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28/06/2018 | CEDH | N°001-183949

CEDH | CEDH, AFFAIRE KRASSAS c. GRÈCE, 2018, 001-183949


PREMIÈRE SECTION

AFFAIRE KRASSAS c. GRÈCE

(Requête no 45957/11)

ARRÊT

STRASBOURG

28 juin 2018

DÉFINITIF

28/09/2018

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Krassas c. Grèce,

La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en une chambre composée de :

Kristina Pardalos, présidente,
Linos-Alexandre Sicilianos,
Aleš Pejchal,
Ksenija Turković,
Armen Harutyuny

an,
Pauliine Koskelo,
Tim Eicke, juges,
et de Renata Degener, greffière adjointe de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 5 juin ...

PREMIÈRE SECTION

AFFAIRE KRASSAS c. GRÈCE

(Requête no 45957/11)

ARRÊT

STRASBOURG

28 juin 2018

DÉFINITIF

28/09/2018

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Krassas c. Grèce,

La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en une chambre composée de :

Kristina Pardalos, présidente,
Linos-Alexandre Sicilianos,
Aleš Pejchal,
Ksenija Turković,
Armen Harutyunyan,
Pauliine Koskelo,
Tim Eicke, juges,
et de Renata Degener, greffière adjointe de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 5 juin 2018,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 45957/11) dirigée contre la République hellénique et dont un ressortissant de cet État, M. Dimitrios Krassas (« le requérant »), a saisi la Cour le 5 juillet 2011 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Le requérant a été représenté par Me H. Mylonas, avocat à Athènes. Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») a été représenté par le délégué de son agent, M. V. Kyriazopoulos, conseiller au Conseil juridique de l’État.

3. Le 9 mars 2012, la requête a été communiquée au Gouvernement.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

4. Le requérant est né en 1965 et réside au Pirée.

5. À la suite d’une plainte déposée contre le requérant par son épouse, dont il était séparé de corps, pour viol et attouchements sexuels sur leur fille mineure âgée de trois ans, une enquête préliminaire fut ouverte. Afin de lui permettre de présenter sa défense, l’enquêteur envoya au requérant une citation à comparaître devant lui. La citation mentionnait comme adresse du requérant trois numéros de la rue Polydefkous, à Korydallos d’Attique, et l’un d’entre eux était souligné. L’officier de police chargé de remettre la citation au requérant se rendit à un des numéros de la rue Polydefkous et, n’y ayant pas trouvé l’intéressé, il colla la citation sur la porte du bâtiment. Le jour de la comparution, le requérant ne se présenta pas.

6. Le 4 janvier 2010, l’enquêteur émit un mandat d’arrêt à l’encontre du requérant au motif, entre autres, que ce dernier ne s’était pas présenté devant lui pour exposer sa défense. Le requérant ne prit pas non plus connaissance de ce mandat.

7. Le 12 février 2010, le dossier fut envoyé au procureur adjoint près le tribunal correctionnel, lequel le transmit au procureur près la cour d’appel d’Athènes le 15 septembre 2010. Le 5 octobre 2010, le dossier fut attribué au procureur adjoint, Mme S. Cette dernière transmit le dossier à la présidente de la cour d’appel, Mme H, en raison de l’existence d’indices de culpabilité pesant sur le requérant.

8. Dans sa décision no 100/2011 en date du 18 janvier 2011, la présidente de la cour d’appel renvoya le requérant en jugement devant la cour d’appel criminelle d’Athènes, selon la procédure de citation directe, pour répondre des accusations de viol et d’atteinte à la dignité sexuelle sur la personne d’un mineur de moins de douze ans. Aux termes de cette décision, elle ordonna également la prolongation de la validité du mandat d’arrêt et, en cas d’arrestation du requérant, le maintien en détention de ce dernier jusqu’à l’examen définitif des accusations portées contre lui. L’audience devant la cour d’appel criminelle fut fixée au 26 septembre 2011.

