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23/01/2018 | CEDH | N°001-180508

CEDH | CEDH, AFFAIRE MAGYAR KÉTFARKÚ KUTYA PÁRT c. HONGRIE, 2018, 001-180508


QUATRIÈME SECTION

AFFAIRE MAGYAR KÉTFARKÚ KUTYA PÁRT c. HONGRIE

(Requête no 201/17)

ARRÊT

STRASBOURG

23 janvier 2018

CETTE AFFAIRE A ÉTÉ RENVOYÉE DEVANT LA GRANDE CHAMBRE, QUI A RENDU SON ARRÊT LE 20/01/2020

Cet arrêt peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Magyar Kétfarkú Kutya Párt c. Hongrie,

La Cour européenne des droits de l’homme (quatrième section), siégeant en une chambre composée de :

Ganna Yudkivska, présidente,
Vincent A. De Gaetano,
Paulo Pinto de Albuquerque

,
Faris Vehabović,
Carlo Ranzoni,
Marko Bošnjak,
Péter Paczolay, juges,
et de Marialena Tsirli, greffière de section,

Après en avoir d...

QUATRIÈME SECTION

AFFAIRE MAGYAR KÉTFARKÚ KUTYA PÁRT c. HONGRIE

(Requête no 201/17)

ARRÊT

STRASBOURG

23 janvier 2018

CETTE AFFAIRE A ÉTÉ RENVOYÉE DEVANT LA GRANDE CHAMBRE, QUI A RENDU SON ARRÊT LE 20/01/2020

Cet arrêt peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Magyar Kétfarkú Kutya Párt c. Hongrie,

La Cour européenne des droits de l’homme (quatrième section), siégeant en une chambre composée de :

Ganna Yudkivska, présidente,
Vincent A. De Gaetano,
Paulo Pinto de Albuquerque,
Faris Vehabović,
Carlo Ranzoni,
Marko Bošnjak,
Péter Paczolay, juges,
et de Marialena Tsirli, greffière de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 19 décembre 2017,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 201/17) dirigée contre la Hongrie et dont Magyar Kétfarkú Kutya Párt, un parti politique enregistré en Hongrie (« le parti requérant », « le requérant ») a saisi la Cour le 16 décembre 2016 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Le requérant a été représenté par Me Cs. Tordai, avocat à Budapest. Le gouvernement hongrois (« le Gouvernement ») a été représenté par M. Z. Tallódi, du ministère de la Justice.

3. Condamné au paiement d’une amende pour avoir développé une application mobile permettant aux électeurs de publier des photographies anonymes de bulletins de vote nuls, le parti requérant s’estimait victime d’une atteinte à la liberté d’expression ayant emporté violation de l’article 10 de la Convention.

4. Le 13 janvier 2017, la requête a été communiquée au Gouvernement.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

5. Le parti requérant a son siège à Budapest.

6. Le 2 octobre 2016, un référendum relatif au plan de relocalisation des migrants de l’Union européenne eut lieu en Hongrie, à l’initiative du Gouvernement. La question posée était la suivante : « Voulez-vous que l’Union européenne puisse ordonner l’installation obligatoire d’étrangers en Hongrie sans l’accord du Parlement ? »

7. Pendant la campagne, plusieurs partis d’opposition appelèrent les électeurs à boycotter ce référendum ou à voter nul. Les bulletins de vote nuls ne compteraient pas dans le résultat final mais pourraient être interprétés comme une expression du rejet de l’idée même de ce référendum. Le 29 septembre 2016, le parti requérant mit à la disposition des électeurs une application mobile (« l’appli je vote nul ») qui leur permettait de mettre en ligne et de partager publiquement des photographies de leur bulletin de vote. L’application permettait également aux électeurs d’indiquer les raisons de leur vote. La publication et le partage des photographies étaient anonymes. L’application fit l’objet d’une couverture dans les grands journaux en ligne.

8. Le 29 septembre 2016, un particulier saisit la Commission électorale nationale (Nemzeti Választási Bizottság) d’une plainte relative à cette application.

