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03/10/2017 | CEDH | N°001-177679

CEDH | CEDH, AFFAIRE TIKHOMIROVA c. RUSSIE, 2017, 001-177679


TROISIÈME SECTION

AFFAIRE TIKHOMIROVA c. RUSSIE

(Requête no 49626/07)

ARRÊT

STRASBOURG

3 octobre 2017

DÉFINITIF

03/01/2018

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Tikhomirova c. Russie,

La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

Branko Lubarda, président,
Luis López Guerra,
Helen Keller,
Dmitry Dedov,
Pere Pastor Vilanova,


Alena Poláčková,
Jolien Schukking, juges,
et de Fatoş Aracı, greffière adjointe de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 12 s...

TROISIÈME SECTION

AFFAIRE TIKHOMIROVA c. RUSSIE

(Requête no 49626/07)

ARRÊT

STRASBOURG

3 octobre 2017

DÉFINITIF

03/01/2018

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Tikhomirova c. Russie,

La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

Branko Lubarda, président,
Luis López Guerra,
Helen Keller,
Dmitry Dedov,
Pere Pastor Vilanova,
Alena Poláčková,
Jolien Schukking, juges,
et de Fatoş Aracı, greffière adjointe de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 12 septembre 2017,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 49626/07) dirigée contre la Fédération de Russie et dont une ressortissante de cet État, Mme Tatyana Vladimirovna Tikhomirova (« la requérante »), a saisi la Cour le 3 octobre 2007 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. La requérante a été représentée par Me V.A. Veselov, avocat à Serpoukhov. Le gouvernement russe (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, M. G. Matiouchkine, représentant de la Fédération de Russie auprès de la Cour européenne des droits de l’homme, puis par le successeur de celui-ci, M. M. Galperine.

3. La requérante alléguait, sous l’angle de l’article 2 de la Convention, que l’enquête menée à la suite du décès de son fils n’avait pas été effective.

4. Le 15 mars 2013, la requête a été communiquée au Gouvernement.

EN FAIT

LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

5. La requérante est née en 1954 et réside à Serpoukhov.

6. Le 4 décembre 2006, T., le fils de la requérante, fut grièvement blessé dans un accident de la circulation : vers 4 h 30, son véhicule était sorti de la route et avait percuté un arbre. Au moment de l’accident, trois personnes se trouvaient dans la voiture : T., B. et P. L’accident fut enregistré par la police (paragraphe 8 ci-dessous), qui transmit le dossier aux autorités chargées de l’instruction le même jour.

7. Transporté dans un hôpital après l’accident, T. y décéda le 16 décembre 2006.

8. Entretemps, par une décision du 14 décembre 2006, l’enquêteur R. du comité d’instruction de la ville de Serpukhov avait refusé d’ouvrir une enquête pénale au sujet des circonstances de l’accident sur la base de l’article 24 §§ 1‑4 (mort du suspect ou de l’accusé) du code de procédure pénale (CPP). L’enquêteur avait considéré que T. conduisait le véhicule au moment de l’accident, qu’il en avait perdu le contrôle et qu’il avait percuté un arbre qui se trouvait sur le trottoir, à droite, dans le sens de circulation de la voiture. L’enquêteur s’était référé à cet effet au procès-verbal de l’accident, au procès-verbal de l’inspection et croquis du lieu de l’accident, ainsi qu’au procès-verbal de l’inspection du véhicule. Il avait également mentionné les explications de la requérante, qui avait déclaré que le véhicule appartenait bien à son fils, qu’elle avait vu celui-ci l’utiliser pour la dernière fois le 2 décembre 2006 et qu’elle n’était pas au courant des circonstances de l’accident. L’enquêteur avait conclu que « T. était responsable de l’accident, ayant enfreint les articles 1.3, 1.5 et 10.1 du code de la route, ce qui avait placé l’intéressé dans une situation de danger à la vie et ce qui [lui avait causé des] lésions, dont il était décédé ».

