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28/04/2015 | CEDH | N°001-154146

CEDH | CEDH, AFFAIRE MATEIUC c. ROUMANIE, 2015, 001-154146


TROISIÈME SECTION

AFFAIRE MATEIUC c. ROUMANIE

(Requête no 48968/08)

ARRÊT

STRASBOURG

28 avril 2015

DÉFINITIF

14/09/2015

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Mateiuc c. Roumanie,

La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

Josep Casadevall, président,
Luis López Guerra,
Ján Šikuta,
Kristina Pardalos,
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Iulia Antoanella Motoc, juges,
et de Stephen Phillips, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 7 avril 2...

TROISIÈME SECTION

AFFAIRE MATEIUC c. ROUMANIE

(Requête no 48968/08)

ARRÊT

STRASBOURG

28 avril 2015

DÉFINITIF

14/09/2015

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Mateiuc c. Roumanie,

La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

Josep Casadevall, président,
Luis López Guerra,
Ján Šikuta,
Kristina Pardalos,
Johannes Silvis,
Valeriu Griţco,
Iulia Antoanella Motoc, juges,
et de Stephen Phillips, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 7 avril 2015,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 48968/08) dirigée contre la Roumanie et dont un ressortissant de cet État, M. Ilie Mateiuc (« le requérant »), a saisi la Cour le 3 octobre 2008 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Le gouvernement roumain (« le Gouvernement ») a été représenté par son agente, Mme C. Brumar, du ministère des Affaires étrangères.

3. Le requérant se plaint en particulier d’un défaut d’équité de la procédure pénale menée à son encontre.

4. Le 30 août 2013, le grief concernant le défaut d’équité de la procédure pénale a été communiqué au Gouvernement.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

5. Le requérant est né en 1956 et réside à Teslui.

A. Le contexte de l’affaire

6. Entre 1992 et 2007, le requérant était inspecteur de la direction générale des finances publiques d’Olt. En cette qualité, il était chargé du contrôle des documents comptables et financiers de sociétés commerciales et pouvait infliger des sanctions contraventionnelles ou administratives.

7. Le 3 juillet 2006 au soir, G.S., une collègue du requérant, fut prise en flagrant délit de réception d’une somme d’argent de la part de l’administrateur d’une société commerciale.

8. Le 4 juillet 2006, G.S. fut entendue par les policiers de l’inspection départementale de la police d’Olt en l’absence d’un avocat : elle reconnut avoir accepté, avec le requérant, des sommes d’argent de la part de l’administrateur susmentionné ainsi que d’autres administrateurs de sociétés pour les exonérer de leur responsabilité contraventionnelle. Le requérant fut entendu en même temps, également en l’absence d’un avocat : il nia avoir reçu de l’argent.

9. Le 5 juillet 2006, l’affaire fut renvoyée au parquet près le tribunal départemental d’Olt (« le parquet »), auquel revenait la compétence légale de poursuivre les faits de corruption.

10. Le 31 juillet 2006, le requérant fut entendu par un procureur au sujet des mêmes faits. Assisté par un avocat, il continua à nier les faits qui lui étaient reprochés et contesta les accusations portées à son encontre.

11. G.S. fut elle aussi de nouveau entendue, le 28 septembre 2006. En la présence de l’avocat de son choix, elle modifia sa déclaration, nia les faits qui lui étaient reprochés et affirma avoir fait la déclaration du 4 juillet 2006 « sous pression ».

12. Par la suite, le requérant et G.S. firent l’objet de trois procédures pénales distinctes.

B. La première procédure pénale

13. La première procédure était relative aux plaintes pénales des administrateurs de deux sociétés commerciales, dont les époux C. – Mme F.C. et M. M.C. –, qui avaient accusé G.S. et le requérant de leur avoir demandé une somme d’argent et une cartouche de cigarettes en contrepartie de l’infliction d’un avertissement en lieu et place de l’infliction d’une amende.