9. Par une décision du 30 septembre 2016 la Commission électorale nationale jugea l’application contraire aux principes de l’équité et du secret du scrutin et de l’exercice des droits conformément à leur but (rendeltetésszerű joggyakorlás), et ordonna au parti requérant de s’abstenir de commettre d’autres violations de l’article 2 § 1 a) et e) de la loi no XXXVI de 2013 sur la procédure électorale ou de l’article 2 § 1 de la Loi fondamentale. S’appuyant sur une résolution adoptée en 2014, elle considéra que les électeurs ne pouvaient traiter les bulletins de vote comme s’ils leur appartenaient et que, dès lors, ils ne pouvaient ni les sortir des isoloirs ni les photographier. Elle expliqua que photographier les bulletins de vote pouvait être source de fraude électorale. Elle ajouta que, même si le principe de secret du scrutin n’imposait aucune obligation aux électeurs, il ne leur permettait pas d’abuser de leur situation, car le secret du scrutin ne pouvait être assuré qu’avec leur coopération. Enfin, elle estima que l’application était de nature à discréditer le travail des organes électoraux et les systèmes de décompte aux yeux du public.

10. Le requérant porta cette décision devant la Kúria.

11. Par un arrêt du 10 octobre 2016, celle-ci confirma la décision de la Commission quant à la conclusion relative à l’atteinte au principe de l’exercice des droits conformément à leur but. Elle jugea que le but des bulletins de vote était de permettre aux électeurs d’exprimer leur opinion sur la question posée dans le cadre du référendum, et que le fait de prendre puis de publier une photographie de son bulletin de vote n’était pas conforme à ce but. Elle considéra que l’interdiction de prendre et de publier ces photographies ne portait pas atteinte à la liberté d’expression des électeurs, ceux-ci demeurant libres d’exprimer leur opinion en votant et en faisant connaître leur choix. Elle infirma la partie de la décision de la Commission relative à l’atteinte au secret du processus électoral et au discrédit supposément jeté sur le travail des organes électoraux. Elle nota à cet égard qu’aucun texte n’interdisait aux électeurs de photographier leur bulletin de vote dans l’isoloir et que l’application mobile ne pouvait pas révéler leur identité.

12. Entre-temps, le 3 octobre 2016, le particulier qui avait saisi la Commission électorale nationale porta devant elle une nouvelle plainte, le parti requérant ayant activé « l’appli je vote nul » le 2 octobre, date du référendum. Il soutenait qu’en proposant cette application et en encourageant les électeurs à l’utiliser, le parti requérant avait porté atteinte au principe de l’exercice des droits de bonne foi et conformément à leur but et aux principes de l’équité et du secret du scrutin.

13. Dans une décision du 7 octobre 2016, la Commission électorale nationale réaffirma que photographier un bulletin de vote était contraire au principe de secret et d’équité du scrutin et au principe de l’exercice des droits conformément à leur but. Elle condamna le parti politique au paiement d’une amende de 832 500 hongrois forints (HUF), soit environ 2 700 euros (EUR). Elle compléta son raisonnement précédent en indiquant que l’application appelant les électeurs à voter nul pouvait les avoir influencés et avoir ainsi constitué un acte de campagne illicite.

14. Le parti requérant recourut également contre cette décision.

15. Par une décision du 18 octobre 2016, la Kúria confirma la décision de la Commission quant à sa conclusion relative à l’atteinte au principe de l’exercice des droits conformément à leur but. Elle expliqua que le but des bulletins de vote dans le cadre du référendum était de permettre aux électeurs de répondre à la question qui leur était posée, et que tout autre usage de ces bulletins était contraire au principe de l’exercice des droits conformément à leur but. Elle infirma la partie de la décision de la Commission relative à l’atteinte à l’équité et au secret du scrutin et au principe de l’exercice des droits de bonne foi. Elle nota comme dans sa précédente décision que l’identité des électeurs qui avaient publié des photographies n’avait pas été révélée, et elle estima que la conduite du parti requérant n’avait pas eu d’incidence sur l’équité du référendum. Elle ramena l’amende à 100 000 HUF, soit 330 EUR environ.

