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11/10/2016 | CEDH | N°001-167113

CEDH | CEDH, AFFAIRE IGLESIAS CASARRUBIOS ET CANTALAPIEDRA IGLESIAS c. ESPAGNE, 2016, 001-167113


TROISIÈME SECTION

AFFAIRE IGLESIAS CASARRUBIOS ET CANTALAPIEDRA IGLESIAS c. ESPAGNE

(Requête no 23298/12)

ARRÊT

STRASBOURG

11 octobre 2016

DÉFINITIF

11/01/2017

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Iglesias Casarrubios et Cantalapiedra Iglesias c. Espagne,

La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

Helena Jäderblom, présidente,
Luis L

pez Guerra,
Helen Keller,
Branko Lubarda,
Pere Pastor Vilanova,
Alena Poláčková,
Georgios A. Serghides, juges,
et de Stephen Phillip...

TROISIÈME SECTION

AFFAIRE IGLESIAS CASARRUBIOS ET CANTALAPIEDRA IGLESIAS c. ESPAGNE

(Requête no 23298/12)

ARRÊT

STRASBOURG

11 octobre 2016

DÉFINITIF

11/01/2017

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Iglesias Casarrubios et Cantalapiedra Iglesias c. Espagne,

La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

Helena Jäderblom, présidente,
Luis López Guerra,
Helen Keller,
Branko Lubarda,
Pere Pastor Vilanova,
Alena Poláčková,
Georgios A. Serghides, juges,
et de Stephen Phillips, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 20 septembre 2016,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 23298/12) dirigée contre le Royaume d’Espagne et dont trois ressortissantes de cet État, Mme María Paz Iglesias Casarrubios et deux de ses enfants, Alba Sabine Cantalapiedra Iglesias et Sonia Cantalapiedra Iglesias (respectivement « la requérante », sa « fille aînée » et sa « fille cadette » »), ont saisi la Cour le 10 avril 2012 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Elles ont été représentées par Me M. Ollé Sesé, avocat à Madrid. Le gouvernement espagnol (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, M. F. de A. Sanz Gandasegui, avocat de l’État, alors chef du service juridique des droits de l’homme au ministère de la Justice.

3. La requérante et ses filles, mineures à l’époque des faits, se plaignaient d’une violation de l’article 6 de la Convention suite aux refus du juge à entendre les mineures en personne et de l’absence de réponse des juridictions internes à cette prétention.

4. Le 18 décembre 2012, la requête a été communiquée au Gouvernement.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

5. Mme Iglesias Casarrubios et ses deux enfants sont nées respectivement en 1964, en 1993 et en 1996, et résident à Madrid.

6. Le 16 octobre 1999, l’époux de Mme Iglesias Casarrubios saisit le juge de première instance no 24 de Madrid d’une demande de séparation de corps. Le rapport d’expertise psychologique sollicité par l’époux de la requérante fut présenté devant le juge le 28 janvier 2000. Par un jugement du 30 juin 2000, ce dernier prononça la séparation de corps, attribua à la requérante la garde de ses filles mineures avec partage de l’autorité parentale et accorda au père un droit de visite.

7. Entre-temps, le juge d’instruction no 5 de Madrid avait condamné l’époux de la requérante à des contraventions pour coups et blessures et menaces, et la requérante elle-même pour menaces. Celle-ci indique que deux autres plaintes pénales ont été déposées contre son époux pour mauvais traitements familiaux et qu’elles n’ont pas abouti à la condamnation de celui-ci. À la suite d’un coup de cravache au visage donné par ce dernier à sa fille aînée, alors âgée de 7 ans, le juge sollicita auprès de la clinique médicolégale de Madrid un rapport psychologique concernant les deux mineures. Daté du 10 décembre 2001, ce rapport faisait état de « manipulations des mineures [par la mère contre le père] », et notait que « le fait [pour le père] de frapper [sa fille aînée] avec une cravache sembl[ait] démesuré » et qu’il « exist[ait] une éventualité de perte de contrôle occasionnelle du père due à des pulsions (et devant être corrigée), éventualité accrue par la situation d’affrontement entre les parents et par la séparation de corps. »

8. Le 2 février 2003, le droit de visite de l’époux de la requérante à ses enfants fut suspendu. Par des décisions du juge de première instance no 24 de Madrid des 2 avril et 13 décembre 2004 et du 12 décembre 2005, la suspension du droit de visite fut prorogée, sur la base des divers rapports d’expertise psychologique, dont un rapport du 2 août 2007, et eu égard à la difficulté relationnelle de la requérante et de son époux ainsi qu’à la prolongation de leurs mésententes dans le temps, ce qui aurait influencé leurs enfants de façon négative.

