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14/10/2014 | CEDH | N°001-147013

CEDH | CEDH, AFFAIRE HALİL GÖÇMEN c. TURQUIE, 2014, 001-147013


DEUXIÈME SECTION

AFFAIRE HALİL GÖÇMEN c. TURQUIE

(Requête no 24883/07)

ARRÊT

(Satisfaction équitable)

STRASBOURG

14 octobre 2014

DÉFINITIF

14/01/2015

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Halil Göçmen c. Turquie,

La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :

Guido Raimondi, président,
Işıl Karakaş,
Nebojša Vučinić,


Helen Keller,
Paul Lemmens,
Egidijus Kūris,
Robert Spano, juges,
et de Abel Campos, greffier adjoint de section,

Après en avoir délibéré en chambre du con...

DEUXIÈME SECTION

AFFAIRE HALİL GÖÇMEN c. TURQUIE

(Requête no 24883/07)

ARRÊT

(Satisfaction équitable)

STRASBOURG

14 octobre 2014

DÉFINITIF

14/01/2015

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Halil Göçmen c. Turquie,

La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :

Guido Raimondi, président,
Işıl Karakaş,
Nebojša Vučinić,
Helen Keller,
Paul Lemmens,
Egidijus Kūris,
Robert Spano, juges,
et de Abel Campos, greffier adjoint de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 23 septembre 2014,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 24883/07) dirigée contre la République de Turquie et dont un ressortissant de cet État, M. Halil Göçmen (« le requérant »), a saisi la Cour le 28 mai 2007 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Par un arrêt du 12 novembre 2013 (« l’arrêt au principal »), la Cour a conclu à la violation de l’article 1 du Protocole no 1.

3. La question de l’application de l’article 41 de la Convention ne se trouvant pas en état, la Cour l’a réservée et a invité le Gouvernement et le requérant à lui soumettre par écrit, dans un délai de six mois, leurs observations sur ladite question et notamment à lui donner connaissance de tout accord auquel ils pourraient aboutir.

4. Aucun accord permettant d’aboutir à un règlement amiable n’a été trouvé.

5. Le Gouvernement a déposé des observations. Le requérant n’y a pas répondu.

EN DROIT

6. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage

7. Le requérant réclame 30 000 euros (EUR) pour préjudice matériel. Il sollicite 2 000 EUR au titre du préjudice moral.

8. Le Gouvernement invite la Cour à rejeter les prétentions du requérant, qu’il juge excessives et dépourvues de fondement.

9. Dans l’arrêt au principal, la Cour a conclu que l’ingérence litigieuse ne satisfaisait pas à la condition de légalité dans la mesure où l’administration s’était approprié du terrain du requérant au mépris des règles régissant l’expropriation formelle. Elle a également considéré que les juridictions nationales n’avaient pas pu offrir des procédures judiciaires présentant les garanties procédurales requises par l’article 1 du Protocole no 1. Cette situation avait eu pour conséquence que le requérant n’avait pas pu toucher une indemnité raisonnablement en rapport avec la valeur de sa propriété.

10. La Cour rappelle qu’un arrêt constatant une violation entraîne pour l’État défendeur l’obligation de mettre un terme à la violation et d’en effacer les conséquences de manière à rétablir autant que faire se peut la situation antérieure à celle-ci (Iatridis c. Grèce (satisfaction équitable) [GC], no 31107/96, § 32, CEDH 2000‑XI).

11. Les États contractants parties à une affaire sont en principe libres de choisir les moyens dont ils useront pour se conformer à un arrêt constatant une violation. Ce pouvoir d’appréciation quant aux modalités d’exécution d’un arrêt traduit la liberté de choix dont est assortie l’obligation primordiale imposée par la Convention aux États contractants : assurer le respect des droits et libertés garantis (article 1 de la Convention). Si la nature de la violation permet une restitutio in integrum, il incombe à l’État défendeur de la réaliser, la Cour n’ayant ni la compétence ni la possibilité pratique de l’accomplir elle-même. Si, en revanche, le droit national ne permet pas ou ne permet qu’imparfaitement d’effacer les conséquences de la violation, l’article 41 habilite la Cour à accorder, s’il y a lieu, à la partie lésée la satisfaction qui lui semble appropriée (Brumărescu c. Roumanie (satisfaction équitable) [GC], no 28342/95, § 20, CEDH 2001‑I).