16. Le parti requérant introduisit un recours constitutionnel contre les décisions des 10 et 18 octobre 2016. Il priait la Cour constitutionnelle de « constater que la décision de la Kúria port[ait] atteinte à son droit garanti par l’article IX § 1 de la Loi fondamentale ». Il arguait qu’« en vertu de l’article 27 de la loi sur la Cour constitutionnelle, une organisation directement concernée par une décision de justice inconstitutionnelle peut, après avoir exercé toutes les autres voies de droit, introduire un recours devant la Cour constitutionnelle si la décision rendue sur le fond de son affaire porte atteinte à son égard à un droit garanti par la Constitution. Dans sa décision, la Kúria, saisie par [le parti requérant], a déclaré sa conduite illicite et l’a condamné au paiement d’une amende. [Le parti requérant] est donc directement concerné par cette décision (...) Lorsqu’il a mis l’application mobile à la disposition des électeurs, il n’a fait que suivre la tendance au développement de la communication par l’intermédiaire des médias sociaux. Les citoyens partagent régulièrement des événements, des pensées et des opinions sur les sites internet en publiant des photographies prises avec leur téléphone portable. Dans le contexte des élections, cela se traduit par le fait que dans le monde entier, les électeurs photographient leur bulletin de vote et le partagent sur les médias sociaux. En développant l’application mobile en cause, [le parti requérant] souhaitait permettre aux électeurs de partager anonymement des photographies de leur bulletin de vote (ou, pour ceux qui n’iraient pas voter, de ce qu’ils feraient à la place) ainsi que d’autres messages, et d’exercer ainsi leur droit à la liberté d’expression sans que la teneur du vote ne pût être reliée à l’électeur lui-même. (...) [Le parti requérant] estime que la décision litigieuse, l’interprétation du droit qui y est livrée et les conséquences qu’en tire la Kúria sont autant d’éléments qui portent atteinte à son droit garanti par l’article IX § 1 de la Loi fondamentale. En photographiant leur bulletin de vote et en partageant leurs clichés avec d’autres personnes, les électeurs expriment une opinion sur un sujet d’intérêt public. Cette démarche est donc protégée par la liberté d’expression, et relève même de la protection la plus forte : celle qui s’applique au débat sur des sujets d’intérêt public. Ainsi, le fait pour [le parti requérant] d’avoir fourni aux électeurs un moyen d’exprimer cette opinion relève lui aussi de la protection de l’article IX § 1 de la Loi fondamentale (...) [Le parti requérant] estime qu’en invoquant dans sa décision la liberté d’expression des électeurs, la Kúria a en fait restreint l’exercice qu’il entendait faire de son propre droit à la liberté d’expression, et ce en l’absence de toute justification constitutionnelle ». Le requérant ajoutait que, comme la Kúria l’avait elle‑même constaté, l’application mobile n’avait pas porté atteinte au secret ni à l’équité du scrutin et n’aurait pas pu le faire, la teneur du bulletin de vote ne pouvant être reliée à l’électeur. Il arguait donc que les buts correspondants ne pouvaient servir de base légitime à la restriction en cause du droit à la liberté d’expression. Il ajoutait qu’en toute hypothèse, même si l’application litigieuse avait pu porter atteinte au secret du scrutin, il aurait été disproportionné au but visé de l’interdire.

17. Le 24 octobre 2016, la Cour constitutionnelle déclara les deux recours du requérant irrecevables, à l’issue d’un raisonnement identique. Elle considéra que l’affaire ne concernait pas le droit du parti requérant à la liberté d’expression. Elle confirma la conclusion de la Kúria selon laquelle même si l’affaire avait trait à la liberté d’expression des électeurs, la décision de la Commission électorale n’avait pas porté atteinte à cette liberté, la Commission ayant seulement conclu que la méthode employée – c’est‑à‑dire la publication de photographies à l’aide d’une application mobile – méconnaissait l’obligation d’exercer le droit de vote conformément à son but. Elle estima que le parti requérant avait simplement fourni aux électeurs une plateforme leur permettant de partager des photographies de leur bulletin de vote ou leur intention de s’abstenir de voter et qu’il n’avait pas lui-même exprimé une opinion : selon elle, étant donné qu’il ne se plaignait que de la restriction apportée au droit des électeurs à la liberté d’expression, il n’était pas directement concerné par la décision de la Kúria.

II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

18. La disposition pertinente de la Loi fondamentale est la suivante :

Article 2

« Les membres de l’Assemblée nationale sont élus au suffrage universel direct et égalitaire, à bulletin secret, dans le cadre d’élections qui garantissent la libre expression de la volonté des électeurs, selon des modalités définies dans une loi organique. »

19. Les dispositions pertinentes de la loi CCXXXVIII de 2013 sur l’organisation de référendums, l’initiative citoyenne européenne et la procédure de référendum sont les suivantes :

Chapitre I

Dispositions générales

Article 1

« 1. Les dispositions générales de la loi XXXVI de 2013 sur la procédure électorale (...) s’appliquent – sauf dispositions contraires de la présente loi – aux procédures relevant du champ d’application de la présente loi.