9. Le 18 janvier 2011, le requérant fut arrêté sur son lieu de travail.

10. Le 3 février 2011, le requérant déposa au greffe de la cour d’appel criminelle, par l’intermédiaire de son avocat, une demande de mise en liberté sous condition. Dans sa demande, il niait avoir commis les infractions qui lui étaient reprochées et soutenait que ces accusations avaient été inventées par son épouse pour mettre un terme aux relations entre sa fille et lui. Par ailleurs, il se plaignait de la notification de la citation à comparaître à une adresse erronée, ce qui ne lui avait pas permis d’en prendre connaissance.

11. En outre, il dénonçait une violation de l’article 5 § 3 de la Convention, dans la mesure où, aux termes de cette disposition, toute personne arrêtée devait « être aussitôt traduite devant un juge ». Il se prévalait de la jurisprudence de la Cour dans les affaires Medvedyev et autres c. France ([GC], no 3394/03, §§ 117-122, CEDH 2010) et Moulin c. France (no 37104/06, §§ 46 et suiv., 23 novembre 2010). Se référant à ces arrêts, il soulignait notamment que l’article 5 § 3 de la Convention visait à assurer que la personne arrêtée soit aussitôt physiquement conduite devant une autorité judiciaire et qu’un tel contrôle judiciaire, rapide et automatique, garantissait ainsi une protection appréciable contre les comportements arbitraires et les détentions au secret. Il ajoutait que le contrôle judiciaire lors de la première comparution de la personne arrêtée devait avant tout être rapide et que des périodes de détention de quatre jours et six heures sans comparution devant un juge emportaient violation dudit article. Enfin, il soutenait que le contrôle en question devait être automatique et ne pouvait être rendu tributaire d’une demande formée par le détenu.

12. L’avocat du requérant soulignait que l’arrestation de ce dernier avait eu lieu postérieurement à la décision no 100/2011 prise par la présidente de la cour d’appel, de sorte que le requérant n’avait pas été traduit devant un juge qui aurait pu entendre ses arguments et contrôler le bien-fondé de sa détention. Il affirmait que le code de procédure pénale (« le CPP ») – prévoyant un simple renvoi en jugement – était lacunaire et que ses dispositions étaient contraires à l’article 5 § 3 de la Convention à ce titre.

13. Enfin, il soutenait que les circonstances de la présente affaire étaient similaires à celles examinées par la Cour dans l’arrêt Piotr Nowak c. Pologne (no 7337/05, §§ 60-62, 7 décembre 2010).

14. Initialement détenu au commissariat de police d’Egaleo, le requérant fut transféré à la prison de Tripoli où il fut détenu provisoirement jusqu’au 9 mars 2011.

15. Le 9 mars 2011, la chambre d’accusation de la cour d’appel d’Athènes fit droit à la demande de mise en liberté sous condition (consistant en une interdiction de sortie du territoire) susmentionnée, aux motifs que le requérant avait un domicile connu, qu’il travaillait, qu’il n’avait pas d’antécédents judiciaires, qu’il n’avait pas été contumax par le passé et qu’il n’avait pas entrepris de démarches pour fuir. Toutefois, la chambre d’accusation ne répondit pas aux arguments du requérant relatifs à son allégation de violation de l’article 5 § 3 de la Convention.

II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

16. L’article 6 §§ 2 et 4 de la Constitution de 1975 dispose :

« 2. Tout individu arrêté en flagrant délit ou en vertu d’un mandat judiciaire est conduit devant le juge d’instruction compétent au plus tard dans les vingt-quatre heures suivant son arrestation, et, si celle-ci a eu lieu en dehors du ressort du juge d’instruction, dans le délai strictement nécessaire à son transport. Le juge d’instruction est tenu, dans les trois jours qui suivent la comparution, soit de mettre l’individu arrêté en liberté, soit de décerner contre lui un mandat de dépôt. A la demande de l’individu qui comparaît, ou en cas de force majeure immédiatement constatée par une décision de la chambre d’accusation compétente, ce délai est prolongé de deux jours.

