requérant et la nature des trois sites Internet auquel celui-ci voulait accéder. Elle tient à noter à cet égard qu’un grand nombre de ses arrêts et décisions ainsi que de ceux de la Cour constitutionnelle ne sont disponibles qu’en ligne et nécessite une navigation et une recherche sur les sites Internet concernés.

38. Par conséquent, la Cour estime que, puisque l’accès des détenus à certains sites Internet dans des buts de formation et de réinsertion était déjà prévu en droit turc, la restriction de l’accès du requérant aux sites Internet de la Cour, de la Cour constitutionnelle et du Journal officiel, qui ne contiennent que des informations juridiques de nature à servir le développement et la réhabilitation de l’intéressé dans le cadre de sa profession et de ses centres d’intérêt, constitue une ingérence dans l’exercice du droit du requérant à recevoir des informations (Kalda, précité, § 45).

b) Justification de l’ingérence

39. Pareille ingérence emporte violation de l’article 10 de la Convention, sauf si elle est « prévue par la loi », vise un ou plusieurs des buts légitimes énumérés au paragraphe 2 dudit article et peut passer pour « nécessaire dans une société démocratique ».

40. La Cour observe qu’il ne prête pas à controverse entre les parties que l’ingérence litigieuse était prévue par la loi, à savoir l’article 67 § 3 de la loi no 5275 (paragraphe 14 ci-dessus) et l’article 90 § 3 du règlement (paragraphe 15 ci-dessus) et qu’elle poursuivait les buts légitimes de la défense de l’ordre et de la prévention du crime.

41. Quant à la nécessité de l’ingérence, la Cour rappelle les principes découlant de sa jurisprudence en matière de liberté d’expression, lesquels sont résumés notamment dans les arrêts Bédat c. Suisse ([GC], no 56925/08, § 48, 29 mars 2016) et Kula c. Turquie (no 20233/06, §§ 45 et 46, 19 juin 2018).

42. Elle observe que, en l’espèce, la demande d’accès du requérant aux sites Internet de la Cour, de la Cour constitutionnelle et du Journal officiel a été rejetée par l’administration pénitentiaire, qui a seulement invoqué l’article 90 §§ 3 et 4 du règlement pour considérer, dans sa décision de rejet, que la demande de l’intéressé était inappropriée.

43. La Cour relève à cet égard que c’est aux juridictions nationales qu’il appartenait de vérifier si les motifs invoqués par les autorités nationales pour justifier la mesure litigieuse apparaissaient comme « pertinents et suffisants » dans les circonstances de l’affaire. Elle estime donc que, pour apprécier si la nécessité de la mesure litigieuse a été établie de manière convaincante dans la présente affaire, elle doit essentiellement prêter attention à la motivation retenue par le juge national lorsqu’il a examiné l’opposition introduite par l’intéressé contre cette mesure (Kaos GL c. Turquie, no 4982/07, § 57, 22 novembre 2016, et Saygılı et Karataş c. Turquie, no 6875/05, § 34, 16 janvier 2018).

44. La Cour note à cet égard que le juge de l’exécution, en rejetant l’opposition formée par le requérant contre la décision de l’administration pénitentiaire, a relevé que, en vertu de l’article 67 §§ 3 et 4 de la loi no 5275 et de l’article 90 §§ 3 et 4 du règlement, l’accès des détenus à Internet n’était possible que dans le cadre de programmes de formation et de réinsertion (paragraphe 9 ci-dessus). La cour d’assises a, à son tour, rejeté l’opposition formée par le requérant contre la décision du juge de l’exécution, en indiquant seulement que cette décision et sa motivation étaient conformes à la procédure et à la loi (paragraphe 11 ci-dessus). La Cour constitutionnelle, quant à elle, dans sa décision d’irrecevabilité du recours individuel du requérant, a considéré que l’accès à Internet de l’intéressé n’avait pas été complètement annulé ou restreint étant donné que cet accès restait possible dans le cadre de programmes de formation et de réinsertion, et que le rejet de la demande du requérant d’accéder à Internet poursuivait les buts légitimes du maintien de l’ordre et de la sécurité dans l’établissement pénitentiaire et de la prévention du crime (paragraphe 13 ci-dessus).

45. Procédant à une analyse des décisions des juridictions internes rendues par les autorités nationales en l’espèce, la Cour constate que ces autorités semblent se fonder essentiellement sur l’article 67 §§ 3 et 4 de la loi no 5275 et sur l’article 90 §§ 3 et 4 du règlement pour restreindre l’accès du requérant aux sites Internet en question. Cependant, elle relève que les autorités nationales n’apportent pas d’explications suffisantes sur les questions de savoir pourquoi l’accès du requérant aux sites Internet de la Cour, de la Cour constitutionnelle et du Journal officiel ne pouvait pas être considéré comme relevant de la formation et de la réinsertion de l’intéressé, dans quel cas l’accès à Internet des détenus est autorisé par les dispositions susmentionnées, et de savoir si et pourquoi le requérant devait être considéré comme un détenu présentant une certaine dangerosité ou appartenant à une organisation illégale à l’égard duquel l’accès à Internet pouvait être restreint en vertu des mêmes dispositions.

