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20/10/2015 | CEDH | N°001-158210

CEDH | CEDH, AFFAIRE SHER ET AUTRES c. ROYAUME-UNI, 2015, 001-158210


QUATRIÈME SECTION

AFFAIRE SHER ET AUTRES c. ROYAUME-UNI

(Requête no 5201/11)

ARRÊT

[Extraits]

STRASBOURG

20 octobre 2015

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Sher et autres c. Royaume-Uni,

La Cour européenne des droits de l’homme (quatrième section), siégeant en une chambre composée de :

Guido Raimondi, président,
Päivi Hirvelä,
Ledi Bianku,
Nona Tsotsoria,
Paul

Mahoney,
Faris Vehabović,
Yonko Grozev, juges,
et de Françoise Elens-Passos, greffière de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conse...

QUATRIÈME SECTION

AFFAIRE SHER ET AUTRES c. ROYAUME-UNI

(Requête no 5201/11)

ARRÊT

[Extraits]

STRASBOURG

20 octobre 2015

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Sher et autres c. Royaume-Uni,

La Cour européenne des droits de l’homme (quatrième section), siégeant en une chambre composée de :

Guido Raimondi, président,
Päivi Hirvelä,
Ledi Bianku,
Nona Tsotsoria,
Paul Mahoney,
Faris Vehabović,
Yonko Grozev, juges,
et de Françoise Elens-Passos, greffière de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 15 septembre 2015,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 5201/11) dirigée contre le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et dont trois ressortissants pakistanais, MM. Sultan Sher, Mohammed Rizwan Sharif et Mohammed Umer Farooq (« les requérants »), ont saisi la Cour le 17 janvier 2011 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Les requérants, qui ont été admis au bénéfice de l’assistance judiciaire, ont été représentés par Me A. Yousaf, avocat exerçant à Bradford. Le gouvernement britannique (« le Gouvernement ») a été représenté par son agente, Mme M. Addis, du ministère des Affaires étrangères et du Commonwealth.

3. Dans leur requête, les requérants alléguaient notamment qu’ils n’avaient pas reçu d’informations suffisantes sur les allégations précises formulées contre eux, au mépris de l’article 5 §§ 2 et 4 de la Convention, que la procédure d’examen des demandes d’autorisation de prolongation de garde à vue n’était pas compatible avec les articles 5 § 4 et 6 § 1 et que les perquisitions menées à leurs domiciles respectifs emportaient violation de leur droit au respect de leur vie privée et de leur domicile et de l’article 1 du Protocole no 1.

4. Le 2 octobre 2013, la requête a été communiquée au Gouvernement.

5. Tant les requérants que le Gouvernement ont déposé des observations écrites (article 54 § 2 b) du règlement de la Cour). En outre, des observations ont été reçues de l’organisation Privacy International, que le président avait autorisée à intervenir dans la procédure écrite (articles 36 § 2 de la Convention et 44 § 3 du règlement).

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

6. À l’époque des faits exposés ci-après, les requérants séjournaient au Royaume-Uni munis de visas d’étudiants. Des informations les concernant figurent dans l’annexe jointe au présent arrêt.

A. L’arrestation et la première période de garde à vue des requérants

7. Le 8 avril 2009, les requérants et neuf autres personnes furent arrêtés en vertu de la loi de 2000 sur le terrorisme dans sa version amendée (« la loi de 2000 »). Leur arrestation eut lieu en divers endroits du nord-ouest de l’Angleterre, dans le cadre de l’opération « Pathway ».

1. M. Sher

8. Soupçonné d’implication dans la perpétration, la préparation et l’instigation d’actes de terrorisme, M. Sher fut arrêté le 8 avril à 18 h 35 en vertu de l’article 41 de la loi de 2000 (paragraphe 91 ci-dessous). Il ressort du registre de garde à vue que la détention du requérant avait été autorisée pour permettre aux autorités de se procurer ou de préserver des éléments de preuve, ou d’en recueillir en interrogeant l’intéressé.

9. Vers 22 heures, un haut fonctionnaire de police procéda au contrôle de la garde à vue du requérant, qui ne fit aucune déclaration. Le requérant fut maintenu en garde à vue au motif que pareille mesure s’imposait pour permettre aux autorités de se procurer ou de préserver des éléments de preuve, ou d’en recueillir en l’interrogeant.

10. Le 9 avril, à 7 h 40, un avis (« formulaire TACT 5 ») fut notifié au solicitor du requérant, Me Yousaf. L’avis en question mentionnait notamment ce qui suit :

« Nous vous informons que :

(...)

SULTAN SHER

A été arrêté en vertu des dispositions de l’article 41 de la loi de 2000 sur le terrorisme au motif qu’il existe des raisons plausibles de le soupçonner d’être impliqué dans la perpétration, la préparation et l’instigation d’actes de terrorisme. »

11. Me Yousaf indiqua qu’il acceptait que les contrôles ultérieurs de la garde à vue de son client se déroulent en son absence et qu’il n’avait pas d’observations à formuler à ce stade.

12. À 9 h 35, il fut procédé à un nouveau contrôle de la garde à vue du requérant. Celui-ci fut informé que son maintien en garde à vue était jugé nécessaire pour permettre aux autorités de recueillir des preuves pertinentes en l’interrogeant, de préserver des éléments de preuve pertinents, d’attendre les résultats de l’examen ou de l’analyse de tels éléments et d’examiner/analyser tout élément susceptible de leur permettre de se procurer des preuves.

13. Vers 16 heures, Me Yousaf se vit communiquer copie d’un document d’information avant interrogatoire (« le document »), dont le troisième paragraphe était ainsi rédigé :

« Votre client a été arrêté au motif qu’il est soupçonné d’implication dans la perpétration, la préparation et l’instigation d’un acte de terrorisme incriminé par l’article 41 de la loi de 2000 sur le terrorisme. Il a été informé que son arrestation était nécessaire pour que l’enquête ouverte sur cette infraction fût rapide et efficace. Après avoir été avisé de ses droits, votre client a gardé le silence. Il a été arrêté à la suite d’une opération de renseignement menée par l’unité antiterroriste du nord-ouest. »

14. Ce document citait ensuite les noms de douze personnes en état d’arrestation dans différents lieux, indiquant que leurs domiciles respectifs et les locaux qui y étaient rattachés faisaient l’objet de perquisitions, de relevés d’indices et d’investigations de la police scientifique. Il précisait que les perquisitions se déroulaient dans dix propriétés, mais que ce nombre augmenterait probablement « à mesure que de nouveaux renseignements établissant un lien entre des personnes et des locaux ser[aien]t portés à la connaissance de l’équipe d’enquêteurs. » Il poursuivait ainsi :

« Votre client doit être informé que les investigations menées dans ces locaux donneront lieu à la recherche de matériel servant à fabriquer des bombes, d’engins, d’explosifs, de matériaux composites, de formules, de preuves documentaires, d’ordinateurs, de dispositifs informatiques de stockage et de téléphone mobiles (...) »

15. Il se terminait ainsi :

« Votre client sera interrogé au sujet de ses contacts avec des individus et de ses liens avec des locaux visés par l’enquête. Les questions qui lui seront posées porteront notamment sur son usage de l’informatique ainsi que sur ses méthodes de communication, mais surtout sur ce qu’il pourrait savoir ou avoir appris au sujet de la perpétration, la préparation ou l’instigation d’actes de terrorisme (...) ».

16. Vers 17 heures, il fut procédé à un nouveau contrôle de la garde à vue du requérant. Son maintien en détention fut jugé nécessaire pour les raisons exposées précédemment.

17. Le premier interrogatoire du requérant par la police débuta peu après 18 heures. On lui posa des questions précises sur les autres personnes qui avaient été arrêtées, sur les locaux perquisitionnés et sur ce qu’il savait du matériel servant à fabriquer des bombes. Le requérant se refusa à tout commentaire sur les questions qui lui furent posées. L’interrogatoire dura près d’une heure et demie au total.

18. Peu avant minuit, il fut procédé à un nouveau contrôle de la détention du requérant. Son maintien en détention fut jugé nécessaire pour les raisons exposées précédemment.

2. M. Sharif

19. Soupçonné d’implication dans la perpétration, la préparation et l’instigation d’actes de terrorisme, M. Sharif fut arrêté le 8 avril à 17 h 37 en vertu de l’article 41 de la loi de 2000. Il ressort du registre de garde à vue que la détention du requérant avait été autorisée pour permettre aux autorités de se procurer ou de préserver des éléments de preuve, ou d’en recueillir en interrogeant l’intéressé, et que celui-ci en avait été informé.

20. À 23 heures, un haut fonctionnaire de police procéda au contrôle de la garde à vue du requérant, qui ne fit aucune déclaration. Le requérant fut maintenu en garde à vue au motif que pareille mesure s’imposait pour permettre aux autorités de se procurer ou de préserver des éléments de preuve, ou d’en recueillir en l’interrogeant.

21. Le 9 avril, à 7 h 40, un formulaire TACT 5 concernant le requérant et rédigé dans les mêmes termes que celui visant M. Sher (paragraphe 10 ci‑dessus) fut notifié à Me Yousaf. Ce dernier indiqua derechef qu’il acceptait que les contrôles ultérieurs de la garde à vue de son client se déroulent en son absence.

22. À 9 h 50, il fut procédé à un nouveau contrôle de la garde à vue du requérant. Celui-ci fut informé que son maintien en garde à vue était jugé nécessaire pour permettre aux autorités de recueillir des preuves pertinentes en l’interrogeant, de préserver des éléments de preuve pertinents, d’attendre les résultats de l’examen ou de l’analyse de tels éléments et d’examiner/analyser tout élément susceptible de leur permettre de se procurer des preuves.

23. À 16 h 50, il fut procédé à un nouveau contrôle de la garde à vue du requérant. Son maintien en détention fut jugé nécessaire pour les raisons exposées précédemment.

24. Dans l’après-midi, à une heure non précisée, le requérant se vit remettre un document d’information quasiment identique à celui qui concernait M. Sher (paragraphes 13-15 ci-dessus). Par la suite, le requérant fut interrogé pendant près d’une demi-heure, notamment au sujet des autres individus qui avaient été arrêtés. Il ne fit aucune déclaration.

25. À 23 h 45, il fut procédé à un nouveau contrôle de la garde à vue du requérant. Son maintien en détention fut jugé nécessaire pour les raisons exposées précédemment.

3. M. Farooq

26. Soupçonné d’implication dans la perpétration, la préparation et l’instigation d’actes de terrorisme, M. Farooq fut arrêté le 8 avril à 17 h 35 en vertu de l’article 41 de la loi de 2000. Il ressort du registre de garde à vue que le requérant fut informé des raisons de son placement en garde à vue.

27. Vers 9 h 45, un haut fonctionnaire de police procéda au contrôle de la garde à vue du requérant, qui ne fit aucune déclaration. Le requérant fut maintenu en garde à vue au motif que pareille mesure s’imposait pour permettre aux autorités de se procurer ou de préserver des éléments de preuve, ou d’en recueillir en l’interrogeant.

28. Le 9 avril, un formulaire TACT 5 concernant le requérant et rédigé dans les mêmes termes que celui visant M. Sher (paragraphe 10 ci-dessus) fut notifié à Me Yousaf. Ce dernier indiqua derechef qu’il acceptait que les contrôles ultérieurs de la garde à vue de son client se déroulent en son absence.

29. À 9 h 15, il fut procédé à un nouveau contrôle de la garde à vue du requérant. Celui-ci fut informé que son maintien en garde à vue était jugé nécessaire pour permettre aux autorités de recueillir des preuves pertinentes en l’interrogeant, de préserver des éléments de preuve pertinents, d’attendre les résultats de l’examen ou de l’analyse de tels éléments et d’examiner/analyser tout élément susceptible de leur permettre de se procurer des preuves.

