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13/10/2015 | CEDH | N°001-158120

CEDH | CEDH, AFFAIRE S.H. c. ITALIE, 2015, 001-158120


QUATRIÈME SECTION

AFFAIRE S.H. c. ITALIE

(Requête no 52557/14)

ARRÊT

STRASBOURG

13 octobre 2015

DÉFINITIF

13/01/2016

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire S.H. c. Italie,

La Cour européenne des droits de l’homme (quatrième section), siégeant en une chambre composée de :

Päivi Hirvelä, présidente,
Guido Raimondi,
Ledi Bianku,
Nona Tsotsoria,
Paul Mahoney,
Faris Vehabović

,
Yonko Grozev, juges,
et de Fatoş Aracı, greffière adjointe de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 22 septembre 2015,

Rend l’arrê...

QUATRIÈME SECTION

AFFAIRE S.H. c. ITALIE

(Requête no 52557/14)

ARRÊT

STRASBOURG

13 octobre 2015

DÉFINITIF

13/01/2016

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire S.H. c. Italie,

La Cour européenne des droits de l’homme (quatrième section), siégeant en une chambre composée de :

Päivi Hirvelä, présidente,
Guido Raimondi,
Ledi Bianku,
Nona Tsotsoria,
Paul Mahoney,
Faris Vehabović,
Yonko Grozev, juges,
et de Fatoş Aracı, greffière adjointe de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 22 septembre 2015,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 52557/14) dirigée contre la République italienne et dont une ressortissante italienne, Mme S.H. (« la requérante »), a saisi la Cour le 11 juillet 2014 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. La requérante a été représentée par Me M. Morcavallo, avocat à Rome. Le Gouvernement italien (« le Gouvernement ») a été représenté par son agente, Mme E. Spatafora.

3. La requérante allègue en particulier une violation de son droit au respect de la vie familiale, garanti par l’article 8 de la Convention.

4. Le 23 octobre 2014, le grief concernant la violation de l’article 8 de la Convention a été communiqué au Gouvernement et la requête a été déclarée irrecevable pour le surplus, conformément à l’article 54 § 3 du Règlement de la Cour.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

5. La requérante est née en 1984 et réside à Sacile.

6. Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.

7. La requérante est la mère de trois enfants : R., P. et J., nés respectivement en 2005, 2006 et 2008.

8. À l’époque des faits, la requérante vivait avec le père des enfants, souffrait de dépression et suivait une thérapie pharmacologique.

9. En août 2009, les services sociaux informèrent le tribunal pour enfants de Rome (ci-après « le tribunal ») qu’à plusieurs reprises les enfants avaient été hospitalisés à la suite de l’ingestion accidentelle de médicaments et une procédure en urgence fut ouverte devant le tribunal. Par une décision du 11 août 2009, le tribunal ordonna l’éloignement des enfants de la famille et leur placement dans un institut et chargea les services sociaux d’élaborer un projet en faveur des enfants.

10. Le 20 octobre 2009, la requérante et le père des enfants furent entendus par le tribunal. Ils reconnurent qu’en raison de l’état de santé de la requérante et des effets secondaires des médicaments qu’elle prenait pour soigner sa dépression, ils avaient eu des difficultés à s’occuper des enfants. Ils affirmèrent, cependant, qu’ils pouvaient s’occuper de manière adéquate des enfants avec l’aide des services sociaux et du grand-père. La requérante indiqua qu’elle suivait une thérapie et que les effets secondaires initialement induits par les médicaments ne s’étaient plus manifestés. Les deux parents sollicitèrent la mise en place d’un projet de soutien élaboré par les services sociaux en vue de permettre le retour des enfants en famille.

11. Le 3 décembre 2009, la psychiatre déposa son rapport concernant la requérante. Il ressortait de ce dernier qu’elle suivait une thérapie pharmacologique, qu’elle était disposée à suivre une psychothérapie et à accepter l’aide des services sociaux et qu’elle avait un lien affectif très fort avec ses enfants.

À la même date, le Groupe de travail intégré sur les adoptions (« G.I.L. ») déposa son rapport. Il y indiquait que, malgré les difficultés familiales, les parents avaient réagi positivement, avaient participé aux rencontres organisées et étaient disposés à accepter le soutien des services sociaux. En conséquence de quoi, le G.I.L. proposait le retour des enfants chez leurs parents et la mise en place d’un projet de soutien à la famille.

12. Par une décision du 19 janvier 2010, le tribunal, compte tenu des rapports des experts ainsi que du fait que le grand-père paternel était disponible pour aider son fils et la requérante à s’occuper des enfants, ordonna le retour des enfants chez leurs parents.