9. Le 16 janvier 2007, le procureur adjoint de la ville de Serpoukhov annula cette décision et ordonna un complément d’enquête, demandant notamment que le rapport d’autopsie de T. fût joint au dossier.

10. Le 4 juin 2007, la requérante demanda aux autorités chargées de l’instruction d’effectuer des mesures d’instruction supplémentaires dans le but d’établir si, au moment de l’accident, T. était effectivement au volant du véhicule (à l’aide, entre autres, des interrogatoires de B. et de P. ainsi que des agents des services de secours et du personnel ambulancier) et de fixer une expertise propre à répondre à cette question.

11. Le 3 juillet 2007, n’ayant pas reçu de réponse à sa demande, la requérante se plaignit, par le biais de son avocat, d’une inactivité de l’enquêteur auprès du procureur.

12. Le 13 juillet 2007, le procureur adjoint de la ville de Serpoukhov accueillit partiellement la plainte de l’intéressée, confirmant que l’enquête n’avait pas été menée avec la diligence requise et qu’elle n’avait pas permis l’établissement de toutes les circonstances de l’accident. Cependant, il rejeta la plainte en ce qui concernait les mesures d’instruction à prendre au motif que, conformément à l’article 119 du CPP, la requérante ne disposait du droit de faire des demandes à l’enquêteur qu’une fois l’enquête pénale ouverte, ce qui n’était pas le cas dans les circonstances de l’espèce.

13. Par une décision séparée du 13 juillet 2007, le procureur adjoint de la ville de Serpoukhov ordonna à l’enquêteur chargé de l’enquête préliminaire sur les circonstances de l’accident d’effectuer les mesures d’instruction supplémentaires suivantes :

. d’obtenir le rapport d’autopsie de T. ;

. d’interroger S., B., Be., P. sur les circonstances de l’accident, notamment sur l’emplacement de T. et des autres personnes dans le véhicule au moment de l’accident, sur une éventuelle consommation d’alcool par eux et sur les causes de l’accident.

14. Par une décision du 27 août 2007, le tribunal de la ville de Serpoukhov, saisi par la requérante, estima que les autorités chargées de l’instruction n’avaient pas dûment mené l’enquête au motif, notamment, qu’elles n’avaient pas effectué les mesures identifiées par le procureur adjoint dans ses décisions des 16 janvier et 13 juillet 2007. Le tribunal conclut que l’inactivité des autorités chargées de l’instruction était illégale et ordonna que les mesures susmentionnées fussent mises en œuvre.

15. Le 21 avril 2008, la cour régionale de Moscou, après avoir débouté la requérante d’une demande aux fins d’engagement de poursuites pénales contre l’enquêteur chargé de l’enquête préliminaire pour manque de diligence, rendit néanmoins une décision (« частное определение ») dans laquelle elle critiquait tant l’enquêteur que le service du procureur de la ville de Serpoukhov pour des manquements et une passivité dans la conduite de l’enquête. La cour régionale obligea en outre les autorités susmentionnées à l’informer dans un délai d’un mois sur les mesures prises.

16. Le 5 mars 2009, les autorités chargées de l’instruction rendirent une décision portant à nouveau refus d’ouverture d’une enquête pénale sur l’accident du 4 décembre 2006. La Cour ne dispose pas de copie de cette décision.

17. Le 23 mars 2009, le chef adjoint du comité d’instruction du bureau du ministère de l’Intérieur de la ville de Serpoukhov annula la décision du 5 mars 2009. Il ordonna un complément d’enquête comprenant notamment les mesures suivantes :

. la fixation d’une expertise médicolégale de B. et de P. afin de répondre à la question de savoir si, lors de l’accident du 4 décembre 2006, ceux-ci avaient subi des lésions susceptibles d’apparaître chez un conducteur de véhicule ;

. le recueil des explications des agents des services de secours et du personnel ambulancier qui s’étaient rendus sur le lieu de l’accident le 4 décembre 2006 ;

. la prise de mesures propres à déterminer les témoins de l’accident.