30. À 17 h 40, il fut procédé à un nouveau contrôle de la garde à vue du requérant. Son maintien en détention fut jugé nécessaire pour les raisons exposées précédemment.

31. Dans l’après-midi, à une heure non précisée, le requérant se vit remettre un document d’information quasiment identique à celui qui concernait M. Sher (paragraphes 13-15 ci-dessus). Par la suite, le requérant fut interrogé par la police pendant près d’une demi-heure, notamment au sujet des autres individus qui avaient été arrêtés. Il ne fit aucune déclaration.

32. Peu avant minuit, il fut procédé à un nouveau contrôle de la garde à vue du requérant. Son maintien en détention fut jugé nécessaire pour les raisons exposées précédemment.

B. Les mandats de perquisition

33. Entre-temps, le 8 avril 2009, la police avait sollicité et obtenu auprès de la Magistrates’ Court de Manchester la délivrance de mandats de perquisition qui visaient différents lieux présentant un lien avec les requérants. L’officier de police à l’origine de la demande de mandat avait indiqué qu’il avait des raisons plausibles de penser que les éléments recherchés étaient susceptibles de favoriser une enquête sur des faits de terrorisme et qu’ils devaient être saisis pour éviter leur dissimulation, leur disparition, leur détérioration, leur altération ou leur destruction.

34. Les éléments à rechercher étaient énumérés comme suit :

« Courrier, tracts, affiches, magazines, formulaires de souscription, pièces d’identité, documents de voyage, passeports, cartes, croquis, plans, relevés de téléphone, conditions d’hébergement, littérature/livres, documents concernant l’utilisation/le contrôle de véhicules, courrier relatif à d’autres bâtiments/locaux/garages et à leurs clés, factures d’achat, informations sur les convictions religieuses/politiques, notes manuscrites, factures, reçus, bons de commande, bons de livraison, annonces, informations de transport terrestre, maritime et aérien. Ordinateurs, matériel informatique, assistants numériques personnels et logiciels y afférents, dispositifs de stockage numérique, télécopieurs, scanners, photocopieurs, papier pour imprimante, DVD, CD, CD-ROM, cassettes vidéo/audio, clés USB, téléphones mobiles, cartes SIM, preuves d’achat de téléphones mobiles et enregistrement et facturation, cartes de crédit, cartes de recharge, espèces, carnets de chèques, justificatifs de transferts de fonds, documents financiers, appareils photo/vidéo, photos/négatifs, appareils de communication, produits ou précurseurs chimiques, souvenirs/ornements/drapeaux, articles permettant de dissimuler ou de transporter des objets, éléments pouvant avoir un lien avec le terrorisme (...) »

35. Ces termes furent repris dans les mandats de perquisition délivrés à la police. Ceux-ci comportaient un passage ainsi rédigé :

« Le présent mandat autorise tout agent de police, assisté de la ou des personnes dont la présence est requise aux fins de la perquisition, à pénétrer en une occasion seulement dans les locaux visés dans un délai d’un mois à compter de la délivrance du présent mandat et à y effectuer une perquisition (...) »

36. La perquisition menée au domicile de M. Sher dura dix jours, du 8 au 18 avril. Le lieu de travail de l’intéressé fut perquisitionné du 11 au 14 avril.

37. La perquisition du domicile de MM. Sharif et Farooq, qui vivaient à la même adresse, se déroula du 8 au 19 avril.

38. Tous les locaux perquisitionnés furent fouillés selon le même mode opératoire. Les policiers s’y rendaient dès le début de la matinée et y travaillaient en se relayant jusqu’à 19 heures environ avant de les fermer et d’en interdire l’accès. Ils reprenaient le travail le lendemain matin, poursuivant ainsi jusqu’à la fin de la perquisition.

C. Les prolongations de la garde à vue des requérants

1. La première demande de prolongation de la garde à vue des requérants

39. Le 9 avril, les requérants furent informés que les autorités avaient décidé de solliciter auprès de la Magistrates’ Court de la Cité de Westminster la prolongation de leur garde à vue pour une durée de sept jours à compter de leur arrestation et qu’une audience se tiendrait le 10 avril. La notification de la demande et de l’audience précisait ce qui suit :

« Vous et votre conseil avez la possibilité de formuler des observations écrites ou orales et de participer à l’audience, sous réserve de la disposition prévue au paragraphe 33 3) de l’annexe 8, qui autorise l’autorité judiciaire à vous exclure ou à exclure votre conseil d’une partie de l’audience. Votre conseil a été informé par écrit de son droit – et du vôtre – de participer à l’audience sous réserve de la disposition susmentionnée. La police demande l’autorisation de prolonger votre garde à vue pour une durée de sept jours à compter de votre arrestation au motif que pareille mesure lui est nécessaire pour se procurer ou préserver des éléments de preuve pertinents ou attendre les résultats de l’examen ou de l’analyse de tels éléments ou de tout élément dont l’examen ou l’analyse est en cours ou reste à effectuer en vue d’obtenir des preuves de la commission d’une infraction ou de plusieurs infractions incriminées par les dispositions de l’article 40 § 1 a) ou qui donnerait à penser que vous relevez des dispositions de l’article 40 § 1 b) de la loi de 2000 sur le terrorisme. »

40. Le chapitre 9 de la demande introduite auprès de la Magistrates’ Court de la Cité de Westminster comportait une rubrique intitulée « Autres investigations à effectuer » décrivant longuement l’opération de police et l’état de l’enquête qui était en cours. Le contenu du chapitre 9 ne fut divulgué ni aux requérants ni à Me Yousaf.

41. L’audience fut fixée au 10 avril 2009, à 9 h 30. Une partie de l’audience fut tenue secrète pour permettre au juge de district (district judge) d’examiner le contenu du chapitre 9 et de poser des questions à ce sujet. Ni les requérants ni Me Yousaf ne purent y assister. Ils ne soulevèrent aucune objection contre cette procédure à ce stade.

42. Au cours de la partie non secrète de l’audience, un haut fonctionnaire de police présenta oralement une demande de prolongation de la garde à vue des requérants consignée dans une note dont une copie fut remise aux requérants et à Me Yousaf. La note en question expliquait pourquoi le contenu du chapitre 9 était tenu secret et donnait des précisions sur l’opération de police ainsi que sur les éléments qui avaient été saisis. Elle indiquait que l’enquête avait révélé :

« des informations et des éléments de preuve étayant l’hypothèse selon laquelle [les requérants], en étroite association avec d’autres personnes détenues, complot[aient] en vue de préparer un attentat terroriste au Royaume-Uni. »

43. Au cours de l’audience, Me Yousaf interrogea le fonctionnaire de police. Il ne souleva aucune objection au sujet de la garde à vue des requérants et ne demanda pas leur remise en liberté.

44. À 13 h 20, le juge de district autorisa la prolongation de la garde à vue des requérants jusqu’au 15 avril. Les passages pertinents de sa décision notifiée étaient ainsi rédigés :

« Sur réquisition d’un officier de police ayant au moins le grade de commissaire (superintendent), et après avoir tenu compte des observations formulées par la personne nommément désignée ci-dessus ou au nom de celle-ci sur les motifs pour lesquels la prolongation de sa garde à vue est demandée, j’estime que, conformément aux paragraphes 30 et 32 de l’annexe 8 à la loi de 2000 sur le terrorisme,

(...)

ii. L’enquête ayant donné lieu au placement en garde à vue de la personne nommément désignée ci-dessus est menée avec diligence et célérité ;

iii. Il existe des raisons plausibles de penser que la prolongation de la garde à vue de la personne nommément désignée ci-dessus est nécessaire pour permettre aux autorités de se procurer des preuves pertinentes en l’interrogeant ou par d’autres moyens, ou de préserver des éléments de preuve pertinents ou d’attendre les résultats de l’examen ou de l’analyse de tels éléments ou de tout élément dont l’examen ou l’analyse est en cours ou reste à effectuer en vue d’obtenir des preuves pertinentes (...) »

2. La garde à vue des requérants du 10 au 15 avril

a) M. Sher

45. Le 10 avril 2009, un second document d’information fut remis à M. Sher. Il indiquait que l’un des suspects arrêtés avait déclaré qu’il avait vécu avec le requérant à deux adresses et qu’il connaissait un autre suspect placé en garde à vue. Ce document donna lieu à un interrogatoire du requérant qui débuta peu après 18 heures et se termina une heure et demie plus tard. Le requérant fut interrogé au sujet de ses relations avec plusieurs autres suspects arrêtés et de sa connaissance de certains des locaux perquisitionnés. Il ne répondit pas aux questions qui lui furent posées.

46. Aucun interrogatoire n’eut lieu le week-end de Pâques des 11 et 12 avril.

47. Le 13 avril, le requérant se vit remettre un troisième document d’information décrivant des éléments découverts dans différents locaux qui avaient été perquisitionnés et qui auraient présenté un lien avec lui. Ce document donna lieu à une série d’interrogatoires qui débutèrent vers 13 heures et durèrent près de quatre heures au total. Le requérant refusa derechef de répondre aux questions qui lui furent posées.

48. Le 14 avril 2009, un quatrième document d’information fut remis au requérant et à son solicitor. Il recensait un certain nombre d’éléments qualifiés d’« intéressants » pour l’enquête, notamment des SMS échangés entre détenus, des cartes où étaient surlignés des lieux d’intérêt censés être fortement fréquentés, un document manuscrit décrivant en détail une zone militaire située à l’étranger, des indications sur des démarches entreprises pour accéder et s’intégrer au secteur de la sécurité, notamment aéroportuaire, des renseignements sur des voyages internationaux – en particulier des séjours au Pakistan, et sur l’objet de ces voyages, des indices de reconnaissance de lieux publics ainsi que des informations concernant des réunions importantes et des transferts de fonds à l’étranger. Il y était également mentionné ce qui suit :

« Des éléments indiquent que votre client entretient des relations avec des individus qui se trouvent actuellement en garde à vue, et il existe des preuves directes démontrant que les intéressés se sont rencontrés à plusieurs reprises à Liverpool et à Manchester. Des clichés pris sur téléphone mobile attestent également l’existence de liens entre les personnes arrêtées lors de cette opération.

Le présent document d’information vise à exposer les grandes lignes de l’enquête policière, qui donne fortement à penser que des actes préparatoires à un attentat étaient en cours. De nombreuses pièces à conviction qui sont encore en instance d’examen pourront être présentées dans un autre document d’information avant interrogatoire. »

49. Ce document donna lui aussi lieu à un interrogatoire du requérant qui débuta peu après 13 heures et dura environ une heure et vingt minutes. Le requérant se refusa à tout commentaire.

b) M. Sharif

50. Le 10 avril 2009, M. Sharif se vit remettre un second document d’information fondé sur des renseignements fournis par d’autres détenus et concernant les liens qu’il entretenait avec eux. Ce document donna lieu à un interrogatoire du requérant qui débuta vers 16 heures et se termina une heure et demie plus tard. Interrogé sur ses relations avec certains des autres suspects arrêtés, le requérant ne répondit pas aux questions qui lui furent posées.

51. Aucun interrogatoire n’eut lieu le week-end de Pâques des 11 et 12 avril.

52. Le 13 avril, le requérant se vit remettre un troisième document d’information détaillant les éléments découverts à son domicile. Ce document donna lieu à une série d’interrogatoires qui débutèrent vers 13 h 30 et durèrent au total près de trois heures. Le requérant se refusa à tout commentaire sur les questions qui lui furent posées.