Le 24 mars 2010, cependant, le projet de rapprochement parents-enfants fut interrompu et les enfants furent éloignés à nouveau de la famille, au motif que la requérante avait été hospitalisée en raison de l’aggravation de sa maladie, que le père avait quitté l’habitation familiale et que le grand‑père était malade. Le tribunal établit alors pour les deux parents un droit de visite, fixé comme suit : pour la requérante, une heure tous les quinze jours ; pour le père des enfants, deux heures par semaine.

13. En mars 2010, le procureur demanda l’ouverture d’une procédure de déclaration d’adoptabilité des enfants.

14. Le 10 juin 2010, les parents furent entendus par le tribunal. La requérante affirma qu’elle était en train de se soigner, souligna que le père des enfants était disponible pour s’en occuper et que, par conséquent, ces derniers ne se trouvaient pas en situation d’abandon. Le père assurait que, même s’il travaillait, il pouvait s’occuper efficacement des enfants, avec l’aide de son père, et qu’il avait embauché une employée domestique pouvant l’aider.

15. En octobre 2010, le tribunal ordonna une expertise afin d’évaluer la capacité de la requérante et du père des enfants à exercer le rôle de parents. Le 13 janvier 2011, l’expert déposa son rapport, dont il ressortait :

. que le père ne présentait aucune pathologie psychiatrique, qu’il avait une personnalité fragile, mais qu’il était capable de prendre ses propres responsabilités ;

. que la requérante était atteinte de « trouble de la personnalité borderline interférant, de manière limitée, avec sa capacité de prendre des responsabilités liées à son rôle de mère » ;

. que les enfants étaient hyperactifs, et qu’une partie importante de cette symptomatologie pouvait être l’expression des difficultés familiales.

Dans ses conclusions, l’expert observa que les deux parents étaient disposés à accepter les interventions nécessaires afin d’améliorer leur rapport avec les enfants et il formula les propositions suivantes : le maintien du placement des enfants dans l’institut, la mise en place d’un parcours de rapprochement entre les parents et les enfants et l’intensification des rencontres. Il proposa également une nouvelle évaluation de la situation familiale après six mois.

16. Par une décision du 1er mars 2011, toutefois, le tribunal déclara les enfants adoptables et les rencontres entre les parents et les enfants furent interrompues.

Dans ses motifs, le tribunal considéra qu’une nouvelle évaluation de la situation familiale n’était pas nécessaire en l’espèce. Il souligna les difficultés des parents à exercer leur rôle parental, telles qu’indiquées par l’expert, et se référa aux déclarations de la directrice de l’institut, selon laquelle la requérante avait des « troubles mentaux graves », le père « n’était pas capable de démontrer son affection et se limitait à interagir avec les assistants sociaux de manière polémique » et les parents « n’étaient pas capables de donner aux enfants les attentions et les thérapies dont ils avaient besoin ». Compte tenu de ces éléments, le tribunal déclara l’adoptabilité des enfants.

17. La requérante et le père des enfants interjetèrent appel contre cette décision et demandèrent la suspension de l’exécution de celle-ci. Ils soutenaient :

– que le tribunal avait erronément déclaré l’adoptabilité en l’absence d’une « situation d’abandon », condition nécessaire aux termes de la loi no 184 de 1983 pour pouvoir déclarer l’adoptabilité ;

– que la déclaration d’adoptabilité devait seulement s’envisager comme extrema ratio et qu’en l’espèce, cela ne s’imposait pas puisque leurs difficultés familiales, liées notamment à la maladie de la requérante, avaient un caractère transitoire et pouvaient être surmontées avec le soutien des assistants sociaux.

Ils soulignèrent enfin que le tribunal n’avait pas pris en compte l’expertise de janvier 2011 ordonnant la mise en place d’un parcours de soutien et le rapprochement des enfants avec leurs parents.

18. En juillet 2011, le tribunal ordonna le placement de chacun des enfants dans une famille d’accueil différente.

19. Par une décision du 7 février 2012, la cour d’appel de Rome rejeta l’appel de la requérante et confirma l’adoptabilité.

La cour d’appel observa que les autorités compétentes avaient déployé les efforts nécessaires afin de garantir un soutien aux parents et préparer le retour des enfants dans leur famille. Toutefois, le projet n’avait pas abouti, ce qui démontrait l’incapacité des parents à exercer leur rôle parental ainsi que le manque de caractère transitoire de la situation. S’appuyant sur les conclusions des services sociaux, la cour d’appel souligna que la faillite du projet avait eu des conséquences négatives pour les enfants et que l’adoptabilité visait à sauvegarder leur intérêt à être accueillis dans une famille capable de prendre soin d’eux de manière adéquate, ce que leur famille d’origine n’était pas en mesure de faire en raison de l’état de santé de la mère et des difficultés du père. La cour d’appel nota qu’il y avait eu des évolutions positives de la situation, telle que la prise de conscience de la mère de ses problèmes de santé et sa volonté de suivre un parcours thérapeutique ainsi que les efforts du père pour trouver des ressources afin de s’occuper de ses enfants ou encore la disponibilité du grand-père pour aider son fils. Toutefois, selon la cour d’appel, ces éléments n’étaient pas suffisants aux fins de l’évaluation de la capacité des deux parents d’exercer leur rôle parental. Compte tenu de ces éléments et dans le but de sauvegarder l’intérêt des enfants, la cour d’appel concluait ainsi à la confirmation de l’adoptabilité.

