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24/07/2018 | CEDH | N°001-185280

CEDH | CEDH, AFFAIRE NEGREA ET AUTRES c. ROUMANIE, 2018, 001-185280


QUATRIÈME SECTION

AFFAIRE NEGREA ET AUTRES c. ROUMANIE

(Requête no 53183/07)

ARRÊT

STRASBOURG

24 juillet 2018

DÉFINITIF

24/10/2018

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Negrea et autres c. Roumanie,

La Cour européenne des droits de l’homme (quatrième section), siégeant en une chambre composée de :

Ganna Yudkivska, présidente,
Vincent A. De Gaetano,
Paulo Pinto de Albuquerque,
Faris

Vehabović,
Egidijus Kūris,
Iulia Motoc,
Georges Ravarani, juges,
et de Marialena Tsirli, greffière de section,

Après en avoir délibéré en ch...

QUATRIÈME SECTION

AFFAIRE NEGREA ET AUTRES c. ROUMANIE

(Requête no 53183/07)

ARRÊT

STRASBOURG

24 juillet 2018

DÉFINITIF

24/10/2018

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Negrea et autres c. Roumanie,

La Cour européenne des droits de l’homme (quatrième section), siégeant en une chambre composée de :

Ganna Yudkivska, présidente,
Vincent A. De Gaetano,
Paulo Pinto de Albuquerque,
Faris Vehabović,
Egidijus Kūris,
Iulia Motoc,
Georges Ravarani, juges,
et de Marialena Tsirli, greffière de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 3 juillet 2018,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 53183/07) dirigée contre la Roumanie et dont six ressortissantes de de cet État, Mmes Victoria‑Paula Negrea (« la première requérante »), Didica Moldovan (« la deuxième requérante »), Adriana-Paula Lakatos née Boros (« la troisième requérante »), Rita-Cosmina Rostaș née Ciurar (« la quatrième requérante »), Julieta-Lenuța Lăcătuș (« la cinquième requérante ») et Dorina-Ramona Rostaș (« la sixième requérante »), ont saisi la Cour le 28 novembre 2007 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Les requérantes ont été représentées par le Centre européen pour les droits des Roms sis à Budapest (« l’ERRC ») et par Me L. F. Labo, avocate à Cluj-Napoca. Le gouvernement roumain (« le Gouvernement ») a été représenté par son agente, Mme C. Brumar, du ministère des Affaires étrangères.

3. Les requérantes allèguent en particulier avoir subi une discrimination indirecte, fondée principalement sur leur appartenance à l’ethnie rom, dans leur droit de recevoir des allocations pour leurs enfants. Elles dénoncent également la durée de leur plainte pénale avec constitution de partie civile et l’absence, au niveau interne, de recours efficaces pour dénoncer tant la discrimination indirecte dont elles s’estiment victimes que la durée de la plainte pénale avec constitution de partie civile.

4. Le 19 mai 2014, les griefs tirés de l’article 14 de la Convention, combiné avec les articles 8 et 13 de la Convention et avec l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention, ainsi que de l’article 6 § 1 de la Convention, pris seul et en combinaison avec l’article 13 de la Convention, ont été communiqués au Gouvernement. La requête a été déclarée irrecevable pour le surplus conformément à l’article 54 § 3 du règlement de la Cour.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

5. Les requérantes, appartenant toutes à l’ethnie rom, sont nées respectivement en 1971, 1974, 1980, 1985, 1986 et 1981 et résident à Frata.

A. Les demandes des requérantes pour bénéficier de l’allocation accordée à la mère pour un nouveau-né

6. Les dispositions légales en vigueur à l’époque prévoyaient l’octroi de différents droits sociaux, comme l’allocation accordée à la mère pour un nouveau-né (alocaţia pentru nou-născuţi), prévue par l’article 25 de la loi no 416/2001 relative au revenu minimum garanti (« la loi no 416/2001 »), et l’allocation pour enfant (alocaţia de stat pentru copii), prévue par la loi no 61/1993 relative à l’allocation d’État pour enfant. L’allocation pour nouveau-né devait être demandée dans un délai de six mois à compter de la naissance de l’enfant. L’allocation pour enfant devait être sollicitée dans un délai d’un an à compter de la naissance de l’enfant.

7. Les requérantes vivaient à l’époque des faits en union libre avec leurs partenaires. Entre 2001 et 2003, elles donnèrent chacune naissance à un enfant. Ces enfants nés hors mariage civil furent reconnus légalement par leurs pères respectifs.

8. Le 7 juin 2002 fut publié au journal Curierul național un entretien accordé par N.P., un député d’ethnie rom qui avait initié un projet de loi portant sur l’union consensuelle. Selon cet entretien, le projet de loi s’adressait à toutes les catégories sociales. Dans le même article, N.P. relevait que les jeunes du pays âgés de 18 à 30 ans vivaient de plus en plus en concubinage et notait que 20 % de la population adulte du pays faisait de même. Il ajoutait que ce projet de loi visait également à réglementer la situation des Roms qui avaient contracté un mariage fondé sur une entente entre leurs parents, concrétisée par des fiançailles religieuses, et non pas sur des documents officiels. N.P. indiquait que le projet de loi visait à inciter les jeunes Roms et Roumains à adopter une « façon de vivre normale et civilisée ».

1. La version des requérantes

a) La situation des cinq premières requérantes

9. Les cinq premières requérantes présentèrent oralement des demandes à la mairie de Frata (« la mairie ») pour bénéficier, parmi d’autres, de l’allocation accordée à la mère pour un nouveau-né et de l’allocation pour enfant. À leurs dires, la secrétaire de la mairie, S.L., considérant que les dossiers des intéressées étaient incomplets, refusa d’enregistrer leurs demandes. Elle estima que les cinq premières requérantes n’avaient pas prouvé être mariées avec le père de leur enfant ni, le cas échéant, avoir engagé une action contre le père aux fins de condamnation de celui-ci au versement d’une pension alimentaire. Ces conditions imposées par S.L. n’étaient pas prévues par les dispositions légales en vigueur régissant l’attribution des allocations sollicitées (paragraphe 44 ci-dessous).

