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24/06/2014 | CEDH | N°001-144998

CEDH | CEDH, AFFAIRE IONUŢ-LAURENŢIU TUDOR c. ROUMANIE, 2014, 001-144998


TROISIÈME SECTION

AFFAIRE IONUŢ-LAURENŢIU TUDOR c. ROUMANIE

(Requête no 34013/05)

ARRÊT

STRASBOURG

24 juin 2014

DÉFINITIF

24/09/2014

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Ionuţ-Laurenţiu Tudor c. Roumanie,

La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

Josep Casadevall, président,
Alvina Gyulumyan,
Ján Šikuta,
Luis López Gu

erra,
Johannes Silvis,
Valeriu Griţco,
Iulia Antoanella Motoc, juges,
et de Santiago Quesada, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chamb...

TROISIÈME SECTION

AFFAIRE IONUŢ-LAURENŢIU TUDOR c. ROUMANIE

(Requête no 34013/05)

ARRÊT

STRASBOURG

24 juin 2014

DÉFINITIF

24/09/2014

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Ionuţ-Laurenţiu Tudor c. Roumanie,

La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

Josep Casadevall, président,
Alvina Gyulumyan,
Ján Šikuta,
Luis López Guerra,
Johannes Silvis,
Valeriu Griţco,
Iulia Antoanella Motoc, juges,
et de Santiago Quesada, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 3 juin 2014,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 34013/05) dirigée contre la Roumanie et dont un ressortissant de cet État, M. Ionuţ-Laurenţiu Tudor (« le requérant »), a saisi la Cour le 30 août 2005 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Le gouvernement roumain (« le Gouvernement ») a été représenté par ses agentes, Mme I. Cambrea puis Mme C. Brumar, du ministère des Affaires étrangères.

3. Le requérant allègue en particulier que sa détention provisoire a méconnu l’article 5 de la Convention, qu’il a subi des traitements contraires à l’article 3 de la Convention et que les tribunaux qui ont examiné l’affaire n’étaient pas impartiaux comme l’exige l’article 6 § 1 de la Convention.

4. Le 15 septembre 2011, la requête a été communiquée au Gouvernement.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

5. Le requérant est né en 1981 et réside à Drăgăşani.

1. Première condamnation du requérant

6. Par un arrêt définitif du 20 septembre 2001, la cour d’appel de Piteşti condamna le requérant à une peine de trois ans d’emprisonnement du chef d’actes de perversion sexuelle sur mineur. Elle prononça le sursis à l’exécution de cette peine.

2. Seconde condamnation du requérant

a) La procédure pénale diligentée contre le requérant

7. En 2005, un certain G.N. contacta par téléphone le vendeur d’une voiture d’occasion mise en vente sur un site Internet allemand. Le vendeur lui demanda de verser à un certain C.C. l’équivalent d’environ 5 000 euros (EUR) pour les frais de transport du véhicule.

8. G.N. contacta également par téléphone C.C. et lui demanda une preuve du transport de la voiture. C.C. lui fournit par courrier électronique une attestation établie par un transporteur.

9. Soupçonnant une fraude, G.N. alerta la police. Le 24 janvier 2005, celle-ci procéda à l’arrestation de C.C. qui s’était rendu dans un bureau de poste pour retirer l’argent envoyé par G.N.

10. C.C. déclara à la police qu’il avait agi pour le compte du requérant et que celui-ci lui avait demandé à plusieurs reprises de retirer de l’argent provenant de tierces personnes en échange d’une commission. L’attestation du transporteur se révéla être fausse.

11. Le 26 février 2005, le requérant fut arrêté et placé en garde à vue par la police des frontières à l’occasion d’un contrôle des personnes se rendant à l’étranger. Il nia les faits qui lui étaient reprochés et soutint qu’il était victime d’une mise en scène orchestrée par un tiers qui, à ses dires, lui devait de l’argent.

12. Le même jour, sur demande du parquet, le tribunal de première instance de Timişoara, s’appuyant sur les dispositions de l’article 148 f) et h) du code de procédure pénale (CPP), ordonna le placement en détention provisoire du requérant pour une période de vingt‑neuf jours. Il nota que le requérant avait déjà été condamné et il estima que sa remise en liberté présentait une menace pour l’ordre public compte tenu des déclarations de C.C. relatives aux agissements de l’intéressé. Il rejeta également les demandes du requérant visant au remplacement de la détention par une interdiction de quitter la ville ou le pays aux motifs que le plaignant habitait à Drăgăşani, alors que les poursuites avaient lieu à Timişoara, et que, de surcroît, son intention de quitter le pays avait été établie.