20. La requérante et le père des enfants se pourvurent en cassation. Par un arrêt déposé au greffe le 22 janvier 2014, la Cour de cassation débouta la requérante de son pourvoi, considérant :

– que la cour d’appel avait correctement évalué l’existence d’une situation d’abandon moral des enfants et l’irréversibilité de l’incapacité des parents d’exercer leur rôle, compte tenu de la faillite du premier projet de soutien mis en place par les services sociaux ;

– que la déclaration d’adoptabilité avait dûment pris en compte l’intérêt des enfants à être accueillis dans une famille capable de s’en occuper efficacement.

21. En février 2014, la requérante demanda au tribunal pour enfants de Rome la révocation de la déclaration d’adoptabilité (sur le fondement de l’article 21 de la loi no 184 de 1983). À l’appui de sa demande, la requérante produisit divers documents médicaux attestant que son état de santé s’était entre-temps amélioré, et ce afin de prouver que les conditions prévues par l’article 8 de la loi no 184 de 1983 pour pouvoir déclarer l’adoptabilité avaient désormais disparu.

Par une décision du 14 mai 2014, le tribunal pour enfants de Rome rejeta la demande de la requérante.

22. L’issue de la procédure d’adoption des enfants n’est pas connue.

II. LE DROIT INTERNE PERTINENT

23. Le droit interne pertinent se trouve décrit dans les affaires Akinnibosun c. Italie, (no 9056/14, § 45, 16 juillet 2015) et Zhou c. Italie, (no 33773/11, §§ 24-26, 21 janvier 2014).

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 8 DE LA CONVENTION

24. La requérante reproche aux autorités internes d’avoir déclaré l’adoptabilité de ses enfants alors qu’il n’existait aucune situation d’abandon en l’espèce, mais seulement des difficultés familiales transitoires, liées à sa pathologie dépressive et à l’interruption de sa cohabitation avec le père des enfants, difficultés qui pouvaient être surmontées avec la mise en place d’un parcours de soutien avec l’aide des services sociaux.

Elle souligne que les autorités internes ont coupé tout lien avec ses enfants alors que l’expertise avait établi que d’autres mesures visant à sauvegarder le lien familial pouvaient être adoptées en l’espèce.

De ce fait, elle estime que les autorités internes ont manqué à leur obligation positive de déployer tous les efforts nécessaires afin de sauvegarder le lien parents-enfants, inhérent à l’article 8 de la Convention, ainsi libellé :

« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien‑être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »

25. Le Gouvernement conteste cette thèse.

A. Sur la recevabilité

26. La Cour constate que la requête n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’elle ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de la déclarer recevable.

B. Sur le fond

1. Thèses des parties

a) La requérante

27. La requérante souligne tout d’abord que les conditions prévues par la loi pour déclarer l’adoptabilité de ses enfants n’étaient pas remplies en l’espèce. Elle observe à ce propos que les juridictions internes ont surtout fondé la déclaration d’adoptabilité sur sa maladie et sur l’interruption de la cohabitation entre les deux parents.

Considérant que ces difficultés familiales ne présentaient qu’un caractère temporaire, la requérante estime qu’en préférant couper le lien de filiation maternelle plutôt que prendre les mesures nécessaires pour la soutenir et l’aider, les juridictions internes ont méconnu les obligations positives découlant de la Convention.

28. La requérante fait observer que si un parcours de soutien fut initialement mis en place, il a toutefois été interrompu à cause de l’aggravation de son état de santé. Elle souligne que cette aggravation n’avait qu’un caractère temporaire et partant ne pouvait pas justifier la cessation définitive de toute tentative de sauvegarder le lien familial.

29. La requérante rappelle qu’elle était consciente des difficultés engendrées par sa maladie et souligne qu’elle avait suivi un parcours thérapeutique et demandé, à plusieurs reprises, aux services sociaux et aux autorités compétentes un soutien et un accompagnement pour satisfaire au mieux les besoins des enfants.

Elle considère que la situation de difficulté d’un parent ne peut suffire, en soi, à justifier la rupture des liens parent-enfant mais impose à l’État de prendre les mesures nécessaires pour apporter une assistance effective et préserver le lien familial. À cet égard, la requérante se réfère à la jurisprudence Zhou c. Italie, précité.

