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29/04/2014 | CEDH | N°001-142671

CEDH | CEDH, AFFAIRE PREDA ET AUTRES c. ROUMANIE, 2014, 001-142671


TROISIÈME SECTION

AFFAIRE PREDA ET AUTRES c. ROUMANIE

(Requêtes nos 9584/02, 33514/02, 38052/02, 25821/03, 29652/03, 3736/03,

17750/03 et 28688/04)

ARRÊT

Cette version a été rectifiée le 6 octobre 2014

conformément à l’article 81 du règlement de la Cour.

STRASBOURG

29 avril 2014

DÉFINITIF

29/07/2014

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Preda et autres c. Roumanie,

La Cour européen

ne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

Josep Casadevall, président,
Alvina Gyulumyan,
Ján Šikuta,
Luis...

TROISIÈME SECTION

AFFAIRE PREDA ET AUTRES c. ROUMANIE

(Requêtes nos 9584/02, 33514/02, 38052/02, 25821/03, 29652/03, 3736/03,

17750/03 et 28688/04)

ARRÊT

Cette version a été rectifiée le 6 octobre 2014

conformément à l’article 81 du règlement de la Cour.

STRASBOURG

29 avril 2014

DÉFINITIF

29/07/2014

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Preda et autres c. Roumanie,

La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

Josep Casadevall, président,
Alvina Gyulumyan,
Ján Šikuta,
Luis López Guerra,
Kristina Pardalos,
Johannes Silvis,
Valeriu Griţco, juges,
et de Santiago Quesada, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 8 avril 2014,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouvent huit requêtes (nos 9584/02, 33514/02, 38052/02, 25821/03, 29652/03, 3736/03, 17750/03 et 28688/04) dirigées contre la Roumanie et dont quatorze ressortissants de cet État (« les requérants »), ont saisi la Cour en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

Les informations concernant les requérants, les noms de leurs représentants et les dates d’introduction des requêtes figurent dans le tableau joint en annexe.

2. Le gouvernement roumain (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, Mme Catrinel Brumar, du ministère des Affaires étrangères.

3. Les requêtes ont été communiquées au Gouvernement aux dates suivantes : le 5 juillet 2010 (no 9584/02), le 14 octobre 2009 (no 33514/02), le 16 avril 2008 (no 38052/02), le 22 octobre 2009 (no 25821/03), le 12 janvier 2010 (no 29652/03), le 1er septembre 2008 (no 3736/03), le 2 avril 2009 (no 17750/03) et le 23 juillet 2007 (no 28688/04).

4. Tant les requérants que le Gouvernement ont présenté des observations écrites complémentaires (article 54 § 2 c) du règlement de la Cour – « le règlement »).

5. À la suite du déport de Mme Iulia Antoanella Motoc, juge élue au titre de la Roumanie (article 28 du règlement), le président de la chambre a désigné Mme Kristina Pardalos pour siéger en qualité de juge ad hoc (articles 26 § 4 de la Convention et 29 § 1 du règlement).

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

6. Les griefs exposés dans les requêtes se rapportent à des procédures administratives et/ou judiciaires d’indemnisation ou de restitution engagées par les requérants en tant que bénéficiaires des lois de restitution de biens confisqués ou nationalisés par le régime communiste qui ont été adoptées par la Roumanie après la chute de ce régime, en décembre 1989.

A. Circonstances propres à chaque requête

7. Les faits propres à chaque requête, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.

1. Requête no 9584/02 introduite par Mme Victoria Preda

8. Par une décision définitive du 5 juin 1991 fondée sur la loi de restitution no 18/1991, la commission de restitution créée auprès de la commune de Oarja (Argeş) restitua plusieurs dizaines d’hectares de terrain aux habitants de cette commune.

9. Le 2 juin 1997, la requérante devint propriétaire d’une parcelle de 5 500 m² situé sur le territoire de cette commune à la suite de la donation que lui avait faite E.V. d’un terrain que ce dernier s’était vu restituer par la décision administrative du 5 juin 1991.

a) Litiges concernant la procédure de restitution

10. Par un arrêt définitif du 19 septembre 2001, la cour d’appel de Piteşti annula la décision administrative de restitution du 5 juin 1991. Elle estima que la parcelle en question était située non pas sur le territoire de la commune de Oarja, mais sur celui de la commune de Bradu (Argeş) et que, dès lors, elle devait être restituée aux habitants de Bradu et non pas à ceux de Oarja.

11. Par la suite, l’ensemble du terrain qui avait été restitué aux habitants de Oarja – y compris les 5 500 m² dont la requérante était devenue propriétaire le 2 juin 1997 – fut restitué par des décisions administratives définitives à des habitants de la commune de Bradu.

Les bénéficiaires de ces restitutions vendirent les terrains à des tiers. La société commerciale SC Aws Singapore Properties SRL acheta à ces tiers un terrain qui incluait, aux dires de la requérante, les 5 500 m² sur lesquels elle possédait un titre de propriété, et y construisit un centre commercial.

12. Dans une décision définitive du 14 mars 2011, le tribunal départemental d’Argeş, se fondant sur un rapport d’expertise et constatant que le terrain de 5 500 m² appartenant à la requérante n’était pas le même que celui sur lequel des tiers, y compris la société commerciale SC Aws Singapore Properties SRL, possédaient des titres de propriété, refusa d’annuler le titre de propriété de la société commerciale.

13. Alléguant que le rapport d’expertise pris en considération dans la procédure susdécrite était inexact et que le terrain vendu à des tiers, y compris à la société commerciale susmentionnée, correspondait bien à son terrain de 5 500 m², la requérante déposa une plainte pénale, à la suite de laquelle, selon les parties, des poursuites ont été ouvertes en 2010 à l’encontre de l’expert. La procédure serait toujours pendante.

b) Autres litiges

14. Le 16 octobre 2000, la requérante introduisit une action à l’encontre de l’entreprise Arpechim, qui exploitait du pétrole sur un terrain voisin. Elle demandait à être dédommagée pour des dégâts qu’un déversement de pétrole avait, à ses dires, provoqués sur son terrain.