2. La Commission électorale nationale peut émettre des lignes directrices à l’intention des organes électoraux afin de promouvoir une interprétation unifiée des dispositions légales relatives aux procédures régies par la présente loi. »

20. La loi XXXVI de 2013 sur la procédure électorale renferme les dispositions suivantes, pertinentes en l’espèce :

Principes fondamentaux de la procédure électorale

Article 2

« 1. L’application des règles de procédure électorale respecte les principes suivants :

a) la préservation de l’équité du scrutin ;

(...)

e) l’exercice des droits de bonne foi et conformément à leur but ;

(...) »

21. En leurs passages pertinents, les lignes directrices no 12/2014 de la Commission électorale nationale sur le fait de sortir des bulletins de vote hors du bureau de vote ou de photographier des bulletins de vote sont ainsi libellées :

« 1. L’article 182 § 1 de la loi sur la procédure électorale dispose que l’électeur met son bulletin de vote dans une enveloppe et introduit celle-ci dans l’urne ; il ressort de l’interprétation grammaticale et juridique de cette disposition, compte tenu également des principes de préservation de l’équité du scrutin et d’exercice du droit de vote de bonne foi et conformément à son but, que les bulletins de vote sont des documents officiels dont le but est de représenter le choix des électeurs et d’établir les résultats du scrutin.

2. Ainsi, si un électeur utilise un bulletin de vote comme s’il lui appartenait, en le sortant du bureau de vote ou en le photographiant avant de le mettre dans l’enveloppe ou dans l’urne, il enfreint le principe de l’exercice du droit de vote de bonne foi et conformément à son but. Sortir des bulletins de vote du bureau de vote, les photographier, les filmer, etc., peut aussi être source de fraude électorale, fraude dont la prévention relève de l’intérêt public consistant à garantir l’équité du scrutin.

3. Une utilisation des bulletins de vote contraire à leur but peut aussi porter atteinte au principe du secret du scrutin consacré par la Loi fondamentale de la Hongrie. Le secret du scrutin comprend le secret du bulletin de vote ; ainsi, photographier son vote ou son bulletin de vote est un acte contraire aux principes énoncés dans la loi sur la procédure électorale. Le secret du scrutin ne permet pas seulement l’expression en toute sécurité de la volonté des électeurs, il permet aussi l’accomplissement de la procédure de vote, conformément à l’état de droit et aux principes de la démocratie. Son importance dépasse donc la conduite des électeurs eux-mêmes. À l’évidence, le secret du scrutin n’impose pas à l’électeur une obligation de confidentialité, cependant l’obligation d’exercer ses droits conformément à leur but signifie que les électeurs ne doivent pas abuser du fait que le secret du scrutin ne peut être totalement respecté sans leur coopération.

4. De l’avis de la Commission électorale nationale, ni les dispositions de la Loi fondamentale ni celles de la loi sur la procédure électorale ne signifient que les bulletins de vote sont la propriété des électeurs ; en conséquence, ceux-ci ne peuvent faire comme si ces bulletins leur appartenaient, ils ne peuvent les utiliser que dans le but d’exprimer leur suffrage. La participation volontaire au scrutin ne signifie pas que l’électeur puisse sortir un bulletin de vote du bureau de vote. »

Motivation

« De l’avis de la Commission (...) les bulletins officiels ne sont pas la propriété des électeurs (...) Même les bulletins nuls ne peuvent être à la libre disposition des électeurs. La Commission électorale nationale considère donc que la seule conduite respectant le principe de l’exercice du droit de vote de bonne foi et conformément à son but et le principe du secret du scrutin énoncés à l’article 2 § 1 de la Loi fondamentale (...) consiste pour l’électeur, lorsqu’il exprime son suffrage, à ne pas traiter le bulletin comme sa propriété mais comme un moyen d’exercice du droit de vote et d’établissement de l’issue du scrutin. L’électeur ne peut donc pas sortir le bulletin de vote du bureau de vote ni le photographier, que ce soit avec un appareil de télécommunication, avec un appareil numérique ou avec tout autre type d’appareil, pour le montrer à un tiers.