10. Par la suite, trois des cinq premières requérantes se marièrent et les deux autres engagèrent des actions civiles contre leur partenaire. Après avoir obtenu des preuves de ces actes, les cinq premières requérantes s’adressèrent à nouveau à la mairie pour se voir accorder l’allocation pour nouveau-né et l’allocation pour enfant. S.L. refusa d’enregistrer les demandes ainsi formulées quant à l’allocation pour nouveau-né, au motif qu’elles étaient tardives, le délai prévu par la loi étant selon elle déjà dépassé (paragraphe 6 ci-dessus). En revanche, S.L. enregistra leurs demandes concernant l’allocation pour enfant, allocation qui fut versée rétroactivement aux intéressées.

b) La situation de la sixième requérante

11. La sixième requérante demanda oralement à la mairie l’octroi de l’allocation pour nouveau-né. S.L. refusa d’enregistrer sa demande au motif que la loi no 416/2001 ne lui était pas applicable, son enfant étant né avant l’entrée en vigueur de ladite loi.

2. La version du Gouvernement

12. Se fondant sur les constats des juridictions internes (paragraphes 27 et 37 à 39 ci-dessous), le Gouvernement indique que les requérantes n’ont pas pu bénéficier des allocations sollicitées au motif qu’elles ne remplissaient pas certaines des conditions prévues par la loi, par exemple le lieu de domicile de la mère ou le respect du délai prévu par la loi pour demander de telles allocations, et non en raison de l’imposition de conditions arbitraires.

B. La médiatisation de l’affaire

13. Une chaîne de télévision locale fut informée des faits exposés ci‑dessus. À la demande de cette chaîne de télévision, une représentante de la Direction pour le dialogue, la famille et la solidarité sociale de Cluj‑Napoca (« la D.D.F.S. »), G.M., se déplaça à Frata. Après avoir discuté avec S.L., G.M. déclara à la chaîne de télévision que le fait d’imposer aux demandeurs de l’allocation de prouver qu’ils étaient mariés pour bénéficier des allocations pour nouveau-né était « surprenant » dans la mesure où, selon elle, ce droit était accordé à l’enfant et non à ses parents.

14. Le 24 avril 2003, un article intitulé « La secrétaire d’une mairie accusée d’avoir méconnu les droits de l’enfant » parut dans un journal local.

15. Le 12 octobre 2004, l’avocate représentant les requérantes dans la procédure pénale engagée entre-temps par les intéressées contre S.L. et S.I., maire de Frata (paragraphe 16 ci-dessous), demanda à la D.D.F.S. de l’informer des faits constatés à Frata. Par une lettre du 19 octobre 2004, G.M. informa l’avocate des requérantes qu’elle s’était déplacée à Frata à la demande d’une chaîne de télévision qui avait été informée du problème concernant l’octroi des allocations à des enfants nouveau-nés. Dans ladite lettre, G.M. indiquait ensuite qu’elle avait constaté lors de son déplacement que « les mécontentements de certaines mères (...) étaient fondés ». Elle exposait que les demandes d’allocation pour nouveau-né de ces mères n’avaient pas été enregistrées au motif que les intéressées n’auraient pas rempli la condition de mariage, et que la secrétaire de la mairie leur avait conseillé de présenter les certificats attestant de leur mariage. G.M. expliquait que les démarches faites par ces mères afin d’obtenir ce document s’étaient avérées trop longues et qu’elles n’avaient pas pu bénéficier de l’allocation en cause, qui était octroyée à l’enfant jusqu’à l’âge de six mois. G.M. ajoutait que S.L. « n’avait pas compris et n’avait pas retenu correctement les dispositions de la loi no 416/2001 (...) ce qui avait mené au final à la perte d’un droit (...) ».

C. La plainte pénale contre S.L. et S.I.

16. Le 16 juillet 2003, les requérantes, assistées par une avocate, saisirent le parquet près le tribunal de première instance de Turda (« le parquet ») d’une plainte pénale contre S.L. et le maire de Frata, S.I., du chef d’abus de fonction. Elles alléguaient principalement que, aux fins d’octroi des allocations sociales sollicitées, S.L. leur avait imposé une condition arbitraire – le mariage ou la poursuite en justice de leurs compagnons – ce qui avait eu pour conséquence de changer leur mode de vie traditionnel, à savoir la vie en union libre. Elles indiquaient qu’elles entendaient se constituer parties civiles afin de demander réparation du préjudice subi en raison du refus de S.L. d’enregistrer leurs demandes.

17. Entendue par le parquet le 21 octobre 2003, la sixième requérante indiqua qu’elle avait reçu la totalité des droits sollicités, qu’elle n’avait pas demandé l’allocation accordée à la mère pour un nouveau-né et qu’elle n’entendait pas formuler de plainte contre S.I. et S.L. La sixième requérante ne sachant ni lire ni écrire, cette déclaration fut écrite par l’un des enquêteurs. L’intéressée recopia à la fin de la déclaration « c’est tout ce que je déclare, affirme et signe après lecture » et apposa sa signature.

18. Le 10 mars 2004, interrogée en présence de son avocat, la sixième requérante se plaignit de ne pas avoir pu obtenir l’allocation pour nouveau-né en raison du comportement de S.L. et demanda réparation de son préjudice équivalent au montant de l’allocation. Elle déclara qu’elle ne savait ni lire ni écrire.

19. Le 18 mai 2004, le parquet rendit un non-lieu en faveur de S.L.

20. Sur contestation des requérantes, par un jugement du 26 octobre 2004, le tribunal de première instance de Turda (« le tribunal de première instance ») cassa la décision de non-lieu (paragraphe 19 ci-dessus) et renvoya l’affaire au parquet afin que celui-ci menât également une enquête à l’égard de S.I.

21. Par la suite, le parquet décida l’abandon des poursuites entamées à l’égard des mis en cause. Cette décision fut cassée par les tribunaux, sur contestation des requérantes, pour que l’enquête soit reprise, étant donné que le non-lieu avait été rendu par un procureur qui n’était pas compétent pour trancher l’affaire. Par la suite, sur contestation des requérantes, un autre non-lieu rendu dans l’affaire fut cassé par un arrêt définitif du 17 octobre 2007 du tribunal départemental de Cluj-Napoca, au motif que la décision antérieurement rendue était « lapidaire et superficielle » et qu’elle n’était pas fondée sur un examen effectif des preuves. Par un jugement du 31 mars 2008, le tribunal de première instance jugea qu’il convenait de renvoyer l’affaire au parquet afin d’engager des poursuites pénales à l’encontre de S.L. et S.I. Le 20 octobre 2008, le dossier fut transféré à la police de Frata, chargée de poursuivre l’enquête. Dans un procès-verbal dressé le 18 août 2009, la police constata que G.M., qu’elle avait l’intention d’interroger, était décédée.

