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06/12/2016 | CEDH | N°001-169200

CEDH | CEDH, AFFAIRE SARIHAN c. TURQUIE, 2016, 001-169200


DEUXIÈME SECTION

AFFAIRE SARIHAN c. TURQUIE

(Requête no 55907/08)

ARRÊT

STRASBOURG

6 décembre 2016

DÉFINITIF

06/03/2017

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Sarıhan c. Turquie,

La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :

Julia Laffranque, présidente,
Işıl Karakaş,
Nebojša Vučinić,
Valeriu Griţco,
Ksenija Turković

,
Jon Fridrik Kjølbro,
Stéphanie Mourou-Vikström, juges,
et de Hasan Bakırcı, greffier adjoint de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le...

DEUXIÈME SECTION

AFFAIRE SARIHAN c. TURQUIE

(Requête no 55907/08)

ARRÊT

STRASBOURG

6 décembre 2016

DÉFINITIF

06/03/2017

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Sarıhan c. Turquie,

La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :

Julia Laffranque, présidente,
Işıl Karakaş,
Nebojša Vučinić,
Valeriu Griţco,
Ksenija Turković,
Jon Fridrik Kjølbro,
Stéphanie Mourou-Vikström, juges,
et de Hasan Bakırcı, greffier adjoint de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 8 novembre 2016,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 55907/08) dirigée contre la République de Turquie et dont un ressortissant de cet État, M. Erkan Sarıhan (« le requérant »), a saisi la Cour le 11 novembre 2008 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Le requérant a été représenté par M. A. ORUÇ, avocat à Denizli. Le gouvernement turc (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent.

3. Le requérant se plaint d’une violation des articles 1, 6 et 13 de la Convention en raison de l’explosion d’une mine antipersonnel lui ayant causé de graves blessures.

4. Le 4 novembre 2010, la requête a été communiquée au Gouvernement.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

5. Le requérant est né en 1991 et réside à Istanbul.

6. Il était âgé de 12 ans lorsque, le 24 juillet 2003 aux alentours de 9 h 30, une mine antipersonnel explosa sur le terrain miné no 39, dans la zone frontalière du commandement d’infanterie de Çetenli, à Doğubeyazıt (Ağrı), où il faisait paître ses moutons. Il fut gravement blessé au visage, aux mains et à la poitrine.

7. Le grand-père de l’enfant le fit d’abord transporter en taxi à l’hôpital d’État de Doğubeyazıt, puis à l’hôpital d’État d’Iğdır, où le blessé fut hospitalisé jusqu’au 4 août 2003.

8. Le rapport médical no 1068, établi le 24 juillet 2003, indiquait que les blessures du requérant mettaient sa vie en danger. Il précisait qu’on lui avait amputé deux doigts de la main gauche et que son visage présentait d’importantes cicatrices.

A. L’enquête administrative menée en l’espèce

9. Le jour de l’incident, les autorités militaires firent un croquis détaillé des lieux de l’explosion. Selon ce croquis, des panneaux d’avertissement avaient été placés à intervalles réguliers du côté du village, la distance entre le terrain miné et le plateau où se trouvait le village était de 150 mètres et celle entre ledit terrain et le poste de l’armée était de 200 mètres.

10. Selon le procès-verbal établi le même jour par un officier et deux sergents de l’armée, le requérant avait pénétré dans la zone minée, avait joué avec une mine antipersonnel qu’il y avait trouvée et avait été blessé par l’explosion de celle‑ci. Le procès-verbal indiquait également que le terrain où l’accident avait eu lieu était une zone militaire de deuxième degré dont les quatre côtés étaient signalés et qui était entourée de barbelés standards et de panneaux d’avertissement. Il précisait aussi que deux soldats étaient de garde au poste de surveillance du terrain et que, en raison de l’emplacement du poste, ils n’avaient pas la visibilité entière du site et qu’ils n’avaient pas vu l’enfant y pénétrer.

11. Aux termes d’un autre procès-verbal établi le même jour par cinq personnes, dont deux officiers et deux sergents de l’armée et le maire du village de Çetenli, un document donnant les consignes de sécurité applicables aux personnes résidant dans cette zone avait été auparavant notifié au maire du village, contre signature, afin d’avertir les habitants des risques liés au terrain miné.

12. Toujours le 24 juillet 2003, une commission d’enquête composée de trois officiers recueillit la déposition de six personnes, à savoir un officier et cinq soldats. Les intéressés déclarèrent qu’il leur avait été impossible d’avertir le requérant de ne pas pénétrer dans la zone minée au motif que celui-ci y était entré par un endroit situé hors de leur vue.

