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17/03/2020 | CEDH | N°001-201750

CEDH | CEDH, AFFAIRE ZHIDOV ET AUTRES c. RUSSIE, 2020, 001-201750


TROISIÈME SECTION

AFFAIRE ZHIDOV ET AUTRES c. RUSSIE

(Requêtes nos 54490/10 et 3 autres – voir liste en annexe)


ARRÊT
(Satisfaction équitable)

Art 41 • Satisfaction équitable • Demandes d’indemnisation du dommage matériel rejetées • Octroi d’une somme au titre du préjudice moral

STRASBOURG

17 mars 2020

DÉFINITIF

07/09/2020

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Zhidov et autres c. Rus

sie,

La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une Chambre composée de :

Paul Lemmens, président,
Georgios A. Serg...

TROISIÈME SECTION

AFFAIRE ZHIDOV ET AUTRES c. RUSSIE

(Requêtes nos 54490/10 et 3 autres – voir liste en annexe)

ARRÊT
(Satisfaction équitable)

Art 41 • Satisfaction équitable • Demandes d’indemnisation du dommage matériel rejetées • Octroi d’une somme au titre du préjudice moral

STRASBOURG

17 mars 2020

DÉFINITIF

07/09/2020

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Zhidov et autres c. Russie,

La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une Chambre composée de :

Paul Lemmens, président,
Georgios A. Serghides,
Dmitry Dedov,
Alena Poláčková,
María Elósegui,
Gilberto Felici,
Erik Wennerström, juges,

Stephen Phillips, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 25 février 2020,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouvent quatre requêtes (nos 54490/10, 1153/14, 2680/14 et 31636/14) dirigées contre la Fédération de Russie et dont six ressortissants de cet État (« les requérants ») ont saisi la Cour en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Par un arrêt du 16 octobre 2018 (« l’arrêt au principal »), la Cour a conclu à une violation de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention en ce qui concernait Mme Kastornova (requête no 1153/14) et Mme Vdovina et M. Vdovin (requête no 2680/14). Elle a jugé que l’injonction de démolition des biens immobiliers appartenant à ces trois requérants était contraire aux exigences de l’article précité (Zhidov et autres c. Russie, nos 54490/10 et 3 autres, 16 octobre 2018).

3. Par le même arrêt, la Cour a rayé du rôle la requête no 31636/14 en ce qu’elle avait été introduite par Mme Tikhonova, et elle a dit qu’il n’y avait pas eu violation de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention en ce qui concernait M. Zhidov (requête no 54490/10) et Mme Kosenko (requête no 31636/14).

4. Se fondant sur l’article 41 de la Convention, les requérants Mmes Kastornova et Vdovina et M. Vdovin réclamaient une satisfaction équitable pour les préjudices matériel et moral qu’ils estimaient avoir subis, ainsi que pour les frais et dépens qu’ils disaient avoir engagés.

5. Dans l’arrêt au principal, la Cour a rejeté la demande pour frais et dépens. La question de l’application de l’article 41 de la Convention ne se trouvant pas en état concernant les préjudices matériel et moral allégués, la Cour l’a réservée et a invité le Gouvernement et les requérants à lui soumettre par écrit, dans les six mois à compter du jour où l’arrêt deviendrait définitif, leurs observations sur cette question et notamment à lui donner connaissance de tout accord auquel ils pourraient aboutir (ibidem, § 135, et point 6 du dispositif).

6. Tant le Gouvernement que Mmes Kastornova et Vdovina ont déposé des observations, mais pas M. Vdovin.

EN DROIT

SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

7. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

1. Question préliminaire concernant M. Vdovin

8. La Cour note que le requérant M. Vdovin n’a pas présenté d’observations sur la satisfaction équitable et que Mme Vdovina n’a pas présenté d’observations au nom de celui-ci. Aussi considère-t-elle qu’il n’y a pas lieu de se prononcer sur l’article 41 de la Convention en ce qui concerne ce requérant.

2. Thèses des parties
1. Mmes Kastornova et Vdovina (requêtes nos 1153/14 et no 2680/14)

9. Mmes Kastornova et Vdovina allèguent que, du fait de la présence d’un gazoduc à proximité de leurs maisons, elles ont perdu depuis 2013 toute possibilité de jouir de leurs biens immobiliers. C’est pourquoi elles estiment que le seul moyen de redressement approprié serait le paiement d’une indemnité correspondant à la valeur de leurs biens assortie d’intérêts ainsi que le paiement d’une indemnité pour préjudice moral.

10. Mme Kastornova (requête no 1153/14) réclame ainsi les sommes suivantes :

– 9 205 000 roubles (RUB) pour la valeur de sa maison ;

– 2 737 500 RUB pour la valeur de sa parcelle ;

– 6 321 096 RUB au titre des intérêts applicables aux deux montants susmentionnés pour la période du 19 mars 2013 (date du prononcé du jugement du tribunal de la ville de Tchekhov ordonnant la démolition de sa maison) au 3 juin 2019 (date des observations de Mme Kastornova).

11. Mme Vdovina sollicite quant à elle les sommes suivantes :

– 5 021 600 RUB pour la valeur de sa maison ;

– 2 931 600 RUB pour la valeur de sa parcelle ;

– 4 209 089 RUB au titre des intérêts applicables aux deux montants susmentionnés pour la même période que celle figurant dans la demande de Mme Kastornova.

12. À l’appui de leurs prétentions, les deux requérantes fournissent des rapports estimatifs des biens immobiliers et des tableaux de calcul des intérêts.

13. Enfin, elles réclament chacune 3 000 000 RUB (soit 41 190 euros (EUR)) au titre du préjudice moral qu’elles estiment avoir subi du fait de la violation de leurs droits.