22. Le 14 avril 2011, le parquet saisi de l’affaire cessa les poursuites pénales à l’égard de S.L. et de S.I.

23. Le Gouvernement a versé au dossier un document écrit attestant que le non-lieu du 14 avril 2011 avait été transmis aux requérantes par lettre recommandée avec accusé de réception. Ces dernières soutiennent n’avoir eu connaissance de la décision de non-lieu qu’en mars 2012, à la suite de leurs propres démarches entamées à cette fin, et n’avoir obtenu une copie de ladite décision qu’en mars 2013.

24. Les requérantes ne contestèrent ni le non-lieu ni le défaut allégué de communication de la décision de non-lieu auprès du procureur hiérarchiquement supérieur comme le prévoyait l’article 278 du code de procédure pénale en vigueur à l’époque des faits.

D. La procédure visant à constater une discrimination

1. La procédure devant le Conseil national pour la lutte contre la discrimination

25. Entre-temps, le 14 juillet 2003, assistées par une avocate, les requérantes saisirent le Conseil national pour la lutte contre la discrimination (« le CNCD ») d’une plainte pour discrimination. Elles soutenaient avoir été victimes d’une discrimination indirecte de la part de S.L., considérant que celle-ci leur avait imposé, aux fins d’obtention du bénéfice des allocations sollicitées, une condition illégale – celle du mariage – qui portait atteinte à leur mode de vie traditionnel, à savoir la vie de couple en union libre.

26. Le 18 mai 2004, le CNCD envoya à Frata une délégation pour enquêter sur les allégations de discrimination formulées par les requérantes. Les membres de la délégation interrogèrent S.L., qui nia les faits reprochés. Cette dernière établit sur-le-champ une liste des familles de Frata qui avaient reçu des allocations au cours des années 2002, 2003 et 2004, parmi lesquelles se trouvaient également des familles roms. La délégation ne rencontra pas les requérantes.

27. Par une décision du 8 juin 2004, se fondant sur la déclaration de S.L. et sur des documents écrits examinés à la mairie, le CNCD constata que les faits dénoncés par les requérantes ne constituaient pas un acte de discrimination au sens de l’ordonnance du gouvernement no 137/2000 sur la prévention et la sanction de toute forme de discrimination (« l’O.G. no 137/2000 » ; paragraphe 41 ci-dessous). Il releva que les demandes des cinq premières requérantes avaient été rejetées au motif qu’elles ne remplissaient pas les conditions prévues par la loi (soit quant au domicile de la mère, soit quant au délai pour faire la demande) et que celle de la sixième requérante avait été rejetée au motif que la loi n’était pas applicable à sa situation.

28. Le 3 août 2004, les requérantes formèrent une contestation (reclamație administrativă) contre la décision du CNCD auprès du Collège de direction (Colegiul director) du CNCD. Celle-ci resta sans réponse.

2. La procédure devant les instances judiciaires

29. Faute de réponse à leur contestation contre la décision du CNCD (paragraphe 28 ci-dessus), le 25 octobre 2004, les requérantes saisirent la cour d’appel de Cluj-Napoca (« la cour d’appel ») d’une action en contentieux administratif contre le CNCD. Elles demandaient l’annulation de la décision du CNCD du 8 juin 2004 (paragraphe 27 ci-dessus). Elles justifiaient leur intérêt à engager la présente action par la nécessité de faire constater la discrimination subie par elles relativement à l’obtention de certains droits sociaux, afin de pouvoir se voir octroyer des dédommagements matériels et moraux pour le préjudice qu’elles estimaient avoir subi.

30. Les requérantes soutenaient que le refus de S.L. d’enregistrer leurs demandes, en leur imposant une condition arbitraire qu’elle aurait elle‑même inventée, était en réalité fondé sur leur appartenance à l’ethnie rom et à leur statut de femmes non mariées. Elles se plaignaient d’avoir ainsi fait l’objet d’une discrimination fondée sur l’ethnie, le sexe et l’état matrimonial. Elles exposaient que, à la mairie de Frata, les formulaires de demande d’allocation se trouvaient dans le bureau de S.L. et non à la disposition du public. Elles ajoutaient que S.L. remplissait elle-même les formulaires et qu’elle refusait de le faire et d’enregistrer la demande si elle estimait que les conditions prévues par la loi n’étaient pas remplies.

31. Des témoins proposés par les requérantes et par le CNCD furent interrogés. Les témoins proposés par les requérantes déclarèrent qu’ils n’étaient pas présents lors des refus d’enregistrement opposés par S.L. aux requérantes concernant les demandes d’allocation de ces dernières, mais qu’ils avaient entendu les intéressées dire que S.L. leur avait imposé le mariage comme condition pour bénéficier des allocations sollicitées.

32. S.L. fut entendue. Elle présenta la situation de chacune des requérantes et les raisons qui justifiaient, selon elle, le refus de leur octroyer l’allocation demandée, tout en indiquant qu’à aucun moment elle n’avait conditionné leur droit à l’allocation à leur état matrimonial. Elle reconnut qu’elle n’enregistrait pas les dossiers incomplets mais indiqua qu’elle faisait de même pour tous les membres de la communauté locale.

33. Les requérantes versèrent au dossier la réponse de la D.D.F.S. concernant les faits survenus à Frata (paragraphe 15 ci-dessus). Lors d’une audience tenue le 10 février 2005, se référant au contenu de cette réponse, les requérantes sollicitèrent de la cour d’appel qu’elle demande à la D.D.F.S. une note sur l’affaire et, subsidiairement, qu’elle cite G.M. à comparaître dans la procédure comme témoin.

34. La cour d’appel rejeta la demande des requérantes visant à obtenir une note de la D.D.F.S. au motif que G.M. ne s’était pas rendue à Frata dans l’exercice de sa fonction officielle afin d’effectuer un contrôle, mais à la demande d’une chaîne de télévision. Toutefois, elle fit droit à la demande des requérantes d’interroger G.M.

35. Lors de l’audience du 12 mai 2005, bien que légalement citée, G.M. ne se présenta pas devant la cour d’appel. Elle invoqua des urgences qu’elle aurait dû gérer sur son lieu de travail. La cour d’appel demanda à l’avocate des requérantes si elle estimait nécessaire, pour les besoins de l’affaire, de délivrer un mandat d’amener au nom de G.M. L’avocate répondit par la négative. Constatant que G.M. était dans l’impossibilité de se présenter au procès et que les requérantes n’insistaient pas pour qu’elle soit interrogée, la cour d’appel renonça à ce témoignage.

36. Des débats eurent lieu le 23 juin 2005. Les 30 juin et 6 juillet 2005 respectivement, les requérantes et le CNCD versèrent au dossier des conclusions écrites.