30. La requérante ne conteste pas que les autorités internes jouissent d’une large marge d’appréciation pour déterminer les mesures à prendre pour protéger l’intérêt supérieur des enfants. Elle fait toutefois observer que l’éloignement des enfants de leur mère a eu des effets négatifs sur leur équilibre psychophysique et se réfère à ce propos aux rapports des experts (voir paragraphe 15 ci-dessus).

31. La requérante attire l’attention sur le fait que la décision de déclarer les enfants adoptables a été prise en dépit des rapports des experts selon lesquels le lien parent-enfants devait être préservé. Elle rappelle à cet égard que, dans un premier temps, les experts avaient envisagé le retour des enfants chez leurs parents. Par la suite, lorsque son état de santé s’était aggravé et la cohabitation entre les deux parents avait été interrompue, l’expert commis par le tribunal avait proposé de placer temporairement les enfants en famille d’accueil et la mise en place d’un parcours de soutien. Les juridictions internes ont pourtant contrevenu à telles indications, ont déclaré les enfants adoptables et les ont placés chacun dans une famille différente.

b) Le Gouvernement

32. Le Gouvernement expose que les autorités italiennes compétentes ont agi dans le souci de protéger l’intérêt supérieur des enfants et ont pris toutes les mesures nécessaires pour sauvegarder le lien familial. La déclaration d’adoptabilité a été prononcée dans le cadre d’une procédure équitable, après un examen approfondi de la situation psychologique et physique des parents et des enfants.

33. Le Gouvernement rappelle que les enfants vivaient dans une situation de précarité et de danger, ce qui avait justifié l’intervention des services sociaux et leur placement dans un institut.

34. La déclaration d’adoptabilité, intervenue après plusieurs tentatives de réunir les enfants et leurs parents, se fondait sur les indications des experts et était justifiée par l’exigence de sauvegarder l’intérêt supérieur des enfants. Le Gouvernement rappelle à cet égard le contenu des rapports d’expertise montrant les limites de la capacité de la requérante à exercer le rôle de parent ainsi que les troubles comportementaux des enfants liés à la situation familiale difficile (voir paragraphe 15 ci-dessus).

35. Le Gouvernement estime que la proposition des experts d’effectuer une nouvelle évaluation de la situation familiale avant de déclarer les enfants adoptables ne pouvait pas être accueillie par les juridictions internes.

L’analyse attentive des éléments de fait et de droit faite par les juridictions internes avait montré l’existence de graves raisons justifiant la déclaration d’adoptabilité et ne laissait aucun doute quant à l’impossibilité d’un changement positif de la situation familiale. La volonté des parents de s’occuper des enfants et d’accepter un soutien des services sociaux ne suffisait pas à surmonter les difficultés objectives du cas d’espèce et à assurer un bon développement psychophysique aux enfants.

36. Le Gouvernement attire l’attention sur le fait que la requérante avait déclaré devant les juridictions internes ne pas être en mesure de s’occuper des enfants et avait demandé à être aidée ou à ce que l’on confie au père la garde des enfants. Compte tenu des difficultés, reconnues par la requérante elle-même, ainsi que du fait que le parcours de soutien n’avait pas abouti, les juridictions internes ont adopté la seule décision pouvant protéger l’intérêt des enfants. Le Gouvernement rappelle à cet égard la jurisprudence de la Cour, selon laquelle un juste équilibre doit être ménagé entre les intérêts des enfants et des parents. Toutefois, l’intérêt supérieur de l’enfant peut prévaloir sur celui des parents (Johansen c. Norvège, 7 août 1996, § 78, Recueil des arrêts et décisions 1996‑III).

37. Le Gouvernement fait valoir que l’ingérence dans le droit de la requérante au respect de sa vie familiale était prévue par la loi et poursuivait le but de protéger les enfants. Il considère enfin que les motifs indiqués par les juridictions nationales pour fonder leurs décisions sont pertinents et suffisants, et que les autorités nationales n’ont pas dépassé la marge d’appréciation ménagée par le paragraphe 2 de l’article 8 de la Convention.

2. Appréciation par la Cour

a) Principes généraux

38. La Cour constate à titre liminaire qu’il n’est pas contesté que la déclaration d’adoptabilité des enfants constitue une ingérence dans l’exercice du droit de la requérante au respect de sa vie familiale. Elle rappelle qu’une telle ingérence n’est compatible avec l’article 8 que si elle remplit les conditions cumulatives d’être prévue par la loi, de poursuivre un but légitime, et d’être nécessaire dans une société démocratique. La notion de nécessité implique que l’ingérence se fonde sur un besoin social impérieux et qu’elle soit notamment proportionnée au but légitime recherché (voir Gnahoré c. France, no 40031/98, § 50, CEDH 2000‑IX, Couillard Maugery c. France, no 64796/01, § 237, 1er juillet 2004 et Pontes c. Portugal, no 19554/09, § 74, 10 avril 2012).