13. Aux audiences des 26 février, 22 mars, 22 avril et 19 mai 2005, le tribunal prolongea la détention provisoire aux motifs que l’enquête était en cours et que la remise en liberté du requérant présentait une menace pour l’ordre public.

14. A la fin de l’enquête, C.C. revint sur ses déclarations initiales et affirma qu’elles étaient la conséquence de pressions exercées sur lui par la police. Le parquet renvoya le requérant et C.C. devant le tribunal de première instance de Timişoara du chef d’escroquerie.

15. Au cours de la première audience qui eut lieu le 18 juin 2005, le tribunal de première instance, siégeant en formation de juge unique (le juge O.C.D.), examina la légalité et l’opportunité du maintien en détention des inculpés. Compte tenu de la rétractation de C.C., il estima que la condition posée par l’article 148 h) du CPP à la prolongation de la détention provisoire, à savoir l’existence d’une menace pour l’ordre public, n’était plus remplie. Cependant, citant l’article 148 f) du CPP, il maintint la détention provisoire du requérant au motif que, ayant déjà été condamné pour d’autres faits, celui-ci était en état de récidive. Aux audiences des 6 juillet, 3 août et 19 septembre 2005, il maintint également la détention pour la même raison et constata l’existence d’«indices sérieux qu’il avait probablement commis les faits dont il était accusé ». En outre, le juge se fonda sur le même motif pour rejeter les demandes du requérant visant à la révocation de la mesure de détention ou à son remplacement par une interdiction de quitter le pays.

16. Le tribunal départemental de Timiş rejeta les pourvois formés par le requérant contre les décisions concernant son maintien en détention. Le tribunal estima que le motif qui avait justifié son placement en détention était toujours valable. À l’audience du 14 octobre 2005, il confirma l’existence d’« indices sérieux » contre le requérant et la probabilité que ce dernier ait commis les faits reprochés. Certains de ces pourvois, dont celui du 14 octobre 2005, furent examinés par les juges M.M. et E.B.

17. Par un jugement du 1er novembre 2005, le tribunal de première instance de Timişoara, siégeant en formation de juge unique, en l’occurrence le juge O.C.D., condamna le requérant à une peine de deux ans et six mois d’emprisonnement pour tentative d’escroquerie. Il révoqua par ailleurs le sursis assorti à la précédente peine prononcée par l’arrêt du 20 septembre 2001 (voir paragraphe 6 ci-dessus) et il ordonna l’exécution des deux peines cumulées, représentant au total cinq ans et six mois d’emprisonnement.

18. Le tribunal écarta la rétractation de C.C. au motif que, si la police avait exercé des pressions sur lui, elle aurait certainement procédé de même avec le requérant. Or il nota que ce dernier n’avait fait état d’aucune pression de la part des enquêteurs. Le tribunal écarta également l’hypothèse d’une mise en scène et conclut que le requérant était le principal organisateur de la tentative d’escroquerie.

19. Par un arrêt du 24 novembre 2006, le tribunal départemental de Timiş, dans une formation de jugement dont faisaient partie les juges M.M. et E.B., rejeta l’appel du requérant qui plaidait son innocence et demandait sa relaxe.

20. Le requérant forma un pourvoi, se plaignant d’un manque d’impartialité des juges du tribunal de première instance et du tribunal départemental qui avaient examiné aussi bien le fond de l’affaire que la question de son maintien en détention. Il réitéra sa ligne de défense, et il contesta l’interprétation des preuves et l’application du droit interne faites par ces juridictions.

21. Par un arrêt définitif du 30 avril 2007, la cour d’appel de Timişoara rejeta le pourvoi. Elle estima que les aveux de C.C. étaient corroborés par les pièces du dossier. Quant à l’absence alléguée d’impartialité, la cour nota que la loi no 356/2006, qui a édicté une impossibilité (incompatibilitate) pour les juges ayant statué sur la détention provisoire de connaître du fond, était entrée en vigueur après la condamnation du requérant en première instance.

b) La remise en liberté du requérant

22. Le requérant forma une contestation en annulation de l’arrêt prononcé en 2001 à son encontre au motif qu’il avait été absent à la procédure pour des raisons qui ne lui auraient pas été imputables.

23. Par un arrêt du 29 juin 2007, la cour d’appel de Piteşti accueillit la contestation et annula l’arrêt du 20 septembre 2001.

24. Le requérant forma également une contestation à l’exécution de la sanction prononcée à son encontre par le jugement du 1er novembre 2005. Il exposa qu’il n’avait plus à exécuter les deux peines cumulées à la suite de l’annulation de sa première condamnation et que, de plus, il avait déjà exécuté la peine de deux ans et six mois prononcée pour tentative d’escroquerie.