37. Par un arrêt du 7 juillet 2005, la cour d’appel rejeta l’action des requérantes. Elle estima que, en l’espèce, le CNCD avait mené une enquête complète et que la décision contestée était légale, dans la mesure où il ne ressortait pas avec certitude et sans équivoque des preuves examinées que les requérantes avaient été victimes d’une discrimination. La cour d’appel nota que la pratique de S.L. de ne pas enregistrer les dossiers qu’elle considérait incomplets, bien que non conforme à la loi no 416/2001, était appliquée à tous les demandeurs d’allocations.

38. La cour d’appel expliqua ensuite que les preuves versées au dossier, dont la plupart étaient des témoignages indirects, ne permettaient pas d’établir que les requérantes s’étaient vu imposer de fournir la preuve de leur mariage ou de l’engagement d’action contre le père de leurs enfants comme condition déterminante pour l’enregistrement de leurs demandes. De même, elle indiqua qu’il n’avait pas été démontré que les requérantes avaient dû prouver qu’elles étaient mariées alors que d’autres mères, se trouvant dans des situations similaires à celles des requérantes mais appartenant à une autre ethnie, ne se seraient pas vu imposer une telle condition. Selon la cour d’appel, les faits dénoncés ne constituaient pas une discrimination fondée sur l’ethnie ou sur l’état matrimonial ; ils étaient le résultat de la manière dont l’administration locale avait appliqué, le cas échéant de manière erronée, les normes légales en la matière.

39. La cour d’appel indiqua que le refus de l’octroi de l’allocation était donc fondé sur le non-respect des conditions imposées par la loi, refus qui était soumis au contrôle des tribunaux du contentieux administratif, lesquels pouvaient être saisis par toute personne qui s’estimait lésée dans ses droits.

40. Sur recours (recurs) des requérantes, par un arrêt définitif du 31 mai 2007, la Haute Cour de cassation et de justice (« la Haute Cour ») confirma le bien-fondé de l’arrêt rendu par la cour d’appel.

II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

1. Les dispositions légales en matière de discrimination

41. L’article 2 § 1 de l’O.G. no 137/2000 en vigueur à l’époque des faits était ainsi libellé :

« Selon la présente ordonnance, la discrimination concerne toute distinction, exclusion, restriction ou préférence, fondées sur la race, la nationalité, l’ethnie, (...) ou l’appartenance à une catégorie défavorisée, qui ont pour but ou pour effet la restriction ou l’élimination de la reconnaissance, de l’utilisation ou de l’exercice, dans des conditions d’égalité, des droits de l’homme et des libertés fondamentales ou des droits reconnus par la loi, dans le domaine public, économique, social et culturel ou dans tout autre domaine de la vie publique. »

42. L’article 21 § 4 de l’O.G. no 137/2000, modifié par la loi no 324/2006 publiée au Moniteur officiel no 626 du 20 juillet 2006, se lit ainsi en ses parties pertinentes en l’espèce :

« La personne intéressée a l’obligation de prouver l’existence des faits qui permettent de supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte et la personne contre laquelle l’action est engagée doit prouver que les faits ne constituent pas une discrimination. Devant l’instance de jugement, toute preuve peut être invoquée, y compris des enregistrements audio et vidéo et des données statistiques (...). »

2. Les dispositions internes concernant l’octroi des allocations

43. Dans sa version en vigueur à l’époque des faits, la loi no 416/2001 relative au revenu minimum garanti, publiée au Moniteur officiel du 20 juillet 2001 et entrée en vigueur le 1er janvier 2002, prévoyait dans son article 25 § 1 que les mères avaient le droit à une allocation pour chacun de leurs quatre premiers enfants nés vivants d’un montant de 1 400 000 lei roumains (ROL – environ 37 euros (EUR)). Selon l’article 30 de cette loi, toute décision concernant l’octroi ou le refus des droits prévus par ladite loi pouvait être contestée en contentieux administratif.

44. Selon les normes d’application de cette loi, la demande devait être enregistrée à la mairie du domicile de la mère. Les documents à fournir dans le cadre de la demande d’allocation étaient le certificat de naissance de l’enfant pour lequel l’allocation était sollicitée, la déclaration de la mère concernant le rang de l’enfant et, le cas échéant, les certificats de naissance des enfants nés antérieurement.

3. Les dispositions internes régissant l’action en responsabilité civile délictuelle

45. Les articles 998 et 999 du code civil régissant la responsabilité civile délictuelle à l’époque des faits, ainsi que des exemples de jurisprudence sont présentés dans l’affaire Vlad et autres c. Roumanie, (nos 40756/06, 41508/07 et 50806/07, §§ 64, 80-83 et 85, 26 novembre 2013).

46. Le Gouvernement a versé au dossier trois nouveaux exemples de jurisprudence : par des arrêts définitifs des 22 janvier, 10 juin et 1er octobre 2013, les juridictions internes, se fondant sur l’article 6 de la Convention et/ou sur les dispositions du code civil régissant la responsabilité civile délictuelle, ont accordé aux justiciables une réparation après avoir constaté la durée excessive de leur procédure devant les juridictions internes.

III. AUTRES SOURCES

47. D’octobre 2006 à 2007, la Fondation Soros et la Fondation pour une société ouverte (Foundation for an Open Society) ont réalisé une étude intitulée « Le baromètre pour l’intégration des Roms » (Barometrul incluziunii romilor 2007) pour constater les besoins de la population rom et la perception des Roms par la société. Des extraits de cette étude se lisent comme suit :

« (...) Le mariage

L’état matrimonial dépend étonnamment moins de l’origine ethnique, en particulier après l’âge de 30 ans. Pour ce qui est des personnes plus jeunes (18-29 [ans]), on constate que presque deux tiers de la population non rom n’est pas mariée alors que seulement un tiers des Roms ne sont pas mariés. Un autre tiers est engagé dans des relations de « concubinage » et non dans des mariages enregistrés. La partie des jeunes mariés officiellement est la même pour la population rom et non rom, à savoir un quart. Il se pourrait que la perception des relations stables avec des partenaires du sexe opposé soit différente pour les Roms et non-Roms jeunes et que, si tel est le cas, elle se traduise différemment dans les réponses de ces derniers au questionnaire. Par exemple, il est très probable qu’une partie de la population non rom impliquée dans une relation stable se considère comme étant « non mariée », alors que le même type de relation peut être décrit plus facilement par les Roms comme une situation de « concubinage », [les Roms] étant plus familiers de ce mot et de ce type de relation.