Le but des présentes lignes directrices est de lutter contre la fraude électorale (notamment contre le « vote en chaîne ») afin de préserver l’équité du scrutin. »

III. TEXTES INTERNATIONAUX PERTINENTS

22. La recommandation CM/Rec(2016)5 du Comité des Ministres aux États membres sur la liberté d’internet renferme le passage suivant :

2.2. Liberté d’opinion et droit de recevoir et de communiquer des informations

« 2.2.1. Toute mesure prise par les autorités de l’État ou des acteurs du secteur privé pour bloquer ou restreindre l’accès à la totalité d’une plate-forme internet (médias et réseaux sociaux, blogs ou tout autre site internet) ou à des outils relevant des technologies de l’information et de la communication (TIC) (messagerie instantanée et autres applications), ou toute demande en ce sens formulée par les autorités de l’État, satisfait aux conditions énoncées à l’article 10 de la Convention quant à la légalité, la légitimité et la proportionnalité des restrictions. »

23. La recommandation CM/Rec(2007)16 du Comité des Ministres aux États membres sur des mesures visant à promouvoir la valeur de service public de l’Internet renferme le passage suivant :

« Les États membres devraient encourager les citoyens, les organisations non gouvernementales et les partis politiques à utiliser les TIC (notamment les forums en ligne, blogs, débats politiques en ligne, messageries instantanées et autres formes de communication entre citoyens) pour engager des débats démocratiques, des actions militantes et des campagnes en ligne, faire valoir leurs préoccupations, leurs idées et leurs initiatives, promouvoir le dialogue et la délibération avec des représentants et le gouvernement, et pour contrôler l’action des fonctionnaires et des responsables politiques sur les questions d’intérêt public. »

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 10 DE LA CONVENTION

24. Le parti requérant soutient que l’amende qui lui a été infligée parce qu’il avait proposé une application mobile permettant aux électeurs de publier des photographies de leur bulletin de vote a emporté violation de son droit à la liberté d’expression protégé par l’article 10 de la Convention, lequel est ainsi libellé :

« 1. Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière (...)

2. L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire. »

A. Sur la recevabilité

25. Le Gouvernement soutient que le parti requérant aurait pu introduire un recours constitutionnel afin d’obtenir l’annulation des décisions rendues par la Kúria les 10 et 18 octobre 2016, en arguant que ces décisions avaient emporté violation à son égard des droits garantis par la Loi fondamentale, soit parce que la Kúria avait appliqué une loi inconstitutionnelle soit parce qu’elle avait interprété ou appliqué la loi de manière inconstitutionnelle. Selon lui, le recours constitutionnel que le parti requérant a introduit a été déclaré irrecevable parce qu’il ne renfermait pas l’allégation d’une violation des droits constitutionnels du parti lui-même mais celle d’une violation des droits des électeurs, de sorte qu’il ne respectait pas les obligations procédurales en vigueur.

26. Le parti requérant soutient pour sa part qu’il a exercé toutes les voies de recours disponibles. Il argue que son recours constitutionnel a été rejeté au motif que le fait de fournir aux électeurs une plateforme leur permettant d’exprimer leur opinion ne relevait pas de la portée de la liberté d’expression. Selon lui, le fond de son grief a été examiné par la plus haute instance judiciaire nationale.

27. La Cour rappelle que la règle de l’épuisement des voies de recours internes énoncée à l’article 35 § 1 de la Convention impose aux requérants l’obligation d’utiliser en premier lieu les recours normalement disponibles et suffisants dans l’ordre juridique interne pour leur permettre d’obtenir réparation des violations qu’elles allèguent. L’article 35 § 1 impose aussi de soulever devant l’organe interne adéquat, au moins en substance et dans les formes et délais prescrits par le droit interne, les griefs que l’on entend formuler par la suite devant la Cour (Chiragov et autres c. Arménie [GC], no 13216/05, § 116, CEDH 2015).

28. En l’espèce, la Cour note que dans son recours constitutionnel, le parti requérant a présenté aux autorités internes un récit complet de la procédure et a soutenu que le fait de le sanctionner pour avoir mis à la disposition des électeurs l’application mobile litigieuse avait porté atteinte à son droit à la liberté d’expression, sa démarche étant selon lui protégée par l’article IX § 1 de la Loi fondamentale (paragraphe 16 ci-dessus). La Cour constitutionnelle a déclaré le recours irrecevable, concluant que l’affaire concernait le droit des électeurs à la liberté d’expression et que le parti requérant n’avait fait que fournir une plateforme pour cette expression, sans exprimer lui-même une opinion.