25. Par un jugement du 20 septembre 2007, le tribunal de première instance de Piteşti fit droit à cette contestation. Le tribunal constata que la peine de deux ans et six mois avait déjà été exécutée et il ordonna la remise en liberté du requérant. Aucun pourvoi n’ayant été formé, le jugement devint définitif le 3 octobre 2007 et le requérant fut libéré le même jour.

26. Dans le cadre du réexamen de la procédure concernant l’inculpation du requérant pour des actes de perversion sexuelle, par un arrêt définitif du 2 novembre 2007, la cour d’appel de Piteşti condamna l’intéressé à une nouvelle peine de trois ans d’emprisonnement avec sursis.

27. En 2009, le requérant demanda la réparation du préjudice moral qu’il estimait avoir subi en raison du caractère illégal à ses yeux de sa privation de liberté. L’illégalité de celle-ci était due, selon lui, à l’annulation de l’arrêt prononçant sa première condamnation.

28. Par un arrêt définitif du 4 mai 2012, la Haute Cour de cassation et de justice fit droit à cette action. Elle constata que, le 25 août 2007, l’intéressé avait intégralement purgé la peine de deux ans et six mois infligée pour tentative d’escroquerie. Compte tenu de l’annulation de l’arrêt du 20 septembre 2001, elle jugea que les deux peines prononcées ne pouvaient pas se cumuler et elle conclut que, du 25 août au 3 octobre 2007, le requérant avait été illégalement privé de liberté. Elle lui octroya l’équivalent d’environ 7 000 EUR pour le préjudice moral subi.

3. La détention du requérant

29. Entre-temps, le 21 juin 2005, le requérant avait été transféré du dépôt de la police de Timişoara à la prison de Timişoara. Le 19 juillet 2006, il a été transféré à la prison de Colibaşi. Il fut libéré le 3 octobre 2007.

a) Les conditions matérielles de détention du requérant

i. La version du requérant

30. Le requérant dénonce les mauvaises conditions de détention qu’il dit avoir subies dans les prisons de Timişoara et de Colibaşi. À ses dires, ces lieux de détention étaient surpeuplés, il ne disposait pas d’un lit individuel, l’espace personnel était inférieur à 2 m², les cellules étaient mal éclairées et également mal aérées malgré une présence permanente de fumée de cigarettes, les conditions d’hygiène étaient déplorables, les installations sanitaires et la literie étaient sales et vétustes, et les activités extérieures se limitaient à une sortie dans la cour pendant un maximum d’une heure par jour.

ii. La version du Gouvernement

31. Le Gouvernement affirme que, selon les informations contenues dans une lettre de l’Administration nationale des pénitenciers, le requérant a été successivement détenu dans quatre cellules différentes dans chacune des prisons de Timişoara et de Colibaşi, et qu’il a disposé dans ces cellules d’un espace personnel compris entre 1,20 m² et 2,35 m². Il ajoute que le nombre de détenus dans ces cellules n’était pas supérieur au nombre de lits. Il admet cependant que, à la prison de Colibaşi, le requérant a partagé une cellule de 29 m² dotée de 24 lits avec 26 autres détenus pendant une semaine.

32. Quant aux conditions d’hygiène, le Gouvernent affirme que les cellules étaient meublées, et convenablement éclairées et aérées. Il indique que chaque cellule était raccordée à l’eau froide et équipée de toilettes et de douches séparées. Il précise que les détenus avaient accès à l’eau chaude en permanence à la prison de Timişoara et deux fois par semaine à la prison de Colibaşi. Il ajoute que le nettoyage des cellules était effectué par les détenus avec les produits et matériel nécessaires fournis par les établissements pénitentiaires, et que le requérant avait la possibilité d’effectuer une ou deux heures de promenade quotidienne.

b) La comparution du requérant devant les juridictions en tenue pénitentiaire

33. Entre 2005 et 2006, le requérant fut contraint de comparaître devant les tribunaux dans sa tenue pénitentiaire.

34. Le 27 octobre 2006, le tribunal de première instance de Timişoara accueillit la plainte du requérant à ce sujet et il constata que cette pratique était contraire aux règles pénitentiaires internes et aux recommandations du Comité des Ministres concernant les droits des personnes privées de liberté. Il ordonna à la direction de la prison de Timişoara d’autoriser le requérant à porter ses vêtements personnels lors de ses comparutions.

II. LE DROIT INTERNE PERTINENT

35. Les dispositions relatives aux modalités d’exécution des peines privatives de liberté et des autres mesures privatives de liberté, aux voies de recours, ainsi que les observations du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains et dégradants (CPT) rendues à la suite des visites qu’il a effectuées dans des prisons de Roumanie sont résumées dans l’arrêt Iacov Stanciu c. Roumanie (no 35972/05, §§ 113-129, 24 juillet 2012).

