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15/01/2015 | CEDH | N°001-150302

CEDH | CEDH, AFFAIRE A.A. c. FRANCE, 2015, 001-150302


CINQUIÈME SECTION

AFFAIRE A.A. c. FRANCE

(Requête no 18039/11)

ARRÊT

STRASBOURG

15 janvier 2015

DÉFINITIF

15/04/2015

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire A.A. c. France,

La Cour européenne des droits de l’homme (cinquième section), siégeant en une chambre composée de :

Mark Villiger, président,
Angelika Nußberger,
Ganna Yudkivska,
Vincent A. De Gaetano,
André Potocki,
H

elena Jäderblom,
Aleš Pejchal, juges,
et de Claudia Westerdiek, greffière de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 9 décembre 2014,
...

CINQUIÈME SECTION

AFFAIRE A.A. c. FRANCE

(Requête no 18039/11)

ARRÊT

STRASBOURG

15 janvier 2015

DÉFINITIF

15/04/2015

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire A.A. c. France,

La Cour européenne des droits de l’homme (cinquième section), siégeant en une chambre composée de :

Mark Villiger, président,
Angelika Nußberger,
Ganna Yudkivska,
Vincent A. De Gaetano,
André Potocki,
Helena Jäderblom,
Aleš Pejchal, juges,
et de Claudia Westerdiek, greffière de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 9 décembre 2014,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 18039/11) dirigée contre la République française et dont un ressortissant soudanais, M. A.A. (« le requérant »), a saisi la Cour le 21 mars 2011 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »). Le président de la section a accédé à la demande de non-divulgation de son identité formulée par le requérant (article 47 § 3 du règlement).

2. Le requérant, qui a été admis au bénéfice de l’assistance judiciaire, a été représenté par Me E. Lachal, avocate à Roubaix. Le Gouvernement français (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, Mme E. Belliard, directrice des affaires juridiques au ministère des Affaires étrangères.

3. Le requérant allègue que la mise à exécution de la décision des autorités françaises de l’éloigner vers le Soudan l’exposerait au risque d’être soumis à des traitements contraires à l’article 3 de la Convention.

4. Le 1er novembre 2011, la requête a été communiquée au Gouvernement.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

5. Le requérant est né en 1979 et réside à Calais.

A. Quant aux faits survenus au Soudan

6. Le requérant, originaire de Muhajiriya dans la région du Darfour du Sud, est membre de la tribu « Birqid », une tribu non arabe du Darfour.

7. Le requérant indique qu’entre 2005 et 2006, l’un de ses frères a rejoint le Mouvement pour la justice et l’égalité (JEM), l’un des principaux mouvements de rébellion existant au Darfour, et que ce dernier combat dans leurs rangs depuis cette date. Bien que partageant lui aussi les idées des mouvements rebelles, le requérant a en revanche toujours refusé de s’impliquer dans leurs actions armées. Il explique avoir été sollicité par le JEM à deux reprises, en 2001 puis entre 2007 et 2008, mais avoir décliné leur proposition de recrutement. Il précise cependant qu’il a rendu quelques services aux membres du mouvement, notamment en réparant leurs voitures, mais qu’il refusa toujours de porter les armes.

8. Dans le cadre de ses activités professionnelles, le requérant travaillait parfois comme conducteur de camion, transportant des marchandises entre la ville de Nyala et les villages environnants. À une date non précisée, le requérant et quatre autres personnes travaillant avec lui furent interpellées par des membres des milices Janjawids alors qu’ils se trouvaient dans la forêt de Hamada, au nord-est de Muhajiriya, en train de charger du bois dans le camion du requérant. Les Janjawids les accusèrent d’espionnage et leur posèrent des questions sur les mouvements rebelles darfouris. Le requérant fut alors frappé par des crosses d’armes, des bâtons et des fouets afin qu’il avoue son appartenance à la résistance darfourie. Il fut ensuite contraint de creuser une fosse dans laquelle les Janjawids le forcèrent à descendre en lui disant que ce serait sa tombe. Après quelques minutes, il fut autorisé à ressortir de la fosse avant d’être de nouveau questionné et violemment frappé, à la fois car il refusait toujours d’avouer ses liens avec les mouvements rebelles et car il refusait de récolter des informations pour les Janjawids. Ces derniers finirent par laisser partir le requérant et les personnes qui l’accompagnaient tout en les menaçant de les tuer s’ils les croisaient de nouveau.

9. Le requérant et les quatre autres personnes se rendirent à l’hôpital de Nyala afin d’y être soignés. Des certificats médicaux leur furent délivrés. Ils se rendirent ensuite au poste de police pour déposer plainte sans préciser toutefois, compte tenu du soutien gouvernemental dont bénéficient les Janjawids, que leur agression était le fait de ces derniers.