13. Le même jour, un procès-verbal établi par le maire du village de Çetenli, l’un des membres du conseil des sages et l’ancien maire dudit village indiquait qu’un document avertissant les personnes des dangers relatifs aux zones militaires de premier et de deuxième degré avait été notifié aux intéressés par les autorités afin d’avertir les personnes habitant le village des dangers que représentait le terrain miné.

14. Le 12 octobre 2003, le maire du village de Çetenli fut entendu par les autorités. Il déclara que tous les villageois avaient été avertis de l’existence d’objets explosifs dans la zone frontalière et qu’il était dangereux de s’en approcher. Il mentionna à cet égard qu’une information à ce sujet était communiquée chaque année par les autorités militaires. Il ajouta qu’il avait lui-même fait faire plusieurs annonces à des heures différentes auprès de la mosquée du village et qu’il avait personnellement informé toute personne qui se rendait dans les plateaux des risques liés au terrain en question.

15. À une date inconnue, la commission d’enquête rendit son rapport final. Aux termes de ce rapport, les parents du requérant étaient responsables de l’accident dont leur fils avait été victime au motif qu’ils l’avaient laissé, malgré son jeune âge, s’approcher d’une zone militaire interdite d’accès. Dans le même rapport, la commission estimait qu’il était cependant nécessaire, pour éviter des incidents similaires, de déplacer le poste de garde pour permettre aux soldats de surveiller le terrain dans sa totalité et d’installer des panneaux d’avertissement spécifiques pour les personnes analphabètes.

B. L’enquête pénale menée en l’espèce

16. À la suite de l’explosion, le procureur de la République de Doğubeyazıt (« le procureur civil ») déclencha une enquête pénale.

17. Le 26 mai 2005, considérant que l’affaire relevait de la compétence du procureur militaire d’Ağrı (« le procureur militaire »), le procureur civil rendit une ordonnance d’incompétence et transmit le dossier au procureur militaire.

18. Le 24 juillet 2006, le procureur militaire, estimant que la responsabilité de l’incident incombait aux parents du requérant, rendit une ordonnance de non-lieu.

19. Le requérant et ses parents ne formèrent aucun recours contre cette ordonnance.

C. L’action en indemnisation devant les instances administratives

20. Le 2 décembre 2003, les parents du requérant adressèrent au ministère de la Défense une demande d’indemnisation pour dommages matériel et moral. Le 15 décembre 2003, leur demande fut transférée au ministère de l’Intérieur puis réorientée vers celui de la Défense le 24 décembre 2003.

21. Le 26 janvier 2004, les parents du requérant saisirent le tribunal administratif d’Erzurum (« le tribunal administratif ») d’une action en réparation du préjudice causé par les blessures de leur fils, assortie d’une demande d’aide judiciaire. Agissant en leur nom et aux noms de leur fils Erkan Sarıhan et de leurs cinq autres enfants, ils demandèrent une somme totale de 140 milliards d’anciennes livres turques (TRL - environ 84 400 euros (EUR) à l’époque des faits), pour dommages matériel et moral, ainsi que des intérêts moratoires sur cette somme. Dans leur demande, ils alléguaient que les autorités militaires n’avaient pas pris les mesures nécessaires pour prévenir l’incident en question et qu’elles avaient ainsi commis une faute grave.

22. Le 30 mars 2005, l’institut de médecine légale rendit un rapport dans lequel il décrivait les blessures du requérant. Il concluait notamment que l’amputation de deux doigts de sa main gauche devait être considérée comme une anomalie anatomique et fonctionnelle équivalant à la perte définitive d’un membre.

23. Le 25 novembre 2005, le tribunal administratif accepta la demande d’aide judiciaire présentée par les parents du requérant.

24. Le 11 mai 2006, le tribunal administratif rendit son jugement sur le fond de l’affaire. Dans les attendus du jugement, le tribunal soulignait que les parents du requérant avaient laissé celui-ci, alors âgé de 12 ans, faire paître tout seul ses moutons près d’une zone militaire, au mépris de l’instruction aux personnes ayant un terrain dans une zone militaire de premier ou de deuxième degré qui avait été communiquée au maire du village où habitaient les intéressés. Par conséquent, le tribunal jugeait que ces derniers avaient négligé leur responsabilité parentale et leur devoir de surveillance et qu’ils étaient responsables des blessures subies par leur fils. Eu égard à cette faute, il estima que les conditions d’une responsabilité avec ou sans faute de l’administration n’étaient pas réunies en l’espèce et il rejeta la demande des intéressés.

25. À une date non précisée, les parents du requérant se pourvurent en cassation contre ce jugement.