9. En 2006, l’époux de la requérante entama une procédure de divorce. La requérante s’opposa à la demande de son époux tant en raison des conséquences économiques du divorce que pour ce qui est des mesures concernant la garde des enfants. Dans son opposition à la demande de divorce du 28 février 2007 et, selon ses dires, lors des audiences des 5 juin et 11 septembre 2007, elle demanda que « les deux mineures, âgées de 13 et 11 ans, fussent entendues au cours de la procédure ». Le juge ordonna que les enfants fussent entendues par l’équipe psychosociale rattachée au tribunal, mais il ne les entendit pas personnellement. La fille cadette de la requérante, alors âgée de 11 ans, demanda « de manière catégorique et impérative » que l’entretien avec l’équipe psychosociale fût enregistré. L’équipe en cause ayant refusé l’enregistrement, l’entretien n’eut pas lieu.

10. Par un jugement du 17 septembre 2007, le juge de première instance no 24 de Madrid prononça le divorce et accorda à la requérante le droit de garde de ses filles, avec partage de l’autorité parentale. Il attribua au père un droit de visite restreint, consistant en deux heures par jour les samedis et les dimanches une semaine sur deux, dans l’espace de rencontre parent-enfant le plus proche du domicile des mineures, à l’horaire indiqué par le personnel de cet espace et sous sa supervision.

11. La requérante fit appel de ce jugement devant l’Audiencia provincial de Madrid. Sur le fondement de l’article 12 de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant (paragraphe 21 ci-dessous), elle se plaignait que sa fille cadette n’avait pas été entendue par le juge ni même par l’équipe psychosociale rattachée au tribunal de première instance, celle-ci ayant refusé, en dépit de la demande de l’enfant dans ce sens, d’enregistrer l’entretien.

12. Par une ordonnance du 12 juin 2008, eu égard aux mésententes des géniteurs des mineures sur la question du paiement de la thérapie à suivre par les parties, le juge de première instance no 24 de Madrid demanda aux services sociaux un rapport sur la pertinence de l’attribution de la garde des mineures à leur père, à un tiers ou à une institution publique d’accueil.

13. Le 25 juin 2008, la requérante forma un recours en reposición contre cette ordonnance devant le même juge. Audit recours furent jointes deux lettres adressées au juge de première instance par les enfants de la requérante, datées du 23 juin et du 24 juin 2008. Les jeunes filles y décrivaient leur angoisse face aux possibilités de garde évoquées dans l’ordonnance en question, et elles se plaignaient que le juge ne les avait pas entendues personnellement dans le cadre de la procédure et qu’il ne connaissait leurs rapports avec leur père que par le biais de tierces personnes. La requérante indiquait dans son recours en reposición que ses deux filles – âgées de presque 15 ans et de 12 ans et 3 mois – souhaitaient être entendues par le juge et par le ministère public, et précisait que la plus jeune n’avait même pas été examinée par l’équipe psychosociale. Aucune réponse du juge de première instance aux lettres des deux mineures ni au recours en reposición formé par leur mère ne figure au dossier. Selon la requérante, ces lettres ont aussi été annexées à son appel (paragraphe 11 ci-dessus).

14. Par un arrêt du 30 septembre 2010, l’Audiencia provincial de Madrid rejeta l’appel de la requérante et confirma le jugement attaqué. L’arrêt ne se prononçait pas sur l’absence d’audition de la fille cadette de la requérante par le juge et par les membres de l’équipe psychosociale.

15. Par une décision du 12 novembre 2010, l’Audiencia provincial déclara irrecevable le recours extraordinaire formé par la requérante pour infraction aux règles de procédure, dans lequel était expressément invoqué le droit des mineures à être entendues personnellement par le juge.

16. Le recours d’amparo présenté par la requérante devant le Tribunal constitutionnel sur le fondement des griefs soulevés devant la Cour fut déclaré irrecevable le 19 octobre 2011 au motif qu’il ne revêtait pas une importance constitutionnelle spéciale.

II. LE DROIT INTERNE ET INTERNATIONAL ET LA PRATIQUE INTERNE PERTINENTS

17. Les dispositions pertinentes en l’espèce du code civil sont libellées comme suit :

Article 92

« (...)

6. En tout état de cause, avant d’accorder le régime de garde, le juge demandera l’avis du ministère public, entendra les mineurs capables de discernement lorsque cela sera jugé nécessaire, soit d’office, soit à la demande du ministère public, des parties, des membres de l’équipe technique du tribunal ou du mineur lui-même, et il appréciera les allégations des parties et les preuves versées lors de la comparution, ainsi que les rapports des parents entre eux et des parents avec leurs enfants, afin de déterminer l’aptitude des parents à bénéficier du droit de garde. »

Article 163

« Si, dans une affaire, il existe un conflit d’intérêts entre [, d’une part,] le père et la mère et [, d’autre part,] les enfants non émancipés, un défenseur des mineurs sera désigné (...)

