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03/03/2015 | CEDH | N°001-152631

CEDH | CEDH, AFFAIRE RADOVANCOVICI c. ROUMANIE, 2015, 001-152631


TROISIÈME SECTION

AFFAIRE RADOVANCOVICI c. ROUMANIE

(Requête no 45358/13)

ARRÊT

STRASBOURG

3 mars 2015

DÉFINITIF

03/06/2015

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Radovancovici c. Roumanie,

La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

Josep Casadevall, président,
Luis López Guerra,
Ján Šikuta,
Dragoljub Popović,
Johannes

Silvis,
Valeriu Griţco,
Iulia Antoanella Motoc, juges,
et de Stephen Phillips, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le...

TROISIÈME SECTION

AFFAIRE RADOVANCOVICI c. ROUMANIE

(Requête no 45358/13)

ARRÊT

STRASBOURG

3 mars 2015

DÉFINITIF

03/06/2015

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Radovancovici c. Roumanie,

La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

Josep Casadevall, président,
Luis López Guerra,
Ján Šikuta,
Dragoljub Popović,
Johannes Silvis,
Valeriu Griţco,
Iulia Antoanella Motoc, juges,
et de Stephen Phillips, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 10 février 2015,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 45358/13) dirigée contre la Roumanie et dont un ressortissant de cet État, M. Omer Radovancovici (« le requérant »), a saisi la Cour le 12 juillet 2013 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Le requérant a été représenté par Me A.-M. Mihălcescu, avocate à Bucarest. Le gouvernement roumain (« le Gouvernement ») a été représenté par son agente, Mme C. Brumar, du ministère des Affaires étrangères.

3. Le requérant dénonce en particulier une violation de l’article 3 de la Convention en raison des conditions de sa détention dans la prison de Timişoara.

4. Le 18 décembre 2013, le grief concernant les conditions matérielles de détention a été communiqué au Gouvernement.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

5. Le requérant est né en 1965. Il est actuellement détenu à Timişoara.

6. Le requérant a été condamné à cinq ans de prison ferme du chef de contrebande et d’association de malfaiteurs par un arrêt définitif du 8 février 2013 de la Haute Cour de cassation et de justice.

A. Les conditions de détention telles que décrites par le requérant

7. En vue de l’exécution de sa peine, le requérant a été incarcéré dans la prison de Timişoara dans une cellule de 20 m² avec 17 autres détenus. Selon le requérant, les conditions régnant dans la cellule sont « misérables » et, pendant l’été, par des températures atteignant 40oC, l’air devient irrespirable.

8. Le requérant dénonce en outre une mauvaise qualité de la nourriture et une impossibilité de recevoir des aliments de la part de sa famille.

B. Les conditions de détention telles que décrites par le Gouvernement

9. Le Gouvernement indique que, le 14 février 2013, le requérant a été incarcéré à la prison de Timişoara. Il précise que, du 14 février au 27 mars 2013, il a été placé dans plusieurs cellules de l’aile E9 et, après le 27 mars 2013, dans plusieurs cellules de l’aile E8. Selon le Gouvernement, chaque cellule a une superficie de 21,08 m² et est dotée de neuf lits, de rangements pour les affaires des détenus et d’une table. Le nombre des détenus n’aurait jamais dépassé le nombre de lits installés dans les cellules. L’aération et l’éclairage des cellules se feraient de manière naturelle par une fenêtre mesurant 147 sur 177 cm. La salle de bains serait pourvue d’un lavabo, d’un WC et d’une douche. L’eau froide serait disponible en continu, alors que l’eau chaude le serait selon un programme agréé par l’administration de la prison.

10. Le chauffage serait assuré par la chaudière centrale du bâtiment. Pendant l’été, afin de diminuer le désagrément causé par les températures élevées, les portes des cellules seraient laissées ouvertes.

11. Les détenus seraient responsables de la propreté de leur cellule. Ils se verraient en outre attribuer des produits pour l’hygiène personnelle. Des actions de désinsectisation et de dératisation seraient menées régulièrement. En 2013, de telles actions auraient eu lieu au cours du mois de novembre.

12. Enfin, les détenus seraient autorisés à sortir de leurs cellules de 8 heures à 12 heures et de 14 heures à 18 heures, et auraient accès aux trois cours de promenade, aux salles de cours, à la bibliothèque et au club destiné aux activités éducatives.

II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES ET INTERNATIONAUX PERTINENTS

13. Le droit et la pratique internes pertinents en l’espèce ainsi que les conclusions du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) rendues à la suite de plusieurs visites effectuées dans des prisons de Roumanie, tout comme ses observations à caractère général, sont résumés dans l’arrêt Iacov Stanciu c. Roumanie (no 35972/05, §§ 113-129, 24 juillet 2012). Les dispositions pertinentes en l’espèce de la loi no 275/2006 sur l’exécution des peines ainsi que la jurisprudence fournie par le Gouvernement sont décrites dans l’affaire Cucu c. Roumanie (no 22362/06, § 56, 13 novembre 2012).