29. La Cour considère donc que le parti requérant a soulevé la substance de son grief devant la Cour constitutionnelle, et que celle-ci a statué sur la question de savoir si l’affaire concernait l’exercice qu’il entendait faire de son droit à la liberté d’expression. Dans ces conditions, elle estime que le parti requérant a porté sa situation à la connaissance des autorités internes dans une mesure suffisante et qu’il leur a laissé une possibilité adéquate de déterminer si la peine d’amende dont il avait fait l’objet avait constitué une mesure raisonnable et proportionnée au but visé dans les circonstances de l’espèce (voir Džinić c. Croatie, no 38359/13, § 49, 17 mai 2016).

30. La Cour conclut donc que le parti requérant s’est conformé à l’obligation d’épuiser les voies de recours internes et que l’exception soulevée par le Gouvernement à cet égard doit être rejetée. Constatant par ailleurs que la requête n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention ni irrecevable pour un autre motif, elle la déclare recevable.

B. Sur le fond

1. Thèses des parties

31. Le parti requérant soutient que la publication par les électeurs de photographies montrant leur participation au référendum et le suffrage qu’ils avaient exprimé s’analyse en l’expression d’une opinion sur un sujet politique, protégée par l’article 10 de la Convention, et que le fait de fournir aux électeurs, sous la forme d’une application mobile, une plateforme leur permettant d’exprimer leur opinion relève du droit à la liberté d’expression. Ainsi, la restriction et la pénalisation de l’usage de cette application auraient constitué une ingérence dans l’exercice du droit du requérant à la liberté d’expression. Cette ingérence n’aurait pas été prévue par la loi et elle n’aurait pas visé un but légitime.

32. En ce qui concerne l’absence alléguée de base légale de l’ingérence litigieuse, le parti requérant argue que les dispositions de la loi sur la procédure électorale n’interdisent pas de photographier les bulletins de vote et que les lignes directrices de la Commission électorale nationale n’ont quant à elles pas force de loi.

33. En ce qui concerne l’absence alléguée de but légitime, il soutient que le principe de l’exercice des droits conformément à leur but ne saurait constituer un motif légitime de restriction du droit à la liberté d’expression et qu’en toute hypothèse, la publication de photographies des bulletins de vote n’a porté atteinte ni à l’équité ni au secret du scrutin.

34. Le Gouvernement soutient pour sa part qu’il n’y a pas eu d’ingérence dans l’exercice par le parti requérant de son droit à la liberté d’expression, le parti ayant seulement fourni aux électeurs une application mobile leur permettant de partager leur opinion avec d’autres utilisateurs et n’ayant pas lui-même exprimé un discours politique. Il ajoute qu’à supposer même qu’il y ait eu pareille ingérence, celle-ci aurait été conforme au second paragraphe de l’article 10 : elle aurait eu une base légale, comme l’auraient expliqué les lignes directrices de la Commission électorale nationale, et elle aurait eu pour but légitime de garantir le bon déroulement du scrutin et le bon usage des bulletins de vote – ce qui relèverait de « la protection des droits d’autrui ». En ce qui concerne la nécessité de l’ingérence dans une société démocratique et son caractère proportionné au but poursuivi, le Gouvernement fait valoir que la Kúria a considérablement réduit l’amende infligée au parti requérant.

2. Appréciation de la Cour

a) Y a-t-il eu ingérence dans l’exercice par le parti requérant de sa liberté d’expression ?

35. La Cour note d’emblée que le parti requérant a été sanctionné pour avoir proposé une application mobile permettant aux utilisateurs de partager des commentaires et des photographies de leur bulletin de vote. Elle prend note du raisonnement des juridictions internes, repris par le Gouvernement, selon lequel le parti requérant n’a pas lui-même exprimé un discours politique, de sorte que la mesure litigieuse n’aurait pas porté atteinte au droit de ce parti à la liberté d’expression.

36. La Cour a dit à maintes reprises que l’article 10 garantit non seulement le droit de communiquer des informations mais aussi celui, pour le public, d’en recevoir (voir, notamment, Observer and Guardian c. Royaume-Uni, 26 novembre 1991, § 59, série A no 216, et Guseva c. Bulgarie, no 6987/07, § 36, 17 février 2015). Elle a dit également que la liberté d’expression comprend la publication de photographies (Von Hannover c. Allemagne (no 2) [GC], nos 40660/08 et 60641/08, § 103, CEDH 2012). Par ailleurs, l’article 10 concerne non seulement le contenu des informations mais aussi les moyens de leur diffusion et de leur réception, car toute restriction apportée à ceux-ci touche le droit de recevoir et communiquer des informations (voir, par exemple, Öztürk c. Turquie [GC], no 22479/93, § 49, CEDH 1999-VI).