15. Par une décision définitive du 17 novembre 2004, la cour d’appel de Piteşti ordonna à cette entreprise de procéder au nettoyage du terrain de la requérante et octroya à celle-ci 601 727 320 lei (ROL) en guise de dédommagement.

Par une décision définitive du 13 janvier 2010, la Cour de cassation constata que, par la faute de la requérante, l’entreprise Arpechim n’avait pu exécuter qu’en partie la décision du 17 novembre 2004.

2. Requête no 33514/02 introduite par M. Alexandru Mocănaşu

16. En 1977, les autorités procédèrent à la démolition d’une maison appartenant au requérant, située dans le centre de Iaşi. Celui-ci fut relogé dans un appartement situé dans un quartier périphérique de cette ville. L’intéressé et son épouse occupèrent ce logement en tant que locataires jusqu’en 1991, année où ils l’achetèrent.

17. En 1985, le terrain sur lequel était construite la maison, d’une superficie de 246 m², fut exproprié par décret. Le requérant ne se vit octroyer aucune indemnité.

18. Après la chute du régime communiste et l’adoption de la loi no 18/1991, le requérant demanda la restitution du terrain. Tant le préfet de Iaşi – par une décision du 15 septembre 1993 – que les juridictions nationales rejetèrent sa demande, au motif que la loi no 18/1991 ne permettait pas une telle restitution.

19. Après l’entrée en vigueur de la loi de restitution no 10/2001, le requérant déposa auprès de la préfecture de Iaşi une demande d’indemnisation pour la maison et pour le terrain. Il fut informé qu’il lui fallait attendre la publication des règlements d’application de la loi précitée.

20. Par la décision no 645 du 22 mars 2006, le maire de Iaşi rejeta la demande d’indemnisation pour la maison au motif que celle-ci avait été démolie à la suite du séisme de 1977, mais il accorda pour le terrain une indemnité dont le montant devait être calculé et octroyé conformément à la procédure prévue par la loi no 247/2005.

21. Par une décision du 8 juillet 2008, la Commission centrale d’indemnisation (Comisia centrală pentru Stabilirea Despăgubirilor, « la Commission centrale ») émit en faveur des héritiers du requérant, décédé en février 2005, des titres de paiement, en dédommagement pour le terrain, d’un montant de 60 354,25 lei (RON) à l’ordre de M. Mihai Mocănaşu et du même montant à l’ordre de Mme Liliana Macovei.

22. À ce jour, les requérants n’ont pas perçu les sommes octroyées par la décision du 8 juillet 2008.

3. Requête no 38052/02 introduite par M. Manole Corocleanu

23. Le requérant introduisit des demandes de restitution portant sur plusieurs biens.

a) L’immeuble sis 40 rue Libertăţii, à Sighişoara

24. Le 31 août 2007, le requérant se vit restituer cet immeuble en l’état, à savoir avec les contrats de location en cours pour dix unités locatives. Il affirme que, depuis la restitution, les locataires occupent son bien sans aucune contrepartie et que les autorités locales refusent de s’acquitter de l’obligation que leur ferait la loi no 84/2008 de reloger ailleurs ces personnes.

b) L’immeuble sis 68 rue Libertăţii, à Sighişoara

25. Cet immeuble fut vendu aux locataires. Le requérant se vit octroyer, en vertu de la loi no 112/1995, un dédommagement qu’il perçut à une date non précisée.

c) L’immeuble sis boulevard Kogălniceanu, à Bucarest

26. Le 24 juin 1992, le requérant entama devant le tribunal de Bucarest une procédure judiciaire en vue de la restitution de cet immeuble. Après un arrêt rendu par ce tribunal et une décision adoptée par la cour d’appel de Bucarest, la procédure prit fin par un arrêt définitif du 19 novembre 2004, par lequel la Cour de cassation rejetait la demande du requérant au motif qu’il n’était plus possible de déterminer avec exactitude la partie qui avait appartenu aux parents du requérant en raison des aménagements intérieurs successifs auxquels il aurait été procédé sur l’ensemble immobilier dans lequel se trouvait le bien réclamé.

27. L’intéressé introduisit également une demande administrative de restitution en 2001. Il se vit restituer cet immeuble par une décision administrative du 21 février 2004. Par la suite, en 2008, il le vendit à des tiers.

d) L’immeuble sis 24 rue Nicolae Bălcescu, à Sibiu

28. Par une décision de justice de 2006, confirmée par un arrêt définitif du 23 octobre 2007 du tribunal départemental de Sibiu, la mairie de Sibiu fut condamnée, en vertu de la loi no 10/2001, à octroyer un dédommagement au requérant pour cet immeuble, dont la restitution en nature n’était pas possible.

Le 26 février 2008, le maire de Sibiu délivra une décision reconnaissant le droit du requérant à percevoir une indemnité pour l’immeuble. À ce jour, aucune somme n’a été fixée à cet égard.

e) Le terrain forestier de 123 ha situé dans le département de Mureş

29. Le requérant déposa sa demande de restitution en 1994. Le terrain lui fut restitué par étapes en 2006 et 2007.

f) Le terrain situé dans le département de Sibiu

30. Héritier d’un terrain ayant appartenu à ses parents dans la région de Şelimbăr (Sibiu), le requérant se vit restituer une partie de ce terrain et offrir un autre terrain en compensation de la partie non restituée.

4. Requête no 25821/03 introduite par M. Ioan Butoi

31. En février 1995, le requérant introduisit devant la cour d’appel de Braşov une action en restitution d’un terrain intra-muros situé à Râşnov (Braşov). À l’appui de sa demande, il invoquait la loi de restitution no 18/1991. Il y avait joint des documents dont il ressortait qu’il avait été propriétaire d’un terrain d’environ 328 m² à Râşnov et que l’État en avait pris possession, de manière abusive à ses yeux, en l’absence de tout titre.