26. Par un arrêt du 18 juin 2008, le Conseil d’État rejeta leur pourvoi en cassation.

II. LE DROIT INTERNE PERTINENT

27. L’article 125 §§ 1 et 7 de la Constitution énonce :

« Tous les actes et décisions de l’administration peuvent faire l’objet d’un recours judiciaire.

(...)

L’administration est tenue d’indemniser tout dommage résultant de ses activités, actes et décisions. »

28. Aux termes des articles 2 et 3 de l’instruction aux personnes ayant un terrain dans une zone militaire de premier ou de deuxième degré qui a été édictée par les autorités militaires et qui n’a pas été publiée au Journal officiel, un mineur ne peut faire paître des troupeaux qu’accompagné d’un de ses parents. Selon l’article 4 de cette instruction, les troupeaux ne peuvent s’approcher à moins de 200 mètres des tours, des installations d’éclairage du commandement et des barbelés.

III. LE DROIT INTERNATIONAL PERTINENT

29. Aux termes de la Convention d’Ottawa sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction (« la Convention d’Ottawa »), signée le 18 septembre 1997, chaque État partie s’engage, d’une part, à ne pas employer de mines antipersonnel et, d’autre part, à détruire toutes les mines antipersonnel ou à veiller à leur destruction dans les dix années suivant la date d’entrée en vigueur de ladite convention après approbation par son autorité interne. En outre, les zones minées doivent être signalées, surveillées et protégées par une clôture ou d’autres moyens afin d’empêcher les civils d’y pénétrer jusqu’à ce que toutes les mines y aient été détruites.

30. La Turquie est partie à la Convention d’Ottawa depuis le 28 mars 2003. Celle-ci y est entrée en vigueur le 1er mars 2004.

31. Lors de la treizième Assemblée des États parties à la Convention d’Ottawa, tenue en décembre 2013, il a été décidé, conformément à la demande soumise par la Turquie, d’accorder une prolongation du délai pour achever la destruction des mines antipersonnel se trouvant dans les zones minées en Turquie. Ce délai a été repoussé au 1er mars 2022.

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 2 DE LA CONVENTION

32. Invoquant les articles 1, 6 et 13 de la Convention, le requérant soutient que l’État a manqué à son obligation de protéger son droit à la vie, au motif que les mesures appropriées de prévention de l’incident litigieux n’auraient pas été prises, et il reproche aux juridictions administratives d’avoir rejeté la demande d’indemnisation introduite par ses parents.

La Cour, maîtresse de la qualification juridique des faits de la cause (Glor c. Suisse, no 13444/04, § 48, CEDH 2009), estime opportun d’examiner le grief du requérant sous le seul angle de l’article 2 de la Convention, ainsi libellé dans ses passages pertinents en l’espèce :

« 1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. (...) »

33. Le Gouvernement combat la thèse du requérant.

34. Il convient de noter, nonobstant le fait que le Gouvernement ne conteste pas l’applicabilité de l’article 2 de la Convention, que la Cour a déjà examiné le grief soulevé sous l’angle de l’article 2 dans des affaires similaires dans lesquelles des victimes d’explosions avaient survécu à leurs blessures (Akdemir et Evin c. Turquie, nos 58255/08 et 29725/09, § 46, 17 mars 2015, et Ünsal c. Turquie (déc.), no 39863/11, § 21, 17 mai 2016).

A. Sur la recevabilité

35. Le Gouvernement reproche à la partie requérante de ne pas avoir épuisé les voies de recours internes et, en particulier, de ne pas avoir formé opposition contre l’ordonnance de non-lieu rendue le 24 juillet 2006 par le procureur militaire.

36. Le requérant conteste l’exception soulevée par le Gouvernement.

37. La Cour rappelle qu’elle doit appliquer la règle de l’épuisement des voies de recours internes en tenant dûment compte du contexte : le mécanisme de sauvegarde des droits de l’homme que les États contractants sont convenus d’instaurer. Elle a ainsi reconnu que l’article 35 § 1 de la Convention doit être appliqué avec une certaine souplesse et sans formalisme excessif. Elle a de plus admis que cette règle ne s’accommode pas d’une application automatique et ne revêt pas un caractère absolu ; en contrôlant son respect, il faut avoir égard aux circonstances de la cause. Cela signifie notamment que la Cour doit tenir compte de manière réaliste non seulement des recours prévus en théorie dans le système juridique de l’État contractant concerné, mais également du contexte dans lequel ils se situent ainsi que de la situation personnelle du requérant. Il lui faut dès lors examiner si, compte tenu de l’ensemble des circonstances de la cause, le requérant a fait tout ce que l’on pouvait raisonnablement attendre de lui pour épuiser les voies de recours internes (İlhan c. Turquie [GC], no 22277/93, § 59, CEDH 2000‑VII, et Tarhan c. Turquie, no 9078/06, § 37, 17 juillet 2012). Il y a lieu de rappeler également qu’un requérant doit avoir fait un usage normal des recours internes vraisemblablement efficaces et suffisants et que, lorsqu’une voie de recours a été utilisée, l’usage d’une autre voie dont le but est pratiquement le même n’est pas exigé (Kozacıoğlu c. Turquie [GC], no 2334/03, § 40, 19 février 2009).