4. La loi fixe la durée maximale de la détention provisoire, laquelle ne doit pas excéder un an pour les crimes et six mois pour les délits. Dans des cas tout à fait exceptionnels, ces durées maximales peuvent être prolongées respectivement de six mois et de trois mois par une décision de la chambre d’accusation compétente. »

17. Les dispositions pertinentes du CPP se lisent ainsi :

Article 276
Mandat d’arrêt

« 1. (...) nul ne peut être arrêté sans un mandat d’arrêt du juge d’instruction ou une décision de la chambre d’accusation, spécialement et soigneusement motivés et notifiés au moment de l’arrestation (...)

2. Le juge d’instruction émet un mandat d’arrêt après avis du procureur et seulement dans les cas où la détention provisoire est permise selon l’article 282 (...) »

Article 279 § 1

« Toute personne arrêtée en flagrant délit ou en vertu d’un mandat [d’arrêt] est conduite sans retard devant le procureur compétent, dans un délai maximum de vingt-quatre heures à compter de son arrestation (...)

En cas de crime ou si l’arrestation a eu lieu en vertu d’un mandat du juge d’instruction, le procureur renvoie la personne arrêtée devant ce juge (...) »

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 5 § 3 DE LA CONVENTION

18. Le requérant se plaint de ne pas avoir été « aussitôt traduit devant un juge », en raison d’une lacune des dispositions du CPP. Il allègue une violation de l’article 5 § 3 de la Convention, ainsi libellé :

« Toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1 c) du présent article, doit être aussitôt traduite devant un juge (...) et a le droit d’être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure. La mise en liberté peut être subordonnée à une garantie assurant la comparution de l’intéressé à l’audience. »

A. Sur la recevabilité

19. Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.

B. Sur le fond

20. Le requérant allègue une violation de l’article 5 § 3 de la Convention. À cet égard, il invoque la jurisprudence de la Cour, entre autres les arrêts Medvedyev et autres et Moulin (précités) dont découlent des exigences de promptitude et de caractère automatique du contrôle juridictionnel. Il se prévaut également de l’arrêt Piotr Nowak (précité), dont les faits sont, d’après lui, similaires à ceux de la présente affaire.

21. Le Gouvernement soutient que, en l’espèce, toutes les garanties prévues par la Constitution et le CPP ont été respectées. Il indique que, le 4 janvier 2010, l’enquêteur a émis à l’encontre du requérant un mandat d’arrêt dont la durée de validité a été prolongée par la présidente de la cour d’appel le 18 janvier 2011, et que celle-ci a décidé de renvoyer le requérant en jugement selon la procédure de citation directe.

22. La Cour rappelle que l’article 5 § 3 de la Convention vise à assurer que la personne arrêtée soit aussitôt physiquement conduite devant une autorité judiciaire. Ce contrôle judiciaire rapide et automatique assure aussi une protection appréciable contre les comportements arbitraires, les détentions au secret et les mauvais traitements. L’article 5 § 3 de la Convention, en tant qu’il s’inscrit dans ce cadre de garanties, vise structurellement deux aspects distincts : les premières heures après une arrestation, moment où une personne se retrouve aux mains des autorités, et la période avant le procès éventuel devant une juridiction pénale, pendant laquelle le suspect peut être détenu ou libéré, avec ou sans condition. Ces deux volets confèrent des droits distincts et n’ont apparemment aucun lien logique ou temporel. Ainsi, le contrôle juridictionnel lors de la première comparution de la personne arrêtée doit avant tout être rapide, la Cour ayant jugé que des périodes de détention de quatre jours et six heures sans comparution devant un juge emportaient violation dudit article. Par ailleurs, le contrôle doit être automatique et ne peut être rendu tributaire d’une demande formée par la personne détenue (Medvedyev et autres, précité, §§ 118-119 et 121-122).

23. La Cour rappelle également que, dans l’affaire Piotr Nowak précitée, elle a conclu à une violation de l’article 5 § 3 de la Convention aux motifs que le requérant avait été arrêté sur la base d’un mandat émis en son absence, que le droit interne ne prévoyait pas un contrôle initial automatique, et que le contrôle judiciaire était subordonné à une demande préalable du détenu, lequel avait été, dans cette affaire, mis en liberté sous condition avant son procès (voir aussi Ladent c. Pologne, no 11036/03, §§ 74-75, 18 mars 2008).