10. Craignant que les Janjawids ne le retrouvent, le requérant se cacha durant deux jours chez un ami habitant dans un autre village. Il revint ensuite chez lui mais s’abstint de retourner dans la forêt de Hamada.

11. En janvier 2009, son village fut attaqué par les forces armées gouvernementales, les forces de police et les milices Janjawids. Selon le requérant, son village aurait été visé notamment en raison de sa situation géographique, celui-ci étant situé sur la route qui mène à Khartoum et constituant de ce fait un emplacement privilégié pour les mouvements rebelles darfouris qui se postaient parfois à proximité du village pour prélever des impôts et voler des véhicules.

12. Le requérant relate que l’attaque de son village a été menée avec une grande violence. Une trentaine de véhicules militaires et des hommes à cheval étaient présents. De nombreuses personnes furent tuées par balle, dont l’un de ses frères, et d’autres furent arrêtées.

13. Pour sa part, le requérant fut emmené avec d’autres hommes au poste de police de Nyala où il fut violemment frappé avant d’être placé dans une cellule. Au bout d’environ trente minutes, il fut conduit dans un premier local où il fut interrogé sur ses liens avec le JEM avant d’être transféré dans le bureau des services de sécurité. Sur place, les personnes qui l’interrogèrent le soumirent à des actes de torture durant environ une heure, notamment en le suspendant à une corde attachée au plafond par un crochet, en lui versant sur le visage un produit irritant et en lui frappant les articulations avec des pinces.

14. Le requérant indique avoir été maintenu en détention durant environ quinze jours et soumis à des actes de torture durant sept d’entre eux. À la suite de l’intervention d’un des responsables de sa tribu, le requérant fut libéré après s’être engagé à rester à la disposition des autorités. Avant de le laisser partir, les autorités prirent ses empreintes digitales et lui firent signer un document au travers duquel il s’engagea à se présenter au poste de police deux fois par semaine afin de fournir des informations.

15. Le requérant produit, à l’appui de ses dires, un certificat médical établi au centre hospitalier de Calais, en date du 10 juin 2011 ainsi libellé :

« Je soussigné docteur L., certifie avoir examiné ce jour M. A.A. Il présente des cicatrices de lésions type arme blanche sur le thorax et les bras ainsi que des cicatrices séquelles d’hématome au niveau des deux jambes. »

16. Le requérant indique ensuite être retourné dans son village et s’être soumis au contrôle judiciaire qui lui était imposé sans toutefois livrer d’information particulière aux autorités.

17. En avril 2009, le requérant fit l’objet d’une nouvelle arrestation. Il fut d’abord détenu pendant deux jours dans les bureaux des services de sécurité puis transféré dans la prison de Kuria, à Nyala. Le requérant indique à cet égard ne pas avoir été avisé des raisons de son arrestation mais avoir seulement été informé, sans autre précision, de ce qu’aucune décision n’avait encore été prise pour son cas. Le requérant ajoute néanmoins que la plupart des détenus avec lesquels il partageait sa cellule étaient considérés comme liés à l’opposition.

18. Après trois semaines de détention, le requérant fut libéré grâce à une nouvelle intervention des membres de sa tribu. Il reçut une semaine plus tard une convocation du tribunal de Nyala à laquelle il déféra. Il précise n’avoir eu le droit devant ce tribunal ni de se défendre, ni de se faire assister par un avocat ni même de parler. En mai 2009, il fut finalement condamné à trois mois de prison et à une amende de 500 guinées pour avoir appartenu aux forces d’opposition et les avoir soutenues.

19. En application de la peine prononcée, le requérant fut renvoyé dans la prison de Nyala où il fut astreint aux « travaux forcés » dans des conditions de détention qu’il qualifie de mauvaises.

20. À l’issue de sa peine, il retourna à Muhajiriya. Estimant au regard des derniers événements que les autorités ne diminueraient pas les pressions à son égard, sa famille et les membres de sa tribu lui conseillèrent de quitter le pays.

21. En août 2009, le requérant quitta son village pour se rendre à Omdourman puis à Wadi Halfa. Il réussit ensuite, par l’intermédiaire d’un passeur, à se rendre en Égypte, puis en Turquie et enfin en Grèce. Il demeura en Grèce durant neuf mois. Durant cette période, la police grecque l’arrêta une fois, préleva ses empreintes digitales et lui remit un document lui enjoignant de quitter le territoire grec dans les trente jours. Le requérant partit alors pour l’Italie où il séjourna dix jours avant d’arriver en France en octobre 2010.