38. En l’espèce, la Cour observe que les parents du requérant ont tenté d’obtenir, en s’adressant au tribunal administratif puis au Conseil d’État, une réparation du préjudice causé par les blessures de leur fils, voie de droit dont nul ne conteste qu’elle constitue un recours interne à exercer aux fins de la règle de l’épuisement. La question se pose dès lors de savoir si les intéressés devaient de surcroît former opposition contre l’ordonnance de non-lieu rendue par le procureur militaire.

39. À cet égard, il convient de rappeler que, lorsqu’est en cause une négligence de la part d’agents de l’État dans l’application de la réglementation relative à la destruction de projectiles militaires non explosés, une voie de réparation peut être considérée comme adéquate et suffisante et comme répondant au critère du « système judiciaire effectif », et que l’exercice de cette voie est nécessaire pour l’introduction d’une requête devant la Cour (Hayri Aslan et autres c. Turquie (déc.), no 18751/05, 30 novembre 2010). À ce sujet, la Cour rappelle également avoir conclu que la voie indemnitaire administrative était une voie de recours effective pour les proches de victimes décédées dans des circonstances similaires (Ercan Bozkurt c. Turquie, no 20620/10, § 57, 23 juin 2015, et Yılmaz c. Turquie (déc.), no 7755/10, § 51, 24 mai 2016).

40. Par conséquent, la Cour estime que, eu égard aux circonstances de la cause, il serait excessif de reprocher au requérant de ne pas avoir intenté le recours mentionné par le Gouvernement alors qu’il a exercé par l’intermédiaire de ses parents devant les juridictions administratives un recours en réparation.

41. Compte tenu de ce qui précède, la Cour conclut que le requérant a fait tout ce que l’on pouvait raisonnablement attendre de lui pour épuiser les voies de recours internes.

42. En conséquence, elle rejette l’exception du Gouvernement.

43. Constatant que la requête n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’elle ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour la déclare recevable.

B. Sur le fond

1. Thèses des parties

44. Le requérant critique le placement de mines, qui n’était selon lui pas nécessaire, à proximité du commandement d’infanterie. Il estime que le Gouvernement n’a pas pris les mesures nécessaires pour empêcher toute personne de pénétrer dans la zone minée et qu’il a manqué à son obligation de protéger son droit à la vie. À cet égard, il indique que, le 27 juin 2006, un incident similaire était survenu sur le même terrain et qu’un enfant âgé de 13 ans avait lui aussi été gravement blessé.

45. Le Gouvernement conteste les arguments du requérant. Il indique tout d’abord que le terrain en question avait été miné pour assurer la sécurité de l’arrière-garde du commandement d’infanterie de Çetenli. Il souligne ensuite que le terrain miné était marqué sur ses quatre côtés, qu’il était entouré de barbelés standards et que des panneaux d’avertissement « attention terrain miné » avaient été implantés à intervalles réguliers. Le Gouvernement expose que, le jour de l’accident, deux soldats surveillaient ledit terrain afin d’empêcher quiconque d’y accéder, mais que le requérant était entré par un endroit qui échappait à leur regard, et que les gardes n’avaient ainsi pas pu le voir et l’empêcher de pénétrer dans la zone. Il souligne que le requérant, un mineur de 12 ans, faisait paître des moutons sans être accompagné de l’un de ses parents, au mépris de l’instruction aux personnes ayant un terrain dans une zone militaire de premier ou de deuxième degré qui avait été communiquée au maire du village. Il précise en outre que les personnes habitant dans le village en question avaient été averties des risques que représentait le terrain miné.

46. Le Gouvernement soutient que les autorités ont pris toutes les mesures nécessaires pour éviter ce type d’accident et que les parents du requérant, en contrevenant à l’instruction précitée, n’ont pas fait preuve de diligence et qu’ils sont, par conséquent, responsables des blessures de leur fils.