32. Sa demande fut rejetée par une décision définitive du 27 mars 1997 de la Cour suprême de justice, au motif qu’il n’était pas en droit de bénéficier des dispositions de la loi no 18/1991.

33. À la suite des modifications successives apportées par la loi no 18/1991 et par d’autres lois de restitution, la préfecture de Braşov demanda à plusieurs reprises en 2002 à la mairie de Râşnov de restituer le terrain au requérant ou, à défaut de terrain disponible, d’octroyer à l’intéressé un dédommagement dans le délai prescrit par l’article 23 de la loi no 10/2001.

Le 12 juillet 2007, la mairie de Râşnov rejeta cette demande au motif que ni le requérant, décédé en 2003, ni son héritier n’avaient fourni tous les documents nécessaires pour l’examen de la demande, dont notamment « l’acte d’expropriation » et une déclaration sur l’honneur devant notaire attestant que le requérant n’avait pas été dédommagé pour « l’expropriation » subie.

5. Requête no 29652/03 introduite par M. Reimar Karl Orendi

34. Le 19 septembre 2001, après l’adoption de la loi no 10/2001, le requérant et d’autres membres de sa famille déposèrent une demande en restitution d’un bien immeuble composé d’un chalet et d’un terrain de 200 m² situés à Păltiniş (Sibiu).

À la suite du décès du requérant, survenu le 10 juin 2005, la procédure fut poursuivie par ses héritiers, à savoir sa veuve, Mariana Orendi, et B.O.

Par une décision définitive rendue le 28 avril 2011, la cour d’appel de Alba-Iulia ordonna à la mairie de Păltiniş d’octroyer un dédommagement à Mme Orendi et à B.O. pour une quote-part correspondant à la moitié du bien. La décision n’a pas été exécutée à ce jour.

6. Requête no 3736/03 introduite par Mme Rodica Rodan et M. Sorin-Emanuel Rodan[1]

35. En 1950, l’État, invoquant le décret no 92/1950, s’appropria l’immeuble sis 28 rue Moise Nicoară, à Bucarest, et appartenant à la mère des requérants, Mme Lydia Rodan. L’immeuble fut ensuite partagé en trois appartements occupant chacun un étage, que l’État mit en location.

Jusqu’en 1990, Mme Rodan demanda en vain à plusieurs reprises aux autorités communistes de lui restituer le bien. Elle soutenait que sa situation n’entrait pas dans le champ d’application du décret no 92/1950.

36. Après la chute du régime communiste, fin décembre 1989, Mme Lydia Rodan réitéra sans succès auprès des autorités sa demande de restitution, argüant de l’illégalité de la nationalisation du bien.

En 1993, elle informa les locataires de l’immeuble qu’elle avait été illégalement privée de son bien et qu’elle avait l’intention de le récupérer. Elle les invita également à chercher d’autres solutions pour se loger.

Lydia Rodan décéda en 1995, laissant ses biens en héritage à ses deux enfants, qui poursuivirent les démarches qu’elle avait entreprises.

Le 30 septembre 1996, l’État vendit l’appartement situé au premier étage de l’immeuble aux locataires qui l’occupaient.

37. Par un jugement du 20 novembre 1998, le tribunal de première instance du 3e arrondissement de Bucarest accueillit l’action en revendication immobilière introduite par les requérants, confirma l’illégalité de la prise de possession par l’État et ordonna à ce dernier de restituer l’immeuble aux requérants, propriétaires légitimes. Ce jugement fut confirmé en dernier ressort le 3 février 2000 par une décision de la cour d’appel de Bucarest.

38. Le 27 janvier 2002, la mairie de Bucarest, gestionnaire des logements d’État, ordonna la restitution du bien, à l’exception de l’appartement du premier étage qui n’était plus propriété de l’État.

39. Le 13 février 2002, les requérants demandèrent à la mairie de Bucarest de leur restituer cet appartement ou, à défaut, de leur octroyer un dédommagement d’un montant équivalent à sa valeur.

40. Par un arrêt définitif du 14 juin 2002, la cour d’appel de Bucarest rejeta l’action en justice que les requérants avaient introduite en vue d’obtenir l’annulation de la vente par l’État de l’appartement situé au premier étage. Après avoir constaté la légitimité des titres de propriété des requérants et des tiers acheteurs, elle refusa d’annuler la vente en se fondant sur la bonne foi des acheteurs lors de l’achat.

41. À ce jour, les requérants n’ont ni retrouvé la possession de l’appartement ni obtenu de dédommagement.

7. Requête no 17750/03 introduite par Mme Ilinca Burcea et M. Năstase Burcea

42. Mme Ilinca Burcea est la mère de M. Năstase Burcea.

a) Procédures civiles concernant le terrain

43. Le 6 juin 1995, en application de la loi no 18/1991, la requérante se vit octroyer un titre de propriété pour un terrain de 4,42 ha situé à Tătărăştii de Jos (département de Teleorman). Les requérants utilisèrent le terrain sans entrave jusqu’en 1999.

44. En 1996, un titre de propriété pour le même terrain fut délivré à des tiers. Ceux-ci introduisirent une action en annulation du titre de propriété de la requérante, action qui fut rejetée par un arrêt définitif de la cour d’appel de Bucarest du 24 octobre 2001, au motif que les tiers avaient la possibilité d’engager une action en rectification du titre de propriété de la requérante.

45. Les tiers introduisirent une telle action, qui fut rejetée par une décision définitive de la cour d’appel de Bucarest du 12 septembre 2002.

46. À ce jour, les deux titres de propriété délivrés aux noms, d’une part, de la requérante et, d’autre part, des tiers sont restés inchangés.