53. Le 14 avril 2009, un quatrième document d’information fut remis au requérant. Ce document fournissait des indications précises sur les renseignements donnés par d’autres détenus et reproduisait le contenu du quatrième document d’information remis à M. Sher (paragraphe 48 ci‑dessus). Il donna lieu à un interrogatoire du requérant qui dura environ trois heures. Le requérant refusa de s’exprimer.

c) M. Farooq

54. Le 10 avril 2009, M. Farooq se vit remettre un second document d’information fondé sur des renseignements fournis par d’autres détenus et concernant les liens qu’il entretenait avec eux. Ce document donna lieu à un interrogatoire du requérant qui débuta vers 16 heures et se termina un peu plus d’une heure plus tard. Interrogé sur ses relations avec certains des autres suspects arrêtés, le requérant ne répondit pas aux questions qui lui furent posées.

55. Aucun interrogatoire n’eut lieu le week-end de Pâques des 11 et 12 avril.

56. Le 13 avril, le requérant se vit remettre un troisième document d’information qui décrivait en détail les pièces à conviction découvertes dans des locaux qu’il avait fréquentés. Ce document donna lieu à une autre série d’interrogatoires qui durèrent un peu plus de deux heures. Là encore, le requérant se refusa à tout commentaire sur les questions qui lui furent posées.

57. Le 14 avril 2009, le requérant se vit remettre un quatrième document d’information quasiment identique à celui qui avait été remis à M. Sharif (paragraphe 48 ci-dessus). Ce document donna lieu à un interrogatoire de M. Farooq qui dura un peu plus d’une heure. Le requérant refusa de répondre aux questions qui lui furent posées.

3. La première demande de prolongation de la garde à vue des requérants

58. Le 14 avril 2009, les requérants furent informés que les autorités avaient sollicité auprès de la Magistrates’ Court de la Cité de Westminster la prolongation de leur garde à vue pour une nouvelle période de sept jours. Cette information fut également communiquée à Me Yousaf. La notification de cette demande était libellée en des termes analogues à ceux de la notification de la première demande. Le chapitre 9 de la demande, qui ne fut pas divulgué aux requérants, contenait des informations précises sur le contexte de l’enquête, sur les relations existant entre les requérants, sur les locaux qui avaient été perquisitionnés, sur les expertises réalisées par la police scientifique ainsi que sur les téléphones, les ordinateurs, les DVD et les documents qui avaient été découverts. Le chapitre 10 de la demande comportait une rubrique intitulée « Raisons pour lesquelles la détention est nécessaire pendant le déroulement des investigations » sous laquelle figurait une liste de points mentionnant notamment la nécessité, pour les autorités, d’attendre la fin des perquisitions et des examens scientifiques ainsi que les résultats des analyses requises et d’interroger les requérants au sujet des éléments trouvés en leur possession ou dans des locaux qu’ils avaient fréquentés.

59. La demande donna lieu à une audience qui se tint le 15 avril vers 9 h 30 et à laquelle les requérants participèrent par visioconférence. Ceux-ci purent assister à la totalité de l’audience. Un haut fonctionnaire de police présenta oralement la demande de prolongation de la garde à vue qui, là encore, avait été consignée dans une note remise aux requérants et à Me Yousaf. Il déclara que l’opération de police en cause était la plus importante enquête antiterroriste menée depuis celle de 2006, qui concernait un complot visant à faire exploser des avions au moyen de « bombes liquides », et que l’unité antiterroriste du nord-ouest n’avait jamais entrepris d’opération de cette envergure auparavant. Il expliqua que des perquisitions étaient en cours dans plusieurs locaux et que seul l’un d’entre eux avait fait l’objet d’une fouille complète et d’une mainlevée. Il ajouta que trois d’entre eux donnaient lieu à des analyses criminalistiques dont les résultats n’étaient pas encore disponibles, que sept autres étaient en cours de perquisition, que 3 887 pièces à conviction au total avaient été découvertes jusqu’alors et que les autorités donnaient la priorité aux documents, aux ordinateurs, aux téléphones mobiles, aux cartes SIM et aux dispositifs de stockage de données. Il précisa que de nombreux ordinateurs, DVD et CD étaient inspectés, et que 127 téléphones mobiles et cartes SIM – dont certains étaient équipés de mémoires de grande capacité – avaient été découverts et étaient examinés par la police scientifique. Il conclut sa demande en sollicitant la prolongation de la garde à vue des requérants au motif que pareille mesure était nécessaire pour permettre à la police de se procurer des preuves pertinentes en les interrogeant, pour préserver des éléments de preuve et pour attendre les résultats de l’examen ou de l’analyse de preuves supplémentaires éventuelles.

60. Vers 10 h 15, le juge de district en chef fit droit à la demande de prolongation. Dans la notification officielle concernant chacun des requérants, il était mentionné que le juge estimait que l’enquête était menée avec diligence et célérité et qu’il existait de bonnes raisons de penser que la prolongation de la garde à vue des requérants était nécessaire pour permettre à la police de se procurer des preuves. La garde à vue des requérants fut prolongée de sept jours, jusqu’au 22 avril 2009.

4. La garde à vue des requérants du 15 au 21 avril

a) M. Sher

61. M. Sher ne fut pas interrogé entre le 15 et le 18 avril. Toutefois, le 18 avril, de nouveaux documents d’information furent produits par les autorités. Rappelant que le requérant avait été arrêté le 8 avril au motif qu’il était soupçonné de perpétration, de préparation et d’instigation d’actes de terrorisme, les documents en question indiquaient ce qui suit :

« (...) Les éléments qui se dégagent de la procédure d’interrogatoire, notamment de l’interrogatoire de sûreté (...) et des demandes de prolongation de garde à vue donnent fortement à penser que votre client est impliqué dans la préparation d’un attentat. »

62. L’un de ces documents mentionnait en particulier un document wordpad (« le courriel à un ami ») qui avait été découvert sur une clé USB et qui se présentait comme un courriel privé où étaient évoqués les conditions climatiques du moment et les préparatifs d’un mariage islamique prévu « après le 15 et avant le 20 du mois », mais que la police considérait comme un message codé indiquant un attentat imminent. Il poursuivait ainsi :

« Nous pensons en particulier que votre client s’est associé avec d’autres personnes actuellement placées en garde à vue dans le but de perpétrer des assassinats à l’aide d’engins explosifs. Il est aussi soupçonné de posséder des articles susceptibles d’être utilisés à des fins terroristes. »

63. Le document en question répertoriait plusieurs cartes où certains endroits étaient surlignés et des photos de lieux publics du nord-ouest de l’Angleterre. Il signalait également que le numéro de téléphone de M. Sher était enregistré dans un téléphone mobile appartenant à un autre suspect.

64. Ce document donna lieu à une série d’interrogatoires menés le 19 avril, au cours desquels des questions précises furent posées à M. Sher au sujet de ce qu’il savait de ces pièces et des autres éléments. Le requérant ne répondit pas aux questions qui lui furent posées. Ces interrogatoires durèrent environ quatre heures et demie au total.

65. Le 20 avril, une dernière série de documents d’information furent produits. Ils mentionnaient eux aussi des courriels et des communications électroniques où apparaissait notamment un nom d’utilisateur reconnu comme appartenant à M. Sher. Interrogé par la suite pendant près d’une heure un quart, celui-ci se refusa à tout commentaire.

b) MM. Sharif et Farooq

66. Ni M. Sharif ni M. Farooq ne furent interrogés du 15 au 17 avril. Le 18 avril, chacun d’entre eux se vit remettre un nouveau document d’information. Celui-ci résumait des renseignements donnés par d’autres détenus, fournissait des détails sur des SMS importants à destination ou en provenance de téléphones mobiles trouvés en possession des requérants au moment de leur arrestation ou découverts lors de la perquisition de leur domicile, et donnait des indications sur d’autres pièces retrouvées au cours des perquisitions, notamment des cartes de Manchester où certains lieux avaient été surlignés. Le 18 avril, M. Sharif et M. Farooq furent interrogés sur la base de ce document, le premier pendant près de trois heures, le second pendant une heure et demie. Au début de leur interrogatoire, la police informa les requérants qu’elle les soupçonnait d’appartenir à une association de malfaiteurs visant à commettre des attentats à la bombe. Les requérants ne répondirent pas aux questions qui leur furent posées.

67. Le 19 avril, une dernière série de documents d’information rédigés dans des termes similaires furent remis aux requérants et à leur avocat. Rappelant que les requérants avaient été arrêtés le 8 avril au motif qu’ils étaient soupçonnés de perpétration, de préparation et d’instigation d’actes de terrorisme, ces documents indiquaient ce qui suit :

« (...) Les éléments qui se dégagent de la procédure d’interrogatoire, notamment de l’interrogatoire de sûreté (...) et des demandes de prolongation de garde à vue donnent fortement à penser que votre client est impliqué dans la préparation d’un attentat. »

68. Les documents se référaient au « courriel à un ami » (paragraphe 62 ci-dessus) et poursuivaient ainsi :

« Nous pensons en particulier que votre client s’est associé avec d’autres personnes actuellement placées en garde à vue dans le but de perpétrer des assassinats à l’aide d’engins explosifs. Il est aussi soupçonné de posséder des articles susceptibles d’être utilisés à des fins terroristes. »

69. Au cours des interrogatoires qui eurent lieu par la suite et qui durèrent environ une heure un quart, les requérants se refusèrent à tout commentaire.

70. Aucun interrogatoire n’eut lieu le 20 avril.

D. La remise en liberté des requérants

71. Le 21 avril 2009, les requérants furent remis en liberté sans être inculpés et se virent notifier des arrêtés d’expulsion. Par la suite, ils furent placés en détention en vertu de législation sur les étrangers et, le 22 avril 2009, ils furent transférés dans un centre de rétention du service de l’immigration dans l’attente de leur expulsion.

E. La procédure de contrôle juridictionnel

72. Le 26 juin 2009, les requérants engagèrent deux procédures de contrôle juridictionnel. Dans le cadre de la première procédure, ils contestaient les arrêtés d’expulsion dont ils faisaient l’objet. La procédure en question est étrangère à l’objet de leur requête devant la Cour. La seconde procédure était dirigée contre cinq défendeurs, à savoir 1) la police du Grand Manchester (« PGM »), 2) la police du West Yorkshire (« PWY »), 3) la Magistrates’ Court de la Cité de Westminster, 4) la Magistrates’ Court de Manchester et 5) le ministre de l’Intérieur. Dans leur formule de demande, les requérants soutenaient que le traitement qu’ils avaient subi du 8 au 21 avril était illégal. Ils alléguaient en particulier qu’il y avait eu violation de leurs droits découlant des articles 5 §§ 2 et 4 et 6 § 1 de la Convention en ce qu’ils n’avaient pas reçu d’informations suffisantes sur la nature des allégations formulées contre eux au moment de leur arrestation et durant leur détention et en ce que les demandes de prolongation de leur garde à vue avaient donné lieu à des audiences secrètes. Par ailleurs, ils arguaient que les perquisitions menées à leurs domiciles respectifs étaient illégales, avançant que les termes des mandats de perquisition étaient trop larges, qu’ils n’avaient pas été respectés par la police en ce que celle-ci avait occupé les locaux visés pendant plusieurs jours alors qu’elle n’était autorisée à perquisitionner qu’en une seule occasion, et que les saisies opérées étaient irrégulières.

73. Le 21 juillet 2009, la Divisional Court refusa aux requérants l’autorisation de demander un contrôle juridictionnel en ce qui concernait la seconde procédure. Le juge résuma les mesures de redressement sollicitées par les requérants de la manière suivante :

« 3. Les demandeurs sollicitent de nombreuses mesures de redressement. Celles-ci sont exposées au chapitre 6 de leur formule de demande, dans les termes suivants :

« 1. L’adoption d’une déclaration constatant l’illégalité de l’arrestation des trois demandeurs par le premier défendeur.

2. L’adoption d’une déclaration constatant l’illégalité du placement en garde à vue des trois demandeurs autorisée par le second défendeur.