2. Appréciation de la Cour

47. La Cour rappelle les principes de sa jurisprudence en matière de droit à la vie. Tout d’abord, la première phrase de l’article 2 § 1 de la Convention, qui se place parmi les articles primordiaux de la Convention en ce qu’il consacre l’une des valeurs fondamentales des sociétés démocratiques qui forment le Conseil de l’Europe (McCann et autres c. Royaume-Uni, 27 septembre 1995, §§ 146-147, série A no 324), impose à l’État l’obligation non seulement de s’abstenir de donner la mort « intentionnellement », mais aussi de prendre les mesures nécessaires à la protection de la vie des personnes relevant de sa juridiction (Lambert et autres c. France [GC], no 46043/14, § 117, CEDH 2015 (extraits)).

48. L’obligation positive découlant de l’article 2 implique avant tout le devoir primordial de mettre en place un cadre législatif et administratif visant à une prévention efficace et dissuadant de mettre en péril le droit à la vie, notamment au moyen du droit pénal (Öneryıldız c. Turquie [GC], no 48939/99, § 89, CEDH 2004‑XII, et Igor Shevchenko c. Ukraine, no 22737/04, § 41, 12 janvier 2012).

49. La Cour estime également que l’article 2 de la Convention peut, dans certaines circonstances bien définies, mettre à la charge des autorités l’obligation positive de prendre définitivement des mesures d’ordre pratique pour protéger l’individu contre autrui ou, dans certaines circonstances particulières, contre lui-même. Cependant, il faut interpréter cette obligation de manière à ne pas imposer aux autorités un fardeau insupportable ou excessif, sans perdre de vue, en particulier, l’imprévisibilité du comportement humain et les choix opérationnels à faire en termes de priorités et de ressources (A.A. et autres c. Turquie, no 30015/96, §§ 44 et 45, 27 juillet 2004, et Oruk c. Turquie, no 33647/04, § 45, 4 février 2014).

50. En l’espèce, la Cour note tout d’abord que les blessures du requérant sont dues à l’explosion d’une mine antipersonnel dans le périmètre d’une zone militaire qui avait été minée par les autorités.

51. Elle relève ensuite que le requérant n’a aucunement argué que l’État défendeur avait délibérément cherché à provoquer une atteinte à sa vie. Dans le contexte de la présente affaire, la tâche de la Cour consiste donc à déterminer si, dans les circonstances de l’espèce, les autorités avaient pris toutes les mesures nécessaires pour empêcher que la vie du requérant fût mise en danger.

52. À cet égard, la Cour rappelle que la présente affaire concerne l’exercice d’une activité militaire qui relevait de l’État, et dont la dangerosité ne faisait aucun doute et était pleinement connue des autorités nationales.

53. La Cour rappelle que dans sa décision dans l’affaire Özdemir c. Turquie ((déc.), no 16197/06, 17 novembre 2015), elle avait déclaré irrecevable un grief similaire, tiré de l’article 2 de la Convention, car le proche des requérants avait volontairement pénétré dans la zone militaire où des dispositifs de sécurité étaient en place.

54. La Cour relève, en l’espèce, que le requérant a été gravement blessé après avoir pénétré sciemment dans le terrain miné. Elle observe aussi qu’il ressort du dossier que des panneaux d’avertissement étaient implantés sur le terrain entouré de barbelés et que les autorités avaient informé les personnes habitant dans cette zone des dangers représentés par ce terrain, dont l’accès était interdit. Les documents relatifs à l’enquête administrative ainsi que les dépositions des soldats et du maire du village attestent également de ces faits. Le croquis des lieux dessiné le jour de l’incident montre aussi l’existence des panneaux d’avertissement placés à intervalles réguliers du côté du village. La Cour estime donc que les personnes habitant dans la zone étaient ou auraient dû être au courant des risques liés au terrain miné (à contraster avec l’arrêt Oruk c. Turquie, précité, § 62-64).

55. La Cour note que, à l’époque de l’incident, le requérant avait 12 ans et que, par conséquent, il était en mesure de comprendre les risques inhérents à son entrée dans un terrain militaire interdit d’accès. Ainsi, vu les méthodes d’information et d’avertissement utilisées par les autorités nationales, la Cour estime qu’il était peu probable qu’il n’était pas au courant du fait que le terrain en question était miné.

56. La Cour observe qu’en l’espèce, la commission d’enquête a recommandé qu’il était nécessaire de prendre davantage de mesures afin d’éviter des incidents similaires. La Cour note à cet égard qu’il est toujours possible de prendre plus de mesures pour protéger les personnes des dangers présentés par un terrain miné, toutefois il serait impossible d’atteindre à un niveau de protection entière en raison notamment de l’imprévisibilité du comportement humain. Par conséquent, la Cour estime que le seul fait que ladite commission a suggéré des recommandations ne suffit pas à conclure en soi à l’insuffisance des mesures déjà prises par l’État. D’ailleurs la commission d’enquête a aussi conclu que les parents du requérant étaient responsables des faits dont leur fils avait été victime.