14. Sur réquisitoire du parquet, l’affaire fut enregistrée par le tribunal départemental d’Olt (« le tribunal départemental »), qui entendit le requérant et G.S. Le requérant nia les faits qui lui étaient reprochés, de même que G.S. qui réitéra sa position selon laquelle elle avait fait sa déclaration à la police « sous pression » et en l’absence d’un avocat. Le tribunal entendit également les époux C. en qualité de dénonciateurs (martori denunţători) et quatre de leurs employés en tant que témoins.

15. Par un jugement du 26 mars 2007, le tribunal départemental acquitta le requérant du chef de corruption active et le condamna à payer une amende administrative. Se fondant sur la déclaration de G.S. devant la police et sur les dépositions des témoins, le tribunal estima que les faits reprochés au requérant étaient prouvés, mais qu’ils ne présentaient pas le « danger social » d’une infraction. S’agissant de l’argument tiré de l’absence d’un avocat lors de l’interrogatoire de G.S. par la police, le tribunal l’écarta, au motif que l’intéressée avait eu accès à un avocat lorsqu’elle avait été interrogée par le parquet, précisant que ce dernier était en réalité l’autorité responsable de l’enquête dans les affaires de ce type.

16. Sur appel du parquet, la cour d’appel de Craiova (« la cour d’appel »), après avoir entendu G.S. et le requérant, condamna ce dernier à une peine d’un an de prison ferme par un arrêt du 1er novembre 2007. La cour d’appel se fonda principalement sur la déclaration de G.S. devant la police et sur les dépositions des époux C. Les parties pertinentes en l’espèce de l’arrêt sont ainsi rédigées :

« Ainsi, dans sa déclaration du 4 juillet 2006 (feuille 19 du dossier de l’enquête), l’inculpée G.S. décrit en détail les événements lors du contrôle de la société commerciale F., appartenant aux époux C., en exposant des aspects que même les dénonciateurs n’ont pas présentés ou que ces derniers ne connaissaient pas ; plus précisément[, G.S. a déclaré que] "les [dénonciateurs] nous ont demandé si on ne pouvait pas s’entendre autrement, sans leur appliquer une amende, et mon collègue leur a répondu que c’était exactement ce qu’il voulait entendre et qu’il était d’accord avec leur proposition" et [que] "avant de descendre de la voiture de mon collègue, [celui-ci] m’a rendu la somme de 1 000 000 de lei de l’argent qu’il avait reçu des [dénonciateurs]."

Dans ces conditions, l’on ne saurait retenir que cette déclaration a été faite sous pression (...)

L’inculpée a fait des déclarations devant [la police], lors de l’enquête préliminaire, par lesquelles elle a exprimé son point de vue sur les allégations du dénonciateur [M.C.], dans un cadre légal, lors d’une activité inhérente [au rôle de la police] pour apprécier l’existence de faits de nature pénale et décider de la question de la compétence ; il n’existe pas, dès lors, de raisons d’écarter ces déclarations (...)

Il est vrai que l’inculpée "ne s’est pas souvenue" ultérieurement de ses déclarations devant la police, mais l’inculpé Mateiuc Ilie, dans ses déclarations (feuilles 68 et 76 du dossier de l’enquête) confirme les déclarations de [l’inculpée] du 4 juillet 2006, à l’exception du fait d’avoir reçu de l’argent ; cette situation de fait est corroborée par les déclarations de dénonciateurs, des témoins et, en partie, par les déclarations des inculpés devant la juridiction du fond (feuilles 43 et 44). »

17. Le requérant forma un pourvoi en recours, plaidant une illégalité de l’enquête, en ce qu’elle n’avait pas été menée par le parquet, et faisant valoir l’absence d’un avocat lors de l’interrogatoire de G.S devant la police. Par un arrêt du 21 avril 2008, la Haute Cour de cassation et de justice (« la Haute Cour ») rejeta son pourvoi. La Haute Cour admit que l’enquête relevait de la compétence du procureur, mais constata que la police était intervenue pour établir s’il y avait un minimum d’éléments de preuve relatifs aux infractions en cause et qu’elle avait ensuite renvoyé le dossier au parquet compétent. Quant à l’absence de l’avocat lors de l’interrogatoire de G.S., la Haute Cour constata que sa présence n’était pas requise par le droit interne.