3. L’adoption d’une déclaration constatant l’illégalité du maintien en garde à vue des trois demandeurs autorisé par les ordonnances successives de prolongation de garde à vue délivrées par le troisième défendeur.

4. L’adoption d’une déclaration constatant l’incompatibilité de la procédure d’examen des demandes de prolongation de garde à vue prévue par l’annexe 8 à la loi de 2000 sur le terrorisme avec l’article 5 § 4 de la Convention européenne des droits de l’homme.

5. L’annulation des mandats de perquisition des domiciles respectifs des demandeurs.

6. L’adoption d’une déclaration constatant l’illégalité de la délivrance des (...) [mandats de perquisition des domiciles respectifs des demandeurs] par le quatrième défendeur.

7. L’adoption d’une déclaration constatant l’illégalité des perquisitions domiciliaires et des saisies effectuées aux domiciles respectifs des demandeurs.

8. La délivrance d’une ordonnance prescrivant la restitution immédiate de tous les articles saisis en exécution des mandats de perquisition ainsi que de toutes les copies de quelque nature que ce soit effectuées ou détenues par les défendeurs et leurs agents et interdisant l’utilisation de renseignements tirés de l’examen d’éléments saisis illégalement.

9. Toute autre mesure de redressement que la cour jugera appropriée.

10. L’octroi de dommages et intérêts.

11. Le remboursement des dépens. »

1. Les griefs relatifs à la communication d’informations

74. En ce qui concerne les griefs formulés par les requérants relativement à la communication d’informations par la police sur les motifs de leur arrestation et de leur détention, la police soutint que les intéressés disposaient d’une action en réparation pour arrestation et détention abusives qu’ils auraient dû exercer. Pour leur part, les requérants maintinrent que le contrôle juridictionnel constituait une voie de recours appropriée pour faire valoir leurs griefs.

75. Le juge considéra que le contrôle juridictionnel n’était pas la procédure adéquate en l’espèce, au motif que l’affaire soulevait des questions de fait insusceptibles de contrôle juridictionnel. Il expliqua :

« 79. Premièrement, les demandeurs disposent contre PGM et PWY d’une action en réparation. Il ne s’agit pas là d’une affaire où les demandeurs seraient privés de recours s’ils n’étaient pas autorisés à engager une procédure de contrôle juridictionnel. Le renvoi de la présente affaire à la QB [Queen’s Bench Division] n’induirait aucune injustice à leur égard : il s’agit au contraire du seul moyen pour eux d’exercer leur droit à un procès devant un jury.

80. Deuxièmement, les demandes des intéressés soulèvent des controverses factuelles potentiellement complexes (...) [P]areilles questions d’ordre factuel ne se prêtent absolument pas à une procédure de contrôle juridictionnel.

81. Troisièmement, les demandes des demandeurs portent sur des faits passés (...) Dans ces conditions, il n’y a aucune raison que leur affaire mobilise les ressources judiciaires dont la Cour administrative a besoin pour traiter les nombreuses procédures de contrôle juridictionnel urgentes à caractère prospectif dont la High Court est saisie chaque semaine. Et bien qu’il soit allégué que ces questions relèvent de l’intérêt général, cette circonstance ne justifie pas à elle seule que la Cour administrative reste saisie d’un différend d’ordre factuel alors qu’il existe à l’évidence d’autres voies de droit.

82. À mes yeux, le grief des demandeurs tiré de ce que le renvoi de leur affaire devant la Queen’s Bench Division leur causerait des difficultés pour obtenir une aide judiciaire ou les obligerait à verser une caution judicatum solvi n’a aucune pertinence quant à la question de savoir quelle est l’instance appropriée pour le traitement de leurs demandes. La procédure de contrôle juridictionnel n’a pas vocation à permettre aux demandeurs de tourner les règles ordinaires de la procédure civile et d’éviter d’avoir à supporter le financement et les frais d’un procès. Il serait tout à fait inadéquat de faire du contrôle juridictionnel une sorte d’instance civile « gratuite » qui permettrait aux demandeurs d’obtenir le même résultat que par les voies de droit privé qui leur sont ouvertes (indépendamment de la nature du litige) tout en échappant au risque financier habituel. Par ailleurs, j’observe que les demandeurs avancent qu’il n’est pas non plus facile d’obtenir l’aide judiciaire pour la procédure de contrôle juridictionnelle, si bien que leur grief n’est de toute façon guère pertinent. Ils ne seraient pas obligés de retourner au Royaume-Uni pour témoigner dans le cadre de leur action de droit privé, leur témoignage pouvant être recueilli par visioconférence (...) ».

76. Le juge conclut que les questions qui se posaient devaient être tranchées dans le cadre d’une procédure de droit privé ordinaire qui permettrait une exacte appréciation des moyens de fait potentiellement complexes qui se trouvaient en cause. Toutefois, il assortit cette conclusion de la réserve suivante :

« 84. Je tiens à préciser qu’une réserve doit être apportée à cette conclusion. À supposer, d’une part, que les demandeurs puissent démontrer que d’autres parties de leurs demandes sont défendables et que le contrôle juridictionnel est le seul recours dont ils disposent à cet égard et, d’autre part, que le problème sous-jacent – consistant à savoir s’ils ont reçu des informations suffisantes – reste le même, la jonction de toutes les questions qui se posent en une procédure de contrôle juridictionnel unique pourrait constituer une solution souple et pragmatique. C’est pourquoi il conviendra de rechercher, dans les sections suivantes du présent jugement, s’il existe ou non des demandes défendables susceptibles de contrôle juridictionnel. »

77. Le juge se pencha ensuite sur le point de savoir si les demandes de contrôle juridictionnel dirigées contre la police étaient défendables pour le cas où il aurait fait erreur sur la question de l’instance appropriée. Il estima qu’il s’agissait en l’espèce de déterminer, au vu des éléments produits devant la cour, si les demandeurs devaient se voir accorder l’autorisation de solliciter un contrôle juridictionnel au motif que personne n’aurait pu raisonnablement prendre la décision de les arrêter et de les placer en garde à vue en interprétant correctement le droit en vigueur (méthode qu’il qualifia d’application classique des principes Wednesbury).

78. Renvoyant notamment à l’arrêt rendu par la Cour dans l’affaire Fox, Campbell et Hartley c. Royaume-Uni (30 août 1990, série A no 182), le juge procéda à l’examen de la légalité de la décision d’arrêter les requérants et formula les observations suivantes :

« 91. Chacun des demandeurs a été informé qu’il avait été arrêté en vertu de l’article 41 de la loi de 2000 sur le terrorisme parce que le policier auteur de l’arrestation avait des raisons plausibles de le soupçonner d’être un terroriste. J’estime qu’aucune autre précision n’était requise à ce moment-là. Il ressort clairement de l’arrêt Fox et autres que ce type d’information générale n’emporte normalement pas violation de l’article 5 § 2 à condition, cela va sans dire, que les motifs sur lesquels ces soupçons reposent soient par la suite rapidement précisés au suspect. Pour les raisons exposées dans la section suivante du présent jugement, je suis convaincu, au vu des éléments produits devant la cour, que les précisions en question ont été promptement communiquées aux demandeurs. »

79. Le juge considéra que les requérants n’auraient pu contester la légalité de leur arrestation par la voie d’un contrôle juridictionnel que s’ils avaient soutenu que les policiers auteurs de leur arrestation ne les avaient pas soupçonnés de bonne foi d’être des terroristes ou que pareils soupçons étaient déraisonnables. Relevant que les requérants n’avaient pas invoqué l’absence de soupçons raisonnables, il conclut que la légalité de leur arrestation ne pouvait être mise en cause et que leur demande de contrôle juridictionnel de la décision de les arrêter était « vouée à l’échec ».

80. En ce qui concerne la légalité des quarante-huit premières heures de garde à vue des requérants, le juge s’exprima ainsi :

« 94. Il ressort des registres de garde à vue que durant les trente-huit premières heures de garde à vue des demandeurs, des contrôles ont été effectués toutes les douze heures, qu’il a été tenu compte de toutes les informations utiles et pertinentes, et que ni les demandeurs ni leur avocat n’ont contesté le maintien en détention des intéressés durant cette période d’environ trente-huit heures. Au vu de ces documents, je considère que l’on ne saurait sérieusement soutenir que l’absence d’informations peut être contestée en vertu des principes Wednesbury.

95. L’examen des documents fournis aux demandeurs au cours de cette période initiale corrobore cette conclusion (...) [L]e 9 avril 2009, les demandeurs se sont vu remettre [le premier document d’information] et ils ont pu prendre connaissance des éléments qu’il contenait avant d’être longuement interrogés à leur sujet. Au vu de ces informations, les demandeurs ne pouvaient douter qu’ils étaient détenus parce qu’ils étaient soupçonnés de préparer, avec d’autres conspirateurs nommément désignés, un attentat terroriste à la bombe. Eu égard à l’ensemble des circonstances de la cause, il me semble que les informations en question étaient suffisantes pour satisfaire aux exigences de l’article 5 § 2 et de l’article 5 § 4, à tout le moins au cours de cette période initiale. »

81. Répondant au grief des requérants tiré de ce que leur maintien en garde à vue après le 10 avril était illégal en ce qu’il était fondé sur des renseignements uniquement divulgués dans le cadre d’audiences secrètes, le juge souligna qu’une partie seulement de l’audience du 10 avril avait été tenue secrète et que l’audience du 15 avril avait été entièrement ouverte aux requérants. Il estima que les informations fournies aux requérants au cours de cette période étaient suffisantes pour justifier leur maintien en détention. En conséquence, il conclut que cette partie de leur demande de contrôle juridictionnel était « totalement spécieuse ». Il releva que l’avocat des requérants avait affirmé à plusieurs reprises que ceux-ci ne s’étaient jamais vu expliquer les motifs de leur placement en garde à vue mais qu’il n’avait pas essayé de contester ou d’examiner les différents documents qui leur avaient été remis. Il poursuivit ainsi :

« 98. (...) Il ressort clairement de tous ces éléments que les accusations dirigées contre les demandeurs et les questions qui leur ont été posées sont devenues de plus en plus précises au fil des jours et qu’à la fin de leur treizième jour de détention, les demandeurs savaient qu’ils étaient détenus au motif qu’ils étaient soupçonnés de préparer, avec d’autres conspirateurs nommément désignés, des attentats à la bombe imminents dans un certain nombre de lieux publics du nord-ouest de l’Angleterre.

99. [L’avocat des demandeurs] soutient que ses clients auraient dû se voir communiquer dès le début de leur détention des informations détaillées d’un niveau de précision comparable à celui des renseignements portés dans un acte d’accusation (...) J’estime que cette position est intrinsèquement erronée. Les dispositions de la (...) [loi de 2000] dont il est question sont justement destinées à permettre la détention de suspects après leur arrestation sans qu’ils ne soient inculpés parce qu’il n’est pas toujours possible, au moment de leur arrestation et parfois bien après, de formuler des accusations aussi précises que celles portées dans un acte d’accusation. C’est précisément pour cette raison, c’est-à-dire pour permettre la collecte d’informations complémentaires sur les chefs d’accusation envisagés, que le Parlement a décidé que des suspects pourraient être maintenus en garde à vue sans inculpation pendant une durée maximale de vingt-huit jours. Dès lors que les personnes détenues en vertu de la [loi de 2000] se voient communiquer des informations suffisantes pour contester la légalité de leur détention, si telle est leur volonté, il est satisfait aux exigences de l’article 5 § 2 et de l’article 5 § 4.