57. Malgré le caractère incontestablement tragique que revêt la présente affaire, la Cour constate que rien ne lui permet de mettre en doute le contenu des jugements rendus par les autorités judiciaires internes, puisque la partie requérante n’étaye pas devant elle, preuves à l’appui, la thèse de l’insuffisance de mesures de sécurité.

58. Au regard de l’ensemble des pièces du dossier relatives, notamment, aux différents actes d’enquête réalisés en droit interne, la Cour estime qu’il n’existe aucune raison laissant penser que l’État défendeur n’a pas satisfait à ses obligations au regard de l’article 2 de la Convention.

59. Il s’ensuit qu’il n’y a pas eu en l’espèce violation de l’article 2 de la Convention.

PAR CES MOTIFS, LA COUR

1. Déclare, à l’unanimité, la requête recevable ;

2. Dit, par cinq voix contre deux, qu’il n’y a pas eu violation de l’article 2 de la Convention.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 6 décembre 2016, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.

Hasan BakırcıJulia Laffranque
Greffier adjointPrésidente

Au présent arrêt se trouve joint, conformément aux articles 45 § 2 de la Convention et 74 § 2 du règlement, l’exposé de l’opinion séparée des juges Laffranque et Turković.

J.L
H.B.

OPINION DISSIDENTE COMMUNE AUX JUGES LAFFRANQUE ET TURKOVIĊ

(Traduction)

1. Nous ne pouvons souscrire à la conclusion selon laquelle il n’y a pas eu en l’espèce violation de l’article 2 de la Convention.

2. Nous sommes certes attentives à ce que, dans certaines affaires portant sur les mesures destinées à protéger l’individu également contre lui‑même, les obligations positives des autorités nationales en vertu de l’article 2 ne soient pas interprétées de manière à imposer auxdites autorités un fardeau insupportable ou excessif qui ne tiendrait pas compte de l’imprévisibilité du comportement humain ; nous aurions néanmoins conclu à la violation de l’article 2 en raison de notre approche différente des points suivants : i) les mesures concrètes prises par les autorités nationales pour protéger l’individu contre lui-même, et ii) la manière dont les juridictions nationales ont apprécié la demande de réparation du requérant.

3. À titre préliminaire, nous souhaitons attirer l’attention sur les instruments internationaux pertinents pour la présente espèce et nos conclusions. La Turquie est partie à la Convention sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction (« la Convention d’Ottawa »), signée le 18 septembre 1997. La Convention d’Ottawa a été approuvée par le Parlement turc avant l’accident, et l’accession à ce texte ainsi que son entrée en vigueur sont intervenues pendant la procédure nationale menée en l’espèce (paragraphes 29-31 de l’arrêt). Mentionnons également le Protocole sur l’interdiction ou la limitation de l’emploi des mines, pièges et autres dispositifs (« le Protocole »)[1] et le rapport de l’expert désigné par le Secrétaire général des Nations unies sur l’impact des conflits armés sur les enfants (« le rapport »)[2].

A. Les mesures concrètes prises par les autorités nationales pour protéger l’individu contre lui-même

4. Nous sommes prêtes à admettre que le requérant a été blessé après avoir pénétré sciemment dans le terrain miné (paragraphe 54 de l’arrêt). Néanmoins, considérant ɑ) la localisation de la zone minée et β) l’âge du requérant, nous estimons que les autorités nationales n’ont pas pris les mesures concrètes qui convenaient pour le protéger.

1. La localisation de la zone minée

5. Dans la présente affaire, la zone minée se trouve à 150 mètres du village du requérant (paragraphe 9 de l’arrêt) et à proximité du pré où il faisait paître ses moutons (paragraphe 6 de l’arrêt). Remarquons que la Cour a déjà souligné que les autorités devaient être plus vigilantes dans de telles situations (Oruk c. Turquie, no 33647/04, § 64, 4 février 2014). Cette exigence de la Cour concernant une vigilance accrue est étayée au niveau national par les conclusions du Conseil d’État turc, qui a déclaré que le fait de ne pas déminer les zones habitées par des civils (E.2013/3926, K.2016/2818, T.23/5/2016), les zones à usage fréquent (E.2004/6176, K.2007/227, T.29/1/2007) et les terrains faciles d’accès à partir des zones habitées (E.2012/3275, K.2015/4623, T.26/10/2015) constituait une faute de service. De plus, le rapport indique spécifiquement, comme groupe à risque, les enfants auxquels on confie des tâches quotidiennes telles que garder les troupeaux ou cultiver les champs[3], et recommande que dans leurs activités de déminage les États accordent une attention soutenue aux besoins des enfants et aux priorités locales[4]. Ainsi qu’il ressort de l’arrêt, confier aux enfants la tâche de faire paître les troupeaux est une pratique locale courante (paragraphe 21 de l’arrêt) qui aurait dû être prise en compte en l’espèce par les autorités nationales. Eu égard à tous ces éléments, nous sommes d’avis que la proximité de zones habitées (à 150 mètres) et l’utilisation pour le pâturage des prés voisins exigeaient de l’État un renforcement des mesures de sécurité autour de la zone minée.