36. Les dispositions pertinentes en l’espèce du CPP étaient ainsi libellées à l’époque des faits :

Article 143

« L’autorité de poursuite peut placer une personne en garde à vue si des preuves ou indices raisonnables montrent que celle-ci a commis un fait prohibé par la loi pénale (...) »

Article 148

« La mise en détention de l’inculpé peut être ordonnée si les conditions prévues par l’article 143 sont remplies et dans l’un des cas suivants :

(...)

f) l’inculpé est récidiviste ;

(...)

h) l’inculpé a commis un crime ou un délit pour lequel la loi prévoit une peine d’emprisonnement (...) et il existe des preuves certaines que son maintien en liberté constituerait un danger pour l’ordre public. »

Article 155

« La durée de la détention provisoire de l’inculpé peut être prolongée en cas de nécessité et à condition d’être motivée.

La prolongation de la durée de la détention provisoire peut être ordonnée par le tribunal qui est compétent pour statuer sur le bien-fondé des accusations (...) »

Article 160 b)

« S’il constate que les motifs qui avaient justifié le placement en détention n’existent plus et qu’il n’y a pas de nouveaux motifs, le tribunal ordonne la remise en liberté de l’inculpé. »

Article 300-1

« A la première audience sur le fond, le tribunal vérifie d’office la légalité et le bien‑fondé de la détention. »

Article 300-2

« Au cours de la procédure, le tribunal vérifie d’office [au minimum tous les soixante jours] la légalité et le bien-fondé de la détention. »

37. Le point f) de l’article 148 du CPP a été abrogé par la loi no 356/2006. Désormais, la récidive ne peut plus justifier à elle seule le placement ou le maintien en détention provisoire.

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION

38. Le requérant se plaint d’avoir subi un traitement inhumain et dégradant en raison des conditions de sa détention dans les prisons de Timişoara et de Colibaşi ainsi que de l’obligation de porter une tenue pénitentiaire spécifique aux personnes condamnées lors de ses comparutions devant les tribunaux. Il dénonce une violation de l’article 3 de la Convention, ainsi libellé :

« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

A. Sur la recevabilité

39. Le Gouvernement excipe de l’irrecevabilité de la partie du grief concernant l’obligation de porter une tenue pénitentiaire. Il estime que, dans son jugement du 27 octobre 2006, le tribunal de première instance de Timişoara a reconnu et réparé la violation alléguée. Dès lors, il considère que le requérant ne peut plus se prétendre victime d’une violation de l’article 3 de la Convention sous cet aspect.

40. Le requérant réplique en insistant sur l’illégalité que constituerait l’obligation de se présenter en tenue pénitentiaire devant les juridictions. Il souligne que la décision du tribunal de première instance à cet égard n’était effective que pour le futur et qu’il avait été victime de cette pratique humiliante pendant plus d’un an.

41. La Cour rappelle qu’une décision ou une mesure favorable au requérant ne suffit en principe à lui retirer la qualité de « victime » que si les autorités nationales ont reconnu, explicitement ou en substance, puis réparé la violation de la Convention (Dalban c. Roumanie [GC], no 28114/95, § 44, CEDH 1999‑VI).

42. En l’espèce, la Cour constate que le tribunal de première instance a reconnu explicitement que l’obligation de porter une tenue pénitentiaire devant les juridictions était contraire aux règles internes et internationales et qu’il a ordonné à l’administration de la prison de Timişoara de mettre fin à cette pratique. S’agissant de la possibilité d’obtenir un dédommagement pour la violation subie, elle note, d’une part, que le requérant n’a pas formulé une telle demande devant ledit tribunal et, d’autre part, qu’il lui était toujours loisible, après sa libération, d’introduire une action en réparation du préjudice devant les tribunaux civils.

43. Au vu de ce qui précède, la Cour considère que cette partie du grief tiré de l’article 3 de la Convention doit être rejetée, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

44. Quant à la partie du grief concernant les conditions de détention du requérant dans les prisons de Timişoara et de Colibaşi, la Cour constate qu’elle n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 de la Convention et qu’elle ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Elle la déclare donc recevable.

B. Sur le fond

45. Le requérant affirme qu’il a été détenu dans des conditions inhumaines et dégradantes. Il se plaint en particulier de la surpopulation carcérale, de l’absence d’aération des cellules, des conditions sanitaires et d’hygiène déplorables et de l’absence d’activités à l’extérieur des cellules.