18. Le dossier dont dispose la Cour ne contient pas d’informations quant à la mise en œuvre des mesures susmentionnées.

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 2 DE LA CONVENTION

19. La requérante allègue que l’enquête menée sur les circonstances du décès de son fils a été ineffective et d’une durée excessive. Elle invoque l’article 2 de la Convention, ainsi libellé en sa partie pertinente en l’espèce :

« 1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi (...) »

A. Thèses des parties

1. Le Gouvernement

20. Le Gouvernement conteste la thèse de la requérante. Il indique tout d’abord que le dossier de l’enquête préliminaire menée sur les circonstances du décès du fils de la requérante a été détruit le 12 avril 2012 à l’expiration du délai de conservation de cinq ans qui serait applicable en la matière, selon lui conformément à l’arrêté no 340 du ministère de l’Intérieur du 12 mai 2006, et qu’il n’est par conséquent pas en mesure de soumettre ce dossier à la Cour.

21. S’agissant de l’enquête elle-même, le Gouvernement considère qu’elle a été effective et que le refus d’ouverture d’une enquête pénale n’a pas été contraire à l’article 2 de la Convention.

22. Le Gouvernement énumère ensuite les dispositions du droit interne relatives à la conduite d’une vérification préliminaire, prévue par l’article 144 du CPP, ainsi qu’aux types de mesures d’investigation ou d’instruction pouvant être effectuées par les autorités internes dans le cadre d’une telle vérification préalablement à l’ouverture d’une enquête pénale. Le Gouvernement estime que la conduite d’une vérification préliminaire est nécessaire afin de protéger les droits des tiers, lesquels droits pourraient être considérablement restreints en cas d’ouverture d’une enquête pénale proprement dite. Selon lui, le fait qu’à l’issue d’une vérification préliminaire les autorités compétentes n’établissent pas l’existence d’éléments constitutifs d’une infraction démontre l’absence de fondement de la plainte y relative.

23. Se référant à l’arrêt Geppa c. Russie (no 8532/06, 3 février 2011), le Gouvernement argue que la décision de ne pas ouvrir une enquête pénale prise à l’issue d’une vérification préliminaire ne peut pas entraîner automatiquement une violation du volet procédural de l’article 2 de la Convention. Il estime finalement que l’obligation de mener une enquête est une obligation non de résultat, mais de moyens, et il renvoie à cet égard aux arrêts Paul et Audrey Edwards c. Royaume-Uni (no 46477/99, § 71, CEDH 2002‑II) et Mahmut Kaya c. Turquie (no 22535/93, § 124, CEDH 2000‑III).

2. La requérante

24. La requérante affirme d’abord que l’arrêté no 340 du ministère de l’Intérieur du 12 mai 2006 cité par le Gouvernement n’a pas été rendu public et qu’il n’a pas pu servir de base légale pour la destruction du dossier pénal de l’enquête préliminaire sur le décès de son fils. Elle argue que ledit dossier n’aurait pas dû être détruit avant le 1er janvier 2015.

25. La requérante soutient ensuite que l’enquête sur les circonstances du décès de son fils n’a été ni prompte ni effective. Faisant référence à la décision du procureur adjoint du 13 juillet 2007 et à celle du chef adjoint du comité d’instruction du 23 mars 2009, elle affirme que les autorités chargées de l’instruction n’ont en substance entrepris aucune mesure propre à établir les circonstances de l’accident du 4 décembre 2006.

B. Appréciation de la Cour

1. Sur la recevabilité

26. Constatant que la requête n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’elle ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour la déclare recevable.