Si le conflit d’intérêts ne concerne que l’un des géniteurs, c’est l’autre parent qui, de plein droit et sans avoir besoin de se faire expressément habiliter à cet effet, représentera le mineur ou suppléera à son incapacité. »

18. La disposition pertinente en l’espèce du code de procédure civile énonce notamment que :

Article 770

« Les demandes de séparation de corps et de divorce (...) suivent les (...) règles que voici :

(...)

4e. (...)

En cas de procédure contentieuse et si cela est estimé nécessaire d’office ou à la demande du ministère public ou des membres de l’équipe technique du tribunal ou du mineur, les enfants mineurs ou incapables seront entendus [par le juge] s’ils sont capables de discernement et, dans tous les cas, les mineurs âgés de 12 ans et plus le seront.

Concernant les examens des mineurs au sein des procédures civiles, le juge assure au mineur son droit à être entendu dans des conditions idoines pour la défense de ses intérêts, sans ingérence de la part d’autres personnes, et demande exceptionnellement l’aide de spécialistes si cela se révèle nécessaire.

(...) »

19. L’article 9 de la loi organique 1/1996 du 15 janvier 1996 relative à la protection juridique du mineur dispose, dans ses parties pertinentes en l’espèce, que :

« 1. Le mineur a le droit d’être entendu, tant dans le cadre familial que dans toute procédure administrative ou judiciaire dans laquelle il est directement impliqué et qui conduit à une décision affectant sa sphère personnelle, familiale ou sociale.

(...)

3. Lorsque le mineur demande à être entendu directement ou par l’intermédiaire de son représentant, le refus d’audition sera motivé et communiqué au ministère public [et au mineur et à son représentant]. »

20. La jurisprudence du Tribunal constitutionnel en la matière prévoit ce qui suit :

Arrêt no 163/09 du 29 juin 2009
(mineur âgé de 11 ans lors du jugement de première instance)

« (...) 3. La partie requérante soutient que l’audition devant le juge est obligatoire dans le cadre des procédures de modification de mesures concernant des enfants, même en l’absence de demande par les parties. Cette obligation résulte de l’application systématique et intégrée de l’article 9 de la loi organique 1/1996 relative à la protection juridique des mineurs, de l’article 12 de la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989, et des articles 92 § 6 et 159 du code civil. La requête reproduit les arrêts du Tribunal constitutionnel no 221/2002 du 25 novembre 2002, no 152/2005 du 2 juin 2005 et no 17/2006 du 30 janvier 2006, qui considèrent que l’audition du mineur dans ce type de procédure est essentielle et que son omission peut porter atteinte au droit fondamental à un procès équitable (article 24 § 1 de la Constitution).

À cet égard, le fondement juridique no 5 de l’arrêt du Tribunal constitutionnel (STC) no 221/2002 du 25 novembre 2002 énonce que « dans la mesure où il s’agit, en l’espèce, d’une affaire touchant à la sphère personnelle et familiale d’une mineure qui, en raison de son âge à l’époque, était suffisamment capable de discernement pour que l’Audiencia provincial procédât à son audition afin de rendre effectif son droit à être entendue, droit que l’article 9 de la loi organique relative à la protection juridique des mineurs reconnaît à ces derniers dans toute procédure judiciaire où ils sont directement impliqués et dont la décision à rendre touche à leur sphère familiale ou sociale (...), [l’Audiencia provincial] aurait dû entendre la mineure avant de statuer sur l’appel interjeté. Par ce motif, la violation de l’article 24 § 1 de la Constitution doit aussi être appréciée. (...) »

La requête soutient que, en l’espèce, le mineur était suffisamment capable de discernement pour être entendu, puisqu’il était âgé d’environ 11 ans quand le jugement de première instance et l’arrêt d’appel ont été rendus. Par ailleurs, la requête affirme que le mineur avait exprimé son refus du régime de visites attribué par le juge à son père biologique. Cette circonstance est à l’origine, chez le mineur, de sérieux dommages et souffrances psychologiques, et d’une atteinte à son intégrité morale (article 15 de la Constitution) et à sa dignité (article 10 de la Constitution).