12. La Cour observe que le requérant ne demande pas la restitution de son terrain. Il réclame seulement un dédommagement sur la base de la valeur marchande du bien.

13. Pour déterminer la réparation adéquate, la Cour doit s’inspirer des critères généraux énoncés dans sa jurisprudence concernant l’article 1 du Protocole no 1 et selon lesquels, sans le versement d’une somme raisonnablement en rapport avec la valeur du bien, une privation de propriété constitue normalement une atteinte excessive.

14. Elle observe que le Gouvernement verse aux dossiers plusieurs rapports relatifs à l’évaluation de la valeur actuelle du terrain litigieux de 500 m2. Il prie la Cour de se référer à un rapport d’évaluation, daté du 4 avril 2014 et établi par le département génie civil et construction du rectorat de l’Université de l’Erciyes qui évalue le terrain à 20 000 TRL (environ 6 666 EUR), soit 40 TRL le mètre carré (environ 13,33 EUR/m2), en retenant qu’il est qualifié de vignoble dans le registre foncier.

15. À l’analyse de l’ensemble des éléments du dossier, la Cour note que la moyenne des sommes retenues par les différents rapports pour évaluer le terrain en cause est d’environ 44 200 TRL (14 733 EUR), soit 88 TRL le mètre carré (environ 29,46 EUR/m2).

16. Elle relève l’important écart entre les résultats auxquels conduisent les différentes méthodes de calcul employées. Elle fixera en conséquence une somme forfaitaire autant que faire se peut « raisonnablement en rapport » avec la valeur du bien, c’est-à-dire un montant qu’elle aurait trouvé acceptable au regard de l’article 1 du Protocole no 1 comme indemnité d’expropriation.

17. Dès lors, compte tenu de l’ensemble des pièces du dossier présentées par les parties ainsi que des informations pertinentes dont elle dispose et prenant également en compte la somme que le requérant a déjà perçue à l’issue de la procédure en droit interne, la Cour, juge raisonnable d’accorder au requérant la somme de 14 000 EUR pour dommage matériel, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt sur cette somme.

18. S’agissant du préjudice moral, la Cour estime que le sentiment d’impuissance et de frustration ressenti par le requérant face à la dépossession illégale de son terrain et à la nécessité de saisir les tribunaux pour faire valoir ses droits a causé à l’intéressé un préjudice moral certain appelant une réparation adéquate (Scordino c. Italie (no 3) (satisfaction équitable), no 43662/98, § 42, 6 mars 2007 et Sarıca et Dilaver c. Turquie, no 11765/05, § 66, 27 mai 2010). Dès lors, statuant en équité, comme le veut l’article 41 de la Convention, la Cour décide d’allouer au requérant 1 500

EUR de ce chef.

B. Frais et dépens

19. En ce qui concerne les frais et dépens, le requérant sollicite 3 000 EUR pour les honoraires d’avocat et pour les frais de procédure devant les juridictions nationales. À titre de justificatif, il fournit une convention d’honoraires et des quittances relatives à des frais de procédure.

20. Le Gouvernement invite la Cour à rejeter les prétentions du requérant.

21. Compte tenu des documents en sa possession et de ses critères en la matière (Bottazzi c. Italie [GC], no 34884/97, § 30, CEDH 1999‑V, et Sawicka c. Pologne, no 37645/97, § 54, 1er octobre 2002), la Cour estime raisonnable la somme de 1 000 EUR tous frais confondus et l’accorde au requérant.

C. Intérêts moratoires

22. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Dit

a) que l’État défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes, à convertir en livres turques au taux applicable à la date du règlement :

i. 14 000 EUR (quatorze mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage matériel ;

ii. 1 500 EUR (mille cinq cents euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;

iii. 1 000 EUR (mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt au requérant, pour frais et dépens ;

b) qu’à compter de l’expiration de ce délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

2. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 14 octobre 2014, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Abel CamposGuido Raimondi
Greffier adjointPrésident


Synthèse
Formation : Cour (deuxiÈme section)
Numéro d'arrêt : 001-147013
Date de la décision : 14/10/2014
Type d'affaire : satisfaction équitable
Type de recours : Dommage matériel et préjudice moral - réparation (Article 41 - Préjudice moral;Dommage matériel;Satisfaction équitable)

Parties
Demandeurs : HALİL GÖÇMEN
Défendeurs : TURQUIE

Composition du Tribunal
Avocat(s) : DALKIRAN C.

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2021
Fonds documentaire ?: HUDOC

Source

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