B. Quant aux faits survenus en France

22. Peu après son arrivée sur le territoire français, le requérant décida de se rendre au Royaume-Uni sur le conseil de ressortissants soudanais qui avaient été déboutés de leurs demandes d’asile en France. Il se rendit donc à Calais où il fut interpellé par les autorités françaises le 28 octobre 2010. Le 29 octobre 2010, le requérant se vit notifier un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière et fut placé en rétention. Il contesta l’arrêté préfectoral devant le tribunal administratif de Lille qui le débouta de sa demande, le 5 novembre 2010, aux motifs notamment qu’il « n’apport[ait] aucun élément probant à l’appui de ses allégations tendant à justifier le caractère personnel, direct et actuel des risques encourus ; que dans ces conditions le moyen tiré de la violation de l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales [devait] être écarté ».

23. Après dix-sept jours de rétention, le requérant fut libéré en raison de l’absence de rendez-vous avec les autorités consulaires soudanaises pour la délivrance d’un laissez-passer.

24. Après cette date, il fit l’objet d’une dizaine d’interpellations suivies de placements en garde à vue. Il fut, à chaque fois, libéré au bout de quelques heures.

25. Le 14 mars 2011, le requérant fut de nouveau interpellé par les autorités françaises. Le 15 mars 2011, le préfet du Pas-de-Calais prit, sur la base de la décision du 29 octobre 2010, un nouvel arrêté fixant le Soudan comme pays de renvoi et ordonnant le placement en rétention du requérant.

26. En rétention, le requérant s’abstint de saisir l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Selon l’association France Terre d’Asile, le requérant craignait en effet que cette demande soit vouée à l’échec et l’empêche par ailleurs de demander l’asile au Royaume-Uni.

27. Le 21 mars 2011, le requérant saisit la Cour et formula une demande de mesure provisoire sur le fondement de l’article 39 de son règlement. Le 25 mars 2011, le président de la chambre à laquelle l’affaire fut attribuée décida d’indiquer au Gouvernement français, en application de la disposition précitée, de ne pas renvoyer le requérant vers le Soudan pour la durée de la procédure devant la Cour.

28. À une date non précisée, le requérant fut libéré de rétention.

29. Le 6 juin 2011, il déposa une demande d’asile qui fut enregistrée selon la procédure dite prioritaire. La demande du requérant fut rejetée le 21 novembre 2011, par une décision de l’OFPRA estimant que son récit était peu crédible. Le 10 janvier 2012, le requérant saisit la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) d’un recours contre la décision de l’OFPRA. Par une décision en date du 13 février 2012, le recours du requérant fut rejeté en tant qu’il avait été exercé tardivement.

II. LE DROIT INTERNE PERTINENT

30. Les principes généraux régissant la procédure d’asile dite prioritaire appliquée aux demandeurs en rétention et le recours devant le tribunal administratif contre un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière sont résumés dans l’arrêt I.M. c. France (no 915209, §§ 49-63 et §§ 64-74, 2 février 2012).

III. TEXTES ET DOCUMENTS INTERNATIONAUX

A. Sur la situation actuelle au Darfour

31. Le Human Rights Watch, Darfur: UN Should End Silence on Rights Abuses, publié le 22 août 2014 rapporte :

“The human rights situation in Darfur, Sudan has deteriorated sharply in 2014, Human Rights Watch said. Rapid Support Forces, a Sudanese government force consisting largely of former militias, attacked scores of villages in South, Central, and North Darfur between February and April. Dozens of civilians died, tens of thousands of people fled, and there was massive destruction and looting of civilian property.”

[...]

“From mid-February to late March, the Rapid Support Forces, consisting of former militia under the command of the Sudanese National Intelligence and Security Services, moved into Darfur from the Kordofan region, where they had been deployed to fight rebels in Southern Kordofan. The forces are led by former militia leader, Brig. Gen. Mohammed Hamdan Dagolo, known as “Hemmeti”.

These forces, with other security forces and militia, carried out massive ground attacks on dozens of villages in South and North Darfur, targeting areas where they accused the population of sympathizing with rebel forces. They burned homes and shops, looted livestock, killed and robbed civilians, and forced tens of thousands of residents to flee to towns and camps for displaced people.”

32. Le UN Security Council, Report of the Secretary-General on the African Union-United Nations Hybrid Operation in Darfur, publié le 15 avril 2014 rapporte :

“An upsurge in violence is currently destabilizing Darfur at three interconnected levels. First, the deteriorating economic situation has led to increasing conflict among tribes over land and resources. Those conflicts have, in some areas, been manipulated (especially in North and South Darfur) by unresolved political rivalries among prominent political figures. Second, the deployment to the region of Government aligned militia, known as Rapid Support Forces, has seriously undermined the security of civilians, their property and livelihoods, particularly in South Darfur and increasingly in North Darfur. Third, the security situation continues to be aggravated by attacks by rebel groups against Government forces and indiscriminate bombardments by the Sudanese Armed Forces in areas of rebel control.

“The deployment of the Rapid Support Force coincided with a series of large - scale attacks on armed groups and villages in South then in North Darfur. Attacks attributed to the Rapid Support Force included the targeting of civilians, the destruction and burning of villages, looting of property and theft of livestock.”