2. L’âge du requérant

6. Le requérant en l’espèce avait douze ans au moment de l’accident (paragraphe 6 de l’arrêt). Nous rappelons que la Cour a déjà tenu compte par le passé de l’âge des victimes d’accidents causés par des munitions. Elle a ainsi souligné que les États doivent veiller à ce que les enfants, plus vulnérables que les adultes, prennent la mesure du danger que représente ce type de munitions qu’ils sont susceptibles de manipuler par jeu, les croyant inoffensifs (Oruk, précité, § 64). Cette curiosité naturelle qui pousse les enfants à « ramasser tous les objets étranges qu’ils peuvent trouver sur leur chemin » est également mise en avant dans le rapport comme étant l’un des facteurs qui font peser sur les enfants un risque élevé d’être victimes de mines antipersonnel et de munitions non explosées[5]. En outre, au niveau national la Cour constitutionnelle a souligné au sujet des accidents causés par des mines antipersonnel que des mesures qui étaient suffisantes pour les adultes pouvaient ne pas être adaptées aux enfants et, partant de ce constat, a jugé que l’État n’avait pas satisfait à ses obligations positives découlant du droit constitutionnel à la vie (Adem Ülgen ve Diğerleri, B. No: 2013/6585, 18/9/2014, § 46). La différence entre les capacités cognitives des adultes et celles des enfants exige des mesures de sensibilisation sur les mines antipersonnel qui soient « adaptées aux besoins des différents groupes d’âge »[6]. Relevons pour finir que, si les mines antipersonnel sont conçues pour mutiler les adultes, elles ont un impact supérieur, voire mortel, sur le corps des enfants. Cet impact est aggravé par les caractéristiques physiologiques de l’enfant – comme une croissance plus rapide des tissus entourant le membre amputé, ce qui exige des changements de prothèses plus fréquents –, ainsi que par des besoins accrus en matière de soutien psychosocial[7]. Pour ces raisons, nous estimons que lorsqu’il existe un risque prévisible que des enfants pénètrent dans une zone minée (paragraphe 5 ci-dessus), les autorités nationales doivent prendre en considération leur vulnérabilité et adopter, dans toute la mesure du possible, des mesures de sécurité renforcées.

B. La manière dont les juridictions nationales ont apprécié la demande de réparation du requérant

7. Nous considérons que la manière dont les juridictions nationales ont abordé les ɑ) recommandations de la commission d’enquête, qui a mené l’enquête administrative ayant établi les circonstances de l’accident (paragraphes 12 et 15 de l’arrêt), et β) la question de la négligence des parents du requérant en évaluant la demande de réparation ne satisfait pas aux exigences procédurales de l’article 2.

1. Les recommandations de la commission d’enquête

8. En vertu de l’article 5 § 2 de la Convention d’Ottawa, les États parties sont tenus de veiller à ce que toutes les zones minées soient identifiées, marquées tout au long de leur périmètre, surveillées et protégées afin d’empêcher effectivement les civils d’y pénétrer jusqu’à ce que les mines qui s’y trouvent aient été totalement détruites comme l’exige l’article 5 § 1. La Convention d’Ottawa dispose que, contrairement à l’obligation de détruire les mines antipersonnel, les obligations visées à l’article 5 § 2 ne peuvent donner lieu à une prolongation du délai (comparer avec le paragraphe 31 de l’arrêt).

9. Concernant les modes de marquage et de sécurisation des zones minées, le paragraphe 4 de l’annexe technique au Protocole indique notamment que la signalisation doit utiliser un symbole reconnaissable, comporter la mention « mines » dans les langues dominantes de la région et être placée à un endroit adéquat pour pouvoir être vue par un civil qui s’approche de la zone. L’exemple de symbole reconnaissable présenté dans un appendice au Protocole montre une personne qui pénètre dans une zone minée et se retrouve ensuite estropiée.