Dans toutes les autres catégories d’âge, nous voyons que la partie des mariages formels, plus celle des mariages non enregistrés officiellement est la même, quelle que soit l’origine ethnique : environ 90 % dans la catégorie d’âge 30-39 [ans], 85 % dans celle des 40-49 [ans] et 70 % dans celle de 50 [ans] et plus. La population non rom choisit plus souvent de formaliser ses relations stables, de sorte que la partie de la population concernée par le mariage non enregistré officiellement est plus élevée chez les Roms. (Tableau 1) (...)

Tableau 1. Il y a en ce moment... (%)

|

18-29 ans

|

30-39 ans

|

40-49 ans

|

50 ans et plus

---|---|---|---|---

Autre origine ethnique

|

Rom

|

Autre origine ethnique

|

Rom

|

Autre origine ethnique

|

Rom

|

Autre origine ethnique

|

Rom

Célibataire

(Necăsătorit)

|

68

|

33

|

8

|

3

|

4

|

4

|

3

|

1

Marié civilement

(Căsătorit cu acte)

|

24

|

26

|

78

|

57

|

78

|

61

|

68

|

55

Marié sans enregistrement officiel, concubinage

|

8

|

39

|

10

|

33

|

7

|

25

|

2

|

17

Divorcés, séparés

|

0

|

2

|

4

|

5

|

6

|

6

|

2

|

2

Veufs

|

0

|

0

|

0

|

2

|

5

|

5

|

26

|

25

Total

|

100

|

100

|

100

|

100

|

100

|

100

|

100

|

100

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48. Les points 26 et 27 des observations finales concernant la Roumanie du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes des Nations Unies, formulées le 2 juin 2006 (CEDAW/C/ROM/CO/6), font état d’une inquiétude à l’égard de la situation des femmes et des filles roms, qui se heurtent à des formes multiples et convergentes de discrimination fondée sur le sexe, l’appartenance ethnique ou culturelle et le statut socioéconomique.

49. Le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies (Committee on the Rights of the Child – CRC) dans ses observations finales (concluding observations) concernant la Roumanie du 18 mars 2003, (CRC/C/15/Add.199, Points 25 et 26)[1], a indiqué que ce pays devait continuer à prendre des mesures afin que le principe de non-discrimination soit entièrement mis en œuvre concernant les enfants appartenant aux catégories vulnérables, dont les enfants roms.

50. La Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (« l’ECRI »), dans son troisième rapport concernant la Roumanie CRI(2006)3 adopté le 24 juin 2005 et publié le 21 février 2006 (points 116‑117 et 146-147) a noté que la communauté rom était, en Roumanie, particulièrement vulnérable à la discrimination et défavorisée dans de nombreux aspects de la vie quotidienne comme l’emploi, l’éducation, l’accès aux lieux ouverts au public, au logement et aux services de santé. Des constats similaires ont été faits dans la Résolution CM/ResCMN(2007)8 sur la mise en œuvre de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales par la Roumanie, adoptée par le Comité des Ministres le 23 mai 2007, lors de la 996e réunion des Délégués des Ministres[2].

EN DROIT

I. EXCEPTION PRÉLIMINAIRE

51. Le Gouvernement indique dans ses observations du 10 octobre 2014 que, d’après les données fournies par la mairie de Frata, la deuxième, la quatrième et la cinquième requérantes n’habitent plus en Roumanie. Il s’interroge donc sur le maintien du contact entre les intéressées et leur représentant et sur la volonté de ces dernières de poursuivre la procédure devant la Cour.

52. En réplique, les requérantes présentent des déclarations datant de décembre 2014 et de janvier 2015 par lesquelles elles réitéraient leur volonté de continuer la présente procédure.

53. La Cour estime que les allégations du Gouvernement s’apparentent à une exception visant l’incompatibilité ratione personae de la requête à l’égard des trois requérantes indiquées ci-dessus. Or elle constate qu’il ressort du dossier que les requérantes ont donné un mandat valable à leurs représentants le 10 juin 2007 pour défendre leurs droits dans la procédure devant la Cour et qu’elles ont réitéré leur volonté de la poursuivre (paragraphe 52 ci-dessus ; voir, pour une situation contraire, V.M. et autres c. Belgique [GC], no 60125/11, §§ 35-37, 17 novembre 2016). Il convient, dès lors, de rejeter cette exception du Gouvernement.

II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION

54. Les requérantes se plaignent de la durée de la procédure pénale avec constitution de partie civile (paragraphes 16 à 24 ci-dessus), qu’elles estiment excessive. Elles invoquent à cet égard l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé dans ses parties pertinentes en l’espèce :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...). »

A. Sur la recevabilité

55. Dans ses observations sur le fond du grief tiré de l’article 6 § 1 de la Convention, le Gouvernement soutient que les requérantes ne se sont plaintes de la durée de l’enquête pénale à aucun moment de la procédure. À cet égard, il déclare qu’il était loisible aux requérantes de se plaindre de l’inactivité des organes d’enquête au procureur en charge de l’enquête ou au procureur hiérarchiquement supérieur par la voie d’une plainte, de former une action en responsabilité civile délictuelle contre l’État ou d’engager une action civile contre S.I. et S.L., distincte ou connexe à une action en contentieux administratif, afin de demander réparation du préjudice subi.

56. La Cour considère que ces déclarations du Gouvernement s’apparentent à une exception de non-épuisement des voies de recours internes. À cet égard, elle renvoie aux principes généraux qu’elle a élaborés en la matière (voir, parmi beaucoup d’autres, Gherghina c. Roumanie (déc.) [GC], no 42219/07, §§ 83-89, 9 juillet 2015, et Vučković et autres c. Serbie (exception préliminaire) [GC], nos 17153/11 et 29 autres, §§ 69-77, 25 mars 2014).

57. La Cour rappelle ensuite que dans l’affaire Vlad et autres c. Roumanie, (nos 40756/06, 41508/07 et 50806/07, §§ 114-123, 26 novembre 2013), elle a jugé qu’il n’y avait pas en Roumanie de recours effectif pour dénoncer la durée excessive d’une procédure et que l’action en responsabilité civile délictuelle ne représentait pas à l’époque des faits une voie effective pour accélérer la procédure. Par la suite, dans l’affaire Brudan c. Roumanie (no 75717/14, §§ 88 et 89, 10 avril 2018), la Cour a constaté que ce n’était qu’à partir du 22 mars 2015 que l’action en responsabilité civile délictuelle constituait un recours effectif pour dénoncer la durée d’une procédure, soit plusieurs années après le non-lieu du 14 avril 2011 clôturant la plainte pénale avec constitution de partie civile des requérantes (paragraphe 23 ci-dessus). Dès lors, la Cour constate qu’en l’espèce l’action susmentionnée ne constituait pas un recours effectif à l’époque pertinente. En outre, les trois exemples supplémentaires de jurisprudence présentés par le Gouvernement, postérieurs aux faits de la présente espèce (paragraphe 46 ci-dessus), ne permettent pas d’aboutir à une autre conclusion pour ce qui est de la période où l’affaire des requérantes a été jugée.