33. Le UN News Service, Darfur: UN official urges support for peace process amid unfolding ‘new dynamics’, publié le 24 April 2014 rapporte :

“Stepped-up rebel attacks, clashes fuelled by local political rivalries, and mass displacement sparked by the abuses of a pro-Government militia have again left long-troubled Darfur at a crossroads, said the United Nations peacekeeping chief today, appealing to the Security Council and its African Union (AU) counterpart for political support to move the warring factions towards lasting peace.

Once again, Darfur finds itself at a crossroads. Since the beginning of 2014, new dynamics have emerged, with considerable impact on the civilian population, said Hervé Ladsous, Under-Secretary-General for UN Peacekeeping Operations, as he briefed the Council on the latest developments in the strife-torn western region of Sudan, as well as on the work of the joint AU-UN mission there, known as UNAMID.

Mr. Ladsous said Darfur is currently experiencing renewed violence after a relative lull, marked by massive movements of displaced persons and by very "notable and strong discord" among local allies of the Sudanese Government.

The growing political rivalries were most evident in North Darfur. "At stake is not merely the local government, but also the hoarding of mineral resources, [particularly] gold deposits." All of this has led to fighting between the groups and serious loss of civilian life. Moreover, he explained that the "very difficult" regional context is aggravating the situation.”

B. Sur la situation des populations civiles originaires du Darfour et les individus suspectés de liens avec les mouvements rebelles

34. Le Country of Origin Information Report publié le 11 septembre 2012 par le United Kingdom: Home Office rapporte notamment :

“The UN’s High Commissioner for Human Rights, ‘Tenth Periodic report of the UN High Commissioner for Human Rights on the situation of human rights in Sudan’, dated 28 November 2008, observed: “Darfurians in the Khartoum area are at heightened risk of being subjected to arbitrary arrests, in particular if they are suspected of maintaining links with Darfurian rebel groups or political movements. Darfurians may raise the suspicion of the security forces by the mere fact of travelling from other parts of Sudan to Darfur, by having travelled abroad, or by having been in contact with individuals and organizations abroad. Over the past three years, United Nations human rights officers have conducted numerous interviews with Darfurians who have been arbitrarily arrested and detained. Many reported that they were ill-treated and tortured. Reports on the questioning which they underwent in detention indicate that most of the detentions were carried out to obtain information about Darfurian political groups and rebel movements.”

35. Le Operational Guidance Note: Sudan publié en août 2012 par le United Kingdom: Home Office rapporte :

“The Tribunal found in AA (Non Arab Darfurians – relocation) Sudan CG [2009] UKAIT 00056, that all non-Arab Darfuris, regardless of their political or other affiliations, are at risk of persecution in Darfur and cannot reasonably be expected to relocate elsewhere in Sudan. Therefore claimants who do not fall within the exclusion clauses are likely to qualify for asylum.”

UNHCR reported in 2008 that ―Darfurians in Khartoum are at heightened risk of arbitrary arrest if they are suspected of links with Darfur rebel groups or movements. Of particular concern is the view that, ―Darfurians may raise the suspicion of the security forces by the mere fact of travelling from other parts of Sudan to Darfur, by having travelled abroad, or by having been in contact with individuals and organisations abroad.

[...]

Members of opposition groups and perceived government critics, including students, journalists and human rights defenders are subjected to harassment, intimidation, arbitrary arrest, incommunicado detention, and are at risk of ill treatment and persecution.

[...]

The UN report of the independent expert on the situation of human rights in the Sudan highlighted ―Cases of arbitrary arrest and detention by the National Security Service (NSS)‖ and ―allegations of incommunicado detention, torture and other forms of ill-treatment of detainees by the NSS‖.112. In May 2012, Freedom House also noted that the NISS is accused of ―systematically detaining and torturing opponents of the government, including Darfuri activists, journalists, and students.”

36. Le 2013 Country Reports on Human Rights Practices – Sudan publié le 27 février 2014 par le United States Department of State rapporte :

---

“The interim national constitution prohibits such practices; however, government security forces continued to torture, beat, and harass suspected political opponents and others. In Darfur and other areas of conflict, government forces, rebel groups, and tribal factions committed torture and abuse.

[...]

According to nongovernmental organization (NGO) and civil society activists in Khartoum, government security forces beat and tortured persons in detention, including members of the political opposition, civil society activists, and journalists. These persons were often subsequently released without charge.”

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION

37. Le requérant allègue qu’un renvoi vers le Soudan l’exposerait à être soumis à des traitements contraires à l’article 3 de la Convention ainsi libellé :

« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

A. Sur la recevabilité

38. Le Gouvernement soulève, à titre principal, une exception d’irrecevabilité tirée du défaut d’épuisement des voies de recours internes au sens de l’article 35 § 1 de la Convention. Tout d’abord, le Gouvernement relève que le requérant n’a pas sollicité son admission au séjour en vue de demander l’asile dès son entrée sur le territoire français. Dès lors, il se serait privé de l’accès « normal » à la procédure d’asile dont la Cour a déjà pu constater l’effectivité.