Cependant, comme le signale le ministère public, une modification législative portant sur le régime juridique auquel la requête a trait a eu lieu en 2005. La loi organique 15/2005 du 8 juillet 2005, qui entraînait modification du code civil et du code de procédure civile en matière de séparation de corps et de divorce, a donné une nouvelle rédaction à l’article 92 du code civil. Le paragraphe 6 de ce dernier prévoit ce qui suit : « En tout état de cause, avant d’accorder le régime de garde, le juge demandera l’avis du ministère public, entendra les mineurs capables de discernement lorsque cela sera jugé nécessaire, soit d’office, soit à la demande du ministère public, des parties, des membres de l’équipe technique du tribunal ou du mineur lui-même, et il appréciera les allégations des parties et les preuves versées lors de la comparution, ainsi que les rapports des parents entre eux et des parents avec leurs enfants, afin de déterminer l’aptitude des parents à bénéficier du droit de garde. »

Cette disposition est complétée par l’article 9 de la loi organique 1/1996 du 15 janvier 1996 relative à la protection juridique des mineurs (...) qui garantit le droit du mineur à être entendu. Le paragraphe 2 de cet article prévoit que le mineur peut exercer ce droit « par lui-même ou par l’intermédiaire de la personne qu’il désigne pour le représenter, lorsqu’il a une capacité de jugement suffisante » et que « lorsque cela n’est pas possible ou que cela n’est pas commandé par l’intérêt du mineur, son avis pourra être transmis par l’intermédiaire de ses représentants légaux, pourvu qu’ils ne soient pas partie intéressée et qu’ils n’aient pas d’intérêts opposés à ceux du mineur, ou bien par l’intermédiaire d’autres personnes qui, en raison de leur profession ou de leur relation de confiance spéciale avec le mineur, puissent transmettre cet avis objectivement ».

Les décisions judiciaires à l’origine du présent recours d’amparo ont été rendues après la publication de la loi organique 15/2005. Cette dernière constitue donc la loi applicable par les organes judiciaires en l’espèce.

L’[Audiencia provincial de Valladolid] indique que, dans la mesure où la prétention de Mme S. est que le droit de visite ne soit pas accordé au père, l’objectif essentiel de la proposition d’audition est de connaître l’avis du mineur sur le régime des visites et de savoir s’il souhaite maintenir des contacts avec son père. Cet avis est déjà connu par la chambre, car il figure dans les commentaires dont le mineur a fait part à l’équipe psychosociale qui a rédigé le rapport. Il n’est donc pas nécessaire en l’espèce de procéder à l’audition du mineur.

Cette argumentation (...) est cohérente avec la législation applicable en l’espèce, selon laquelle les organes judiciaires estiment que l’audition du mineur n’a pas un caractère essentiel, l’opinion de celui-ci pouvant être connue par l’intermédiaire de certaines personnes (article 9 de la loi organique 1/1996). L’audition devient ainsi obligatoire uniquement lorsqu’elle est jugée nécessaire d’office, à la demande du ministère public, des parties ou des membres de l’équipe technique du tribunal ou du mineur lui-même (article 92 § 6 du code civil). (...) »

21. L’article 12 de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 20 novembre 1989 et ratifiée par l’Espagne le 30 novembre 1990, se lit comme suit :

« 1. Les États parties garantissent à l’enfant qui est capable de discernement le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant, les opinions de l’enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité.

2. À cette fin, on donnera notamment à l’enfant la possibilité d’être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative l’intéressant, soit directement, soit par l’intermédiaire d’un représentant ou d’un organisme approprié, de façon compatible avec les règles de procédure de la législation nationale. »

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 DE LA CONVENTION

22. La requérante et ses deux filles, mineures à l’époque des faits, se plaignent d’une violation de l’article 6 de la Convention suite aux refus des juridictions internes à entendre les mineures en personne dans le cadre de la procédure de divorce de leurs parents et d’une absence de réponse des juridictions internes à leur demande en ce sens. Elles invoquent l’article 6 de la Convention, ainsi libellé dans ses parties pertinentes en l’espèce :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »

A. Sur la recevabilité

23. Le Gouvernement soutient que, la requérante ayant comparu en son propre nom, ses enfants mineures n’ont pas été représentées par leur mère auprès des juridictions internes espagnoles. Il ajoute que les deux mineures n’ont pas donné l’occasion aux autorités judiciaires espagnoles d’examiner la violation alléguée de leur droit à être entendues ou à obtenir une réponse à leur demande en ce sens et que, dès lors, elles n’ont pas épuisé les voies de recours internes. Il conclut que la requête doit par conséquent être déclarée irrecevable en ce qui les concerne au sens de l’article 35 de la Convention.

S’agissant en particulier du défaut allégué de réponse par les juridictions internes à la demande des mineures d’être entendues dans la procédure de divorce, le Gouvernement estime que les lettres adressées par ces dernières au juge de première instance étaient tardives au motif qu’il avait déjà rendu son jugement. En outre, il explique que, face à l’absence de réponse du juge, les mineures auraient dû former un recours en reposición devant ce juge ou bien faire appel devant l’Audiencia provincial et présenter un recours d’amparo devant le Tribunal constitutionnel. Les mineures n’ayant pas procédé de la sorte, elles n’auraient pas donné l’occasion aux juridictions internes de remédier à la violation alléguée. En tout état de cause, le Gouvernement plaide que la requérante n’a, dans son appel, soulevé l’absence alléguée de réponse du juge qu’à l’égard de sa fille cadette.