18. S’agissant de la demande du requérant de joindre à ce dossier le dossier de la deuxième procédure pénale (paragraphes 19-22 ci-dessous), la Haute Cour la rejeta au motif que les conditions de l’article 34 du code de procédure pénale (« le CPP ») n’étaient pas remplies.

C. La deuxième procédure pénale

19. La deuxième procédure était relative à la plainte pénale de l’administratrice d’une société commerciale qui avait accusé le requérant et G.S. de lui avoir demandé une somme d’argent en échange d’une exonération de sa responsabilité contraventionnelle.

20. Par un jugement du 26 mars 2007, le tribunal départemental acquitta le requérant, au motif que les faits reprochés ne présentaient pas le « danger social » d’une infraction, et le condamna à payer une amende administrative.

21. Par un arrêt du 6 novembre 2007, la cour d’appel confirma l’acquittement, jugeant que les faits reprochés ne constituaient pas une infraction. La cour d’appel retint que « la seule preuve de la culpabilité » était la déclaration de G.S. faite devant la police et elle l’écarta pour nullité absolue, au motif qu’elle avait été faite devant une autorité qui n’était pas compétente pour mener l’enquête. Elle nota par ailleurs que la dénonciation faite en l’espèce n’était corroborée par aucun autre élément de preuve.

22. Par un arrêt du 5 septembre 2008, la Haute Cour rejeta le pourvoi en recours formé par le parquet et confirma l’arrêt de la cour d’appel.

D. La troisième procédure pénale

23. La troisième procédure était relative à la plainte pénale de l’administrateur qui avait participé à la procédure de flagrance (paragraphe 7 ci-dessus).

24. Par un jugement du 26 octobre 2007, le tribunal départemental condamna le requérant à une peine de trois ans de prison.

25. Le requérant interjeta appel. Par un arrêt du 29 février 2008, la cour d’appel fit droit à son appel et l’acquitta. La cour d’appel écarta la déclaration de G.S. faite devant la police, au motif qu’elle avait été effectuée devant une autorité qui n’était pas compétente pour mener l’enquête et en l’absence d’un avocat. La cour d’appel conclut qu’il n’y avait pas de preuves certaines de la culpabilité du requérant, la déclaration faite par G.S. devant le tribunal ainsi que celle du requérant étant corroborées par celle d’un témoin.

26. Par un arrêt du 21 octobre 2008, la Haute Cour rejeta le pourvoi en recours formé par le parquet et jugea que la cour d’appel avait à juste titre écarté la déclaration que G.S. avait faite devant la police, au motif que cette preuve méconnaissait les normes légales relatives à la compétence matérielle exclusive du procureur ainsi que les droits de la défense.

II. LE DROIT ET PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

27. Les dispositions du CPP relatives à l’assistance judiciaire d’office ainsi que la pratique de la Cour constitutionnelle en la matière sont décrites dans l’affaire Blaj c. Roumanie (no 36259/04, §§ 58-59, 8 avril 2014).

28. Selon l’article 209 du CPP, l’enquête pour faits de corruption relève de la compétence du procureur. Selon l’article 213 du même code, dans toutes les affaires urgentes, la police doit accomplir tous les actes d’enquête qui ne peuvent pas être reportés (actele de cercetare ce nu suferă amânare) et doit les transmettre aussitôt au procureur compétent.

29. Selon l’article 34 du CPP, il y a lieu de joindre les dossiers lorsqu’une ou plusieurs personnes ont commis plusieurs infractions, en même temps et au même endroit ou bien dans des endroits différents et à des moments différents sur une entente préalable. Il y a aussi lieu de joindre les dossiers lorsqu’il y a un lien entre les infractions et que la jonction s’impose pour une bonne administration de la justice.

EN DROIT

SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION

30. Le requérant se plaint d’un défaut d’équité de la procédure pénale qui a pris fin par l’arrêt de la Haute Cour du 21 avril 2008. Il invoque l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »

A. Sur la recevabilité

31. Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.