39. Ensuite, le Gouvernement relève que le requérant n’a pas exercé de recours à l’encontre de l’arrêté préfectoral en date du 15 mars 2011 fixant le Soudan comme pays de destination et ordonnant son placement en rétention. Le Gouvernement soutient que le requérant avait la faculté de contester cette décision par le biais d’un recours pour excès de pouvoir et, parallèlement, d’introduire un référé suspension. Enfin, le Gouvernement note que le requérant s’est abstenu de solliciter l’asile à deux reprises lors de ses placements en rétention, craignant qu’un rejet de sa demande en France ne l’empêche de solliciter l’asile en Grande-Bretagne.

40. Le requérant conteste ces exceptions d’irrecevabilité. Il rappelle qu’il a soumis ses griefs tirés de l’article 3 dans le cadre de son recours à l’encontre de l’arrêté préfectoral de reconduite à la frontière qui lui fut notifié le 29 octobre 2010. Il combat la thèse du gouvernement selon laquelle un recours pour excès de pourvoir assorti d’un recours en référé suspension contre la décision fixant le pays de renvoi constituerait une voie de recours à épuiser. Il souligne qu’un recours en référé suspension n’a pas d’effet suspensif de plein droit, de sorte qu’il peut être procédé au réacheminement de l’intéressé avant que le juge ait statué. Le requérant tient à signaler qu’il n’a pas sollicité l’asile lors de ses deux placements en rétention en raison du manque d’effectivité de la procédure d’asile dite prioritaire. Il a toutefois sollicité l’asile le 6 juin 2011, sa demande ayant été rejetée par une décision rendue le 21 novembre 2011 par l’OFPRA.

41. La Cour rappelle que, selon sa jurisprudence, l’article 35 de la Convention « ne prescrit l’épuisement que des recours à la fois relatifs aux violations incriminées, disponibles et adéquats. Ils doivent exister à un degré suffisant de certitude non seulement en théorie mais aussi en pratique, sans quoi leur manquent l’effectivité et l’accessibilité voulues ; il incombe à l’État défendeur de démontrer que ces exigences se trouvent réunies » (voir notamment Vernillo c. France, 20 février 1991, § 27, série A no 198, Dalia c. France, 19 février 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998‑I, Civet c. France [GC], no 29340/95, CEDH 1999‑VI, et également Gautrin et autres c. France, 20 mai 1998, § 38, Recueil 1998‑III). De plus, « la règle de l’épuisement des voies de recours internes ne s’accommode pas d’une application automatique et ne revêt pas un caractère absolu : en contrôlant le respect, il faut avoir égard aux circonstances de la cause. Cela signifie notamment que la Cour doit tenir compte de manière réaliste du contexte juridique et politique dans lequel les recours s’inscrivent ainsi que de la situation personnelle des requérants » (Menteş et autres c. Turquie, 28 novembre 1997, § 58, Recueil 1997‑VIII).

42. Dans son arrêt Y.P et L.P c. France (no 32476/06, § 53, 2 septembre 2010), la Cour a rappelé que lorsqu’un requérant cherche à éviter d’être renvoyé par un État contractant, il est normalement appelé à épuiser un recours qui a un effet suspensif (Bahaddar c. Pays-Bas, 19 février 1998, §§ 47-48, Recueil 1998‑I). Un contrôle juridictionnel, lorsqu’il existe et lorsqu’il fait obstacle au renvoi, doit être considéré comme un recours effectif qu’en principe les requérants doivent épuiser avant d’introduire une requête devant la Cour ou de solliciter des mesures provisoires en vertu de l’article 39 du règlement de celle-ci en vue de retarder une expulsion (NA. c. Royaume-Uni, no 25904/07, § 90, 17 juillet 2008). Toutefois, un requérant qui a utilisé une voie de droit apparemment effective et suffisante ne saurait se voir reprocher de ne pas avoir essayé d’en utiliser d’autres qui étaient disponibles mais ne présentaient guère plus de chances de succès (Aquilina c. Malte [GC], no 25642/94, § 39, CEDH 1999‑III, et NA. c. Royaume-Uni, précité, § 91).

43. La Cour considère qu’il ne lui appartient pas d’affirmer qu’une voie de droit serait, à l’égard du requérant, plus opportune qu’une autre dès lors que la voie de recours poursuivie par celui-ci est théoriquement efficace, c’est-à-dire, en matière d’éloignement d’étrangers, qu’elle permet à l’État de prévenir l’expulsion de personnes dont il est établi qu’elles risquent des traitements contraires à l’article 2 ou à l’article 3 en cas de retour dans leur pays d’origine (N.K. c. France, no 7974/11, § 32, 19 décembre 2013).