46. Le Gouvernement expose que le requérant a été détenu dans des cellules qui n’étaient pas surpeuplées et qu’il y a bénéficié d’un lit individuel. Il indique que l’accès aux douches et aux installations sanitaires ainsi que les conditions d’hygiène dans les cellules étaient convenables. Il ajoute que le requérant pouvait également bénéficier de promenades quotidiennes à l’air libre.

47. Par conséquent, le Gouvernement estime que la situation concrète du requérant n’a pas atteint le minimum de gravité requis pour être considérée comme un traitement contraire à l’article 3 de la Convention.

48. La Cour rappelle que, lorsque la surpopulation carcérale atteint un certain niveau, le manque d’espace dans un établissement pénitentiaire peut constituer l’élément essentiel à prendre en compte dans l’appréciation de la conformité d’une situation donnée à l’article 3 de la Convention (Ciucă c. Roumanie, no 34485/09, § 41, 5 juin 2012, et Pavalache c. Roumanie, no 38746/03, § 94, 18 octobre 2011).

49. En l’espèce, la Cour observe que, selon les données communiquées par le Gouvernement, le requérant disposait, dans les prisons de Timişoara et de Colibaşi, d’un espace personnel compris entre 1,20 m² et 2,35 m². De plus, elle note que le nombre des lits était inférieur à celui des détenus, pendant une courte période, à la prison de Colibaşi (paragraphe 31 ci‑dessus).

50. Rappelant que la norme recommandée par le CPT est de 4 m² d’espace individuel (paragraphe 35 ci-dessus), elle conclut que le requérant a vécu dans une grande promiscuité au sein des prisons précitées.

51. Pour la Cour, au vu de l’état de surpopulation carcérale et de la durée de la détention du requérant, les conditions de détention subies par ce dernier dans les prisons de Timişoara et de Colibaşi ont par conséquent dépassé le seuil de gravité requis pour l’application de l’article 3 de la Convention.

52. Eu égard aux considérations qui précèdent, la Cour n’estime pas nécessaire d’examiner, de surcroît, les autres allégations du requérant concernant les conditions de détention.

53. Partant, la Cour estime qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention à raison de la surpopulation carcérale.

II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 5 DE LA CONVENTION

54. Le requérant soutient que les juridictions internes n’ont pas justifié la nécessité de le maintenir en détention provisoire. Il se plaint en outre d’avoir été illégalement détenu après le 25 août 2007.

55. Il invoque l’article 5 §§ 1, 3 et 4 de la Convention, qui dispose :

« 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales : (...)

c) s’il a été arrêté et détenu en vue d’être conduit devant l’autorité judiciaire compétente, lorsqu’il y a des raisons plausibles de soupçonner qu’il a commis une infraction ou qu’il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l’empêcher de commettre une infraction ou de s’enfuir après l’accomplissement de celle-ci (...)

3. Toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1 c) du présent article, doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires et a le droit d’être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure. La mise en liberté peut être subordonnée à une garantie assurant la comparution de l’intéressé à l’audience.

4. Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d’introduire un recours devant un tribunal, afin qu’il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale. »

A. Sur la recevabilité

56. Le Gouvernement excipe de l’irrecevabilité des griefs tirés de l’article 5 §§ 1 et 4 de la Convention, concernant le maintien en détention du requérant après le 25 août 2007. Il soutient que cet aspect a été examiné par les juridictions internes et que celles-ci ont reconnu et réparé la violation alléguée. Dès lors, il considère que le requérant ne peut plus se prétendre victime d’une violation de l’article 5 de la Convention sous cet aspect.

57. Le requérant ne s’est pas prononcé sur la recevabilité de cette partie de la requête.

58. La Cour observe que la Haute Cour de cassation et de justice a reconnu que le requérant avait été illégalement privé de liberté du 25 août au 3 octobre 2007, et qu’elle lui a octroyé l’équivalent d’environ 7 000 EUR pour préjudice moral. Elle estime que, dans le contexte spécifique de la présente affaire, le constat de violation et le montant octroyé constituent une réparation adéquate et suffisante au sens de l’article 5 de la Convention.

59. Au vu de ce qui précède, la Cour considère qu’il y a eu en l’espèce un redressement approprié de l’atteinte au droit à la liberté du requérant et que celui-ci ne peut plus se prétendre « victime », au sens de l’article 34 de la Convention, d’une violation de l’article 5 §§ 1 et 4 de la Convention.

60. Par conséquent, cette partie de la requête est incompatible ratione personae avec les dispositions de la Convention au sens de l’article 35 § 3 et doit être rejetée, en application de l’article 35 § 4.

61. Quant au grief tiré de l’article 5 § 3 de la Convention et concernant le maintien du requérant en détention provisoire, la Cour constate qu’il n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 de la Convention et qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Elle le déclare donc recevable.