47. Dans une communication datée du 4 octobre 2013, la mairie de Tătărăştii de Jos informa le Gouvernement qu’il appartenait à la commission départementale de restitution ou d’indemnisation de Teleorman, créée en vertu de la loi de restitution no 165/2013, d’annuler, en application de l’article 47 § 1 de ladite loi, l’un des deux titres de propriété délivrés dans la présente affaire.

b) Procédures pénales pour entrave à l’utilisation du terrain

48. Entre-temps, le 6 avril 1998, la chambre pénale du tribunal départemental de Teleorman avait acquitté la requérante des accusations d’entrave à l’usage du terrain portées contre elle par les tiers qui détenaient eux aussi un titre de propriété pour le même bien.

49. Les tiers déposèrent une nouvelle plainte pénale en juillet 1998. Par une décision définitive du 11 janvier 1999, le tribunal départemental de Teleorman déclara la requérante coupable d’entrave à l’usage du terrain et la condamna à une peine de deux ans et six mois d’emprisonnement avec sursis.

50. En juin 1998, la requérante déposa une plainte pénale à l’encontre des mêmes tiers pour entrave à l’usage du terrain. Par une décision définitive du 23 février 1999, la chambre pénale du tribunal départemental de Teleorman déclara les tiers coupables d’entrave à l’usage du terrain au sens de l’article 220 du code pénal.

51. Par une décision définitive du 19 septembre 2002, le tribunal départemental de Teleorman, saisi d’un recours en révision, annula les décisions de condamnation des 11 janvier et 23 février 1999, constatant que des titres de propriété avaient été délivrés en faveur tant de la requérante que des tiers et que, dès lors, tous les bénéficiaires avaient le droit d’utiliser ledit terrain.

8. Requête no 28688/04 introduite par MM. Alexandru Baizath, Francisc Bajsat et Istvan Bajsat et Mmes Susana Konradi et Victoria Bajzat

52. En 1953, en vertu du règlement no 398/1953, l’État confisqua un terrain de 6 500 m² appartenant aux époux F.

Par la suite, ce terrain devint la propriété, dans un premier temps, de B.S. puis, dans un deuxième temps, de la coopérative agricole de production de la localité de Nimigea.

53. Les requérants sont les héritiers de B.S. Par une décision du 28 janvier 1992 rendue en vertu de la loi no 18/1991, la commission locale de restitution ou d’indemnisation de Nimigea attribua à B.S. la propriété d’un terrain englobant le terrain susmentionné.

54. B.S. en devint formellement propriétaire le 8 juin 1995, sur la base d’un procès-verbal qui clôturait la procédure de restitution.

55. T.S., K.C. et K.R. sont les héritiers des époux F. Par une décision administrative de 1991, la commission locale leur attribua la propriété, en vertu de la loi no 18/1991, d’un terrain de 4,48 ha, sans toutefois en préciser l’emplacement.

Leur demande visant à l’octroi du terrain de 6 500 m² confisqué aux époux F. en 1953 fut rejetée au motif que B.S. en était devenu propriétaire le 8 juin 1995.

56. Après l’entrée en vigueur de la loi no 1/2000 portant modification de la loi no 18/1991, T.S., K.C. et K.R. réitérèrent leur demande d’octroi de la propriété du terrain litigieux.

Par une décision du 20 novembre 2000, la commission départementale de restitution ou d’indemnisation de Bistriţa-Năsăud annula le procès-verbal du 8 juin 1995 (paragraphe 54 ci-dessus) et enjoignit à la commission locale d’octroyer à T.S., K.C. et K.R. la propriété du terrain de 6 500 m² jusqu’alors utilisé par B.S.

57. En 2001, B.S. introduisit une action en justice demandant l’annulation de la décision du 20 novembre 2000. À la suite du décès de B.S., les requérants poursuivirent la procédure.

Le 19 décembre 2003, le tribunal départemental de Bistriţa-Năsăud rejeta l’action, jugeant qu’au vu des preuves du dossier T.S., K.C. et K.R. étaient en droit de se voir reconnaître un droit de propriété sur ce terrain.

58. À ce jour, les requérants n’ont ni obtenu la propriété d’un autre terrain ni touché une indemnisation.

59. Dans une communication datée du 2 octobre 2013, la mairie de Nimigea informa le Gouvernement qu’il appartenait à la commission locale de Nimigea, créée en vertu de la loi no 165/2013, de faire aux héritiers de B.S. une nouvelle proposition d’octroi de la propriété d’un terrain ayant la même surface que celui dont la propriété avait été attribuée à B.S. en 1992.

B. L’arrêt pilote Maria Atanasiu et autres c. Roumanie et ses incidences sur les autres affaires similaires

60. Le 12 octobre 2010, la Cour a rendu l’arrêt pilote Maria Atanasiu et autres c. Roumanie (nos 30767/05 et 33800/06). Dans cet arrêt, elle a notamment dit que l’État roumain devait prendre, dans un délai de dix-huit mois suivant la date à laquelle l’arrêt deviendrait définitif, des mesures de caractère général visant à l’efficacité du mécanisme d’indemnisation et de restitution et à la protection effective dans ce contexte des droits énoncés par l’article 6 § 1 de la Convention et l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention.

La Cour a aussi décidé d’ajourner pour une période de dix-huit mois à compter de la date à laquelle cet arrêt deviendrait définitif l’examen de toutes les requêtes résultant de la même problématique générale, en attendant l’adoption par les autorités roumaines de mesures aptes à offrir un redressement adéquat à l’ensemble des personnes concernées par les lois de réparation (Maria Atanasiu et autres, précité, § 241 et points 6 et 7 du dispositif).

61. Tout comme de nombreux autres requérants se trouvant dans une situation similaire, les requérants dans la présente affaire ont été informés que l’examen de leurs requêtes serait suspendu jusqu’au 12 juillet 2012 et que la procédure ultérieure serait fixée par la Cour à la lumière des mesures d’exécution de l’arrêt pilote que prendrait le gouvernement roumain.