24. En l’espèce, la Cour note que le requérant, soupçonné d’infractions à caractère sexuel sur la personne d’un mineur, n’a pas reçu la citation à comparaître devant l’enquêteur en raison d’une erreur quant à l’adresse exacte de son domicile. De même, elle constate que l’enquêteur a émis un mandat d’arrêt le 4 janvier 2010 à l’encontre du requérant au motif, entre autres, que celui-ci ne s’était pas présenté devant lui, et que l’intéressé n’a pas non plus pris connaissance de ce mandat. Elle observe également que, le 18 janvier 2011, la présidente de la cour d’appel a décidé de renvoyer le requérant en jugement et qu’elle a ordonné la prolongation de la validité du mandat d’arrêt ainsi que, en cas d’arrestation, le maintien en détention de l’intéressé jusqu’à l’examen définitif des accusations. Elle relève que, le même jour, le requérant a été arrêté sur son lieu de travail.

25. Il ressort ainsi clairement des circonstances de l’espèce que le requérant a été arrêté postérieurement à la décision no 100/2011 de la présidente de la cour d’appel – cette décision constituant la base légale de sa détention –, de sorte qu’il n’a jamais été présenté devant un juge qui aurait pu examiner le bien-fondé de sa détention. Il ressort également du dossier que l’intéressé, renvoyé en jugement selon la procédure de la citation directe, devait attendre la tenue de son procès devant la cour d’appel criminelle.

26. Par conséquent, comme dans l’affaire Piotr Nowak (précitée), la Cour constate que, à la suite de l’arrestation du requérant, fondée sur l’existence de raisons plausibles de soupçonner qu’il avait commis une infraction, il n’y a pas eu de contrôle judiciaire automatique de sa détention et qu’un tel contrôle dépendait d’une demande formée par le requérant.

27. Partant, il y a eu violation de l’article 5 § 3 de la Convention.

II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 5 § 4 DE LA CONVENTION

28. Le requérant se plaint de ce que sa demande de mise en liberté sous condition n’a pas été examinée « à bref délai ». Il allègue une violation de l’article 5 § 4 de la Convention, aux termes duquel :

« Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d’introduire un recours devant un tribunal, afin qu’il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale. »

A. Sur la recevabilité

29. Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.

B. Sur le fond

30. Le requérant invoque de nombreux arrêts de la Cour en matière de « bref délai » et tire des conséquences du silence du Gouvernement à ce sujet.

31. Le Gouvernement ne présente pas d’observations sur ce point. Il se borne à déclarer qu’il n’y a pas eu de violation de l’article en question.

32. La Cour rappelle que, selon sa jurisprudence, les procédures relatives à des questions de privation de liberté, au sens de l’article 5 § 4, requièrent une diligence particulière et que les exceptions au principe d’une constatation « à bref délai » de la conformité de la détention appellent une interprétation stricte (Hutchison Reid c. Royaume-Uni, no 50272/99, § 79, CEDH 2003-IV). Elle rappelle également que la question de savoir si le principe de la célérité de la procédure a été respecté s’apprécie non pas dans l’abstrait, mais dans le cadre d’une appréciation globale des données, en tenant compte des circonstances de l’espèce (E. c. Norvège, 29 août 1990, § 64, série A no 181-A, Delbec c. France, no 43125/98, § 33, 18 juin 2002, et Luberti c. Italie, 23 février 1984, §§ 33 et 37, série A no 75), et en particulier à la lumière de la complexité de l’affaire, des particularités éventuelles de la procédure interne à suivre ainsi que du comportement du requérant dans celle-ci (Bubullima c. Grèce, no 41533/08, § 27, 28 octobre 2010). En principe, cependant, puisque la liberté de l’individu est en jeu, l’Etat doit faire en sorte que la procédure se déroule dans un minimum de temps (Fuchser c. Suisse, no 55894/00, § 43, 13 juillet 2006).