2. Sur le fond

27. La Cour rappelle qu’elle a eu l’occasion d’examiner à maintes reprises, sur le terrain de l’article 2 de la Convention, des situations où une perte de vies humaines a résulté d’un accident de la circulation (voir, parmi d’autres, Kotelnikov c. Russie, no 45104/05, § 101, 12 juillet 2016, Basyuk c. Ukraine, no 51151/10, § 56, 5 novembre 2015, Ciobanu c. République de Moldova, no 62578/09, § 32, 24 février 2015, Starčević c. Croatie, no 80909/12, § 56, 13 novembre 2014, Zubkova c. Ukraine, no 36660/08, § 35, 17 octobre 2013, Prynda c. Ukraine, no 10904/05, § 50, 31 juillet 2012, Sergiyenko c. Ukraine, no 47690/07, § 48, 19 avril 2012, Igor Shevchenko c. Ukraine, no 22737/04, § 56, 12 janvier 2012, Antonov c. Ukraine, no 28096/04, § 44, 3 novembre 2011, et Anna Todorova c. Bulgarie, no 23302/03, § 76, 24 mai 2011). Elle réaffirme que la protection du droit à la vie au sens de l’article 2 de la Convention exige dans ces cas une réponse appropriée – judiciaire ou autre – pour que le cadre législatif et administratif instauré aux fins de la protection de la vie soit effectivement mis en œuvre et pour que, le cas échéant, les violations du droit en jeu soient réprimées et sanctionnées (Ciobanu, précité, § 32). Un système judiciaire efficace tel qu’il est exigé par l’article 2 peut comporter, et dans certaines circonstances doit comporter, un mécanisme de répression pénale (Antonov, précité, § 45). Toutefois, si l’atteinte au droit à la vie ou à l’intégrité physique n’est pas intentionnelle, l’obligation positive de mettre en place un « système judiciaire efficace » n’exige pas nécessairement dans tous les cas un recours de nature pénale, et il peut y être satisfait par l’offre d’un recours devant les juridictions civiles, seul ou conjointement avec un recours devant les juridictions pénales, aux fins de l’établissement de la responsabilité des personnes concernées et, le cas échéant, de l’obtention de l’application de toute sanction civile appropriée, tel le versement de dommages-intérêts (Anna Todorova, précité, § 73).

28. Se tournant vers les faits de l’espèce, la Cour note que rien dans le dossier ne permet de supposer que le décès du fils de la requérante résultait d’un acte intentionnel ou qu’il avait eu lieu dans des circonstances suspectes (voir, à titre d’exemple, l’arrêt Anna Todorova, précité, § 77, qui concernait également un accident de la circulation dont les circonstances ne permettaient pas d’établir qui était le conducteur du véhicule accidenté). Dès lors, l’on ne saurait dire que seul un recours pénal aurait pu satisfaire en l’espèce à l’exigence de réponse appropriée découlant de l’article 2 de la Convention.

29. La Cour relève ensuite que le Gouvernement n’a pas pour autant argué que la requérante disposait d’un recours civil dont elle aurait pu se prévaloir pour établir les circonstances du décès de son fils. Par conséquent, elle se limitera à examiner si l’enquête préliminaire menée sur les circonstances du décès du fils de la requérante a satisfait aux exigences d’effectivité voulues par cette disposition de la Convention (Starčević, précité, § 57).

30. À cet égard, la Cour observe que le Gouvernement n’a pas soumis de copie du dossier de l’enquête préliminaire susmentionnée au motif que celui-ci avait été détruit à l’expiration du délai de conservation. Si la base légale de cette destruction est contestée par la requérante, la Cour estime qu’il n’est pas nécessaire de se pencher sur cette question puisque les éléments dont elle dispose lui suffisent pour conclure à l’ineffectivité de l’enquête litigieuse.