39. La Cour rappelle qu’au-delà de la protection contre les ingérences arbitraires, l’article 8 met à la charge de l’État des obligations positives inhérentes au respect effectif de la vie familiale. Ainsi, là où l’existence d’un lien familial se trouve établie, l’État doit en principe agir de manière à permettre à ce lien de se développer (voir Olsson c. Suède (no 2), 27 novembre 1992, § 90, série A no 250 ; Neulinger et Shuruk c. Suisse [GC], no 41615/07, § 140, CEDH 2010 ; Pontes c. Portugal, précité, § 75). La frontière entre les obligations positives et négatives découlant de l’article 8 ne se prête pas à une définition précise, mais les principes applicables sont néanmoins comparables. En particulier, dans les deux cas, il faut avoir égard au juste équilibre à ménager entre les intérêts concurrents, en tenant compte toutefois de ce que l’intérêt supérieur de l’enfant doit constituer la considération déterminante qui, selon sa nature et sa gravité, peut l’emporter sur celui du parent (Sahin c. Allemagne [GC], no 30943/96, § 66, CEDH 2003-VIII ; Kearns c. France, no 35991/04, § 79, 10 janvier 2008; Akinnibosun c. Italie, précité, § 60, précité). Notamment, l’article 8 ne saurait permettre à un parent d’exiger que soient prises des mesures préjudiciables à la santé et au développement de l’enfant (voir, Johansen c. Norvège, précité, § 78 et Gnahoré, précité, § 59). Ainsi, en matière d’adoption, la Cour a déjà admis qu’il puisse être de l’intérêt du mineur de favoriser l’instauration de liens affectifs stables avec ses parents nourriciers (Johansen, précité, § 80, et Kearns, précité, § 80).

40. La Cour rappelle également que, dans l’hypothèse des obligations négatives comme dans celle des obligations positives, l’État jouit d’une certaine marge d’appréciation (voir, W. c. Royaume-Uni, 8 juillet 1987, § 60, série A no 121), qui varie selon la nature des questions en litige et la gravité des intérêts en jeu. En particulier, la Cour exige que des mesures aboutissant à briser les liens entre un enfant et sa famille ne soient appliquées que dans des circonstances exceptionnelles, c’est-à-dire uniquement dans les cas où les parents se sont montrés particulièrement indignes (Clemeno et autres c. Italie, no 19537/03, § 60, 21 octobre 2008), ou lorsqu’elles sont justifiées par une exigence primordiale touchant l’intérêt supérieur de l’enfant (voir Johansen, précité, § 84 ; P., C. et S. c. Royaume-Uni, no 56547/00, § 118, CEDH 2002‑VI). Cette approche peut toutefois être écartée en raison de la nature de la relation parent-enfant, lorsque le lien est très limité (Söderbäck c. Suède, 28 octobre 1998, §§ 30 ‑ 34, Recueil 1998‑VII).

41. Il appartient à chaque État contractant de se doter d’un arsenal juridique adéquat et suffisant pour assurer le respect des obligations positives qui lui incombent en vertu de l’article 8 de la Convention et à la Cour de rechercher si, dans l’application et l’interprétation des dispositions légales applicables, les autorités internes ont respecté les garanties de l’article 8, en tenant notamment compte de l’intérêt supérieur de l’enfant (voir, mutatis mutandis, Neulinger et Shuruk c. Suisse [GC], no 41615/07, § 141, CEDH 2010, K.A.B. c. Espagne, no 59819/08, § 115, 10 avril 2012, X c. Lettonie [GC], no 27853/09, § 102, CEDH 2013).

42. À cet égard et s’agissant de l’obligation pour l’État d’arrêter des mesures positives, la Cour n’a cessé de dire que l’article 8 implique le droit pour un parent à des mesures propres à le réunir avec son enfant et l’obligation pour les autorités nationales de les prendre (voir, par exemple, Eriksson c. Suède, 22 juin 1989, § 71, série A no 156, et Margareta et Roger Andersson c. Suède, 25 février 1992, § 91, série A no 226-A ; P.F. c. Pologne, no 2210/12, § 55, 16 septembre 2014). Dans ce genre d’affaire, le caractère adéquat d’une mesure se juge à la rapidité de sa mise en œuvre, car le passage du temps peut avoir des conséquences irrémédiables sur les relations entre l’enfant et le parent qui ne vit pas avec lui (Maumousseau et Washington c. France, no 39388/05 § 83, 6 décembre 2007 ; Zhou c. Italie, précité, § 48 ; Akinnibosun c. Italie, précité, § 63).

b) Application de ces principes

43. La Cour considère que le point décisif en l’espèce consiste donc à savoir si, avant de supprimer le lien de filiation maternelle, les autorités nationales ont bien pris toutes les mesures nécessaires et adéquates que l’on pouvait raisonnablement exiger d’elles pour que les enfants puissent mener une vie familiale normale au sein de leur propre famille.