62. Le 5 juin 2012, la Cour a décidé d’accéder à la demande du Gouvernement visant à proroger jusqu’au 12 avril 2013 le délai qui lui avait été accordé pour remédier aux dysfonctionnements du mécanisme d’indemnisation et de restitution conformément aux décisions prises par la Cour dans son arrêt pilote.

63. Le 2 avril 2013, à la demande du Gouvernement, la Cour a prorogé ce délai jusqu’au 12 mai 2013.

64. Le 7 mai 2013, la Cour a décidé de maintenir l’ajournement de l’examen des requêtes résultant de la problématique visée par l’arrêt pilote jusqu’à ce qu’elle ait examiné les suites données par le Gouvernement à l’arrêt pilote.

65. Le 16 mai 2013, le Parlement a adopté la loi no 165/2013 relative à la finalisation du processus de restitution, en nature ou par équivalent, des biens immeubles transférés abusivement dans le patrimoine de l’État sous le régime communiste en Roumanie.

66. Le 10 septembre 2013, la Cour a décidé de demander aux parties de formuler des observations sur l’efficacité du mécanisme de restitution et d’indemnisation tel que modifié par la loi no 165/2013.

67. Le 10 octobre 2013, les parties ont formulé des observations en réponse.

II. LE DROIT INTERNE PERTINENT

A. Le cadre législatif, la pratique administrative et la jurisprudence des tribunaux quant au droit à restitution et/ou à indemnisation avant l’entrée en vigueur de la loi no 165/2013

68. Les principales dispositions législatives, la pratique administrative et la jurisprudence concernant la restitution et l’indemnisation pour les biens immeubles et terrains nationalisés ou confisqués par l’État sous le régime communiste ont été décrites dans l’arrêt pilote Maria Atanasiu et autres (précité, §§ 44-80, avec les références qui y figurent).

69. L’article 22 de la loi no 10/2001 relative au régime juridique de certains biens immeubles que l’État s’est appropriés abusivement pendant la période comprise entre le 6 mars 1945 et le 22 décembre 1989, qui est entrée en vigueur le 14 février 2001, prévoyait que les bénéficiaires disposaient d’un délai de six mois, sous peine de déchéance, pour demander la restitution de leur bien ou un dédommagement. Ce délai a été ensuite prolongé jusqu’au 14 février 2002 par les ordonnances d’urgence du gouvernement no 109/2001 et no 145/2001.

B. La loi no 165/2013 relative à la finalisation du processus de restitution, en nature ou par équivalent, des biens immeubles transférés abusivement dans le patrimoine de l’État sous le régime communiste en Roumanie

70. Les dispositions pertinentes en l’espèce de la loi no 165/2013, entrée en vigueur le 20 mai 2013, se lisent comme suit :

Chapitre II
La restitution en nature des immeubles transférés abusivement
dans le patrimoine de l’État sous le régime communiste

Article 3

« Au sens de la présente loi, les expressions et termes ci-dessous s’entendent ainsi :

(...)

(7) le tableau d’évaluation (grila) des notaires : guide précisant les valeurs indicatives des propriétés immobilières, utilisé par les chambres des notaires et mis à jour conformément à l’article 771 (5) [concernant la valeur marchande (de circulaţie) des biens immeubles] de la loi no 571/2003 sur le code fiscal (...) »

Article 4

« Les dispositions de la présente loi sont applicables aux demandes qui ont été formulées et déposées auprès des entités instituées par la loi dans les délais prescrits, et qui n’ont pas été réglées avant l’entrée en vigueur de la présente loi, ainsi qu’aux litiges concernant la restitution des biens immeubles pris abusivement et qui, à la date d’entrée en vigueur de la présente loi, sont pendants devant les juridictions internes ou qui sont enregistrés au rôle de la Cour européenne des droits de l’homme et dont l’examen a été ajourné en vertu de l’arrêt pilote du 12 octobre 2010 rendu dans l’affaire Maria Atanasiu et autres contre la Roumanie. »

Article 5

« Une commission locale chargée de l’inventaire des terrains sera créée au niveau de chaque département, par ordre du préfet, dans un délai de trente jours à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi (...) »

Article 8

« (1) Dans un délai de cent vingt jours à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi, les commissions locales de restitution des terrains devront centraliser toutes les demandes de restitution non réglées afin de déterminer la superficie de terrain nécessaire à la finalisation du processus de restitution. »

Article 11

« (1) Les commissions locales et départementales de restitution des terrains ou, selon le cas, la commission municipale de restitution des terrains de Bucarest ont l’obligation de finaliser au 1er janvier 2016 tous les dossiers de demandes de restitution, de mise en possession et d’émission de titres de propriété. »

Article 12

« (1) Lorsque la restitution des terrains agricoles à leur emplacement d’origine n’est pas possible, après que les commissions départementales de restitution des terrains ou, le cas échéant, la commission municipale de restitution des terrains de Bucarest auront validé l’étendue de leurs droits, l’ancien propriétaire ou ses héritiers se verront octroyer la propriété d’un terrain sur l’un des emplacements ci-dessous, dans l’ordre suivant :

– sur un terrain qui fait partie de la réserve de la commission locale de restitution des terrains ;

– sur le pâturage communal ;

– sur un terrain qui se trouvait dans la propriété publique et qui a été transféré, dans le respect de la loi, dans la propriété privée de l’État, ou sur un terrain qui se trouvait dans la propriété privée de l’État et dont la gestion a été confiée à des instituts, stations de recherche et autres institutions publiques faisant partie de la même collectivité territoriale ;

(...)