Le Gouvernement soutient en outre que la requérante ne peut pas se prétendre victime des violations alléguées de la Convention au motif qu’elle n’est pas titulaire des droits qu’elle invoque et qu’elle n’a pas démontré qu’elle agissait au nom et pour le compte des mineures.

Il estime dès lors que la requête doit être déclarée irrecevable pour non-épuisement des voies de recours internes s’agissant des enfants de la requérante, et pour défaut de qualité de victime s’agissant de la requérante.

24. Mme Iglesias Casarrubios et ses enfants se réfèrent à l’article 163 du code civil (paragraphe 17 ci-dessus) et à la représentation ope legis de la requérante en raison du conflit existant entre les mineures et leur père au sujet du droit de visite de ce dernier et de l’éventuel placement des mineures dans un centre d’accueil. Elles estiment que la représentation légale des mineures par la requérante découlait de l’autorité parentale de la requérante et que celle-ci exercerait dans l’intérêt des mineures, ces dernières n’ayant pas la capacité juridique pleine pour agir en justice. Elles ajoutent que, par ailleurs, seuls les conjoints peuvent être parties à une procédure de divorce et que, n’ayant pas été parties à cette dernière, les mineures ne pouvaient dès lors pas non plus saisir le Tribunal constitutionnel d’un recours d’amparo dans le cadre de cette procédure.

25. La requérante expose ensuite qu’elle a demandé à plusieurs reprises, tout au long de la procédure de divorce, que ses enfants mineures fussent entendues personnellement par le juge et qu’elle s’est aussi plainte plusieurs fois de l’absence de réponse à cette prétention : dans son opposition à la demande de divorce présentée par son époux ; en appel, lorsqu’elle a joint à son recours des lettres écrites par ses enfants demandant à être entendues personnellement par le juge, ce que le Gouvernement ne conteste pas, et qu’elle a fait référence tant au fait que sa fille cadette n’avait même pas pu s’entretenir avec l’équipe psychosociale qu’au droit des mineurs à être entendus en vertu de la législation interne et internationale ; dans son recours en reposición, auquel ont également été annexées les lettres de ses filles mineures demandant à être entendues personnellement par le juge ; dans son recours extraordinaire pour infraction aux règles de procédure ; et, enfin, dans son recours d’amparo.

26. La Cour observe que, pour ce qui est de Mme Iglesias Casarrubios, la question de savoir si l’article 6 exige, comme elle le prétend, que ses filles mineures soient entendues en personne par le juge, affecte directement ses propres droits réclamés dans la procédure de divorce. La Cour rejette dès lors l’argument du Gouvernement relatif à l’absence de qualité de victime de la requérante d’une violation de la Convention en raison de l’impossibilité d’entendre ses enfants en personne. Par ailleurs, constatant que la requête n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’elle ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour la déclare recevable pour ce qui est de Mme Iglesias Casarrubios.

27. Concernant les enfants mineures de la requérante, la Cour estime que, bien que la requête ait été présentée par trois personnes, une adulte et deux mineures, et que rien ne s’oppose à ce que ces dernières soient requérantes devant la Cour, la seule titulaire des droits réclamés en l’espèce dans le cadre de la procédure de divorce est Mme Iglesias Casarrubios, ses enfants agissant uniquement en tant que tiers. La Cour note que les mineures n’ont aucunement été parties à la procédure de divorce entre leurs parents. Seuls Mme Iglesias Casarrubios et son époux ont été formellement parties à la procédure de divorce en cause. Ainsi, Mme Iglesias Casarrubios a été partie à ladite procédure, tant dans sa phase initiale (paragraphe 9 ci-dessus), en tant que partie défenderesse, que lors de la procédure ultérieure devant le juge de première instance (paragraphe 10 et suiv. ci-dessus) et en appel (paragraphe 14 ci-dessus), ainsi que dans le cadre du recours extraordinaire pour infraction aux règles de procédure formé par la requérante et devant le Tribunal constitutionnel, agissant toujours en son propre nom. La Cour observe que les demandes de Mme Iglesias Casarrubios de ce que ses filles fussent entendues en personne par le juge ont été formulées dans le cadre de ses prétentions en tant que partie à la procédure. Les lettres envoyées par les mineures au juge de première instance (paragraphe 13 ci-dessus) avaient pour objectif de réitérer et renforcer les demandes de comparution de ses filles effectuées par la leur mère, sans que la Cour trouve, en l’espèce, d’autres motifs pour les traiter comme de prétentions séparées ou différentes de celles de Mme Iglesias Casarrubios. La Cour note, enfin, que les mineures n’ont invoqué devant cette Cour aucun droit garantit par la Convention différent de celui portant sur l’article 6 invoqué par leur mère (voir, a contrario, M. et M. c. Croatie, no 10161/13, CEDH 2015 (extraits). Par conséquent, dans les circonstances de l’espèce, la Cour déclare la requête irrecevable pour ce qui est des filles mineures de la requérante.