44. La Cour note que les autorités italiennes ont pris en charge la requérante et ses enfants à partir d’août 2009, lorsque les services sociaux informèrent le tribunal que les enfants avaient été hospitalisés à cause de l’ingestion accidentelle de médicaments. Les enfants furent éloignés de la famille et placés dans un institut.

45. La Cour relève qu’un premier projet de soutien à la famille fut mis en place et qu’en janvier 2010, les enfants rentrèrent chez leurs parents. La décision du tribunal se fondait sur l’attestation, de la part des experts, d’une réaction positive des parents au parcours de soutien familial élaboré par les services sociaux et sur l’existence d’un lien affectif très fort entre la requérante et les enfants.

46. En mars 2010, le père des enfants quitta le domicile familial et la requérante fut hospitalisée en raison de l’aggravation de son état de santé. À la lumière des développements intervenus, les enfants furent donc à nouveau éloignés de la famille et placés en institut et une procédure d’adoptabilité fut ouverte.

47. La Cour note que l’expert commis par le tribunal envisagea un parcours de rapprochement parents-enfants, avec une intensification des rencontres et un réexamen de la situation après six mois. La solution proposée se fondait sur l’existence de liens affectifs forts parents-enfants, ainsi que sur l’évaluation globalement positive de la capacité des parents d’exercer leur rôle et sur leur disposition à collaborer avec les services sociaux. La Cour remarque que l’expertise en question fut déposée au greffe le 13 janvier 2011 et c’est seulement deux mois après, à savoir le 1er mars 2011, que le tribunal, contrairement aux indications de l’expert, a déclaré les enfants adoptables et ordonné l’interruption des rencontres. La décision de couper de manière immédiate et définitive le lien maternel a été prise très rapidement, sans aucune analyse attentive de l’incidence de la mesure d’adoption sur les personnes concernées et en dépit des dispositions de la loi selon lesquelles la déclaration d’adoptabilité doit rester l’extrema ratio. De ce fait, le tribunal, en refusant de prendre en considération d’autres solutions moins radicales praticables en l’espèce, telles que le projet de soutien familial envisagé par l’expertise, a écarté définitivement toute possibilité pour le projet d’aboutir et pour la requérante de renouer des liens avec ses enfants.

48. La Cour rappelle que pour un parent et son enfant, être ensemble représente un élément fondamental de la vie familiale (Couillard Maugery c. France, précité, § 237) et que des mesures aboutissant à briser les liens entre un enfant et sa famille ne peuvent être appliquées que dans des circonstances exceptionnelles. La Cour souligne également que l’article 8 de la Convention impose à l’État de prendre les mesures propres à préserver, autant que possible, le lien mère-enfant (Zhou c. Italie, précité, § 59).

49. La Cour relève que, dans des cas si délicats et si complexes, la marge d’appréciation laissée aux autorités nationales compétentes varie selon la nature des questions en litige et la gravité des intérêts en jeu. Si les autorités jouissent d’une grande latitude pour apprécier la nécessité de prendre en charge un enfant, en particulier lorsqu’il y a urgence, la Cour doit néanmoins avoir acquis la conviction que, dans l’affaire en question, il existait des circonstances justifiant le retrait de l’enfant. Il incombe à l’État défendeur d’établir que les autorités ont, avant de mettre une pareille mesure à exécution, évalué avec soin l’incidence qu’aurait sur les parents et l’enfant la mesure d’adoption, ainsi que la possibilité d’autres solutions que la prise en charge de l’enfant (K. et T. c. Finlande [GC], no 25702/94, §166, CEDH 2001‑VII ; Kutzner c. Allemagne, no 46544/99, § 67, CEDH 2002‑I).

50. À la différence d’autres affaires que la Cour a eu l’occasion d’examiner, les enfants de la requérante en l’espèce n’avaient pas été exposés à une situation de violence ou de maltraitance physique ou psychique (voir, a contrario, Y.C. c. Royaume-Uni, no 4547/10, 13 mars 2012, Dewinne c. Belgique (déc.), no 56024/00, 10 mars 2005 ; Zakharova c. France (déc.), no 57306/00, 13 décembre 2005), ni à des abus sexuels (voir, a contrario, Covezzi et Morselli c. Italie, no 52763/99, § 104, 9 mai 2003).