58. S’agissant de la plainte auprès du procureur, la Cour rappelle qu’un recours devant le parquet hiérarchiquement supérieur ne satisfait pas aux exigences d’indépendance et d’impartialité (voir, mutatis mutandis, Vasilescu c. Roumanie, 22 mai 1998, §§ 40-41, Recueil des arrêts et décisions 1998‑III). Quant à l’action civile à engager directement contre S.L. et S.I., la Cour note que celle-ci n’est pas de nature à accélérer la procédure pénale avec constitution de partie civile ; en outre, elle aurait visé à obtenir un dédommagement non pas de la part de l’État pour les lenteurs de la justice, mais de la part de S.L. et S.I. pour les irrégularités qu’ils auraient commises lors des entretiens avec les requérantes.

59. Compte tenu de ce qui précède, la Cour estime qu’à l’époque des faits, les requérantes ne disposaient pas d’un recours effectif à épuiser au niveau interne pour dénoncer efficacement la durée de la procédure et rejette l’exception du Gouvernement.

60. Par ailleurs, constatant que le grief tiré de l’article 6 § 1 de la Convention n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.

B. Sur le fond

1. Arguments des parties

a) Le Gouvernement

61. Le Gouvernement considère que la procédure en cause a débuté le 16 juillet 2003 (paragraphe 16 ci-dessus) et qu’elle a pris fin le 14 avril 2011 avec la cessation des poursuites pénales (paragraphe 22 ci‑dessus). Pour ce qui est de la sixième requérante, il estime que la période du 21 octobre 2003 au 10 mars 2004 doit être déduite de la période à considérer compte tenu du contenu des déclarations de l’intéressée (paragraphes 17 et 18 ci-dessus). Le Gouvernement expose que la durée de la procédure est due à la complexité de l’affaire et au comportement des requérantes.

b) Les requérantes

62. Les requérantes estiment que la procédure a pris fin en mars 2012, date à laquelle elles auraient effectivement reçu la décision de non-lieu du 14 avril 2011 (paragraphe 23 ci-dessus). La sixième requérante soutient qu’elle n’a jamais renoncé à sa constitution de partie civile dans la procédure. Les requérantes arguent que la procédure n’était pas complexe et estiment que sa durée, selon elles excessive, est due au comportement des autorités.

2. Appréciation de la Cour

a) La période à prendre en considération

63. Il ressort de la jurisprudence bien établie de la Cour que l’article 6 § 1 de la Convention s’applique aux procédures relatives aux plaintes avec constitution de partie civile dès l’acte de constitution de partie civile, à moins que la victime ait renoncé de manière non équivoque à l’exercice de son droit à réparation (Perez c. France [GC], no 47287/99, § 66, CEDH 2004‑I, et Gorou c. Grèce (no 2) [GC], no 12686/03, § 25, 20 mars 2009).

64. En l’occurrence, les requérantes s’étaient constituées parties civiles pour obtenir le paiement de sommes correspondant à des allocations dans une procédure pénale relative à des accusations d’abus de fonction. Dès lors, leur demande revêtait un caractère patrimonial pour les intéressées. Partant, l’article 6 § 1 de la Convention trouve à s’appliquer.

65. La Cour note que, pour toutes les requérantes, la procédure a débuté le 16 juillet 2003, date de la constitution de partie civile (paragraphe 16 ci‑dessus). Elle constate ensuite que cette procédure a été clôturée par la décision du 14 avril 2011 communiquée aux intéressées par lettre recommandée avec accusé de réception (paragraphe 23 ci-dessus). Rappelant que seules les périodes pendant lesquelles l’affaire a été effectivement pendante devant les instances internes seront prises en compte (voir, mutatis mutandis, Cerăceanu c. Roumanie (no 1), no 31250/02, § 47, 4 mars 2008), la Cour estime que, en l’espèce, la procédure a pris fin au moment où les poursuites ont cessé, le 14 avril 2011, la décision ainsi prise ayant été régulièrement transmise aux requérantes.

66. S’agissant de la sixième requérante, la Cour note que celle-ci a déclaré le 21 octobre 2003 ne plus souhaiter maintenir sa plainte (paragraphe 17 ci-dessus) et que, le 10 mars 2004, en présence de son avocat, elle a réitéré sa plainte pénale avec constitution de partie civile (paragraphe 18 ci‑dessus). Étant donné que la sixième requérante ne savait ni lire ni écrire (paragraphe 17 et 18 ci-dessus) et qu’il ne ressort pas de sa déclaration que, le 21 octobre 2003, elle était accompagnée d’un conseil, la Cour estime qu’il ne peut être établi sans équivoque que l’intéressée a entendu renoncer à l’exercice de son action civile. Dès lors, la période du 21 octobre 2003 au 10 mars 2004 sera prise en compte dans le calcul de la durée de la procédure également pour cette requérante.

67. La Cour constate donc que la procédure a duré, pour toutes les requérantes, du 16 juillet 2003 au 14 avril 2011, à savoir sept ans et neuf mois environ pour deux degrés de juridiction.

b) Sur le caractère raisonnable de la durée de la procédure

68. La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure doit s’apprécier suivant les circonstances de la cause et à l’aide des critères consacrés par la jurisprudence de la Cour, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement des requérants et celui des autorités compétentes et l’enjeu du litige pour les intéressées (Sürmeli c. Allemagne [GC], no 75529/01, § 128, CEDH 2006‑VII).

69. En l’occurrence, la Cour estime que ni la complexité de l’affaire ni le comportement des requérantes n’expliquent la durée de la procédure. En ce qui concerne le comportement des autorités internes, elle note que l’affaire a été renvoyée à plusieurs reprises devant le parquet pour continuer les poursuites, soit en raison des erreurs de celui-ci (paragraphes 20 et 21 ci‑dessus), soit parce que l’enquête n’avait pas été complète (paragraphe 21 ci-dessus).

70. Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis et compte tenu de sa jurisprudence en la matière (voir, par exemple, Paroisse gréco-catholique Lupeni et autres c. Roumanie [GC], no 76943/11, § 147, CEDH 2016 (extraits), Vlad et autres, précité, § 140, et Georgescu c. Roumanie, no 25230/03, § 95, 13 mai 2008), la Cour estime que la durée de la procédure litigieuse ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable ».

Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 14 DE LA CONVENTION EN COMBINAISON AVEC L’ARTICLE 8 DE LA CONVENTION ET/OU AVEC L’ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1 À LA CONVENTION

71. Les requérantes allèguent avoir subi un traitement discriminatoire dans l’exercice de leur droit à obtenir des allocations sociales. Selon elles, les autorités leur ont imposé des conditions arbitraires, à savoir celles de se marier ou d’engager une action en justice contre le père de leur enfant et, en outre, S.L. refusait d’enregistrer les dossiers incomplets.

72. Les articles 8 et 14 de la Convention et l’article 1 du Protocole no 1 se lisent ainsi :

Article 8

« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »

Article 14

« La jouissance des droits et libertés reconnus dans la (...) Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. »

Article 1 du Protocole no 1

« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. »

A. Les observations des parties

1. Le Gouvernement

73. Le Gouvernement ne conteste pas le principe de l’application, en l’espèce, de l’article 8 de la Convention et de l’article 1 du Protocole no 1. Toutefois, il soutient que les requérantes n’ont pas étayé leurs allégations devant la Cour. Selon lui, le fait d’appliquer la loi de manière erronée à plusieurs personnes n’implique pas nécessairement l’existence d’une discrimination, en l’absence de toute preuve que d’autres personnes, éventuellement d’une autre ethnie que les requérantes, ont bénéficié d’un autre type de traitement.

2. Les requérantes

74. Les requérantes soutiennent qu’il est notoire que les Roms vivent en union libre et que les allocations liées aux enfants constituent une source de revenus importante pour eux. Elles considèrent que, dans ce contexte, le fait pour S.L. de leur imposer la condition illégale d’être mariées afin de pouvoir bénéficier des allocations dues constituait une discrimination indirecte. Pour étayer leurs allégations, les intéressées renvoient aux différents documents internationaux qui constatent que les Roms constituent une population vulnérable et qu’ils sont victimes de discrimination (paragraphes 48 à 50 ci-dessus), à la déclaration du député N.P. (paragraphe 8 ci-dessus) et au document élaboré par la Fondation pour une société ouverte (paragraphe 47 ci-dessus).

75. Concernant la condition de mariage civil ou d’engagement d’une action contre le père des enfants, les requérantes avancent que les Roms vivent plus souvent en union libre que les personnes appartenant à d’autres ethnies. Quant à la condition de présentation de dossiers complets pour une demande d’allocation, elles exposent que les membres de l’ethnie rom sont plus susceptibles que les membres d’autres ethnies de présenter une demande incomplète en l’absence d’un conseil. Ces pratiques en apparence neutres affectent selon elles davantage les Roms et ne seraient pas justifiées au motif qu’elles seraient illégales.

B. Appréciation de la Cour

76. La Cour renvoie aux principes en matière d’applicabilité de l’article 14 de la Convention rappelés dans l’affaire Biao c. Danemark ([GC], no 38590/10, § 88, CEDH 2016 et les références y citées) et à ceux déjà établis par sa jurisprudence en matière de discrimination indirecte (Di Trizio c. Suisse, no 7186/09, §§ 80, 81 et 83, 2 février 2016, et D.H. et autres c. République tchèque [GC], no 57325/00, §§ 175 à 181, CEDH 2007‑IV). En ce qui concerne la charge de la preuve en cas d’allégation d’une discrimination indirecte, la Cour renvoie aux constats faits dans les affaires D.H. et autres (précitée, §§ 178, 188, 189 et 195), Natchova et autres c. Bulgarie ([GC], nos 43577/98 et 43579/98, § 147, CEDH 2005‑VII) et Hoogendijk c. Pays-Bas ((déc.), no 58641/00, 6 janvier 2005).

77. En l’espèce, concernant les obligations qui auraient été imposées aux requérantes de se marier ou d’engager des actions contre les pères de leurs enfants, la Cour remarque, à titre liminaire que, pour ce qui est de la sixième requérante, il ne ressort pas du dossier que l’une de ces conditions lui ait été imposée (paragraphe 11 ci-dessus). Il s’ensuit que pour ce qui est de la sixième requérante, cette partie du grief est manifestement mal fondée et doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.

78. Pour ce qui est des cinq autres requérantes, la Cour estime qu’il n’est pas établi que les conditions qu’elles dénoncent leur aient été effectivement imposées. En effet, comme cela a d’ailleurs été relevé par les juridictions internes, seules des preuves indirectes ont été présentées à l’appui de leurs affirmations (paragraphe 38 ci-dessus), et le contenu de la lettre transmise par G.M. à l’avocate des requérantes (paragraphe 15 ci-dessus) n’a été ni retenu ni vérifié par les tribunaux internes, faute pour G.M. de se présenter pour être entendue devant la cour d’appel (paragraphes 34 et 35 ci-dessus).

79. Pour ce qui est de l’argument de toutes les requérantes selon lequel les membres de la communauté rom étaient plus touchés que ceux des autres ethnies par la pratique de S.L. de ne pas enregistrer les dossiers incomplets (paragraphe 75 ci-dessus), la Cour note qu’il a été établi par les juridictions internes et sans que les requérantes le contestent, que cette pratique, bien que contraire à la loi, était appliquée à tous les membres de la communauté de Frata, quelle que fût leur appartenance ethnique (paragraphe 37 ci‑dessus). Or, aucune preuve concrète n’a été versée au dossier afin de démontrer que les personnes appartenant à l’ethnie rom auraient été plus touchées par cette pratique que les membres des autres ethnies.

80. Dès lors, la Cour estime que les requérantes n’ont pas fait naître une présomption de la discrimination indirecte qu’elles allèguent avoir subie en raison, d’une part, de l’obligation qui leur aurait été imposée par S.L. de marier les pères de leurs enfants ou d’engager des actions en justice contre eux et, d’autre part, de la pratique de S.L. de ne pas enregistrer les dossiers incomplets. Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et qu’il doit être rejeté, en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.