100. Bien entendu (...) il viendra toujours un moment où les détenus devront se voir communiquer des informations plus précises sur les infractions qui leur sont reprochées. En l’espèce, pour les raisons que j’ai déjà exposées, j’estime que les informations fournies aux demandeurs étaient suffisantes pour leur permettre de connaître les raisons de leur placement en garde à vue et pour contester la légalité de la décision ayant abouti à cette mesure. Les demandeurs ont eu connaissance de l’identité des autres conspirateurs présumés, de la nature de l’infraction qui leur était reprochée (l’intention de provoquer des explosions dans plusieurs lieux publics du nord-ouest) et de certains au moins des éléments de preuve (...) qui établissaient un lien direct entre eux et ces accusations. »

82. En ce qui concerne les informations communiquées aux requérants, le juge conclut que même dans le cas où une procédure de contrôle juridictionnel dirigée contre la police aurait été appropriée, contrairement à ce qu’il pensait, il n’aurait pas autorisé les requérants à l’engager car leur demande n’était pas défendable au vu des éléments produits. Il admit que le point de savoir si les autorisations de prolongation de garde à vue accordées par la Magistrates’Court de la Cité de Westminster étaient illégales du fait de l’insuffisance alléguée des informations communiquées aux requérants sur les raisons de leur maintien en détention était potentiellement une question de droit public. Toutefois, il jugea que la demande des requérants était « fantaisiste » et indéfendable, estimant que les informations découlant des documents qu’ils avaient reçus et des audiences auxquelles ils avaient été autorisés à participer étaient suffisantes pour leur permettre de savoir pourquoi ils avaient été placés en garde à vue.

2. Les griefs relatifs aux perquisitions

a) Sur les modalités d’exécution des perquisitions

83. En réponse aux griefs des requérants selon lesquels elle avait d’une part outrepassé les termes du mandat de perquisition en perquisitionnant pendant plusieurs jours, et d’autre part procédé à des saisies irrégulières, la police soutint là encore que le contrôle juridictionnel n’était pas la procédure appropriée et que les requérants disposaient d’une action de droit privé qu’ils auraient dû exercer. Le juge estima que la police avait incontestablement raison.

84. Il ajouta qu’à supposer même que ces griefs puissent donner lieu à un contrôle juridictionnel, il n’y avait aucune raison de conclure que la demande des requérants était défendable. Il considéra que l’expression « une occasion » figurant dans le mandat autorisait la police à se rendre dans les locaux visés, à commencer la perquisition et, après l’avoir achevée, à restituer les locaux à ses occupants. Il estima que c’était précisément ainsi que la police avait procédé et que le fait que l’« occasion » ait duré plus d’un jour était sans importance car ce terme n’avait aucune signification temporelle. Par ailleurs, il jugea que le grief tiré de la non-restitution de certains éléments saisis aurait pu être réglé et l’aurait été si les requérants avaient observé la procédure du protocole préalable au contrôle juridictionnel. Là encore, il conclut que même dans le cas où une procédure de contrôle juridictionnel dirigée contre la police aurait été appropriée, contrairement à ce qu’il pensait, il n’aurait pas autorisé les demandeurs à l’engager car leur demande était « vouée à l’échec ».

b) Sur l’étendue des mandats de perquisitions

85. Le juge constata que le grief des requérants selon lequel l’étendue des mandats de perquisition était excessive pouvait donner lieu à un contrôle juridictionnel et qu’il semblait critiquer le fait que ceux-ci comportaient une liste interminable de biens d’équipement courants qui était par définition trop étendue ou pléthorique. Il rejeta ce grief pour trois raisons. En premier lieu, il considéra qu’une liste jugée pléthorique dans un cas pouvait être parfaitement appropriée dans un autre. Il poursuivit ainsi :

« 109. En second lieu, il rare que la police sache exactement ce qu’elle doit rechercher dans les affaires de ce type. C’est pourquoi elle a pour pratique d’énumérer des éléments qui ont par le passé présenté un intérêt pour des perquisitions de ce genre. Cela explique que la liste mentionne expressément les documents de voyage, les ordinateurs, les livres, les DVD, etc. Mais la cour manquerait de réalisme si elle disait aujourd’hui, plus d’un an plus tard, qu’un ou deux de ces éléments pourraient rétrospectivement sembler avoir été inclus sans raison dans une liste établie au début d’une enquête antiterroriste de grande ampleur.

110. En troisième lieu, force est à la cour d’admettre que lorsqu’elle entreprend une enquête urgente de ce type, la police ne doit pas être liée par une liste artificiellement limitée d’éléments susceptibles d’investigations et/ou de saisie. L’intérêt général s’oppose à ce que des policiers effectuant une perquisition dans le cadre d’une enquête antiterroriste pendante et urgente voient leur action entravée au motif que tel ou tel élément figure dans la liste tandis que tel ou tel autre n’y figure pas. Il est assurément dans l’intérêt général de veiller à ne pas restreindre la liste, tout en respectant certaines limites bien définies. »

86. Il conclut que dans les affaires de ce type, il était « inévitable » que les mandats fussent libellés en termes relativement larges, expliquant que la nécessité de garantir la sécurité publique en vertu de la loi de 2000 sur le terrorisme n’en exigeait pas moins. En conséquence, il rejeta l’argument consistant à dire que les mandats étaient rédigés en termes trop larges et que l’on pouvait légitimement soutenir que la décision de délivrer de tels mandats était illégale ou déraisonnable.

3. Les griefs relatifs à la procédure de délivrance des autorisations de prolongation de garde à vue

87. Enfin, le juge examina le grief des requérants selon lequel la procédure d’examen des demandes de prolongation de garde à vue instituée par la loi de 2000 était incompatible avec l’article 5 § 4 de la Convention en ce qu’elle pouvait revêtir un caractère secret mais qu’elle ne prévoyait pas le ministère d’un avocat spécial. Il estima que ce grief aurait pu donner lieu à un contrôle juridictionnel s’il avait été opportun d’accorder aux requérants l’autorisation d’engager pareille procédure.

88. Toutefois, il considéra que ce grief n’était pas défendable. Il renvoya à l’arrêt rendu par la Chambre des lords dans l’affaire Ward (paragraphes 104-105 ci-dessous) qui, selon lui, indiquait clairement que la tenue d’audiences secrètes était compatible avec la Convention. En conséquence, il rejeta la thèse selon laquelle le ministère d’un avocat spécial était fondamental pour garantir l’équité de la procédure. En outre, il releva que les requérants n’avaient pas expliqué en quoi l’absence de disposition expresse prévoyant le ministère d’un avocat spécial devait inévitablement faire conclure à l’incompatibilité de la procédure avec l’article 5 § 4, alors même que le juge de district était en mesure de procéder à l’examen critique nécessaire à la protection des intérêts de la personne contre laquelle elle était dirigée. Il précisa qu’en tout état de cause, le juge de district aurait pu désigner un avocat spécial si pareille mesure avait été jugée nécessaire dans l’intérêt de la justice, observant à cet égard que les requérants n’avaient sollicité la désignation d’un avocat spécial à aucune des deux audiences. Enfin, il considéra que le grief des intéressés reposait sur des faits erronés puisque les autorisations de prolongation de garde à vue n’étaient pas entièrement fondées sur des informations confidentielles, l’audience du 10 avril n’ayant été qu’en partie secrète et celle du 15 avril ayant été entièrement ouverte aux requérants. Il en conclut que la demande par laquelle les requérants sollicitaient l’autorisation d’engager une procédure de contrôle juridictionnel était mal fondée, tant sur le plan des principes que sur celui des faits.

F. Le retour des requérants au Pakistan

89. En septembre 2009, les requérants retournèrent de leur plein gré au Pakistan.

II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

A. Le régime des arrestations et des gardes à vue prévu par la loi de 2000 sur le terrorisme

90. La loi de 2000 permet l’arrestation et la garde à vue sans inculpation de terroristes présumés pour une durée maximale de vingt-huit jours. Les dispositions pertinentes de la loi en question sont détaillées ci-après.

1. Le pouvoir d’arrestation

91. L’article 41 § 1 de la loi de 2000 permet à la police d’arrêter sans mandat toute personne qu’elle a des motifs raisonnables de soupçonner d’être un terroriste. Cette loi qualifie de terroristes les personnes qui ont commis une infraction incriminée par certains de ses articles (article 41 § 1 a)) ou qui « sont impliquées ou ont été impliquées dans la perpétration, la préparation ou l’instigation d’actes de terrorisme » (article 40 § 1 b)).

92. L’article 1 de la loi définit le terrorisme dans les termes suivants :

« 1. (...) la réalisation ou la menace de réalisation d’un acte :

a) relevant du paragraphe 2 du présent article ;

b) visant à influencer le gouvernement ou une organisation internationale gouvernementale ou à intimider la population ou une partie de celle-ci ; et

c) destiné à promouvoir une cause politique, religieuse, raciale ou idéologique.

93. Relèvent de l’article 1 § 2 de la loi les actes :

« a) donnant lieu à de graves violences envers les personnes ;

b) donnant lieu à de graves dommages aux biens ;

c) mettant en danger la vie de personnes autres que leur auteur ;

d) exposant la santé ou la sécurité de la population ou d’une partie de celle-ci à un risque grave ; ou

e) visant à compromettre ou à perturber gravement le fonctionnement d’un système électronique. »

94. En vertu l’article 1 § 3, la réalisation ou la menace de réalisation d’un acte donnant lieu à l’utilisation d’armes à feu ou d’explosifs constitue un acte de terrorisme même si la condition fixée à l’article 1 § 1 b) ne se trouve pas remplie.

95. Dans sa partie pertinente en l’espèce, le troisième paragraphe de l’article 41 énonce qu’une personne gardée à vue en vertu de cet article doit être remise en liberté au plus tard quarante-huit heures après avoir été arrêtée sur le fondement de cette disposition, sans préjudice des autres clauses de cet article et sauf si elle est détenue en application d’un autre pouvoir.

2. Les contrôles périodiques

96. La partie II de l’annexe 8 à la loi de 2000 réglemente en détail la garde à vue des personnes arrêtées en vertu de la loi.

97. Le paragraphe 21 dispose que les gardes à vue doivent faire l’objet de contrôles périodiques par un officier de police en charge du contrôle du déroulement des gardes à vue. Le premier contrôle doit intervenir aussitôt que possible après l’arrestation, et les suivants à des intervalles ne dépassant pas douze heures, sauf dans un nombre limité de cas particuliers. Les gardes à vue cessent d’être contrôlées lorsqu’elles font l’objet d’une prolongation ordonnée par un juge (paragraphe 100 ci-dessous).

98. Le paragraphe 23 énonce que l’officier de police en charge du contrôle du déroulement des gardes à vue ne peut autoriser le maintien d’une personne en garde à vue que s’il est convaincu que pareille mesure est nécessaire pour permettre aux autorités a) de recueillir des preuves pertinentes en l’interrogeant ou par d’autres moyens, b) de préserver des éléments de preuve pertinents ou c) d’attendre les résultats de l’examen ou de l’analyse de tels éléments. L’officier de police en charge du contrôle du déroulement des gardes à vue ne peut décider de maintenir une personne en garde à vue au titre des points a) ou b) qu’après s’être assuré que l’enquête est menée avec diligence et célérité. Les « preuves pertinentes » sont celles qui se rapportent à la commission, par la personne gardée à vue, d’une infraction incriminée par la loi de 2000 ou qui indiquent que cette personne est impliquée dans la perpétration, la préparation ou l’instigation d’actes de terrorisme.

99. En vertu du paragraphe 26, l’officier de police en charge du contrôle du déroulement de la garde à vue doit offrir à la personne concernée ou à l’avocat de celle-ci la possibilité de présenter des observations orales ou écrites au sujet de la garde à vue avant de se prononcer sur le maintien en détention de la personne concernée.