La Cour rappelle avoir conclu à la violation de l’article 8 dans l’affaire Kutzner c. Allemagne (§ 68, précité), dans laquelle les tribunaux avaient retiré l’autorité parentale aux requérants après avoir constaté des déficiences intellectuelles de ces derniers et avaient placé les deux enfants dans des familles d’accueil distinctes (§ 77, précité). La Cour a noté que si les raisons invoquées par les autorités et juridictions nationales étaient pertinentes, elles n’étaient pas suffisantes pour justifier cette grave ingérence dans la vie familiale des requérants (§ 81, précité). La violation de l’article 8 a également été constatée dans une affaire Saviny c. Ukraine (no 39948/06, 18 décembre 2008), où le placement des enfants des requérants avait été justifié par leur incapacité à garantir aux enfants des conditions de vie adéquates (le manque de moyens financiers et de qualités personnelles des intéressés mettait en péril la vie, la santé et l’éducation morale des enfants).

Il en est allé de même dans l’affaire Zhou c. Italie (§§ 59-61, précité), dans laquelle la Cour a considéré que les autorités n’avaient pas déployé les efforts nécessaires pour préserver le lien mère-enfant et s’étaient limitées à constater l’existence de difficultés alors que celles-ci pouvaient être surmontées au moyen d’une assistance sociale ciblée.

La Cour a au contraire conclu à la non-violation de l’article 8 dans l’affaire Aune c. Norvège (no 52502/07, 28 octobre 2010), en relevant que l’adoption du mineur n’avait en fait pas empêché la requérante de continuer à entretenir une relation personnelle avec l’enfant et n’avait pas eu pour conséquences de couper l’enfant de ses racines. Dans l’affaire précitée Couillard Maugery c. France, où le placement des enfants avait été ordonné en raison d’un déséquilibre psychique de la mère, la Cour a également conclu à la non-violation de l’article 8, en prenant en compte le manque de coopération de la mère avec les services sociaux, le refus des enfants de la voir et surtout le fait que le lien maternel n’avait pas été coupé de manière définitive, le placement n’ayant en l’espèce revêtu que le caractère d’une mesure temporaire.

51. Dans la présente affaire, la procédure de déclaration d’adoptabilité des enfants a été ouverte en raison de l’aggravation de la maladie de la requérante, qui avait conduit à son hospitalisation, et de la dégradation de la situation familiale, par suite de la séparation de corps du couple parental.

52. La Cour ne doute pas de la nécessité, dans la situation de l’espèce, d’une intervention des autorités compétentes aux fins de protéger l’intérêt des enfants. Elle doute toutefois du caractère adéquat de l’intervention choisie et estime que les autorités nationales n’ont pas suffisamment œuvré afin de sauvegarder le lien mère-enfants. Elle observe en effet que d’autres solutions étaient praticables, telles que celles envisagées par l’expert et notamment la mise en place d’une assistance sociale ciblée de nature à permettre de surmonter les difficultés liées à l’état de santé de la requérante, en préservant le lien familial tout en assurant la protection de l’intérêt supérieur des enfants.

53. La Cour accorde de l’attention au fait qu’à plusieurs reprises, la requérante avait sollicité l’intervention des services sociaux afin d’être aidée à s’occuper au mieux de ses enfants. Aux yeux de la Cour, on ne peut pas retenir l’argument du Gouvernement selon lequel les sollicitations de la requérante montreraient son incapacité à exercer le rôle de parent et justifieraient la décision du tribunal de déclarer les enfants adoptables. La Cour estime qu’une réaction des autorités aux demandes d’aide de la requérante aurait pu sauvegarder à la fois l’intérêt des enfants et le lien maternel. De surcroît, une solution de ce type aurait été conforme aux préconisations du rapport d’expertise et aux dispositions de la loi selon lesquelles la rupture définitive du lien familial doit rester l’extrema ratio.

54. La Cour réaffirme que le rôle des autorités de protection sociale est précisément d’aider les personnes en difficulté, de les guider dans leurs démarches et de les conseiller, entre autres, quant aux moyens de surmonter leurs difficultés (Saviny c. Ukraine, no 39948/06, § 57, 18 décembre 2008 ; R.M.S. c. Espagne no 28775/12, § 86, 18 juin 2013). Dans le cas des personnes vulnérables, les autorités doivent faire preuve d’une attention particulière et doivent leur assurer une protection accrue (B. c. Roumanie (no 2), no 1285/03, §§ 86 et 114, 19 février 2013 ; Todorova c. Italie, no 33932/06, § 75, 13 janvier 2009 ; R.M.S. c. Espagne, no 28775/12, § 86, 18 juin 2013 ; Zhou, précité, §§ 58-59 ; Akinnibosun c. Italie, précité, § 82).

55. La Cour observe que le jugement de la cour d’appel de Rome avait reconnu une évolution positive de l’état de santé de la requérante et de la situation familiale globalement considérée. En particulier, la cour d’appel avait pris bonne note du fait que la requérante suivait un parcours thérapeutique, que le père des enfants s’était mobilisé pour trouver des ressources pour s’occuper d’eux et que le grand-père paternel était disposé à l’aider (paragraphe 19 ci-dessus). Ces améliorations n’ont toutefois pas été considérées comme suffisantes aux fins de l’évaluation de la capacité des parents à exercer leur rôle, et la cour d’appel confirma la déclaration d’adoptabilité, en se fondant notamment sur l’exigence de sauvegarder l’intérêt des enfants à être accueillis dans une famille capable de prendre soin d’eux de manière adéquate.