44. Dans ses arrêts Y.P. et L.P. c. France (précité, § 55), et I.M. c. France (précité, § 149), la Cour a relevé que le recours devant le tribunal administratif contre l’arrêté préfectoral de reconduite à la frontière constitue une voie de recours réputée efficace dans la mesure où il revêt un caractère suspensif et qu’il permet théoriquement au juge administratif d’apprécier les risques invoqués par le requérant.

45. En l’espèce, la Cour observe que le requérant a introduit un recours devant le tribunal administratif afin de contester l’arrêté préfectoral de reconduite à la frontière qui lui fut notifié le 29 octobre 2010 avant de solliciter de la Cour l’application d’une mesure provisoire.

46. Dès lors, la Cour estime qu’en introduisant un recours devant le tribunal administratif contre l’arrêté de reconduite à la frontière, le requérant a satisfait à l’obligation d’épuisement des voies de recours internes. Il y a donc lieu de rejeter l’exception soulevée par le Gouvernement. La Cour relève par ailleurs que ce grief ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.

B. Sur le fond

1. Thèses des parties

47. Le requérant relève que ses origines darfouries n’ont été remises en cause ni par les services de la Préfecture, ni par l’OFPRA, ni par le tribunal administratif. Il considère inopérantes les jurisprudences invoquées par le Gouvernement dans la mesure où l’octroi de la protection subsidiaire aux ressortissants soudanais d’origine darfourie n’est une pratique suivie que par certaines chambres de la CNDA.

48. Concernant la situation actuelle prévalant au Soudan, le requérant s’appuie sur le Rapport Annuel 2011 publié par l’organisation Amnesty International faisant état de ce que les militants politiques continuent de faire l’objet d’arrestations arbitraires, de détentions sans contrôle judiciaire et d’actes de torture de la part des autorités soudanaises.

49. Le Gouvernement insiste sur le principe selon lequel il appartient au requérant de produire des éléments susceptibles de démontrer qu’il serait exposé à un risque de traitements contraires à l’article 3 en cas d’exécution de la mesure de renvoi.

50. Le Gouvernement souligne que lorsqu’elles sont soumises au juge de l’asile, des circonstances telles que celles présentées devant la Cour par le requérant sont hautement susceptibles d’ouvrir droit au bénéfice d’une protection internationale. À cet égard, le Gouvernement produit plusieurs décisions de la CNDA octroyant le statut de réfugié à des ressortissants soudanais originaires du Darfour en raison de leur soutien supposé à la rébellion darfourie. Le Gouvernement produit également des décisions de la CNDA accordant la protection subsidiaire à des ressortissants soudanais originaires du Darfour en raison de l’état de conflit généralisé dans le pays. Le Gouvernement précise que l’octroi d’une telle protection à un demandeur d’asile nécessite notamment de pouvoir vérifier à un degré suffisant de certitude ses origines et son parcours. Il relève également des incohérences entre les récits que le requérant a présentés à la Cour puis à l’OFPRA. Le gouvernement note que le requérant a indiqué à l’OFPRA avoir été arrêté en mai 2009 par des miliciens Janjawids puis détenu durant douze jours dans un camp avant d’être libéré à la faveur d’un assaut des forces rebelles alors que le récit qu’il a soumis à la Cour fait apparaître qu’à cette même période, il exécutait la peine de trois mois d’emprisonnement prononcée contre lui. Le Gouvernement souligne enfin que la décision rendue par l’OFPRA indique que le requérant serait entré en France en octobre 2009 alors que ce dernier a indiqué à la Cour être entré sur territoire français en octobre 2010.

51. Concernant les risques encourus par le requérant, le Gouvernement note que ce dernier n’étaye son grief que par référence à des éléments tirés de la situation générale au Soudan. Dès lors, le Gouvernement considère que les risques invoqués par le requérant ne sont pas suffisamment étayés pour permettre de conclure à leur réalité.

2. Appréciation de la Cour

52. Sur le fond, la Cour se réfère aux principes applicables en la matière (Saadi c. Italie [GC], no 37201/06, §§ 124-125, CEDH 2008, et M.S.S. c. Belgique et Grèce [GC], no 30696/09, CEDH 2011).

53. En particulier, la Cour considère qu’il appartient en principe au requérant de produire des éléments susceptibles de démontrer qu’il serait exposé à un risque de traitements contraires à l’article 3, à charge ensuite pour le Gouvernement de dissiper les doutes éventuels au sujet de ces éléments (Saadi, précité, § 129). Elle rappelle également qu’il ne lui appartient pas normalement de substituer sa propre appréciation des faits à celle des juridictions internes, mieux placées pour évaluer les preuves produites devant elles (voir, entre autres, Klaas c. Allemagne, 22 septembre 1993, § 29, série A no 269, à propos de l’article 3). Enfin, s’il convient de se référer en priorité aux circonstances dont l’État en cause avait connaissance au moment de l’expulsion, la date à prendre en compte pour l’examen du risque encouru est celle de la date de l’examen de l’affaire par la Cour (Chahal c. Royaume-Uni, 15 novembre 1996, § 86, Recueil 1996‑V).