33. En l’espèce, la Cour relève que le requérant a demandé sa mise en liberté sous condition le 3 février 2011 et que la chambre d’accusation de la cour d’appel d’Athènes a fait droit à cette demande le 9 mars 2011. Elle estime que le laps de temps écoulé entre ces dates – à savoir 35 jours – n’est pas compatible avec l’exigence d’un contrôle à bref délai au sens de l’article 5 § 4 de la Convention.

34. À titre de comparaison, elle rappelle que, entre autres, dans les arrêts Rehbock c. Slovénie (no 29462/95, § 84, CEDH 2000‑XII), Butusov c. Russie (no 7923/04, § 34, 22 décembre 2009), Tsitsiriggos c. Grèce (no 29747/09, § 66, 17 janvier 2012) et Christodoulou et autres c. Grèce (no 80452/12, § 70, 5 juin 2014), elle a conclu à la violation de cet article pour des durées de vingt-trois, vingt, vingt-deux et quarante-sept jours respectivement.

35. La Cour considère que la durée en cause en l’espèce n’est pas compatible avec l’exigence du « bref délai » de l’article 5 § 4.

36. Il s’ensuit qu’il y a eu violation de cette disposition sur ce point.

III. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

37. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage

38. Le requérant réclame 15 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral qu’il dit avoir subi.

39. Le Gouvernement estime que la somme demandée est excessive et que la Cour devrait prendre en compte la gravité des accusations pesant sur le requérant ainsi que l’existence d’indices sérieux de sa culpabilité.

40. La Cour considère qu’il y a lieu d’octroyer au requérant 1 700 EUR pour dommage moral.

B. Frais et dépens

41. Pour frais et dépens, le requérant réclame 3 000 EUR.

42. Le Gouvernement soutient que les frais exposés devant les juridictions internes n’ont pas de lien de causalité avec les violations alléguées. Il considère que la somme éventuellement octroyée au requérant au titre des frais et dépens ne devrait pas dépasser 1 000 EUR.

43. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux.

44. En l’espèce, la Cour note que le requérant produit deux factures : l’une, d’un montant de 1 845 EUR, pour la procédure engagée devant la chambre d’accusation de la cour d’appel criminelle, l’autre, d’un montant de 861 EUR, pour celle engagée devant la Cour. Compte tenu des documents dont elle dispose et de sa jurisprudence, la Cour rejette la demande relative aux frais et dépens de la procédure nationale, dans la mesure où ces frais auraient de toute façon été exposés indépendamment des violations de la Convention. En revanche, elle estime raisonnable la somme de 861 EUR pour la procédure engagée devant la Cour et l’accorde au requérant.

C. Intérêts moratoires

45. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Déclare la requête recevable

2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 5 § 3 de la Convention ;

3. Dit qu’il y a eu violation de l’article 5 § 4 de la Convention ;

4. Dit

a) que l’État défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois, à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes :

i. 1 700 EUR (mille sept cents euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;

ii. 861 EUR (huit cent soixante et un euros), plus tout montant pouvant être dû par le requérant à titre d’impôt, pour frais et dépens ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

5. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 28 juin 2018, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.

Renata DegenerKristina Pardalos
Greffière adjointePrésidente


Synthèse
Formation : Cour (premiÈre section)
Numéro d'arrêt : 001-183949
Date de la décision : 28/06/2018
Type d'affaire : au principal et satisfaction équitable
Type de recours : Violation de l'article 5 - Droit à la liberté et à la sûreté (Article 5-3 - Aussitôt traduit devant un juge ou autre magistrat);Violation de l'article 5 - Droit à la liberté et à la sûreté (Article 5-4 - Contrôle à bref délai)

Parties
Demandeurs : KRASSAS
Défendeurs : GRÈCE

Composition du Tribunal
Avocat(s) : MYLONAS H.

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2021
Fonds documentaire ?: HUDOC

Source

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