46. La Cour observe en outre que ni les autorités ni le Gouvernement n’expliquent pourquoi la mesure litigieuse, dans les circonstances particulières de la présente affaire, était nécessaire eu égard aux buts légitimes du maintien de l’ordre et de la sécurité de l’établissement pénitentiaire et de la prévention du crime. Elle note à cet égard que les dispositions nécessaires à l’utilisation d’Internet par les détenus sous le contrôle des autorités pénitentiaires avaient en tout état de cause été prises dans le cadre de programmes de formation et de réinsertion. Même si les considérations sécuritaires invoquées par les autorités nationales devaient être considérées comme pertinentes, la Cour relève que les juridictions nationales n’ont pas procédé à une analyse détaillée des risques de sécurité qui auraient résulté de l’accès du requérant aux trois sites Internet susmentionnés, d’autant plus qu’il s’agissait de sites Internet d’autorités étatiques et d’une organisation internationale et que le requérant aurait accédé seulement à ces sites Internet sous contrôle des autorités et dans les conditions que ces dernières auraient déterminées (voir, mutatis mutandis, Kalda, précité, § 53).

47. Eu égard à ce qui précède, la Cour estime que le Gouvernement n’a pas démontré que les motifs invoqués par les autorités nationales pour justifier la mesure incriminée étaient pertinents et suffisants ni que celle-ci était nécessaire dans une société démocratique.

48. Partant, il y a eu violation de l’article 10 de la Convention.

2. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

49. Aux termes de l’article 41 de la Convention :

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

1. Dommage

50. Le requérant demande 1 500 euros (EUR) au titre du dommage moral qu’il estime avoir subi.

51. Le Gouvernement considère qu’il n’y a pas de lien de causalité entre la demande présentée au titre du dommage moral et la violation alléguée. Il soutient en outre que cette demande est non étayée et excessive et qu’elle ne correspond pas aux montants accordés dans la jurisprudence de la Cour.

52. La Cour octroie au requérant l’intégralité du montant demandé pour dommage moral.

2. Frais et dépens

53. Le requérant réclame 2 500 EUR pour les frais de représentation devant la Cour. Il demande également 243,80 livres turques (TRY) (environ 76 EUR à la date pertinente) pour les frais de procédure devant la Cour constitutionnelle et 29,90 TRY (environ 7 EUR à la date pertinente) pour les frais postaux. Il présente à cet égard une convention d’honoraires d’avocat signée entre lui et son avocat, un reçu relatif aux frais de procédure ainsi qu’un reçu postal.

54. Le Gouvernement soutient que les montants sollicités au titre des frais et dépens sont non étayés et excessivement élevés et que le requérant n’a pas soumis de justificatif de paiement à l’appui de ces demandes.

55. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce, compte tenu des documents en sa possession et des critères susmentionnés, la Cour juge raisonnable d’allouer au requérant la somme de 2 000 EUR tous frais confondus, plus tout montant pouvant être dû sur cette somme à titre d’impôt.

3. Intérêts moratoires

56. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Déclare, la requête recevable ;
2. Dit, qu’il y a eu violation de l’article 10 de la Convention ;
3. Dit,

a) que l’État défendeur doit verser au requérant, dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes, à convertir dans la monnaie de l’État défendeur au taux applicable à la date du règlement :

1. 1 500 EUR (mille cinq cents euros), plus tout montant pouvant être dû sur cette somme à titre d’impôt, pour dommage moral ;
2. 2 000 EUR (deux mille euros), plus tout montant pouvant être dû sur cette somme par le requérant à titre d’impôt, pour frais et dépens ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

4. Rejette, le surplus de la demande de satisfaction équitable.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 9 février 2021, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Hasan BakırcıJon Fridrik Kjølbro
Greffier adjointPrésident


Type d'affaire : au principal et satisfaction équitable
Type de recours : Violation de l'article 10 - Liberté d'expression-{général} (Article 10-1 - Liberté de recevoir des informations);Préjudice moral - réparation (Article 41 - Préjudice moral;Satisfaction équitable)

Parties
Demandeurs : RAMAZAN DEMİR
Défendeurs : TURQUIE

Références :

Composition du Tribunal
Avocat(s) : MOLU B.

Origine de la décision
Formation : Cour (deuxiÈme section)
Date de la décision : 09/02/2021
Date de l'import : 11/02/2021

Fonds documentaire ?: HUDOC


Numérotation
Numéro d'arrêt : 001-207804

Source

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