(3) L’octroi de la propriété des terrains par la commission locale de restitution des terrains se fait suivant l’ordre chronologique d’enregistrement des demandes initiales de restitution, dans le strict respect de l’ordre des catégories de terrains prévues au premier alinéa. L’ancien propriétaire ou ses héritiers peuvent refuser le terrain proposé s’il fait partie de la réserve de la commission locale ou du pâturage communal. »

Article 13

« (1) Lorsque la restitution des terrains forestiers à leur emplacement d’origine n’est pas possible, l’octroi de la propriété se fait sur d’autres emplacements de la même collectivité territoriale, même lorsque ces terrains ont appartenu à l’État avant 1948 ou qu’ils sont devenus propriété de l’État après cette date ou qu’ils ont été inclus dans des aménagements forestiers après cette date.

(2) Lorsqu’il n’y a pas de terrain forestier disponible dans la même collectivité territoriale, l’octroi de la propriété se fait sur des terrains forestiers situés dans d’autres collectivités territoriales du même département, avec l’approbation de la commission départementale de restitution des terrains (...) »

Chapitre III
L’octroi de mesures compensatoires

Article 16

« (1) Les demandes de restitution que les entités instituées par la loi n’ont pas pu régler par une restitution en nature seront réglées par l’octroi d’une compensation fondée sur un système de points, dont le nombre sera calculé conformément à l’article 21 §§ 6 et 7. »

Article 17

« (1) En vue de la finalisation du processus de restitution, en nature ou par équivalent, de biens immeubles transférés abusivement dans la propriété de l’État pendant le régime communiste, la Commission nationale pour la compensation des immeubles, ci-après dénommée la Commission nationale, a été constituée sous l’autorité de la chancellerie du Premier Ministre. Elle a pour missions principales :

– de valider/d’invalider tout ou partie des décisions prises par les entités instituées par la loi et comportant la proposition d’octroi d’une compensation ;

– d’ordonner l’émission des décisions de compensation ;

(...) »

Article 21

« (1) En vue de l’octroi d’une compensation pour les biens immeubles qui ne peuvent pas être restitués en nature, les entités instituées par la loi transmettent au secrétariat de la Commission nationale les décisions contenant la proposition d’octroi d’une compensation, les documents sur lesquels ces décisions sont fondées et les documents attestant la situation juridique du bien à la date de la décision.

(...)

(3) Les décisions des autorités de l’administration publique locale, émises conformément à la loi n10/2001 (...), sont transmises au secrétariat de la Commission nationale après un contrôle de légalité par le préfet. Les dispositions de l’article 11, alinéas (1) et (2), de la loi n554/2004 sur le contentieux administratif (...) restent applicables (...)

(6) L’évaluation du bien immeuble objet de la décision se fait par l’application, par le secrétariat de la Commission nationale, des montants indiqués dans le tableau d’évaluation des notaires valable à la date d’entrée en vigueur de la présente loi. La valeur est exprimée en points. Un point équivaut à 1 leu.

(...)

(9) En cas de validation de la décision de l’entité instituée par la loi, la Commission nationale émet la décision de compensation indiquant la valeur, exprimée en points, de l’immeuble saisi abusivement. »

Article 24

« (1) Le nombre de points fixé par la décision de compensation émise au nom du titulaire du droit de propriété, c’est-à-dire au nom de l’ancien propriétaire ou de ses héritiers ou légataires, ne pourra être limité par des mesures de plafonnement. »

Article 27

« (1) Les points octroyés par la décision de compensation pourront, dès le 1er janvier 2016, servir à l’achat de biens immeubles du Fonds national dans des procédures d’enchères nationales publiques. »

Article 31

« (1) Dans un délai de trois ans à compter de l’émission de la décision de compensation par points, mais au plus tôt le 1er janvier 2017, le bénéficiaire pourra opter pour la conversion des points en numéraire.

(2) Dans ce but, le bénéficiaire pourra, à compter du 1er janvier 2017, solliciter annuellement auprès de l’Autorité nationale pour la restitution des propriétés [ANRP] l’émission d’un titre de paiement pour un maximum de 14 % des points que lui a octroyés la décision de compensation et qui n’auront pas été utilisés lors des enchères immobilières. La dernière tranche annuelle sera de 16 % des points octroyés.

(3) Les sommes indiquées dans les titres mentionnés au deuxième alinéa seront payées par le ministère des Finances publiques dans un délai maximal de cent quatre-vingts jours à compter de la date de l’émission du titre.

(4) Les points qui n’ont pas été convertis en numéraire pourront continuer à être utilisés lors des enchères nationales immobilières.

(5) La procédure d’échange des points en numéraire sera fixée par les règlements d’application de la présente loi. »

Chapitre IV
Mesures relatives à l’accélération du règlement
des demandes de restitution

Article 32

« (1) Les personnes qui s’estiment concernées disposent d’un délai de quatre-vingt-dix jours[2] pour compléter par des documents les dossiers qu’elles ont déposés auprès des entités instituées par la loi. Le délai court à compter de la date à laquelle la personne concernée a été informée par écrit des documents à fournir pour le règlement de sa demande. »

Article 33

« (1) Les entités instituées par la loi doivent procéder au règlement des demandes formulées en vertu de la loi n10/2001 (...) qui étaient enregistrées mais non réglées à la date d’entrée en vigueur de la présente loi, en délivrant une décision d’admission ou de rejet, dans les délais suivants :

(...)

– trente-six mois pour les entités instituées par la loi qui ont encore plus de 5 000 demandes en attente.

(2) Les délais prévus au premier alinéa courent à compter du 1er janvier 2014. »

Article 34

« (1) Les dossiers enregistrés auprès du secrétariat de la Commission centrale d’indemnisation seront réglés dans un délai de soixante mois à compter de la date d’entrée en vigueur de la présente loi, à l’exception des dossiers concernant la restitution des terrains extra-muros, qui seront réglés dans un délai de trente-six mois.