56. La Cour rappelle que le fait qu’un enfant puisse être accueilli dans un cadre plus propice à son éducation ne saurait en soi justifier qu’on le soustraie aux soins de ses parents biologiques : pour se justifier au regard de l’article 8 de la Convention, pareille ingérence dans le droit des parents à jouir d’une vie familiale avec leur enfant doit encore se révéler « nécessaire » en raison d’autres circonstances (K. et T. c. Finlande [GC], précité, § 173 ; Pontes c. Portugal, précité, § 95 ; Akinnibosun c. Italie, précité, § 75).

La Cour note qu’en l’espèce, alors que des solutions moins radicales étaient disponibles, les juridictions internes ont néanmoins déclaré les enfants adoptables en dépit des préconisations de l’expertise, provoquant ainsi l’éloignement définitif et irréversible de leur mère. De plus, les trois enfants ont été placés dans trois familles d’accueil différentes, de sorte qu’il y a eu éclatement non seulement de la famille mais encore de la fratrie (Pontes c. Portugal, § 98, précité).

57. La Cour est d’avis que la nécessité, qui était primordiale, de préserver, autant que possible, le lien entre la requérante – laquelle se trouvait par ailleurs en situation de vulnérabilité – et ses fils n’a pas été prise dûment en considération (Zhou, § 58, précité). Les autorités judiciaires se sont bornées à prendre en considération les difficultés de la famille, qui auraient pu être surmontées au moyen d’une assistance sociale ciblée, comme indiqué par ailleurs dans l’expertise. S’il est vrai qu’un premier parcours de soutien avait été mis en place en 2009 et avait échoué à cause de l’aggravation de la maladie de la requérante et de la cessation de la cohabitation avec son mari, ces circonstances ne suffisaient pas à justifier la suppression de toute opportunité pour la requérante de renouer des liens avec ses enfants.

58. Eu égard à ces considérations et nonobstant la marge d’appréciation de l’État en la matière, la Cour conclut que les autorités italiennes, en envisageant que la seule rupture définitive et irréversible du lien familial, alors que d’autres solutions visant à sauvegarder à la fois l’intérêt des enfants et le lien familial étaient praticables en l’espèce, n’ont pas déployé des efforts adéquats et suffisants pour faire respecter le droit de la requérante à vivre avec ses enfants, méconnaissant ainsi son droit au respect de la vie familiale, garanti par l’article 8 de la Convention. Il y a donc eu violation de cette disposition.

II. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

59. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage

60. La requérante réclame 300 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral qu’elle aurait subi du fait de la violation de l’article 8.

61. Le Gouvernement s’y oppose.

62. En tenant compte des circonstances de l’espèce et du constat selon lequel les autorités italiennes n’ont pas déployé des efforts adéquats et suffisants pour faire respecter le droit de la requérante à vivre avec ses enfants, en violation de l’article 8, la Cour est d’avis que l’intéressée a subi un préjudice moral qui ne saurait être réparé par le seul constat de violation de la Convention. Elle considère, toutefois, que la somme réclamée est excessive. Eu égard à l’ensemble des éléments dont elle dispose et statuant en équité, comme le veut l’article 41 de la Convention, la Cour estime qu’il y a lieu de fixer la somme à allouer à l’intéressée au titre dudit préjudice moral à 32 000 EUR.

B. Frais et dépens

63. La requérante ne demande aucune somme au titre des frais et dépens. La Cour estime donc qu’il n’y a pas lieu d’allouer à la requérante une somme à ce titre.

C. Intérêts moratoires

64. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Déclare la requête recevable quant au grief tiré de l’article 8 de la Convention ;

2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 8 de la Convention ;

3. Dit,

a) que l’État défendeur doit verser à la requérante, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention, 32 000 EUR (trente-deux mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

4. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 13 octobre 2015, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.

Fatoş AracıPäivi Hirvelä
Greffière adjointePrésidente


Synthèse
Formation : Cour (quatriÈme section)
Numéro d'arrêt : 001-158120
Date de la décision : 13/10/2015
Type d'affaire : au principal et satisfaction équitable
Type de recours : Violation de l'article 8 - Droit au respect de la vie privée et familiale (Article 8 - Obligations positives;Article 8-1 - Respect de la vie familiale);Préjudice moral - réparation (Article 41 - Préjudice moral;Satisfaction équitable)

Parties
Demandeurs : S.H.
Défendeurs : ITALIE

Composition du Tribunal
Avocat(s) : MORCAVALLO M.

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2021
Fonds documentaire ?: HUDOC

Source

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