3. Les autorisations de prolongation de garde à vue délivrées par l’autorité judiciaire

100. Le paragraphe 29 de l’annexe 8 habilite les procureurs de la Couronne (Crown Prosecutor) et les hauts fonctionnaires de police à demander aux tribunaux d’autoriser la prolongation d’une garde à vue. Le paragraphe 36 donne compétence au juge de district pour connaître des demandes de prolongation d’une durée maximale de quatorze jours. Les demandes de prolongation d’une durée supérieure à quatorze jours doivent être portées devant un juge de la High Court, qui peut autoriser la prolongation d’une garde à vue pour une durée maximale de vingt-huit jours à compter de la date de l’arrestation de la personne concernée. L’article 41 § 7 de la loi dispose que lorsqu’il est fait droit à une demande formulée au titre des paragraphes 29 ou 36 de l’annexe 8, la personne concernée peut être maintenue en garde à vue pendant la durée indiquée dans l’autorisation.

101. Le paragraphe 31 de l’annexe 8 dispose que la personne gardée à vue doit être informée de la demande de prolongation de sa garde à vue et des motifs sur lesquels celle-ci est fondée. Le paragraphe 33 l’autorise à formuler des observations orales ou écrites sur la demande de prolongation et lui reconnaît un droit général à être représentée par un avocat à l’audience. Le paragraphe 33 3) prévoit que le tribunal compétent peut exclure la personne gardée à vue et son avocat d’une partie de l’audience.

102. Le paragraphe 34 énonce que l’autorité compétente pour solliciter la prolongation d’une garde à vue peut demander au tribunal d’ordonner que certaines informations sur lesquelles elle s’appuie ne soient pas divulguées à la personne gardée à vue et à son avocat. Le tribunal ne peut prendre pareille mesure que s’il estime qu’il existe des raisons plausibles de penser que la divulgation des informations en question pourrait conduire à la manipulation ou à l’altération d’éléments de preuve, qu’elle pourrait alerter le terroriste présumé et rendre ainsi son arrestation, sa poursuite ou sa condamnation plus difficiles, qu’elle pourrait alerter une personne et rendre ainsi la prévention d’un acte de terrorisme plus difficile, qu’elle pourrait compromettre la collecte de renseignements sur la perpétration, la préparation ou l’instigation d’un acte de terrorisme ou qu’elle pourrait conduire à ce qu’une personne subisse des pressions ou des dommages corporels.

103. Le paragraphe 32 1) dispose qu’une autorisation de prolongation de garde à vue ne peut être délivrée que s’il existe des raisons plausibles de penser que le maintien en garde à vue de la personne concernée est nécessaire et que l’enquête est menée avec diligence et célérité. Selon le paragraphe 32 1A), la prolongation de la garde à vue d’une personne est « nécessaire » s’il est nécessaire pour les autorités de se procurer des preuves pertinentes en l’interrogeant ou par d’autres moyens, de préserver des éléments de preuve pertinents ou d’attendre les résultats de l’examen ou de l’analyse de tels éléments. Les « preuves pertinentes » sont celles qui se rapportent à la commission, par la personne gardée à vue, d’une infraction incriminée par la loi de 2000 ou qui indiquent que cette personne est impliquée dans la perpétration, la préparation ou l’instigation d’actes de terrorisme.

104. Dans l’affaire Ward v Police Service of Northern Ireland ([2007] UKHL 50), la Chambre des lords eut à examiner le point de savoir si les dispositions de l’annexe 8 étaient équitables dans une situation où un juge avait exclu pendant environ dix minutes une personne gardée à vue et son avocat d’une audience consacrée à l’examen d’une demande de prolongation de la garde à vue pour examiner des informations secrètes. L’auteur du pourvoi, qui avait demandé la permission de solliciter un contrôle juridictionnel de l’autorisation de prolongation de sa garde à vue, avait été débouté de sa demande. Son pourvoi devant la Chambre des lords fut également rejeté. La Commission des recours de la Chambre des lords s’exprima ainsi :

« 11. L’article 41 de la loi (...) autorise la police à arrêter sans mandat toute personne qu’elle a des motifs raisonnables de soupçonner d’être un terroriste. L’arrestation peut donner lieu à une garde à vue dont le déroulement est minutieusement planifié et qui est encadré par un ensemble de garanties procédurales soigneusement élaborées. Le droit à la liberté de la personne gardée à vue exige que l’on veille scrupuleusement à ces garanties (...) ».

105. Après avoir procédé à un examen attentif des dispositions de la loi de 2000 autorisant l’exclusion de la personne gardée à vue et de son avocat d’une partie de l’audience, la Commission poursuivit ainsi :

« 27. (...) [L]a procédure devant le juge prévue par le paragraphe 33 a été conçue dans l’intérêt de la personne détenue, non dans celui de la police. Elle confère à la personne visée par la demande le droit de formuler des observations et d’être représentée à l’audience. Cependant, elle tient aussi compte du fait que les renseignements que le juge peut juger bon de recueillir pour s’assurer, dans l’intérêt de la personne concernée, qu’il existe des raisons plausibles de penser que la prolongation de la garde à vue demandée est nécessaire présentent un caractère sensible. Plus l’examen de cette question est poussé, plus il risque d’être sensible. Plus la prolongation autorisée est longue, plus il importe d’examiner avec soin et diligence les motifs de la demande.

28. Comme c’est le cas en l’espèce, le devoir de contrôle incombant au juge peut empiéter sur le droit de la police de ne pas divulguer à un suspect les questions qu’elle entend lui poser avant qu’il ne soit interrogé. En pareil cas, le fait que le détenu soit exclu des débats afin que le juge puisse examiner de plus près cette question et s’assurer du respect de la condition exigeante à laquelle le paragraphe 32 subordonne la prolongation n’entraînera aucun inconvénient pour le détenu. Dans ces circonstances, l’exclusion du détenu ne jouera pas au détriment de celui-ci mais à son profit (...)

29. Dans certains cas, l’exercice du pouvoir conféré au juge par le paragraphe 33 3) pourrait nuire à la personne détenue. Même si ces cas devraient être rares, le juge devra toujours veiller à ne pas exercer ce pouvoir de cette manière (...) »

B. Le régime des perquisitions prévu par la loi de 2000

106. L’annexe 5 à la loi de 2000 définit les pouvoirs des autorités en matière de perquisitions. Son premier paragraphe habilite la police à demander au juge de paix la délivrance d’un mandat autorisant ses agents à pénétrer dans des locaux pour les besoins d’une enquête sur des faits de terrorisme, à y perquisitionner ainsi qu’à saisir et à conserver les éléments pertinents découverts. Le paragraphe 1 3) énonce qu’un élément est pertinent

si la police a des raisons plausibles de penser qu’il est susceptible de favoriser une enquête sur des faits de terrorisme et qu’il doit être saisi pour éviter sa dissimulation, sa disparition, sa détérioration, son altération ou sa destruction.

107. Le paragraphe 1 5) dispose que le juge peut faire droit à une demande de délivrance d’un mandat de perquisition s’il estime que celle-ci est formulée pour les besoins d’une enquête sur des faits de terrorisme, qu’il existe des raisons plausibles de penser que les locaux visés par la demande recèlent des éléments susceptibles de favoriser – seuls ou combinés avec d’autres – une enquête sur des faits de terrorisme et que la délivrance du mandat paraît nécessaire eu égard aux circonstances de la cause.

(...)

EN DROIT

(...)

II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 5 § 4 DE LA CONVENTION quant à la procédure de prolongation de la garde à vue des requérants

140. Les requérants soutiennent que la procédure d’examen des demandes de prolongation de garde à vue prévue par l’annexe 8 à la loi de 2000 (paragraphes 100-103 ci-dessus) est incompatible avec les articles 5 § 4 et 6 § 1 en ce qu’elle autorise la production de preuves en audience secrète et qu’elle ne prévoit pas le ministère d’un avocat spécial. La Cour estime que le grief des requérants doit être examiné sous le seul angle de l’article 5 § 4 de la Convention, qui se lit ainsi :

« Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d’introduire un recours devant un tribunal, afin qu’il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale. »

141. Le Gouvernement combat la thèse des requérants.

(...)

B. Sur le fond

1. Thèses des parties

a) Les requérants

144. Si les requérants concèdent qu’ils n’ont demandé la désignation d’un avocat spécial à aucune des deux audiences tenues devant la Magistrates’ Court de la Cité de Westminster, ils soutiennent que la loi aurait dû prévoir le droit à l’assistance d’un avocat spécial. Par ailleurs, ils reconnaissent que les garanties procédurales exigées par l’article 5 § 4 ne sont pas immuables. Toutefois, dès lors, selon eux, que les juridictions internes et la Cour européenne ont jugé que la protection des droits individuels reconnus par l’article 5 requérait la désignation d’avocats spéciaux et la divulgation d’informations suffisantes en audience non secrète lorsqu’il était porté à ces droits une atteinte de moindre gravité que celle résultant d’une privation de liberté, il s’ensuit nécessairement qu’un niveau de protection au moins équivalent doit être assuré lorsqu’est en jeu une privation de liberté. Le refus de leur divulguer certaines informations aurait aggravé le problème. Dans ces conditions, des décisions auraient été prises – ou auraient pu l’être – presqu’entièrement sur la base d’éléments de preuve produits en audience secrète. Enfin, le Gouvernement n’aurait pas justifié sa thèse selon laquelle la présente espèce se distingue de l’affaire A. et autres c. Royaume-Uni ([GC], no 3455/05, CEDH 2009).

b) Le Gouvernement

145. Le Gouvernement soutient que les exigences procédurales de l’article 5 § 4 ne sont pas immuables et qu’elles dépendent des circonstances de la cause. Il indique que l’affaire des requérants s’inscrit dans le cadre d’une enquête extrêmement complexe portant sur des soupçons d’attentat terroriste imminent.

146. Opérant une distinction entre la présente affaire et l’arrêt A. et autres c. Royaume-Uni (précité), le Gouvernement souligne qu’en l’espèce les requérants n’ont été gardés à vue que pendant treize jours au total, alors que, selon lui, les exigences de l’article 5 § 4 énoncées dans l’arrêt en question s’appliquaient à une situation où les requérants avaient été placés en détention pour une durée prolongée ou illimitée dans l’attente de leur inculpation. Les requérants n’auraient certes pas eu connaissance de toutes les informations communiquées aux juges de district, mais ils n’auraient pas été privés de leurs droits découlant de l’article 5 § 4 car i) ils auraient été informés de la base légale et des motifs de leur placement en garde à vue, ii) ils auraient été représentés par un avocat et auraient eu la possibilité de formuler des observations devant les juges de district, de faire entendre des témoins et de contre-interroger le témoin cité par la police, iii) bien qu’elles n’aient pas été divulguées aux requérants, des explications détaillées sur les raisons de leur garde à vue auraient été fournies aux juges de district, iv) la procédure appliquée aurait permis à ces derniers de se faire expliquer en détail les motifs sur lesquels reposaient les soupçons et de poser des questions, si bien qu’ils auraient pu refuser d’autoriser le maintien en garde à vue s’ils avaient eu des doutes et v) les juges de district auraient pu ordonner la désignation d’un avocat spécial s’ils l’avaient estimé opportun.

2. Appréciation de la Cour

a) Principes généraux

147. Comme la Cour l’a précisé dans l’arrêt A. et autres (précité, § 203), l’exigence d’équité procédurale découlant de l’article 5 § 4 n’impose pas l’application de critères uniformes et immuables indépendants du contexte, des faits et des circonstances de la cause. Si une procédure relevant de l’article 5 § 4 doit en général revêtir un caractère juridictionnel, elle ne doit pas toujours s’accompagner de garanties identiques à celles que l’article 6 prescrit pour les procès civils ou pénaux. Elle doit offrir des garanties appropriées au type de privation de liberté en cause.