(2) Les dossiers qui seront envoyés au secrétariat de la Commission nationale après l’entrée en vigueur de la présente loi seront réglés dans un délai de soixante mois à compter de la date de leur enregistrement, à l’exception des dossiers concernant la restitution des terrains extra-muros, qui seront réglés dans un délai de trente-six mois. »

Article 35

« (1) Les décisions prises conformément aux articles 33 et 34 peuvent être attaquées par la personne qui s’estime concernée auprès de la chambre civile du tribunal départemental dans le ressort duquel se trouve le siège de l’entité dans un délai de trente jours à compter de la communication de la décision.

(2) Lorsque l’entité instituée par la loi ne prend pas de décision dans les délais prévus par les articles 33 et 34, la personne qui s’estime concernée peut s’adresser au tribunal mentionné au premier alinéa dans un délai de six mois à compter de l’expiration des délais prévus par la loi pour la prise de décision.

(3) Dans les cas mentionnés aux alinéas (1) et (2), le tribunal se prononce tant sur l’existence que sur l’étendue du droit de propriété et ordonne, selon le cas, la restitution en nature ou l’octroi d’une compensation selon la présente loi.

(4) Les décisions de justice prononcées en vertu de l’alinéa (3) peuvent être attaquées par voie d’appel uniquement.

(5) Les demandes ou actions en justice formulées en vertu des alinéas (1) et (2) sont exemptées de droit de timbre. »

Chapitre VI
Dispositions transitoires et diverses

Article 41

« (1) Le paiement des sommes représentant des dédommagements approuvés par la Commission centrale d’indemnisation avant l’entrée en vigueur de la présente loi, ainsi que le paiement des sommes fixées par des jugements qui sont définitifs et irrévocables à la date d’entrée en vigueur de la présente loi, s’effectueront dans un délai de cinq ans à compter du 1er janvier 2014, par tranches annuelles égales.

(2) La valeur d’une tranche ne pourra être inférieure à 5 000 lei.

(3) En vue de l’exécution des obligations prévues au premier alinéa, la Commission nationale émettra des titres de paiement en dédommagement selon la procédure suivie par la Commission centrale d’indemnisation.

(4) Le titre de paiement sera émis par l’Autorité nationale pour la restitution des propriétés dans les conditions prévues par les alinéas (1) et (2) et sera payé par le ministère des Finances publiques dans un délai maximal de cent quatre-vingts jours à compter de son émission.

(5) Les obligations relatives à l’émission des titres de paiement en dédommagement établis par des jugements qui sont définitifs et irrévocables à la date d’entrée en vigueur de la présente loi seront exécutées conformément à l’article 21. »

Article 47

« (...)

(2) Lorsque deux ou plusieurs titres de propriété ont été délivrés pour tout ou partie d’un même terrain sur le même emplacement, la commission départementale aura compétence pour annuler intégralement ou partiellement les titres les plus récents.

(3) La commission départementale ordonnera l’émission d’un nouveau titre en remplacement du titre annulé ou, selon le cas, proposera l’octroi de mesures compensatoires conformément à la présente loi. »

C. Dispositions pertinentes des règlements d’application de la loi no 165/2013

71. Le 19 juin 2013, le gouvernement adopta les règlements d’application de la loi no 165/2013, entrés en vigueur le jour de leur publication au Journal officiel, le 29 juin 2013.

Les chapitres I et II des règlements contiennent des dispositions concernant la constitution et le mode de fonctionnement de la commission prévue à l’article 5 de la loi.

Le chapitre III décrit la procédure de conversion des points en numéraire prévue à l’article 31 de la loi, dont les articles pertinents en l’espèce se lisent ainsi :

Article 20

« (1) Lorsque les droits découlant des décisions de compensation ont été transmis ou convertis en partie dans le cadre des enchères ou en numéraire, l’Autorité nationale pour la restitution des propriétés délivrera des attestations de détention de points.

(2) En vertu de la décision de compensation émise au nom du titulaire du droit de propriété, des attestations de détention de points seront délivrées, à titre individuel, dans les cas suivants :

(...)

(3) La forme, le mode d’enregistrement et le délai de délivrance de l’attestation de détention de points seront fixés par ordre du président de l’Autorité nationale pour la restitution des propriétés.

(4) L’original de la décision de compensation sur la base de laquelle l’attestation de détention de points a été délivrée restera détenu par l’Autorité nationale pour la restitution des propriétés. »

Article 21

« (4) L’original du titre de paiement sera communiqué au ministère des Finances publiques et aux bénéficiaires.

(5) Aux fins de conversion du titre de paiement, un point équivaut à 1 leu.

(6) La procédure de paiement sera fixée par le ministère des Finances publiques au plus tard le 31 décembre 2016 et devra être approuvée par un ordre du ministre. »

Article 22

« (1) Les titres de paiement seront émis dans l’ordre d’enregistrement des dossiers de demande créés auprès de l’Autorité nationale pour la restitution des propriétés avant l’entrée en vigueur de la loi no 165/2013 et des titres de paiement en dédommagement délivrés en vertu de l’article 41 de la même loi.

(2) Pour chaque tranche annuelle, l’Autorité nationale pour la restitution des propriétés émettra un titre de paiement. Un original de ce titre sera transmis dans un délai de cinq jours à compter de son émission au ministère des Finances publiques et aux bénéficiaires.

(3) La procédure de paiement des titres mentionnés au premier paragraphe sera fixée par le ministère des Finances publiques au plus tard le 31 décembre 2013 et devra être approuvée par un ordre du ministre. »

72. Par l’ordonnance no 1857, entrée en vigueur le 26 novembre 2013, le ministre des Finances publiques approuva la procédure de paiement des montants figurant dans les titres de paiement émis conformément à l’article 41 § 4 de la loi no 165/2013. L’article 1 en est ainsi rédigé :

Article 1
Procédures de paiement

« (...)

(3) Les titres de paiement émis conformément à l’ordre du président de l’Autorité nationale pour la restitution des propriétés (...) sont transmis par cette dernière à un rythme hebdomadaire au ministère des Finances publiques, dans un délai de cinq jours à compter de leur émission. (...)