IV. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 13 DE LA CONVENTION

81. Les requérantes dénoncent une violation de leur droit à un recours effectif concernant deux aspects : elles se plaignent de ne pas avoir bénéficié au niveau interne d’un recours effectif pour dénoncer, d’une part, la discrimination subie et, d’autre part, la durée de la procédure pénale avec constitution de partie civile. Elles invoquent à cet égard l’article 13 de la Convention, ainsi libellé :

« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »

A. Sur la recevabilité

1. Sur le grief tiré de l’article 13 de la Convention combiné avec l’article 14 de la Convention

82. Le Gouvernement indique que les requérantes avaient à leur disposition deux voies pour dénoncer la discrimination dont elles s’estimaient victimes au niveau interne : soit une plainte adressée au CNCD, suivie par une procédure judiciaire, soit une action civile.

83. Les requérantes estiment qu’aucune des deux voies indiquées par le Gouvernement ne constituait un recours effectif pour dénoncer au niveau interne la discrimination qu’elles allèguent avoir subie.

84. Selon la jurisprudence constante de la Cour, l’article 13 de la Convention exige un recours interne pour les seules plaintes que l’on peut estimer « défendables » au regard de la Convention (Athanassoglou et autres c. Suisse [GC], no 27644/95, § 58, CEDH 2000-IV). En l’espèce, la Cour vient de constater que le grief tiré de l’article 14 de la Convention combiné avec l’article 8 et/ou avec l’article 1 du Protocole no 1 était manifestement mal fondé (paragraphe 80 ci-dessus). Il s’ensuit que le grief tiré de l’article 13 de la Convention est incompatible ratione materiae avec les dispositions de la Convention au sens de l’article 35 § 3 a) et qu’il doit être rejeté, en application de l’article 35 § 4.

2. Sur le grief tiré de l’article 13 de la Convention combiné avec l’article 6 § 1 quant à la durée de la procédure

85. Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.

B. Sur le fond

1. Arguments des parties

a) Les requérantes

86. Invoquant l’affaire Vlad et autres précitée, les requérantes se plaignent de ne pas avoir disposé au niveau interne d’un recours effectif pour dénoncer la durée de la procédure quant au volet civil de la plainte pénale déposée par elles.

b) Le Gouvernement

87. Le Gouvernement indique que les requérantes avaient à leur disposition plusieurs voies de recours effectives pour prévenir une durée excessive de la procédure pénale et pour obtenir des dommages-intérêts.

2. Appréciation de la Cour

88. La Cour note que le grief des requérantes quant à la durée de la procédure est défendable (paragraphes 60 et 70 ci-dessus), de sorte que l’article 13 de la Convention exige l’existence d’un recours effectif au niveau interne pour y remédier (Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, § 156, CEDH 2000-XI).

89. La Cour rappelle que dans l’affaire Vlad et autres c. Roumanie (précitée, §§ 114-123), telle que complétée par l’arrêt Brudan (précité, §§ 88 et 89), elle a jugé qu’il n’y avait pas en Roumanie à l’époque des faits de recours effectif pour dénoncer la durée excessive d’une procédure. En outre, elle vient de constater que les nouveaux documents présentés par le Gouvernement et les voies de recours invoquées par lui ne permettaient pas d’établir qu’un tel recours existait à l’époque de l’action des requérantes (paragraphes 57 et 58 ci-dessus). Les exemples supplémentaires de jurisprudence cités étant postérieurs aux faits de la présente espèce, ils ne permettent pas d’aboutir à une conclusion différente concernant la période pendant laquelle l’affaire des requérantes a été jugée, de sorte que la Cour constate qu’il y a eu en l’espèce violation de l’article 13 de la Convention combiné avec l’article 6 § 1.

V. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

90. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage

91. Les requérantes réclament 12 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral qu’elles estiment avoir subi en raison du traitement discriminatoire qui leur aurait été imposé. Elles demandent que la somme ainsi octroyée soit versée directement, en euros, à l’ERRC.

92. Le Gouvernement considère qu’un éventuel arrêt de violation pourrait constituer en l’espèce une réparation suffisante du préjudice moral allégué. Subsidiairement, il demande à la Cour d’accorder, à titre de préjudice moral, une somme correspondant à sa jurisprudence en la matière.

93. La Cour relève que l’octroi d’une somme au titre de la satisfaction équitable vise, en l’espèce, à réparer la durée excessive de la procédure et l’absence d’un recours effectif à cet égard. Or, les requérantes ne demandent pas de réparation pour le préjudice moral subi en raison des violations constatées. Dès lors, aucune somme ne leur sera accordée.

B. Frais et dépens

94. Les requérantes demandent également 8 580 EUR représentant les honoraires de l’ERRC pour les représenter dans la procédure devant la Cour. Elles fournissent un relevé des heures de travail de l’ERRC.

95. Le Gouvernement avance que le nombre d’heures de travail indiqué paraît excessif et demande à la Cour d’octroyer une somme en adéquation avec sa jurisprudence en la matière.

96. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux (voir, par exemple, Nilsen et Johnsen c. Norvège [GC], no 23118/93, § 62, CEDH 1999-VIII). Compte tenu de la nature de l’affaire, des documents dont elle dispose et des critères susmentionnés, la Cour estime raisonnable d’octroyer 4 800 EUR pour les honoraires de l’ERRC. Cette somme est à verser directement, en euros, sur le compte bancaire de ce représentant des requérantes.

C. Intérêts moratoires

97. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Déclare la requête recevable quant aux griefs tirés de l’article 6 § 1 de la Convention et de l’article 13 de la Convention pour ce qui est de l’absence de recours en matière de durée de la procédure, et irrecevable pour le surplus ;

2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;

3. Dit qu’il y a eu violation de l’article 13 de la Convention combiné avec l’article 6 § 1 de la Convention ;

4. Dit

a) que l’État défendeur doit verser sur le compte bancaire du Centre européen pour les droits des Roms, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, 4 800 EUR (quatre mille huit cents euros), plus tout montant pouvant être dû sur cette somme à titre d’impôt par les requérantes, pour frais et dépens ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

5. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 24 juillet 2018, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.

Marialena TsirliGanna Yudkivska
GreffièrePrésidente

* * *

[1]. Disponible sur [http://www.refworld.org/docid/3f2595c34.html](http://www.refworld.org/docid/3f2595c34.html) .

[2]. Disponible sur : [http://lib.ohchr.org/HRBodies/UPR/Documents/Session2/RO/CE_ROM_UPR_S2_2008anx_CommitteeofMinistersresolutionCMRESCMN20078.pdf](http://lib.ohchr.org/HRBodies/UPR/Documents/Session2/RO/CE_ROM_UPR_S2_2008anx_CommitteeofMinistersresolutionCMRESCMN20078.pdf) .


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