B. Sur le fond

1. Arguments des parties

62. Invoquant l’article 5 § 3 de la Convention, le requérant considère que les autorités n’ont pas justifié de manière concrète la nécessité de le maintenir en détention provisoire.

63. Le Gouvernement estime que les juridictions nationales ont justifié régulièrement, de manière pertinente et suffisante, la nécessité de prolonger le maintien en détention provisoire de l’intéressé. Il ajoute que les juridictions ont pris en considération la situation particulière du requérant dans leur motivation, laquelle n’était, selon lui, ni répétitive ni stéréotypée, et qu’elles ont également examiné la possibilité d’adopter des mesures alternatives à la détention (paragraphe 12 ci-dessus).

64. S’agissant de la manière dont les autorités nationales ont mené l’enquête, le Gouvernement expose que celles-ci ont fait preuve de diligence en procédant à l’administration des preuves et à l’audition des témoins. À cet égard, il souligne que le requérant a été renvoyé en jugement trois mois après son arrestation et que l’ensemble de la détention provisoire n’a duré que huit mois, du 26 février au 1er novembre 2005, cette dernière date correspondant à celle de sa condamnation en première instance.

2. Appréciation de la Cour

65. La Cour rappelle que la période couverte par l’article 5 § 1 c) de la Convention prend généralement fin à la date où il est statué sur le bien‑fondé de l’accusation portée contre l’intéressé, fût-ce seulement en première instance (Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, § 104, CEDH 2000‑XI, et Lavents c. Lettonie, no 58442/00, § 66, 28 novembre 2002). S’agissant de la période à prendre en considération sous l’angle de l’article 5 § 3 de la Convention, la Cour rappelle qu’elle est la même que pour l’article 5 § 1 c) de la Convention (Svipsta c. Lettonie, no 66820/01, § 107, CEDH 2006‑III).

66. Dans la présente affaire, la Cour note que la période visée par l’article 5 § 3 de la Convention a commencé le 26 février 2005, date de l’arrestation du requérant, et qu’elle a pris fin le 1er novembre 2005, date de sa condamnation en première instance. Cette période a donc duré huit mois et quatre jours.

67. La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une détention ne se prête pas à une évaluation abstraite (Patsouria c. Géorgie, no 30779/04, § 62, 6 novembre 2007). Tout maintien en détention provisoire d’un accusé, même pour une courte durée, doit être justifié de manière convaincante par les autorités (voir, parmi d’autres, Chichkov c. Bulgarie, no 38822/97, § 66, CEDH 2003-I, et Musuc c. Moldova, no 42440/06, § 41, 6 novembre 2007).

68. La Cour rappelle enfin les quatre raisons fondamentales pouvant justifier la détention provisoire d’une personne accusée d’avoir commis une infraction : le risque que l’accusé ne prenne la fuite (Stögmuller c. Autriche, 10 novembre 1969, § 15, série A no 9), et le risque que, une fois remis en liberté, il n’entrave l’administration de la justice (Wemhoff c. Allemagne, 27 juin 1968, § 14, série A no 7), ne commette de nouvelles infractions (Matznetter c. Autriche, 10 novembre 1969, § 9, série A no 10) ou ne trouble l’ordre public (Letellier c. France, 26 juin 1991, § 51, série A no 207).

69. En l’espèce, la Cour note que la détention provisoire a été prolongée du 26 février au 18 juin 2005 pour les besoins de l’enquête et au motif principal que la remise en liberté du requérant présentait une menace pour l’ordre public. Elle admet que, dans les circonstances de l’affaire, ces raisons étaient pertinentes et suffisantes pour justifier la prolongation de la mesure de détention provisoire de l’intéressé au début de l’enquête.

70. Cependant, à partir du 18 juin 2005, le tribunal a prolongé la détention provisoire du requérant, alors même que l’existence d’une menace pour l’ordre public en cas de libération ne subsistait plus. Il a également rejeté les demandes d’élargissement sans examiner son profil personnel et sa situation familiale et sans examiner la possibilité d’adopter l’une des mesures alternatives prévues par le droit interne.

71. Pour ce faire, le tribunal s’est appuyé sur l’article 148 f) du CPP au seul motif que le requérant était récidiviste et qu’il présentait donc le risque de commettre une nouvelle infraction (paragraphe 15 ci‑dessus).

72. La Cour rappelle que si les autorités judiciaires appliquent de telles présomptions, elles doivent démontrer l’existence de faits concrets qui justifieraient une entrave au droit au respect de la liberté individuelle (Ilijkov c. Bulgarie, no 33977/96, §§ 84 et 85, 26 juillet 2001). La référence aux antécédents ne peut suffire à justifier le refus de mise en liberté (Muller c. France, 17 mars 1997, § 44, Recueil des arrêts et décisions 1997‑II).