31. D’abord, la Cour trouve incompréhensible que, informées de l’accident du 4 décembre 2006, les autorités chargées de l’instruction aient refusé, par une décision du 14 décembre 2006, d’ouvrir une enquête pénale sur le fondement de l’article 24 §§ 1-4 du CPP – qui prévoit la possibilité de clôturer l’enquête en cas de mort du suspect ou de l’accusé – alors que T. n’est décédé que le 16 décembre 2006, soit deux jours après l’adoption de ladite décision (paragraphes 7‑8 ci‑dessus). Elle relève ensuite que le caractère incomplet de l’enquête et le manque de diligence dans sa conduite par la suite ont été constatés à plusieurs reprises tant par le service du procureur que par les juridictions internes (paragraphes 12, 14 et 15 ci‑dessus). Elle observe qu’à la date de l’adoption de la décision du chef adjoint du comité d’instruction du 23 mars 2009 (paragraphe 17 ci‑dessus), soit plus de deux ans et trois mois après l’accident, aucune des mesures d’instruction identifiées précédemment comme nécessaires (paragraphes 9 et 13 ci‑dessus) n’a été réalisée. La Cour estime donc que les autorités internes n’ont pas pris toutes les mesures qui leur étaient raisonnablement accessibles pour procéder au recueil des preuves et pour permettre l’établissement des circonstances du décès du fils de la requérante.

32. Eu égard aux éléments qui précèdent, la Cour considère que les autorités nationales n’ont pas agi avec la diligence requise par l’article 2 de la Convention. En conséquence, elle conclut à la violation de cette disposition sous son volet procédural.

II. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

33. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage

34. La requérante réclame 481 741 roubles (RUB) au titre du préjudice matériel qu’elle estime avoir subi, somme qu’elle ventile comme suit :

. 466 741 RUB pour les frais liés à l’hospitalisation et au traitement médical de son fils ;

. 15 000 RUB pour les frais liés à l’autopsie de son fils.

35. Elle réclame également 50 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral qu’elle dit avoir subi.

36. Le Gouvernement estime qu’il n’y a aucun lien de causalité entre le préjudice matériel allégué par la requérante et la prétendue violation du volet procédural de l’article 2 de la Convention. En ce qui concerne le préjudice moral, il est d’avis que le montant réclamé est excessif.

37. À l’instar du Gouvernement, la Cour n’aperçoit pas de lien de causalité entre la violation constatée et le dommage matériel allégué, et elle rejette la demande y afférente (Kotelnikov, précité, § 116, et Ciobanu, précité, § 44). En revanche, elle considère qu’il y a lieu d’octroyer à la requérante 10 000 EUR au titre du préjudice moral.

B. Frais et dépens

38. La requérante demande également 67 405 RUB pour les frais et dépens engagés devant les instances nationales et pour ceux engagés devant la Cour. Elle précise que cette somme couvre les frais de représentation d’avocat (60 000 RUB) et les frais de traduction des observations devant la Cour (7 405 RUB).

39. Le Gouvernement considère que la somme réclamée est excessive eu égard à la complexité de l’affaire, qu’il qualifie de faible.

40. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce, compte tenu des documents dont elle dispose et de sa jurisprudence, la Cour estime raisonnable la somme de 1 040 EUR et l’accorde à la requérante.

C. Intérêts moratoires

41. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Déclare la requête recevable ;

2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 2 de la Convention sous son volet procédural ;

3. Dit

a) que l’État défendeur doit verser à la requérante, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes, à convertir dans la monnaie de l’État défendeur, au taux applicable à la date du règlement :

i. 10 000 EUR (dix mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral,

ii. 1 040 EUR (mille quarante euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par la requérante, pour frais et dépens ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

4. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 3 octobre 2017, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.

Fatoş AracıBranko Lubarda
Greffière adjointePrésident


Synthèse
Formation : Cour (troisiÈme section)
Numéro d'arrêt : 001-177679
Date de la décision : 03/10/2017
Type d'affaire : au principal et satisfaction équitable
Type de recours : Violation de l'article 2 - Droit à la vie (Article 2 - Obligations positives;Article 2-1 - Enquête effective) (Volet procédural)

Parties
Demandeurs : TIKHOMIROVA
Défendeurs : RUSSIE

Composition du Tribunal
Avocat(s) : VESELOV V.A.

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2021
Fonds documentaire ?: HUDOC

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