B. Sur le fond

1. Observations des parties

28. Le Gouvernement expose que, tout au long des procédures de séparation de corps et de divorce, les mineures ont été examinées par des équipes psychosociales rattachées au juge de première instance no 24 de Madrid, comme l’indiquaient les rapports d’expertise du 28 janvier 2000 (paragraphe 6 ci-dessus), du 10 décembre 2001 (paragraphe 7 ci-dessus) et du 2 août 2007 (paragraphe 8 ci-dessus). Il ajoute que ces équipes ont exercé leur fonction au nom de l’autorité judiciaire et que leur examen équivalait à un examen par le juge lui-même.

29. Se référant à la jurisprudence constitutionnelle en la matière (paragraphe 20 ci-dessus), le Gouvernement ajoute que le droit d’un mineur à être entendu par l’autorité judiciaire n’est pas un droit absolu.

30. Il précise que le régime de visites fixé dans le cadre de la procédure de séparation de corps a été suspendu par l’ordonnance du 2 avril 2004 du juge de première instance en raison, entre autres, de l’avis des mineures à cet égard (paragraphe 8 ci-dessus). Il estime que l’audition des mineures a été particulièrement approfondie dans le cadre de la procédure de divorce, pendant laquelle un examen psychologique détaillé des mineures et de leurs rapports avec leur père fut réalisé et donna lieu à l’établissement d’un régime de visites très limité, dans un espace de rencontre parent-enfant. Le Gouvernement indique encore que le jugement de divorce a été adopté après les auditions des parties ayant eu lieu les 5 juin et 11 septembre 2007 (paragraphe 9 ci-dessus), et que la requérante et ses filles ne s’étaient alors pas plaintes de ne pas avoir été entendues par le juge. Il ajoute que, bien que la fille cadette de la requérante n’eût pas fait l’objet d’un entretien avec l’équipe psychosociale, son avis a toutefois été largement analysé et sa volonté de ne pas voir son père expressément prise en compte. Dès lors, il conclut que tant le jugement de première instance que l’arrêt rendu en appel ont pris en considération l’avis des deux mineures. Par ailleurs, il indique que les lettres des mineures ont été envoyées au juge de première instance après le jugement de divorce et qu’elles étaient donc tardives. Il est d’avis que ces lettres n’étaient pas rédigées dans des termes qu’emploieraient des mineures et qu’elles ne contenaient aucun fait nouveau.

31. Concernant l’absence alléguée de réponse par les juridictions internes à la demande des mineures d’être entendues par le juge, le Gouvernement soutient que leur avis a été pris en compte par les juridictions internes. Il estime que, en tout état de cause, ce que la requérante attaque réellement devant la Cour est le régime de visites accordé à son ex-époux, et non pas la violation de droits à caractère procédural.

32. La requérante indique quant à elle que la violation des droits qu’elle dénonce s’est produite lors de la procédure de divorce et qu’elle tire son origine de l’absence d’audition directe par le juge des mineures et de l’absence de réponse à leur demande. Concernant l’affirmation du Gouvernement selon laquelle l’audition des deux mineures par l’équipe psychosociale aurait été particulièrement approfondie, les intéressées réaffirment qu’elles n’ont aucunement été entendues par le juge dans le cadre de la procédure de divorce et expliquent que, pendant la procédure préalable de séparation de corps, elles ont été examinées uniquement par l’équipe de psychologues, sans jamais être personnellement entendues par le juge. La requérante précise que les juridictions internes se sont dès lors prononcées sur le droit de visite du père des mineures et sur la relation qu’elles entretenaient avec lui sans toutefois les entendre directement, et que la fille cadette de la requérante n’a pas été entendue par l’équipe psychosociale dans la procédure de divorce. Elle expose que, dans les lettres des mineures adressées au juge, elles avaient tenté d’expliquer qu’elles ne souhaitaient pas voir leur père, qui les aurait maltraitées physiquement et psychologiquement. Elle indique encore que les rapports d’expertise des psychologues intervenus dans la procédure judiciaire ne remplacent pas l’examen personnel et direct par le juge et qu’ils ne lient pas l’autorité judiciaire.

33. Mme Iglesias Casarrubios conclue que les mineures n’ont pas été entendues par l’autorité judiciaire et qu’elle n’a pas eu de réponse à sa demande en ce sens. Elle soutient que le seul objet de la procédure devant la Cour est la reconnaissance de la violation de ces droits.