54. Concernant les incohérences dans le récit du requérant soulignées par le Gouvernement (paragraphe 51), la Cour considère qu’elles ne sont pas de nature à ôter toute crédibilité aux allégations du requérant. La Cour relève que la description faite par le requérant des faits survenus au Soudan est demeurée constante tant devant elle que devant l’OFPRA. Seule leur chronologie diffère légèrement. De l’avis de la Cour, un simple décalage dans le déroulement chronologique des événements ne constitue pas une incohérence majeure, étant donné notamment que la demande d’asile du requérant a été examinée selon la procédure prioritaire et laissant peu de temps au requérant pour préparer son récit.

55. S’agissant du contexte général, la Cour a récemment rappelé dans l’arrêt A.A c. Suisse (no 58802/12, §§ 39-40, 7 janvier 2014) que la situation des droits de l’homme au Soudan est alarmante, en particulier en ce qui concerne les opposants politiques. La Cour note en particulier que depuis le début de l’année 2014, la situation s’est encore détériorée. Les forces gouvernementales, appuyées par des milices, conduisent d’importantes opérations armées dans les régions du Darfour du nord et du Darfour du sud, région d’origine du requérant. Ces actions visent à combattre les groupes rebelles mais engendre d’importants dommages parmi les populations civiles (voir paragraphes 33-34).

56. Les rapports internationaux consultés font également état de ce que les individus suspectés d’appartenir ou de soutenir les mouvements rebelles continuent d’être arrêtés, détenus et torturés par les autorités soudanaises. De plus, comme l’a rappelé la Cour dans l’arrêt A.A. c. Suisse précité, il apparaît que les individus encourant un risque de mauvais traitement ne sont pas uniquement les opposants au profil marqué mais toute personne s’opposant ou étant suspectée de s’opposer au régime en place.

57. S’agissant des risques personnels encourus par le requérant, celui-ci craint de subir des mauvais traitements en raison d’une part de son appartenance à une ethnie non arabe du Darfour et d’autre part en raison de ses liens supposés avec le JEM.

58. En premier lieu, le requérant indique appartenir à la tribu des Birqid, une tribu non arabe du Darfour. La Cour note qu’un des rapports consultés fait état de ce que la seule appartenance d’un individu à une ethnie non arabe du Darfour constitue pour cet individu un risque de persécutions. À ce titre, la Cour observe que si le Gouvernement estime que le requérant n’a pas apporté suffisamment d’éléments attestant de son origine ethnique, son appartenance à une ethnie non arabe n’a toutefois été remise en cause par aucune autorité administrative ou judiciaire. Dès lors, l’appartenance du requérant à une minorité ethnique victime de persécutions répétées constitue un premier facteur de risque.

59. En second lieu, s’agissant de l’appartenance supposée du requérant au JEM, il convient de rappeler qu’il affirme que les autorités soudanaises l’ont interrogé à plusieurs reprises et torturé afin qu’il leur fournisse des informations sur ce mouvement rebelle. Le certificat médical qu’il produit, bien que succinct, rend les allégations de mauvais traitement crédibles dans la mesure où la présence de séquelles d’hématomes sur les jambes est compatible avec le fait que le requérant rapporte avoir été frappé sur les articulations à l’aide de pinces. Ce document n’a pas été commenté par le Gouvernement. Par ailleurs, bien qu’il n’étaye ses allégations par aucun document, le requérant indique avoir été condamné à une peine de prison pour avoir apporté son soutien aux forces d’opposition. Le Gouvernement ne remet pas directement en cause cette version des faits.

60. La Cour est d’avis que la peine infligée au requérant reflète nécessairement le fait que les autorités soudanaises sont convaincues de l’implication de ce dernier dans un mouvement de rébellion quand bien même celui-ci affirme le contraire. De plus, la Cour estime que s’il est manifeste que les autorités locales portent un intérêt particulier aux darfouris transitant par Khartoum après un séjour à l’étranger, le fait que le requérant soit considéré comme un soutien du JEM ne peut qu’aggraver le risque de mauvais traitement à son égard.

61. Malgré les observations du Gouvernement, la Cour retient que le récit du requérant, dont la partie déterminante est crédible, est à rapprocher de la situation de violences endémiques perpétrées à l’égard des membres des ethnies darfouries.

62. Dès lors, la Cour estime qu’en cas de mise à exécution de la mesure de renvoi, le requérant encoure un risque sérieux de traitements contraires à l’article 3 de la Convention.