148. Une privation de liberté relevant – comme en l’espèce – de l’article 5 § 1 c) est régulière s’il existe des raisons plausibles de soupçonner la personne concernée d’avoir commis une infraction. Le point de savoir s’il existe de telles raisons est une question cruciale pour le tribunal appelé à statuer sur la régularité de la détention. C’est aux autorités qu’il incombe de produire devant le tribunal des preuves démontrant l’existence de raisons plausibles de soupçonner l’individu concerné. Celui-ci doit en principe se voir communiquer les preuves en question afin de pouvoir contester les motifs avancés par les autorités.

149. Toutefois, comme la Cour l’a déjà expliqué, la criminalité terroriste entre dans une catégorie spéciale. Devant le risque de souffrances et de perte de vies humaines dont cette criminalité s’accompagne, la police est forcée d’agir avec la plus grande célérité pour exploiter ses informations, y compris celles qui émanent de sources secrètes. De surcroît, il lui faut souvent arrêter un terroriste présumé sur la base de données fiables mais que l’on ne peut révéler au suspect, ou produire en justice, sans en mettre en danger la source. Il ne faut pas appliquer l’article 5 § 1 c) de la Convention d’une manière qui causerait aux autorités de police des difficultés excessives pour combattre par des mesures adéquates le terrorisme organisé, comme elles doivent le faire pour honorer l’obligation, découlant pour elles de la Convention, de protéger le droit à la vie et le droit à l’intégrité physique des membres de la population. On ne saurait demander aux États contractants d’établir la plausibilité des soupçons motivant l’arrestation d’un terroriste présumé en révélant les sources confidentielles des informations recueillies à l’appui, ou même des faits pouvant aider à les repérer ou identifier (Fox, Campbell et Hartley c. Royaume-Uni, 30 août 1990, §§ 32-34, série A no 182). Il s’ensuit que l’article 5 § 4 ne peut exiger la divulgation de pareils éléments ou exclure la tenue d’audiences secrètes permettant aux tribunaux d’examiner des éléments confidentiels. En vertu de cette disposition, les autorités doivent communiquer au requérant des informations suffisantes pour lui permettre de prendre connaissance de la nature des accusations portées contre lui et de produire des preuves pour les contester. Elles doivent également veiller à ce que le requérant ou ses conseils puissent participer de manière effective aux procédures judiciaires portant sur la question du maintien en détention.

b) Application en l’espèce des principes généraux susmentionnés

150. Dans l’affaire A. et autres c. Royaume-Uni (précité), la Cour est partie du constat que la protection de la population du Royaume-Uni contre un attentat terroriste était considérée comme une nécessité pressante à l’époque de la détention des requérants et qu’un intérêt public éminent s’attachait à la collecte d’informations sur Al-Qaida et ses complices ainsi qu’à la dissimulation des sources d’où elles étaient tirées (§ 216 de l’arrêt de la Cour). La présente affaire, comme l’affaire A. et autres, porte sur des allégations de préparation d’un attentat terroriste de grande ampleur qui aurait sans doute causé un grand nombre de décès et de blessures graves s’il avait été mené à exécution. Les requérants n’ont pas avancé que le contexte de leur arrestation ne suffisait pas à justifier la tenue d’une audience secrète et les restrictions apportées à leur droit à la communication des éléments de preuve. La Cour estime que la menace d’un attentat terroriste imminent découverte au cours de l’opération « Pathway » justifiait amplement qu’il soit apporté certaines restrictions au caractère contradictoire de la procédure concernant la prolongation de la garde à vue des requérants, pour des raisons de sécurité nationale.

151. En ce qui concerne le régime juridique de la procédure d’examen des demandes d’autorisation de prolongation de garde à vue, la Cour estime que l’annexe 8 de la loi de 2000 fixe des règles procédurales claires et précises. Par exemple, le détenu doit se voir notifier la demande de prolongation de sa garde à vue et les motifs détaillés sur lesquels celle-ci repose. Il a le droit de se faire représenter par un avocat à l’audience et de formuler des observations écrites ou orales. De la même manière, l’annexe 8 prévoit la possibilité de ne pas communiquer certaines informations au détenu et à l’avocat de celui-ci, à condition que pareille mesure soit autorisée par le tribunal. Elle permet au tribunal d’exclure le détenu et son avocat d’une partie de l’audience. Elle énumère les motifs justifiant la prolongation d’une garde à vue (paragraphes 100-103 ci-dessus).

152. La procédure suivie en l’espèce devant la Magistrates’ Court de la Cité de Westminster a revêtu un caractère judiciaire et s’est déroulée conformément aux règles prévues par l’annexe 8. Les demandes de prolongation de garde à vue avaient été formulées et notifiées aux requérants la veille de la tenue des deux audiences auxquelles elles ont donné lieu (paragraphes 39 et 58 ci-dessus). La majeure partie de ces demandes avait été portée à la connaissance des requérants, à la seule exception des informations figurant dans le chapitre 9, qui concernaient les autres investigations à effectuer (paragraphes 40 et 58 ci-dessus). Les informations en question avaient été communiquées au juge de district et les requérants s’étaient vu expliquer les raisons pour lesquelles elles ne leur avaient pas été divulguées (paragraphe 42 ci-dessus).

153. Certes, une partie de l’audience du 10 avril 2009 a été tenue secrète pour permettre au juge de district d’examiner le contenu du chapitre 9 et de poser aux autorités des questions à ce sujet (paragraphe 41 ci-dessus). Toutefois, comme l’a expliqué la Chambre des lords dans l’arrêt Ward (paragraphe 105 ci-dessus), la procédure prévue par l’annexe 8, qui autorise les tribunaux à exclure les requérants et leurs avocats d’une partie de l’audience, a été instituée dans l’intérêt de la personne détenue, non dans celui de la police. Elle permet aux tribunaux de se livrer à un examen approfondi des motifs avancés par la police pour justifier la prolongation d’une garde à vue afin de s’assurer, dans l’intérêt de la personne détenue, qu’il existe des raisons plausibles de penser que pareille mesure est nécessaire. Par ailleurs, la Cour estime que le juge de district était le mieux placé pour veiller à ce qu’aucune information ne fût inutilement dissimulée aux requérants (voir, dans le même sens, A. et autres, précité, § 218).

154. Les requérants dénoncent en particulier le fait que la procédure instaurée par l’annexe 8 ne prévoit pas la désignation d’avocats spéciaux. Toutefois, il ressort clairement du jugement de la Divisional Court que le juge de district aurait pu désigner un avocat spécial s’il avait estimé que pareille mesure s’imposait pour garantir l’équité de la procédure (paragraphe 88 ci-dessus), ce que les requérants ne contestent pas. Il convient de relever que les intéressés n’ont demandé la désignation d’un avocat spécial à aucun moment de la procédure à laquelle les deux demandes de prolongation de leur garde à vue ont donné lieu.

155. Au cours des audiences non confidentielles, le haut fonctionnaire de police auteur de la demande de prolongation de la garde à vue des requérants a exposé oralement les motifs de sa demande. À la seconde audience, il a donné des précisions sur les progrès de l’enquête et l’examen des éléments saisis lors des perquisitions (paragraphes 42 et 59 ci-dessus). Les requérants ont été représentés par leur avocat et celui-ci a eu la possibilité de contre-interroger le témoin cité par le fonctionnaire de police, ce qu’il a fait le 10 avril 2009, lors de la première audience (paragraphe 43 ci-dessus).

156. Au vu de ce qui précède, la Cour estime que la procédure à l’issue de laquelle la garde à vue des requérants a été prolongée les 10 et 15 avril 2009 n’a pas été inéquitable. En particulier, l’absence dans la loi de disposition prévoyant expressément la désignation d’un avocat spécial n’a pas rendu la procédure incompatible avec l’article 5 § 4 de la Convention.

157. Partant, il n’y a pas eu violation de l’article 5 § 4 de la Convention.

III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 8 DE LA CONVENTION

158. Les requérants allèguent que les perquisitions menées dans leurs locaux s’analysent en une violation de leur droit au respect de leur vie privée et de leur domicile en ce que i) les mandats délivrés n’auraient habilité les autorités à pénétrer dans les locaux en question qu’en « une occasion » seulement, non à les occuper de manière continue, et ii) les mandats auraient eu une étendue excessive, autorisant ainsi la recherche et la saisie de presque tous les biens qui s’y trouvaient. Ils invoquent l’article 8 de la Convention, dont les passages pertinents sont ainsi libellés :

« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique (...), à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, (...) ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »

159. En ce qui concerne leur second grief, les requérants invoquent également l’article 1 du Protocole no 1. Toutefois, la Cour estime qu’il est plus approprié d’examiner le grief en question sous le seul angle de l’article 8 de la Convention.

160. Le Gouvernement conteste la thèse selon laquelle il y a eu violation de l’article 8 en l’espèce.

(...)

B. Sur le fond

1. Thèses des parties

a) Les requérants

166. Les requérants maintiennent que les mandats avaient une étendue excessive.

b) Le Gouvernement

167. Le Gouvernement reconnaît que les perquisitions menées aux domiciles respectifs des requérants s’analysent en une atteinte à leurs droits découlant de l’article 8. Il estime que se pose en l’espèce la question de savoir si les motifs avancés pour justifier ces mesures étaient pertinents et suffisants et si le principe de proportionnalité a été respecté. Pour les raisons exposées ci-après, il considère que tel est le cas.

168. Premièrement, les mandats auraient été délivrés par une autorité judiciaire qui aurait constaté leur conformité aux conditions fixées par la loi après s’être assurée qu’ils étaient demandés pour les besoins d’une enquête sur des faits de terrorisme, qu’il existait des raisons plausibles de penser que des éléments susceptibles de favoriser l’enquête se trouvaient dans les locaux visés et que la délivrance des mandats paraissait nécessaire eu égard aux circonstances de la cause. Deuxièmement, les mandats n’auraient pas été destinés à autoriser la saisie d’éléments protégés ou confidentiels. Troisièmement, ils auraient été expressément rédigés de façon à ce que la police ne puisse saisir que les éléments visés par la demande ou ne saisir et ne conserver que les éléments « pertinents » découverts au cours de la perquisition, et non des éléments dont la saisie et la conservation n’auraient pas été justifiées par l’enquête sur des faits de terrorisme. Quatrièmement, la longueur de la liste des éléments considérés comme pertinents s’expliquerait par le fait que la police avait des raisons sincères et plausibles de craindre un attentat terroriste imminent, l’urgence de la situation lui interdisant de mener une réflexion approfondie pour déterminer précisément quels éléments pouvaient se révéler pertinents. Elle se justifierait aussi par la nature de l’enquête, qui concernait un complot terroriste complexe dont les instigateurs étaient soupçonnés, pour des raisons plausibles, d’utiliser différents moyens de communication, en particulier des moyens électroniques. Cinquièmement, les mandats et les perquisitions auraient été assortis d’une garantie supplémentaire en ce qu’ils étaient susceptibles d’un contrôle juridictionnel ou d’une action en réparation a posteriori. En l’espèce, les requérants n’auraient pas été en mesure de citer un élément ayant fait l’objet d’une saisie ou d’une perquisition non justifiée par le caractère particulier de l’enquête.

169. Enfin, le Gouvernement soutient que les observations du tiers intervenant portent sur des allégations de recherche et de rétention injustifiées de données personnelles et que celles-ci sont sans rapport avec les griefs des requérants et l’objet de la procédure interne. Sans mettre en doute la sincérité des craintes exprimées par le tiers intervenant, le Gouvernement estime qu’il n’existe aucune raison de conclure que l’examen des données électroniques des requérants n’était pas justifié.

c) Le tiers intervenant

170. Les observations du tiers intervenant, Privacy International, portent essentiellement sur la perquisition d’appareils électroniques, pratique qui implique l’accès aux données personnelles et aux données de communication. Le tiers intervenant explique que les innovations technologiques offrent des possibilités de collecte, de stockage, de partage et d’analyse de données inimaginables auparavant. Selon lui, le contrôle par les forces de l’ordre des appareils électroniques d’un individu leur permet d’accéder à toutes les traces numériques laissées par celui-ci à quelque moment que ce soit, y compris les informations qui ne sont pas stockées sur ces appareils eux-mêmes mais sur des serveurs informatiques distants interconnectés. Le croisement de ces données serait extrêmement révélateur. La perquisition d’appareils électroniques revêtirait un caractère particulièrement intrusif, ce qui commanderait la fixation d’un seuil élevé d’exigence pour l’appréciation de la justification d’une atteinte aux droits protégés par l’article 8.