73. En l’espèce, la Cour constate que le tribunal n’a pas étayé le risque de commission d’une nouvelle infraction par des raisons pertinentes et suffisantes et qu’il n’a pas modifié son raisonnement pour tenir compte de l’évolution de la situation et pour vérifier si ce motif demeurait toujours valable (mutatis mutandis, Bykov c. Russie [GC], no 4378/02, § 65, 10 mars 2009). De surcroit, la Cour note que les actes délictueux qui avaient valu au requérant sa condamnation antérieure étaient différents, par leur nature et par leur degré de gravité, des charges retenues contre lui dans la procédure litigieuse.

74. Dès lors, la Cour considère que, à lui seul, le motif tiré de l’état de récidive dans lequel se trouvait le requérant ne justifiait pas la poursuite de la détention au-delà du 18 juin 2005 (voir, mutatis mutandis, Clooth c. Belgique, 12 décembre 1991, § 40, série A no 225).

75. Dans ces circonstances, il n’est pas nécessaire de rechercher de surcroît si les autorités nationales compétentes ont apporté une « diligence particulière » à la poursuite de la procédure (Dolgova c. Russie, no 11886/05, § 50, 2 mars 2006).

76. Il s’ensuit qu’il y a eu violation de l’article 5 § 3 de la Convention pour ce qui est du maintien en détention provisoire du requérant après le 18 juin 2005.

III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION

77. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant se plaint que sa cause n’a pas été entendue par un « tribunal impartial » au sens de l’article 6 § 1, ainsi libellé :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »

78. Il expose que les juges O.C.D., M.M. et E.B. qui ont statué sur le fond de l’affaire en première instance et en appel se sont également prononcés sur la détention provisoire. Dès lors, il prétend que ces juges ne présentaient pas des garanties d’impartialité pour mener ensuite le procès.

79. Le Gouvernement conteste cette thèse. Il estime qu’il convient de distinguer entre les mesures prises au sujet de la détention provisoire avant le renvoi en jugement et celles décidées au cours du procès. À cet égard, il rappelle que les juges susmentionnés n’ont pas ordonné la prolongation de la détention, mais qu’ils ont simplement décidé, après le renvoi du requérant en jugement, de le maintenir en détention au cours du procès en première instance. Par conséquent, il estime qu’il est dans la logique du déroulement du procès que le juge qui connait de l’affaire sur le fond, se prononce également sur tous les autres aspects de l’affaire.

80. En tout état de cause, le Gouvernement estime que rien dans la présente espèce ne permet de conclure que l’allégation du requérant concernant le manque d’impartialité des juges ayant examiné l’affaire est justifiée. Il considère que les mots utilisés par ces juges représentaient l’expression des formules standardisées, sans aucune appréciation sur la culpabilité du requérant.

81. La Cour rappelle que le fait qu’un juge de première instance ou d’appel ait déjà pris des décisions avant le procès, notamment au sujet de la détention provisoire, ne peut justifier en soi les appréhensions du requérant quant à l’impartialité de ce juge. Ce qui compte est la portée et la nature des mesures en question (Hauschildt c. Danemark, 24 mai 1989, § 50, série A no 154; Nortier c. Pays-Bas, 24 août 1993, § 33, série A no 267; Saraiva de Carvalho c. Portugal, 22 avril 1994, § 35, série A no 286‑B et Alony Kate c. Espagne, no 5612/08, § 49 et suiv., 17 janvier 2012).

82. En l’espèce, la Cour constate que les juges O.C.D., M.M. et E.B. ont joué un rôle important à l’égard de la détention provisoire du requérant. Ils ont, d’une part, ordonné le maintien de cette mesure et, d’autre part, ils ont rejeté les demandes de révocation. Compte tenu des conséquences de ces décisions sur la détention du requérant, la Cour estime qu’il n’y a aucune raison valable pour distinguer entre les mesures prises au sujet de la détention avant et après le renvoi du requérant en jugement (paragraphes 15 et 16 ci-dessus).

83. La Cour relève ensuite que les juges O.C.D., M.M. et E.B. ont invoqué l’existence d’« indices sérieux » contre le requérant. Certes, ce constat ne saurait en soi justifier des craintes quant à leur impartialité s’ils avaient simplement vérifié que, de prime abord, l’accusation portée par le ministère public contre le requérant reposait sur des données valables (mutatis mutandis, Nortier, précité, § 35). Or, rien de tel en l’espèce.