2. Le Gouvernement

14. Le Gouvernement indique dans ses observations du 18 septembre 2019 que le jugement rendu par le tribunal de la ville de Tchekhov le 19 mars 2013 ordonnant la démolition n’a pas été exécuté et que la destination des parcelles des requérantes – construction individuelle et production agricole personnelle – est restée inchangée. À l’appui de ses allégations, il fournit deux comptes rendus d’inspections réalisées le 18 juillet 2019 par les autorités municipales sur les parcelles des requérantes. Ces inspections avaient selon lui permis de constater la présence de différents immeubles sur les parcelles en question.

15. Le Gouvernement conclut que les biens immobiliers des requérantes n’ont subi aucune atteinte et que les intéressées peuvent continuer à en user. C’est pourquoi il invite la Cour à rejeter les demandes de réparation d’un préjudice matériel.

16. Par ailleurs, il considère que les demandes formulées pour préjudice moral sont non-étayées.

3. Le droit interne pertinent

17. Selon l’article 21 § 1 de la loi fédérale du 2 octobre 2007 no 229‑FZ relative aux procédures d’exécution, les titres exécutoires délivrés sur le fondement de décisions de justice peuvent être présentés aux fins de l’exécution dans le délai de trois ans à compter du jour où la décision de justice est devenue définitive.

4. Appréciation de la Cour

18. La Cour rappelle que les biens immobiliers des requérantes ont été qualifiés de « constructions illégales » et que leur démolition sans indemnisation a été ordonnée (paragraphes 5 et 32 de l’arrêt au principal). Elle a constaté une violation de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention dans le chef des requérantes du fait que les autorités n’ont pas ménagé un juste équilibre entre les exigences de l’intérêt public et la nécessité de protéger le droit de propriété (paragraphe 114 de l’arrêt au principal).

19. Elle rappelle qu’il doit y avoir un lien de causalité entre le dommage matériel allégué par le requérant et la violation de la Convention (voir, par exemple, O’Keeffe c. Irlande [GC], no 35810/09, § 201, CEDH 2014 (extraits)). En l’espèce, elle note que les immeubles des requérantes n’ont pas été démolis, et qu’il n’a pas été prouvé que, après que le jugement du tribunal de Tchekhov ordonnant les démolitions est devenu définitif, les titres de propriété des intéressées ont été rayés du registre unifié des biens immobiliers, ou encore que celles-ci ont été empêchées en pratique de jouir de leurs biens. Ainsi, elle ne peut que constater l’absence de tout préjudice matériel réel subi par les requérantes du fait de la violation constatée.

20. En outre, compte tenu du fait que le délai de trois ans pour demander l’exécution du jugement précité du 19 mars 2013 est expiré depuis longtemps (paragraphe 17 ci-dessus) et qu’aucune tentative d’exécution de celui-ci n’a été alléguée, la Cour estime fortement improbable que ce jugement puisse être exécuté dans le futur.

21. Eu égard à ce qui précède, la Cour rejette les demandes d’indemnisation du préjudice matériel.

22. En revanche, elle considère que les requérantes ont subi un préjudice moral certain du fait de la violation constatée. Estimant que les demandes formulées à ce titre sont excessives et statuant en équité, comme le veut l’article 41 de la Convention, elle décide d’allouer 2 000 EUR à chacune des requérantes pour dommage moral.

23. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Dit

a) que l’État défendeur doit verser aux requérantes pour dommage moral, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les montants suivants, à convertir dans la monnaie de l’État défendeur au taux applicable à la date du règlement :

1. 2 000 EUR (deux mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt sur cette somme, à Mme Kastornova (requête no 1153/14) ;
2. 2 000 EUR (deux mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt sur cette somme, à Mme Vdovina (requête no 2680/14) ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

2. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 17 mars 2020, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Stephen PhillipsPaul Lemmens
GreffierPrésident

ANNEXE

No

|

Requête No

|

Introduite le

|

Requérant

Date de naissance

Lieu de résidence

|

Représenté par

---|---|---|---|---

1.
|

54490/10

|

30/07/2010

|

Viktor Aleksandrovich ZHIDOV

20/10/1944

Penza

|

Olga Valentinovna VYKHRISTYUK

2.
|

1153/14

|

12/12/2013

|

Valentina Alekseyevna KASTORNOVA

12/06/1947

Orel

|

Sergey Aleksandrovich KNYAZKIN

3.
|

2680/14

|

28/12/2013

|

Yevdokiya Mikhaylovna VDOVINA

11/03/1960

Tchekhov

Vladimir Viktorovich VDOVIN

05/08/1959

Tchekhov

|

Sergey Aleksandrovich KNYAZKIN

4.
|

31636/14

|

14/04/2014

|

Lyudmila Viktorovna KOSENKO

25/03/1961

Tcheliabinsk

Yuliya Anatolyevna TIKHONOVA

22/09/1984

Tcheliabinsk

|

Aleksandr Petrovich TSELYKH


Synthèse
Formation : Cour (troisiÈme section)
Numéro d'arrêt : 001-201750
Date de la décision : 17/03/2020
Type d'affaire : satisfaction équitable
Type de recours : Dommage - demande rejetée (Article 41 - Dommage matériel;Satisfaction équitable);Préjudice moral - réparation (Article 41 - Préjudice moral;Satisfaction équitable)

Parties
Demandeurs : ZHIDOV ET AUTRES
Défendeurs : RUSSIE

Composition du Tribunal
Avocat(s) : VYKHRISTYUK O.V. ; KNYAZKIN S.A. ; TSELYKH A.P.

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2021
Fonds documentaire ?: HUDOC

Source

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