De même, les Normes internationales relatives au déminage humanitaire (International Standards for Humanitarian Mine Clearance Operations) requièrent le recours au symbole de la tête de mort avec les deux os croisés pour la signalisation d’un danger dû aux mines ainsi que l’utilisation de couleurs permettant d’indiquer quel côté du périmètre marqué est dangereux.

10. En l’espèce, la commission d’enquête a recommandé l’adoption de mesures destinées à éviter des incidents similaires, notamment le déplacement du poste de garde de manière à permettre aux militaires de surveiller le terrain dans sa totalité et la mise en place de signes reconnaissables pour les personnes analphabètes (paragraphe 15 de l’arrêt). Cela montre que l’État n’a pas pris suffisamment de mesures de surveillance et de marquage, comme nous l’avons dit plus haut. Dans la présente affaire, ce manquement a été aggravé par la localisation de la zone minée et par l’âge du requérant (paragraphes 5 et 6 ci-dessus).

11. En outre, rappelant que la sécurisation et la surveillance des zones militaires relèvent de la responsabilité première des autorités nationales (Oruk, précité, § 61) et que les avertissements donnés par le maire en l’absence de mesures de sécurité suffisantes n’exonèrent pas les autorités nationales de cette responsabilité (comparer avec Oruk, précité, § 63), nous considérons que les juridictions nationales auraient dû tenir compte des recommandations de la commission d’enquête lorsqu’elles ont statué sur la responsabilité de l’État quant au drame.

2. La négligence des parents du requérant

12. La question de la négligence des parents a été examinée lorsqu’il s’est agi de déterminer la responsabilité des autorités administratives au niveau national. Certes, la négligence peut atténuer la responsabilité des autorités nationales en supprimant le lien de causalité entre la faute de service et le dommage, mais dans le cas où la faute de l’administration a contribué au dommage subi par la victime, la responsabilité des autorités nationales ne disparaît pas totalement. Ainsi, le Conseil d’État turc a conclu à une responsabilité partagée entre les autorités nationales, qui n’avaient pas déminé une zone, et les parents d’une victime, qui avaient laissé leur enfant de treize ans jouer dans un champ situé tout près d’un terrain militaire. Dans cette affaire, le tribunal alloua une réparation en proportion des responsabilités partagées entre les parents et l’administration (E.2007/6868, K.2011/537, T. 9/2/2011).

13. Alors qu’en l’espèce la commission d’enquête avait mis en évidence certaines omissions de la part des autorités relativement à la sécurisation et à la surveillance de la zone minée, les juridictions nationales ne se sont nullement penchées sur la question de la responsabilité partagée mais ont concentré toutes leurs conclusions exclusivement sur la négligence des parents.

C. Conclusion

14. En bref, nous pensons, eu égard à l’âge du requérant, à la localisation de la zone minée et à la façon dont celle-ci était surveillée et sécurisée, que les autorités n’ont pas pris les mesures qui convenaient pour protéger la vie de l’enfant. De plus, nous considérons qu’en examinant la demande de réparation les juridictions nationales auraient dû prendre en compte la mesure dans laquelle ces manquements ont contribué, en sus de la négligence des parents, au dommage subi par le requérant.

À la lumière de ce qui précède, et contrairement à la majorité, nous estimons que l’État défendeur a manqué à ses obligations matérielles et procédurales, au regard de l’article 2 de la Convention, de protéger la vie du requérant.

* * *

[1]. Protocole II (tel qu’il a été modifié le 3 mai 1996) annexé à la Convention de 1980 sur l’interdiction ou la limitation de l’emploi de certaines armes classiques qui peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination.

[2]. Rapport sur l’impact des conflits armés sur les enfants, présenté par l’expert désigné par le Secrétaire général, Mme Graça Machel, en application de la résolution 48/157 de l’Assemblée générale, 26 août 1996, ONU, documents officiels, A/51/306.

[3]. Ibidem, § 115.

[4]. Ibidem, § 121.

[5] Ibidem, § 113.

[6] Ibidem, § 122; voir aussi § 119.

[7] Ibidem, § 116.


Synthèse
Formation : Cour (deuxiÈme section)
Numéro d'arrêt : 001-169200
Date de la décision : 06/12/2016
Type d'affaire : au principal
Type de recours : Non-violation de l'article 2 - Droit à la vie (Article 2 - Obligations positives;Article 2-1 - Vie) (Volet matériel)

Parties
Demandeurs : SARIHAN
Défendeurs : TURQUIE

Composition du Tribunal
Avocat(s) : ORUÇ A.

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2021
Fonds documentaire ?: HUDOC

Source

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