37. La Cour note que le parti requérant a développé l’application mobile en cause précisément pour que les électeurs partagent leur opinion, au moyen des technologies de l’information et de la communication, en publiant des photographies anonymes de bulletins de vote nuls. Cette application revêtait donc en l’espèce une valeur communicative et, dès lors, elle constituait, de l’avis de la Cour, un moyen d’expression sur un sujet d’intérêt public, protégé par l’article 10 de la Convention. De plus en l’espèce, la Cour estime établi que ce qu’il a été reproché au parti requérant était précisément d’avoir fourni à autrui un moyen de transmission permettant de diffuser et de recevoir des informations au sens de l’article 10 de la Convention. Elle considère que les activités de ce parti relèvent de la protection de l’article 10 § 1 de la Convention et que, dès lors, la sanction que celui-ci s’est vu infliger constitue une ingérence dans l’exercice qu’il entendait faire de son droit à la liberté d’expression (Neij et Sunde Kolmisoppi c. Suède (déc.), no 40397/12, 20 juin 2012). Pareille ingérence enfreint l’article 10, sauf si elle est « prévue par la loi » et dirigée vers un ou des buts légitimes au regard de l’article 10 § 2.

b) L’ingérence était-elle justifiée ?

i. Sur la légalité de l’ingérence

38. La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle les mots « prévue par la loi » imposent non seulement que la mesure litigieuse ait une base légale en droit interne, mais visent aussi la qualité de la loi en cause : celle-ci doit être accessible aux justiciables et prévisible dans ses effets (Paradiso et Campanelli c. Italie [GC], no 25358/12, § 169, CEDH 2017).

39. La Cour prend note de l’argument du requérant consistant à dire que les lignes directrices de la Commission électorale nationale n’ont pas force de loi, mais elle n’estime pas nécessaire de l’examiner plus avant car en toute hypothèse, comme elle l’explique ci-dessous, la mesure litigieuse est contraire à l’article 10 pour d’autres raisons.

ii. Sur la présence d’un but légitime

40. La Cour rappelle que la liste des exceptions à la liberté d’expression énumérées à l’article 10 est exhaustive. La définition de ces exceptions est nécessairement restrictive et appelle une interprétation étroite (voir, dans le contexte des articles 10 et 11, Stankov et Organisation macédonienne unie Ilinden c. Bulgarie, nos 29221/95 et 29225/95, § 84, CEDH 2001‑IX). Pour être compatible avec la Convention, une restriction à cette liberté doit notamment être inspirée par un but susceptible d’être rattaché à l’un de ceux que cette disposition énumère. La pratique de la Cour est d’être plutôt succincte lorsqu’elle vérifie l’existence d’un but légitime, au sens des seconds paragraphes des articles 8 à 11 de la Convention (voir, mutatis mutandis, S.A.S. c. France [GC], no 43835/11, §§ 113-114, CEDH 2014 (extraits)).

41. Le Gouvernement soutient que la mesure litigieuse visait à assurer le bon déroulement du scrutin et le bon usage des bulletins de vote. Il estime que ces buts peuvent relever de « la protection des droits d’autrui » au sens du second paragraphe de l’article 10 de la Convention. Le parti requérant n’est pas de cet avis.

42. En ce qui concerne l’argument du Gouvernement relatif à la garantie du bon déroulement du scrutin, la Cour observe que l’autorité administrative a considéré que la publication de photographies au moyen de l’application mobile devait être mise en balance, en tant que mode d’exercice de la liberté d’expression, avec l’intérêt concurrent des citoyens résidant dans l’équité du référendum et le secret du scrutin, mais que la Kúria a conclu que la publication de ces photographies n’avait eu d’incidence ni sur la première ni sur le second. Sur le secret du scrutin, la Kúria a souligné que ces photographies, publiées anonymement, ne permettaient pas de découvrir l’identité des électeurs qui les avaient prises. En ce qui concerne l’équité du référendum, elle a dit que la publication de photographies des bulletins de vote via l’application mobile était certes contraire au principe de l’exercice des droits conformément à leur but, mais n’avait pas eu de répercussion sur l’équité du scrutin.

La Cour ne voit pas de raison de conclure autrement, et elle estime donc établi que la conduite du parti requérant n’a porté atteinte ni au secret ni à l’équité du scrutin.