84. Pour appliquer l’article 148 f) du code de procédure pénale, les juges susmentionnés ont estimé que ces indices permettaient de conclure que le requérant avait « probablement commis les faits dont il était accusé ». La Cour estime qu’une telle conclusion ne pouvait pas être le résultat d’une appréciation sommaire des données disponibles aux fins de la détention. Elle supposait un examen plus approfondi des éléments produits en vue d’asseoir la culpabilité du requérant. Dès lors, l’écart entre l’appréciation portée sur l’opportunité du maintien en détention et l’établissement de la culpabilité à l’issue du procès est devenu minime (mutatis mutandis, Hauschildt, précité, § 52 ; Adamkiewicz c. Pologne, no 54729/00, § 102, 2 mars 2010 et Cardona Serrat c. Espagne, no 38715/06, §§ 33 et suiv., 26 octobre 2010). La thèse du Gouvernement, selon laquelle, il ne s’agissait que de l’emploi des formules standardisées, ne saurait rien changer à ce constat dès lors qu’en tout état de cause, leur emploi démontre un dépassement de la sphère du simple soupçon qui peut justifier la détention provisoire à condition de reposer sur des données valables.

85. Par ailleurs, la Cour note que la cour d’appel de Timişoara a rejeté le pourvoi qui visait l’impartialité des juges du fond et d’appel sans vraiment répondre aux arguments du requérant (paragraphe 21 ci-dessus).

86. Partant, dans les circonstances de la cause, la Cour estime que l’appréciation par les juges du fond et d’appel des données disponibles aux fins du maintien de la détention provisoire pouvait paraître sujette à caution et justifier ainsi objectivement les craintes du requérant à l’égard de l’impartialité de ces juges.

87. En conséquence, il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

IV. SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES

88. Invoquant l’article 5 § 1 de la Convention, le requérant se plaint d’avoir été placé en détention provisoire en l’absence de raisons plausibles de le soupçonner d’avoir commis une infraction.

89. Compte tenu de l’ensemble des éléments dont elle dispose, et pour autant qu’elle est compétente pour connaître de ces allégations, la Cour n’a relevé en l’espèce aucune apparence de violation des droits et libertés garantis par la Convention ou ses Protocoles. Il s’ensuit que ce grief doit être rejeté, en application de l’article 35 §§ 1, 3 et 4 de la Convention.

90. Sur le terrain de l’article 6 § 2 de la Convention, le requérant dénonce une atteinte à la présomption d’innocence au motif que, en prolongeant sa détention provisoire, les juges auraient exprimé l’opinion préconçue qu’il était coupable.

91. Compte tenu de la conclusion à laquelle elle est arrivée sur le terrain de l’article 6 § 1 de la Convention ci-dessus, la Cour estime qu’il n’y a lieu d’examiner ni la recevabilité ni le bien-fondé de ce grief.

V. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

92. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage

93. Au titre du préjudice moral qu’il dit avoir subi, le requérant réclame 35 000 euros (EUR) en raison des conditions de sa détention ainsi que 250 000 EUR en raison de son placement et maintien en détention provisoire.

94. Le Gouvernement estime que les sommes sollicitées par le requérant sont excessives.

95. La Cour considère que le requérant a subi, du fait de la violation des articles 3, 5 § 3 et 6 § 1 de la Convention, un préjudice moral qu’il convient de réparer. Compte tenu des circonstances de l’affaire et statuant en équité comme le veut l’article 41 de la Convention, elle estime qu’il y a lieu d’octroyer au requérant 12 500 EUR pour dommage moral.

B. Frais et dépens

96. Le requérant n’a pas présenté de demande à ce titre en lien avec les faits ayant conduit la Cour à conclure à la violation des articles 3 et 5 § 3 de la Convention.

C. Intérêts moratoires

97. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Déclare la requête recevable quant aux griefs tirés de l’article 3 de la Convention concernant les conditions de détention du requérant dans les prisons de Timişoara et de Colibaşi, de l’article 5 § 3 de la Convention pour ce qui est du défaut de motivation de son maintien en détention provisoire et de l’article 6 § 1 de la Convention concernant l’impartialité des juges du fond et d’appel et irrecevable pour le surplus ;

2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention ;

3. Dit qu’il y a eu violation de l’article 5 § 3 de la Convention;

4. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;

5. Dit qu’il n’y a pas lieu d’examiner la recevabilité et le bien-fondé du grief tiré de l’article 6 § 2 de la Convention ;

6. Dit

a) que l’État défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, la somme de 12 500 EUR (douze mille cinq cents euros), à convertir dans la monnaie de l’État défendeur au taux applicable à la date du règlement, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

7. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 24 juin 2014, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.

Santiago QuesadaJosep Casadevall
GreffierPrésident


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