B. Sur le fond

32. Le requérant allègue que la procédure qui a pris fin par l’arrêt de la Haute Cour du 21 avril 2008 n’a pas été équitable puisqu’aucun élément de preuve n’aurait démontré sa culpabilité. Ainsi, il soutient qu’il y avait des contradictions entre les déclarations des témoins et que la déclaration faite par G.S. le 4 juillet 2006 aurait dû être écartée dès lors qu’elle n’avait pas, selon lui, été recueillie conformément aux règles procédurales. Enfin, le requérant se plaint d’avoir été jugé à trois reprises pour des faits qu’il qualifie d’identiques, et il dénonce les solutions retenues par les tribunaux internes en ce qu’elles auraient été contradictoires.

33. Le Gouvernement soutient que le requérant a bénéficié des garanties d’un procès équitable. En premier lieu, il estime que la déclaration de G.S. faite devant la police était valable et n’était affectée par aucun motif de nullité : en effet, à ses dires, s’agissant d’une procédure de flagrance, la police avait l’obligation légale d’entendre l’intéressée et, de plus, l’heure tardive n’avait pas permis la saisine immédiate du parquet. En deuxième lieu, le Gouvernement affirme que le requérant a pu soulever devant tous les degrés de juridiction ses arguments tirés de la prétendue illégalité de la déclaration en cause et que les tribunaux ont dûment examiné ces arguments et ont motivé leurs décisions. Il ajoute que cette déclaration n’a pas été l’unique élément de preuve ayant servi à la condamnation du requérant et qu’elle était corroborée par d’autres éléments de preuve produits au cours de débats publics et contradictoires. En dernier lieu, le Gouvernement estime qu’il y a des différences entre les trois procédures visées, puisque, s’agissant des deux dernières procédures, la déclaration de G.S. faite devant la police aurait été considérée comme non corroborée par d’autres éléments de preuve.

34. La Cour rappelle que, si l’article 6 de la Convention garantit le droit à un procès équitable, il ne réglemente pas pour autant l’admissibilité des preuves en tant que telles, matière qui relève au premier chef du droit interne (Schenk c. Suisse, 12 juillet 1988, § 45, série A no 140, Teixeira de Castro c. Portugal, 9 juin 1998, § 34, Recueil des arrêts et décisions 1998‑IV, et Jalloh c. Allemagne [GC], no 54810/00, §§ 94-96, CEDH 2006‑IX).

35. La Cour n’a donc pas à se prononcer, par principe, sur l’admissibilité de certains éléments de preuve, par exemple des éléments obtenus de manière illégale au regard du droit interne, ou encore sur la culpabilité du requérant. Elle doit examiner si la procédure, y compris la manière dont les éléments de preuve ont été recueillis, a été équitable dans son ensemble, ce qui implique l’examen de « l’illégalité » en question (Khan c. Royaume‑Uni, no 35394/97, § 34, CEDH 2000‑V, et Heglas c. République tchèque, no 5935/02, §§ 89-92, 1er mars 2007).

36. Cela implique également pour la Cour de s’assurer que les droits de la défense ont été respectés. Il faut rechercher notamment si le requérant s’est vu offrir la possibilité de remettre en question l’authenticité des éléments de preuve et de s’opposer à leur utilisation. L’article 6 de la Convention institue à la charge des tribunaux une obligation de se livrer à l’examen effectif de l’admissibilité et de la force probante des moyens, arguments et offres de preuve des parties, sauf à en apprécier la pertinence (Van de Hurk c. Pays-Bas, 19 avril 1994, § 59, série A no 288). Sans exiger une réponse détaillée à chaque argument de la partie qui s’estime lésée, cette obligation présuppose tout de même que ladite partie puisse s’attendre à une réponse spécifique et explicite aux moyens décisifs pour l’issue de la procédure en cause (García Ruiz c. Espagne [GC], no 30544/96, § 26, CEDH 1999‑I).

37. Se tournant vers les faits de l’espèce, la Cour note que le requérant se plaint, en particulier, de la valeur probante différente que les juridictions nationales ont reconnue à la déclaration faite par sa coïnculpée le 4 juillet 2006 devant la police. L’intéressé indique que, s’agissant de la première procédure menée à son encontre – qui a pris fin par l’arrêt de la Haute Cour du 21 avril 2008 –, sa condamnation a été fondée principalement sur cette déclaration et que, lors des deux procédures ultérieures qui auraient porté sur des faits similaires, les juridictions ont jugé cette preuve illégale (paragraphes 21 et 25 ci-dessus).