43. Par ailleurs, le Gouvernement n’a mentionné aucun autre « droit d’autrui » susceptible d’avoir été mis en péril par la publication anonyme d’images de bulletins nuls. Il n’a avancé aucun élément de nature à démontrer qu’il y ait eu une défaillance dans le scrutin, facilitée par la publication de ces images et à laquelle il aurait fallu parer par une restriction de l’usage de l’application mobile.

44. Le second argument du Gouvernement consiste à dire que la mise à disposition et l’utilisation de l’application en cause ont porté au principe de l’exercice des droits conformément à leur but énoncé à l’article 2 § 1 e) de la loi sur la procédure électorale une atteinte emportant violation des droits d’autrui. La Cour n’est pas convaincue par cette thèse. Les autorités internes ont certes établi que l’utilisation des bulletins de vote à toute autre fin que l’expression du suffrage enfreignait la disposition de droit interne invoquée par le Gouvernement, mais celui-ci n’a pas démontré de manière convaincante l’existence d’un quelconque lien entre le principe en question et les buts visés de manière exhaustive au paragraphe 2 de l’article 10.

45. En conséquence, la Cour ne peut admettre la thèse selon laquelle l’ingérence litigieuse poursuivait un but légitime visé à l’article 10 § 2.

46. Lorsqu’il a été démontré qu’une ingérence ne poursuivait pas un « but légitime », il n’est pas nécessaire de rechercher si elle était « nécessaire dans une société démocratique » (voir, mutatis mutandis, Erményi c. Hongrie, no 22254/14, § 38, 22 novembre 2016).

iii. Conclusion

47. Il découle de ce qui précède que la sanction infligée au parti requérant pour avoir proposé l’application mobile en cause ne répondait pas aux exigences du second paragraphe de l’article 10 de la Convention.

48. Partant, il y a eu violation de cet article.

II. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

49. Aux termes de l’article 41 de la Convention :

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage

50. Le parti requérant n’a présenté aucune demande au titre du dommage moral. En revanche, il réclame 100 000 forints hongrois (HUF), soit environ 330 euros (EUR), pour dommage matériel. Cette somme correspond à celle que la Kúria lui a ordonné de payer à titre d’amende.

51. Le Gouvernement considère que la demande du requérant est d’un montant raisonnable.

52. La Cour admet qu’il y a un lien de causalité entre la violation constatée et le dommage matériel allégué ; elle octroie donc au requérant la totalité de la somme réclamée.

B. Frais et dépens

53. Le parti requérant réclame également 3 000 EUR au titre des frais et dépens engagés pour la procédure devant la Cour. Cette somme correspond aux frais facturés par son avocat pour vingt heures de travail juridique au taux horaire de 150 EUR.

54. Le Gouvernement considère que la demande du requérant est d’un montant raisonnable.

55. Selon la jurisprudence constante de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce, eu égard aux documents en sa possession et aux critères rappelés ci-dessus, la Cour estime raisonnable d’accorder au requérant l’intégralité de la somme demandée.

C. Intérêts moratoires

56. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Déclare la requête recevable ;

2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 10 de la Convention ;

3. Dit

a) que l’État défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes, à convertir dans la monnaie de l’État défendeur, au taux applicable au jour du règlement :

i) 330 EUR (trois cent trente euros), plus tout montant pouvant être dû sur cette somme à titre d’impôt, pour dommage matériel ;

ii) 3 000 EUR (trois mille euros), plus tout montant pouvant être dû sur cette somme par le requérant à titre d’impôt, pour frais et dépens ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, majoré de trois points de pourcentage.

Fait en anglais, puis communiqué par écrit le 23 janvier 2018, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Marialena TsirliGanna Yudkivska
GreffièrePrésidente


Synthèse
Formation : Cour (quatriÈme section)
Numéro d'arrêt : 001-180508
Date de la décision : 23/01/2018
Type d'affaire : au principal et satisfaction équitable
Type de recours : Violation de l'article 10 - Liberté d'expression-{général} (Article 10-1 - Liberté d'expression;Liberté de communiquer des informations;Liberté de recevoir des informations);Dommage matériel - réparation (Article 41 - Dommage matériel;Satisfaction équitable)

Parties
Demandeurs : MAGYAR KÉTFARKÚ KUTYA PÁRT
Défendeurs : HONGRIE

Composition du Tribunal
Avocat(s) : TORDAI Cs.

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2021
Fonds documentaire ?: HUDOC

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