II. SUR LES AUTRES GRIEFS

63. Le requérant invoque l’article 13 de la Convention combiné avec l’article 3 et estime ne pas avoir disposé, en rétention, d’un recours effectif contre l’arrêté préfectoral ayant fixé le Soudan comme pays de renvoi, ce recours étant, en l’espèce, dépourvu d’effet suspensif.

64. La Cour relève que le recours contre une telle décision n’est doté d’un effet suspensif que s’il est présenté en même temps que le recours contre la décision d’éloignement. Pour autant, la Cour observe que le requérant a été en mesure de faire valoir ses griefs tirés de l’article 3 devant le tribunal administratif dans le cadre de son recours contre l’arrêté de reconduite à la frontière, lequel était doté d’un effet suspensif. En outre, le requérant disposait une fois en rétention d’un autre recours suspensif qu’il s’est abstenu d’utiliser, en l’occurrence devant l’OFPRA. Il s’ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée en application de l’article 35 § 1 de la Convention.

III. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

65. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage

66. Le requérant demande 5 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral qu’il aurait subi.

67. Le Gouvernement considère que la constatation éventuelle par la Cour d’une violation suffirait à assurer la réparation du préjudice moral allégué.

68. La Cour considère qu’eu égard aux circonstances de l’espèce, le constat d’une violation potentielle de l’article 3 de la Convention constitue en lui-même une satisfaction équitable suffisante pour tout dommage moral pouvant avoir été subi par le requérant.

B. Frais et dépens

69. Le requérant a bénéficié de l’assistance judiciaire devant la Cour. Le requérant demande également 2 511,60 EUR pour les frais et dépens engagés devant la Cour.

70. Le Gouvernement estime qu’une somme de 1 500 EUR serait suffisante pour couvrir les frais et dépens engagés par le requérant.

71. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce, le requérant fournit des notes d’honoraires d’un montant de 2 511,60 EUR correspondant aux frais d’entretien, d’étude du dossier ainsi qu’à l’élaboration et à la rédaction des observations devant la Cour.

En l’espèce et compte tenu des documents en sa possession et de sa jurisprudence, la Cour estime raisonnable d’accorder au requérant la somme de 2 511,60 EUR, moins les 850 EUR déjà perçus du Conseil de l’Europe par la voie de l’assistance judiciaire, soit 1 661,60 EUR.

C. Intérêts moratoires

72. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

IV. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 39 DU RÈGLEMENT DE LA COUR

73. La Cour rappelle que, conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, le présent arrêt deviendra définitif : a) lorsque les parties déclareront qu’elles ne demanderont pas le renvoi de l’affaire devant la Grande Chambre ; ou b) trois mois après la date de l’arrêt, si le renvoi de l’affaire devant la Grande Chambre n’a pas été demandé ; ou c) lorsque le collège de la Grande Chambre rejettera la demande de renvoi formulée en application de l’article 43.

74. Elle considère que les mesures qu’elle a indiquées au Gouvernement en application de l’article 39 de son règlement (paragraphes 2-3 ci-dessus) doivent demeurer en vigueur jusqu’à ce que le présent arrêt devienne définitif ou que la Cour rende une autre décision à cet égard (voir dispositif).

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Déclare la requête recevable quant aux griefs tirés de l’article 3 de la Convention, et irrecevable le restant de la requête ;

2. Dit que, dans l’éventualité de la mise à exécution de la décision de renvoyer le requérant vers le Soudan, il y aurait violation de l’article 3 de la Convention ;

3. Dit que le constat d’une violation fournit en soi une satisfaction équitable suffisante pour le dommage moral subi par le requérant ;

4. Dit,

a) que l’État défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, la somme de 1 661,60 EUR (mille six cent soixante et un euros et soixante centimes), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par le requérant, pour frais et dépens ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

5. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus ;

6. Décide de continuer à indiquer au Gouvernement, en application de l’article 39 de son règlement, qu’il est souhaitable, dans l’intérêt du bon déroulement de la procédure, de ne pas expulser le requérant jusqu’à ce que le présent arrêt devienne définitif ou que la Cour rende une autre décision à cet égard.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 15 janvier 2015, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Claudia WesterdiekMark Villiger
GreffièrePrésident


Synthèse
Formation : Cour (cinquiÈme section)
Numéro d'arrêt : 001-150302
Date de la décision : 15/01/2015
Type d'affaire : au principal et satisfaction équitable
Type de recours : Violation de l'article 3 - Interdiction de la torture (Article 3 - Expulsion) (Conditionnel) (Soudan)

Parties
Demandeurs : A.A.
Défendeurs : FRANCE

Composition du Tribunal
Avocat(s) : LACHAL E.

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2021
Fonds documentaire ?: HUDOC

Source

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