2. Appréciation de la Cour

171. Il ne prête pas à controverse que la perquisition des domiciles respectifs des requérants s’analyse en une atteinte à leur droit au respect de leur vie privée et de leur domicile découlant de l’article 8 § 1 de la Convention.

172. Les requérants ne contestent pas que la délivrance des mandats de perquisition était « prévue par la loi » et qu’elle poursuivait un but légitime, comme le requiert le paragraphe 2 de l’article 8. La question qui se pose à la Cour est de savoir si la mesure litigieuse était « nécessaire dans une société démocratique », c’est-à-dire si le rapport entre les moyens employés et le but visé peut passer pour proportionné (Robathin c. Autriche, no 30457/06, § 43, 3 juillet 2012). Il faut se demander en particulier si la perquisition a été opérée en vertu d’un mandat décerné par un juge et reposant sur des motifs plausibles de soupçonner l’intéressé, si le mandat était d’une portée raisonnable et – dans le cas du cabinet d’un avocat – si la perquisition a été opérée en présence d’un observateur indépendant afin que des documents couverts par le secret professionnel ne soient pas soustraits (voir Robathin, précité, § 44, et Wieser et Bicos Beteiligungen GmbH c. Autriche, no 74336/01, § 57, CEDH 2007‑IV).

173. En l’espèce, le mandat a été délivré par un juge de district d’une Magistrates’ Court dans le cadre d’une procédure pénale dirigée contre les requérants pour leur implication présumée dans des activités terroristes. L’officier de police ayant sollicité cette mesure avait indiqué qu’il avait des raisons plausibles de penser que certains éléments se trouvant dans les locaux visés par la demande étaient susceptibles de favoriser une enquête sur des faits de terrorisme, ce dont le juge avait convenu (paragraphes 33-35 ci-dessus). Les requérants n’ont pas soutenu qu’il n’existait aucun motif plausible justifiant la délivrance du mandat.

174. Il est vrai que le mandat était libellé dans des termes relativement larges. S’il circonscrivait les opérations de perquisition et de saisie d’éléments d’information à des lieux précis, il les étendait sans restriction à la correspondance, aux livres, aux appareils électroniques, aux documents financiers et à de nombreux autres articles. Toutefois, les caractéristiques de la liste des éléments susceptibles d’être saisis dans le cadre d’une perquisition opérée par les forces de l’ordre varient d’une affaire à une autre en fonction de la nature des accusations en cause. Les affaires telles que celle de l’espèce, où sont en cause des accusations de préparation d’un attentat terroriste de grande ampleur, présentent des difficultés particulières, car s’il peut exister des preuves suffisantes pour étayer des soupçons raisonnables de préparation d’un attentat, il est impossible de définir exactement les éléments à rechercher dans le cadre d’une perquisition du fait de l’absence d’informations précises sur la nature envisagée de l’attentat ou de ses cibles. En outre, la complexité qui caractérise les affaires de ce type peut justifier un mandat de perquisition libellé en des termes plus larges que ceux qui sont d’ordinaire admissibles. Lorsque, comme en l’espèce, les suspects sont nombreux et qu’ils utilisent un langage codé, il est plus difficile pour la police d’essayer de définir avant la perquisition quels sont les objets et les documents à rechercher. Par ailleurs, on ne saurait ignorer l’urgence de la situation. Si l’article 8 devait être interprété comme imposant l’obligation de décrire en détail dans un mandat de perquisition les caractéristiques précises des éléments à rechercher et à saisir, l’efficacité des enquêtes portant sur des affaires où de nombreuses vies humaines sont potentiellement menacées s’en trouverait gravement compromise. Dans les affaires de cette nature, il y a lieu d’accorder à la police une certaine latitude pour apprécier, au vu de ce qu’elle découvre au cours d’une perquisition, quels éléments peuvent être liés à des activités terroristes et pour les saisir en vue d’un plus ample examen. Les perquisitions d’appareils électroniques posent des questions particulièrement délicates et appellent sans doute des garanties spécifiques contre les risques d’atteinte excessive aux données personnelles. Toutefois, ce type de perquisition n’ayant pas été critiqué par les requérants devant la Cour ou devant les juridictions internes, les parties n’ont pas produit de preuve de l’existence ou de l’absence de pareilles garanties en droit anglais.

175. Enfin, il y a lieu de tenir compte du fait que les requérants disposaient, en ce qui concerne les éléments saisis, d’un recours sous la forme d’un contrôle juridictionnel ou d’une action en réparation a posteriori (paragraphe 168 ci-dessus). Il convient de relever que les requérants n’ont pas tenté de contester la saisie de certains éléments au cours de la perquisition et qu’ils n’ont pas soutenu que tel ou tel d’entre eux avait été saisi ou recherché de manière injustifiée au regard de la nature de l’enquête.

176. Au vu de ce qui précède, la Cour conclut que les mandats de perquisition délivrés en l’espèce ne peuvent passer pour avoir été formulés en des termes excessivement larges. Les autorités étaient donc en droit d’estimer que l’ « atteinte » ainsi portée au droit des requérants au respect de leur vie privée et de leur domicile était « nécessaire dans une société démocratique » au sens de l’article 8 § 2 de la Convention.

PAR CES MOTIFS, LA COUR

1. Déclare, à la majorité, les griefs relatifs à la procédure de délivrance des autorisations de prolongation de garde à vue et à l’étendue des mandats de perquisition recevables et le surplus de la requête irrecevable pour non-épuisement des voies de recours internes ;

2. Dit, par six voix contre une, qu’il n’y a pas eu violation de l’article 5 § 4 de la Convention en ce qui concerne la procédure d’autorisation de prolongation de garde à vue ;

3. Dit, à l’unanimité, qu’il n’y a pas eu violation de l’article 8 de la Convention en ce qui concerne l’étendue des mandats de perquisition.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 20 octobre 2015, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.

Françoise Elens-PassosGuido Raimondi
GreffièrePrésident

Au présent arrêt se trouve joint, conformément aux articles 45 § 2 de la Convention et 74 § 2 du règlement, l’exposé de l’opinion séparée du juge Vehabović.

G.R.A.
F.E.P.

OPINION DISSIDENTE DU JUGE VEHABOVIĆ

(Traduction)

Je suis au regret de ne pouvoir souscrire à l’avis de la majorité selon lequel il n’y a pas eu violation de l’article 5 § 4 de la Convention en l’espèce.

Soupçonnés d’implication dans la perpétration, la préparation et l’instigation d’actes de terrorisme, les requérants furent arrêtés en vertu de l’article 41 de la loi de 2000 sur le terrorisme. Leur garde à vue fut contrôlée à plusieurs reprises hors la présence d’un avocat. Les intéressés furent même interrogés par la police sans l’assistance d’un avocat.

J’estime qu’à chaque fois que des accusations aussi graves sont formulées contre une personne, celle-ci doit pouvoir avoir accès à un avocat pour bénéficier d’une assistance juridique adéquate. À mes yeux, cette exigence ne doit pas se limiter à l’interrogatoire initial mais s’étendre aux procédures concernant le placement en garde à vue ou la prolongation de celle-ci.

Le lendemain de leur arrestation, les requérants furent informés que les autorités avaient décidé de solliciter auprès de la Magistrates’ Court de la Cité de Westminster la prolongation de leur garde à vue pour une durée de sept jours. Une audience se tint le 10 avril 2009. Les requérants et leur avocat furent exclus d’une partie de cette audience. Comme l’explique le paragraphe 41 du présent arrêt, « [u]ne partie de l’audience fut tenue secrète pour permettre au juge de district (...) d’examiner le contenu (...) et de poser des questions à ce sujet (...) ». Je suis moi aussi d’avis qu’il est crucial que le juge appelé à statuer sur la prolongation de la garde à vue d’une personne puisse prendre connaissance des preuves à charge, mais il me paraît injustifié que celle-ci et son avocat soient exclus de la partie de l’audience consacrée à cette question et que la personne concernée se voit ainsi privée de la possibilité de contester la pertinence de preuves déterminantes pour la prolongation de sa garde à vue. Même partielle, l’exclusion des requérants et de leur avocat de l’audience implique en l’espèce que la police n’a pas fourni d’informations suffisantes aux intéressés quant aux motifs de leur maintien en détention.

J’estime que les requérants avaient déjà exercé l’une des voies de recours qui leur était offerte en se plaignant des informations communiquées par la police au sujet de leur arrestation ainsi que de la prolongation de leur garde à vue et en soutenant que le contrôle juridictionnel était une voie de droit appropriée pour faire valoir leurs griefs. S’il est clair que les intéressés auraient pu exercer une action de droit privé, il me semble qu’un requérant disposant de plusieurs recours effectifs n’est pas tenu de les épuiser tous mais seulement d’exercer celui qu’il estime être le plus approprié dans la situation qui est la sienne. Je ne puis souscrire au raisonnement qui a conduit le juge interne à conclure que les requérants disposaient d’une action distincte – de droit privé, que leurs demandes soulevaient des controverses factuelles potentiellement complexes et qu’il n’y avait aucune raison que leur affaire mobilisât les ressources judiciaires dont la Cour administrative avait besoin pour traiter les nombreuses procédures de contrôle juridictionnel urgentes à caractère prospectif dont la High Court était saisie chaque semaine. À l’époque pertinente, les requérants étaient détenus dans l’attente de l’exécution des arrêtés d’expulsion dont ils faisaient l’objet. Le juge a estimé que pour exercer leur action de droit privé, les requérants « [n’auraient] pas [été] obligés de retourner au Royaume-Uni pour témoigner dans le cadre de [cette] action, leur témoignage pouvant être recueilli par visioconférence » ! J’observe que le juge ne s’est pas déclaré incompétent pour connaître de l’affaire mais qu’il a considéré qu’une procédure de contrôle juridictionnel dirigée contre la police n’était pas une voie de recours appropriée.

Au lieu de me prononcer à titre personnel, je renverrai à l’exposé détaillé de la décision du juge interne figurant aux paragraphes 75 à 82 du présent arrêt et à sa conclusion finale, ainsi transposée au paragraphe 82 du présent arrêt :

« (...) même dans le cas où une procédure de contrôle juridictionnel dirigée contre la police aurait été appropriée, contrairement à ce [que le juge] pensait, il n’aurait pas autorisé les requérants à l’engager car leur demande n’était pas défendable au vu des éléments produits. Il admit que le point de savoir si les autorisations de prolongation de garde à vue accordées par la Magistrates’Court de la Cité de Westminster étaient illégales du fait de l’insuffisance alléguée des informations communiquées aux requérants sur les raisons de leur maintien en détention était potentiellement une question de droit public. »

Si la lutte contre toutes les formes de radicalisme religieux et de nationalisme agressif apparaît comme une nécessité de plus en plus pressante dans l’Europe d’aujourd’hui, elle n’en exige pas moins un minimum de garanties contre l’arbitraire possible des agents de l’État et les abus que les autorités publiques pourraient commettre dans l’exercice des pouvoirs qui leur sont conférés.

Enfin, il convient de souligner que les requérants ont été remis en liberté sans inculpation et qu’ils se sont vu immédiatement notifier des arrêtés d’expulsion.


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