38. La Cour estime qu’il ne lui incombe pas de se prononcer sur la légalité, au regard du droit interne, de la déclaration faite par G.S. devant la police ; sa mission consiste plutôt à examiner si la manière dont les juridictions nationales se sont servies de cette preuve pour justifier la condamnation du requérant a été conforme aux principes du procès équitable (Khan, précité, § 34, et Ulariu c. Roumanie, no 19267/05, § 68, 19 novembre 2013). À cet égard, la Cour note que, dans le cadre de la première procédure pénale menée à son encontre, le requérant, acquitté en première instance et condamné en appel, a pu soulever ses arguments au cours de débats contradictoires devant la Haute Cour, statuant comme juridiction de dernier recours (paragraphe 17 ci-dessus). Elle relève que la Haute Cour a dûment examiné ses arguments et les a rejetés par une décision motivée (Bykov c. Russie [GC], no 4378/02, § 95, 10 mars 2009).

39. La Cour note en particulier que, lors de la procédure pénale en question, la juridiction de premier ressort s’est appuyée sur la déclaration de G.S. faite devant la police et a jugé que les faits qui étaient reprochés au requérant étaient bien prouvés, mais qu’ils ne présentaient pas le « danger social » d’une infraction (paragraphe 15 ci-dessus) : l’acquittement du requérant n’a donc pas été motivé par l’éventuelle illégalité de cet élément de preuve. Elle observe ensuite que la cour d’appel et la Haute Cour ont confirmé que la déclaration faite par G.S. le 4 juillet 2006 devant la police avait été recueillie conformément aux règles procédurales (paragraphes 16 et 17 ci-dessus). Pour condamner le requérant, ces juridictions se sont donc fondées sur un élément de preuve dont la légalité ne faisait pas de doute à leurs yeux. La Cour estime que la conclusion ultérieure des juridictions saisies de deux procédures pénales distinctes, selon laquelle cette preuve avait un caractère illégal, ne saurait en soi entacher l’équité de la première procédure dans son ensemble (voir, a contrario, S.C. IMH Suceava S.R.L. c. Roumanie, no 24935/04, § 40, 29 octobre 2013).

40. En outre, s’agissant de la première procédure pénale, la Cour note que les juridictions nationales ont examiné plusieurs autres éléments, dont les témoignages des administrateurs des sociétés commerciales qui avaient été contrôlées par le requérant et G.S., ainsi que ceux de leurs employés (paragraphe 14 ci‑dessus). Rien ne permet donc de conclure que l’appréciation par les tribunaux internes des éléments de preuve présentés devant eux ait été arbitraire ou que les droits de la défense du requérant n’aient pas été suffisamment respectés. De plus, la Cour observe que les juridictions nationales ont dûment motivé leurs décisions, et ce pour chacune des procédures menées à l’encontre du requérant, en indiquant en quoi certains éléments de preuve étaient ou non corroborés par d’autres éléments (paragraphes 16, 21 et 25 ci-dessus). Par conséquent, bien que les infractions reprochées au requérant dans les trois procédures aient été identiques, la Cour estime que ces procédures se distinguaient relativement aux éléments de preuve versés aux dossiers.

41. Partant, la Cour conclut qu’il n’y a pas eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Déclare le grief tiré de l’article 6 § 1 de la Convention recevable ;

2. Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 28 avril 2015, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.

Stephen PhillipsJosep Casadevall
GreffierPrésident


Synthèse
Formation : Cour (troisiÈme section)
Numéro d'arrêt : 001-154146
Date de la décision : 28/04/2015
Type d'affaire : au principal et satisfaction équitable
Type de recours : Non-violation de l'article 6 - Droit à un procès équitable (Article 6 - Procédure pénale;Article 6-1 - Procès équitable)

Parties
Demandeurs : MATEIUC
Défendeurs : ROUMANIE

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2021
Fonds documentaire ?: HUDOC

Source

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