2. Appréciation de la Cour

34. La Cour rappelle qu’il ne lui appartient pas de connaître des erreurs de fait ou de droit éventuellement commises par une juridiction interne, sauf si et dans la mesure où elles peuvent avoir porté atteinte aux droits et libertés sauvegardés par la Convention (voir, entre autres, García Ruiz c. Espagne [GC], no 30544/96, § 28, CEDH 1999‑I, et Perez c. France [GC], no 47287/99, § 82, CEDH 2004‑I), par exemple si ces erreurs peuvent exceptionnellement s’analyser en un « manque d’équité » incompatible avec l’article 6 de la Convention. Elle observe qu’il revient en principe aux juridictions nationales d’apprécier les éléments rassemblés par elles, y compris la manière dont les faits pertinents ont été établis (Vidal c. Belgique, 22 avril 1992, § 33, série A no 235‑B c).

35. La Cour rappelle ensuite que le droit à un procès équitable, garanti par l’article 6 § 1 de la Convention, englobe, entre autres, le droit des parties au procès à présenter les observations qu’elles estiment pertinentes pour leur affaire. La Convention ne visant pas à garantir des droits théoriques ou illusoires mais des droits concrets et effectifs (Artico c. Italie, 13 mai 1980, § 33, série A no 37), ce droit ne peut passer pour effectif que si ces observations sont vraiment « entendues », c’est-à-dire dûment examinées par le tribunal saisi.

36. Concernant notamment l’audition des enfants par un tribunal, la Cour a estimé que ce serait aller trop loin que de dire que les tribunaux internes sont toujours tenus d’entendre un enfant en audience lorsqu’est en jeu le droit de visite d’un parent n’exerçant pas la garde. En effet, cela dépend des circonstances particulières de chaque cause et compte dûment tenu de l’âge et de la maturité de l’enfant concerné (Sahin c. Allemagne [GC], no 30943/96, § 73, CEDH 2003‑VIII. Elle observe toutefois qu’en droit espagnol (paragraphes 18 et 19 ci-dessus) en cas de procédure contentieuse de divorce, et si cela est estimé nécessaire, les enfants mineurs doivent être entendus par le juge s’ils sont capables de discernement et, dans tous les cas, les mineurs âgés de 12 ans et plus. En tout cas, lorsque le mineur demande à être entendu, le refus d’audition sera motivé.

37. La Cour note qu’en l’espèce, Mme Iglesias Casarrubios reproche au juge de première instance et à l’Audiencia provincial d’avoir considéré à tort que les expertises antérieures à la procédure de divorce concernant ses enfants mineures et le rapport fourni par l’équipe psychosociale relatif à sa fille aînée étaient suffisants pour que le juge pût s’abstenir de procéder à l’audition des mineures, et ce alors que l’aînée était âgée de plus de 12 ans et sa sœur de 11 ans, lors de l’opposition à la demande de divorce (paragraphe 18 ci-dessus, article 770 du code de procédure civile), et que, de plus, selon la requérante, aucune réponse à cette question n’avait été apportée par l’une ou l’autre des juridictions (paragraphe 13 ci‑dessus).

38. D’après le Gouvernement, les parties ont été entendues en audience les 5 juin et 11 septembre 2007 (paragraphe 9 ci-dessus) et Mme Iglesias Casarrubios et ses enfants ne s’étaient alors pas plaintes de ne pas avoir été entendues par le juge. Par ailleurs, tant le jugement de première instance que l’arrêt rendu en appel auraient pris en compte l’avis des mineures.

39. La Cour n’est toutefois pas convaincue par cette argumentation. Elle constate que Mme Iglesias Casarrubios a réclamé, dès le début de la procédure de divorce, que les mineures fussent entendues tant dans le cadre de l’opposition à la demande de divorce et des recours qui s’en sont suivis qu’au moyen de lettres adressées au juge de première instance après son ordonnance du 12 juin 2008, qui leur avait fait craindre un changement susceptible de leur être préjudiciable dans l’attribution de la garde des mineures.

40. Par ailleurs, la Cour relève que le juge d’instance s’est borné à examiner l’avis que la fille aînée de la requérante avait exprimé auprès de l’équipe psychosociale et qu’il s’est servi de rapports d’expertise antérieurs, relatifs à la procédure de séparation de corps, pour examiner l’avis de la fille cadette de la requérante, sans toutefois l’entendre personnellement.

41. La Cour observe que, lors du prononcé du jugement de divorce, le 17 septembre 2007 (paragraphe 10 ci-dessus), la fille aînée de la requérante était âgée de 14 ans et 10 mois et sa cadette de 11 ans et 6 mois. Elle constate en outre que, au moment où les lettres jointes au recours en reposición (paragraphe 13 ci-dessus) devant le juge de première instance ont été écrites, les mineures étaient âgées de presque 15 ans et de 12 ans et 3 mois respectivement.