14. Dans son dernier rapport, publié le 24 novembre 2011 à la suite de sa visite du 5 au 16 septembre 2010 dans plusieurs établissements pénitentiaires, le CPT a conclu que le taux de surpeuplement des établissements pénitentiaires restait un problème majeur en Roumanie. Selon les statistiques fournies par les autorités roumaines, les 42 établissements pénitentiaires du pays, d’une capacité totale de 16 898 places, comptaient 25 543 détenus au début de l’année 2010 et 26 971 détenus en août 2010, et le taux d’occupation était très élevé (150 % ou plus) dans la quasi-totalité de ces établissements.

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION

15. Le requérant se plaint des conditions matérielles de sa détention qu’il aurait subies dans la prison de Timişoara, qu’il qualifie de traitements inhumains et dégradants. Il invoque à cet égard l’article 3 de la Convention, ainsi libellé :

« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

A. Sur la recevabilité

16. Constatant que la requête n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’elle ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour la déclare recevable.

B. Sur le fond

17. Le Gouvernement soutient que les autorités roumaines ont fait preuve d’une diligence raisonnable afin d’offrir au requérant des conditions de détention adéquates. Se disant conscient de la jurisprudence de la Cour par rapport à la règle de non-épuisement des voies de recours internes en matière de conditions de détention, il indique que le requérant n’a formulé aucune plainte et ni effectué aucune démarche au niveau interne afin de se plaindre des conditions de détention qu’il dénonce devant la Cour.

18. Le requérant n’a pas déposé d’observations écrites dans le délai imparti par la Cour.

19. La Cour rappelle que, lorsque la surpopulation carcérale atteint un certain niveau, le manque d’espace dans un établissement pénitentiaire peut constituer l’élément essentiel à prendre en compte dans l’appréciation de la conformité d’une situation donnée à l’article 3 de la Convention (Ciucă c. Roumanie, no 34485/09, § 41, 5 juin 2012, et Pavalache c. Roumanie, no 38746/03, § 94, 18 octobre 2011).

20. Faisant application des principes susmentionnés à la présente affaire, la Cour se penchera sur le facteur qui est primordial en l’espèce, à savoir l’espace personnel dont le requérant dispose à la prison de Timişoara où il est incarcéré.

21. La Cour observe que, selon les données communiquées par le Gouvernement, le requérant dispose d’un espace personnel de 2,34 m². Cet espace est, en réalité, encore plus réduit du fait de la présence du mobilier (voir, mutatis mutandis, Iamandi c. Roumanie, no 25867/03, §§ 59 et 60, 1er juin 2010). La Cour conclut que le requérant vit depuis plus d’un an dans une grande promiscuité au sein de la prison précitée. Une telle situation de surpeuplement ne peut qu’accroître les difficultés que rencontrent les autorités et les détenus pour maintenir un niveau d’hygiène correct (voir, mutatis mutandis, Ion Ciobanu c. Roumanie, no 67754/10, § 42, 30 avril 2013)

22. Pour la Cour, eu égard à l’état de surpopulation carcérale et de la durée de la privation de liberté du requérant, les conditions de détention subies par ce dernier dans la prison de Timişoara dépassent par conséquent le seuil de gravité requis pour l’application de l’article 3 de la Convention.

23. Par ailleurs, la Cour rappelle avoir déjà conclu dans de nombreuses affaires à la violation de l’article 3 de la Convention en raison principalement du manque d’espace individuel suffisant dans la prison de Timişoara (Blejuşcă c. Roumanie, no 7910/10, § 43, 19 mars 2013, Axinte c. Roumanie, no 24044/12, § 25, 22 avril 2014, Ionuţ-Laurenţiu Tudor c. Roumanie, no 34013/05, § 49, 24 juin 2014).

24. À la lumière des considérations qui précèdent, la Cour estime qu’il n’est pas nécessaire d’examiner, de surcroît, les autres allégations du requérant concernant les conditions de sa détention.

25. Partant, la Cour estime qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention à raison de la surpopulation carcérale.

II. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

26. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

27. Le requérant n’a présenté aucune demande de satisfaction équitable dans le délai imparti à cette fin et il n’a présenté, concernant cette omission, aucune explication que la Cour puisse juger fondée. Partant, la Cour estime qu’il n’y a pas lieu de lui octroyer de somme à ce titre.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Déclare la requête recevable ;

2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention ;

3. Rejette la demande tardive de satisfaction équitable.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 3 mars 2015, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Stephen PhillipsJosep Casadevall
GreffierPrésident


Synthèse
Formation : Cour (troisiÈme section)
Numéro d'arrêt : 001-152631
Date de la décision : 03/03/2015
Type d'affaire : au principal et satisfaction équitable
Type de recours : Violation de l'article 3 - Interdiction de la torture (Article 3 - Traitement dégradant;Traitement inhumain) (Volet matériel)

Parties
Demandeurs : RADOVANCOVICI
Défendeurs : ROUMANIE

Composition du Tribunal
Avocat(s) : MIHALCESCU A.-M.

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2021
Fonds documentaire ?: HUDOC

Source

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