42. Elle note que la demande d’audition des mineures a été expressément formulée auprès du juge de première instance dès l’opposition présentée par la requérante, le 28 février 2007 (paragraphe 9 ci-dessus) à la demande de divorce. Elle n’aperçoit aucune raison justifiant que l’avis de la fille aînée de la requérante, une mineure alors âgée de plus de 12 ans, ne fût pas directement recueilli par le juge de première instance dans le cadre de la procédure de divorce, ainsi que la loi interne l’exigeait (paragraphe 18 ci-dessus). La Cour ne voit pas non plus de raison justifiant que le juge de première instance ne se prononçât pas, dans le cadre de la même procédure, de façon motivée sur la demande de la fille cadette de la requérante d’être entendue par lui, comme la loi le lui exigeait. Le refus d’entendre au moins l’aînée ainsi que l’absence de toute motivation pour rejeter les prétentions des mineures d’être entendues directement par le juge qui devait décider du régime de visites de leur père (paragraphe 13 ci-dessus) amène la Cour à conclure que Mme Iglesias Casarrubios s’est vue indûment priver de son droit à ce que ses enfants mineures soient entendues personnellement par le juge, nonobstant les dispositions légales applicables, sans qu’aucun remède à une telle privation n’eût été apporté par les juridictions supérieures ayant examiné les recours qu’elle avait formés.

43. Aussi la Cour conclut-elle que les juridictions internes n’ont pas garanti à la requérante son droit à un procès équitable, au sens de l’article 6 § 1 de la Convention. Partant, il y a eu violation de cette disposition.

II. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

44. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage

45. Mme Iglesias Casarrubios réclame 7 906,49 euros (EUR) pour préjudice matériel. Ce montant inclut : le coût des déplacements vers les espaces de rencontre afin d’exercer le droit de visite ; le coût des procédures intentées par la requérante contre son ex-époux ayant abouti à la condamnation de ce dernier à des contraventions ; les frais relatifs aux plaintes déposées par cette dernière à la suite du refus du personnel des espaces de rencontre d’émettre des attestations concernant la présence de la requérante et ses enfants dans lesdits espaces ; les frais de notaire engagés par la requérante dans le cadre de la procédure objet de la présente requête ainsi que le manque à gagner découlant de la perte de jours de travail en raison des rendez-vous dans les espaces de rencontre.

46. Elle réclame également la somme de 24 000 EUR (soit 8 000 EUR chacune) pour préjudice moral.

47. Le Gouvernement dénonce l’absence de tout lien de causalité entre les violations alléguées et les dommages prétendument subis.

48. La Cour n’aperçoit pas de lien de causalité entre la violation constatée et le dommage matériel allégué et rejette cette demande. Concernant le dommage moral, compte tenu de la violation constatée en l’espèce, elle considère qu’il y a lieu d’octroyer 6 400 EUR à Mme Iglesias Casarrubios au titre du préjudice moral.

B. Frais et dépens

49. La requérante demande également, notes d’honoraires et factures à l’appui, 7 137,58 EUR pour les frais et dépens engagés devant les juridictions internes ordinaires (montant incluant les honoraires de notaire, d’avoué et d’avocat relatifs à la procédure de divorce) et 300 EUR pour les honoraires d’avoué relatifs au recours d’amparo devant le Tribunal constitutionnel.

50. Le Gouvernement estime qu’il n’y a pas de lien de causalité entre la procédure de divorce et l’objet de la présente requête.

51. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce, compte tenu des documents dont elle dispose et de sa jurisprudence, la Cour estime raisonnable la somme de 2 000 EUR tous frais confondus au titre des frais et dépens pour la procédure nationale et l’accorde à la requérante.

C. Intérêts moratoires

52. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Déclare la requête recevable pour ce qui est de Mme Iglesias Casarrubios et irrecevable pour le surplus ;

2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 de la Convention ;

3. Dit

a) que l’État défendeur doit verser à la requérante, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes :

i. 6 400 EUR (six mille quatre cents euros) pour dommage moral ;

ii. 2 000 EUR (deux mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour frais et dépens ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

4. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 11 octobre 2016, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.

Stephen PhillipsHelena Jäderblom
GreffierPrésidente


Synthèse
Formation : Cour (troisiÈme section)
Numéro d'arrêt : 001-167113
Date de la décision : 11/10/2016
Type d'affaire : au principal et satisfaction équitable
Type de recours : Violation de l'article 6 - Droit à un procès équitable (Article 6 - Procédure civile;Article 6-1 - Procès équitable)

Parties
Demandeurs : IGLESIAS CASARRUBIOS ET CANTALAPIEDRA IGLESIAS
Défendeurs : ESPAGNE

Composition du Tribunal
Avocat(s) : OLLE SESE M.

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2021
Fonds documentaire ?: HUDOC

Source

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