(6) Les paiements seront effectués par le ministère des Finances publiques dans un délai maximum de cent soixante-quinze jours à compter de la réception du titre, sans toutefois dépasser le délai prévu à l’article 41 § 4 de la loi no 165/2013. Ils seront traités par ordre chronologique à compter de la réception du titre par l’Autorité nationale pour la restitution des propriétés et dans la limite des crédits budgétaires ouverts à cet effet (...) »

D. La réglementation pertinente concernant l’évaluation des biens

73. Les dispositions pertinentes en l’espèce de la loi no 571/2003 sur le code fiscal se lisent ainsi :

Article 771

« (1) Lors du transfert du droit de propriété et des démembrements de celui-ci par actes entre vifs (...), les contribuables sont redevables d’un impôt (...)

(4) L’impôt (...) sera calculé à partir de la valeur déclarée par les parties auxquelles le droit de propriété est transféré (...) Lorsque la valeur déclarée est inférieure à la valeur de référence résultant de l’expertise établie par les soins de la chambre des notaires, l’impôt sera calculé en fonction de la valeur indiquée dans l’expertise (...)

(5) Les chambres des notaires mettront à jour au moins une fois par an les expertises relatives à la valeur transactionnelle des biens immeubles, qui seront communiquées aux directions territoriales du ministère des Finances. »

74. Selon l’ordonnance du gouvernement (ordonanţă de guvern) no 24/2011, entrée en vigueur le 5 septembre 2011, l’évaluation des biens immobiliers ne peut être faite que par des experts agréés par l’Association nationale des experts agréés de Roumanie, selon la procédure et dans les conditions définies par cette ordonnance.

EN DROIT

I. OBSERVATION PRÉLIMINAIRE

75. La Cour constate que certains requérants sont décédés alors que leur requête était pendante devant elle et que les héritiers mentionnés dans le tableau figurant en annexe l’ont informée de leur souhait de poursuivre la procédure entamée par feu les requérants. En l’espèce, rien ne s’oppose à ce que la Cour reconnaisse à ces héritiers qualité pour se substituer aux requérants décédés.

II. SUR LA JONCTION DES REQUȆTES

76. La Cour considère que, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, il y a lieu, en application de l’article 42 § 1 de son règlement, de joindre les requêtes, eu égard à leur similitude quant aux faits et aux questions juridiques qu’elles posent.

III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1 À LA CONVENTION EN RAISON DE L’INEFFICACITÉ DES LOIS DE RESTITUTION ET D’INDEMNISATION

A. Sur la recevabilité

1. Les thèses des parties

a) Le Gouvernement

77. Le Gouvernement excipe du non-épuisement des voies de recours internes. Il indique à cet égard que la loi no 165/2013, entrée en vigueur le 20 mai 2013 et complétée par ses règlements d’application adoptés le 19 juin 2013, a modifié significativement le mécanisme de restitution et d’indemnisation pour les biens confisqués ou nationalisés par le régime communiste et que cette loi permet maintenant de remédier de manière effective aux griefs que les requérants tirent de l’article 6 de la Convention et de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention.

78. Le Gouvernement précise que la loi no 165/2013 a été adoptée en réponse à l’arrêt pilote rendu par la Cour et après une coopération avec les organes de la Convention. Cette loi offrirait non seulement aux requérants dans la présente affaire et aux requérants ayant formulé des griefs similaires, mais aussi à toute personne concernée un remède effectif à leurs griefs portant sur le fonctionnement du mécanisme de restitution et d’indemnisation. Opérant selon le Gouvernement une véritable refonte des lois en la matière, avec de nouvelles règles de procédure claires et simplifiées, la loi répondrait aux critiques formulées par la Cour dans son arrêt pilote. Elle introduirait, notamment, des délais contraignants pour les étapes administratives de la procédure, un contrôle juridictionnel effectif et un échelonnement des indemnisations.

Aussi les requérants devraient-ils être tenus d’exercer le recours, accessible et effectif aux yeux du Gouvernement, prévu par la loi no 165/2013.

i. Aperçu des modifications introduites par la loi no 165/2013

79. Le Gouvernement considère tout d’abord que le mécanisme de restitution tel que modifié par la loi no 165/2013 répond aux critiques formulées par la Cour dans l’arrêt pilote Maria Atanasiu et autres (précité). Il indique à cet égard que, contrairement aux lois antérieures, la loi no 165/2013 introduit des délais stricts et réalistes pour toutes les étapes administratives, assortis de sanctions en cas de non-respect et d’un contrôle juridictionnel, et que les actions en justice concernant l’application de cette loi seront exemptées des frais de justice. Il précise en outre que la nouvelle loi fournit une approche unitaire de la question de la restitution des propriétés en fixant le cadre et les principes de la restitution. Il ajoute que les dispositions sont complétées par les autres lois de réparation, qui resteraient applicables pour autant que leurs dispositions ne sont pas contraires à la nouvelle loi.

Le Gouvernement résume comme suit les modifications apportées par la loi no 165/2013 au système de restitution et de réparation.

80. La nouvelle loi pose comme principe essentiel la restitution en nature et prévoit une procédure visant à assurer la cohérence, la stabilité et la prévisibilité du système de réparation mis en place pour remédier aux situations où la restitution n’est pas possible.

81. En ce qui concerne les terrains, les autorités procéderont d’abord à l’inventaire des terrains disponibles et à la centralisation des demandes de restitution pour dresser un tableau comparatif de ces données. Cette étape préliminaire sera suivie du règlement des demandes par les autorités locales, consistant soit dans la restitution de l’ancien terrain soit dans l’octroi d’un autre terrain, à finaliser au plus tard le 1er janvier 2016.

82. De plus, la loi prévoit la création de nouvelles structures, à savoir les commissions locales chargées de l’inventaire des terrains. Dans un délai de cent quatre-vingts jours suivant leur constitution, ces commissions dresseront l’inventaire des terrains agricoles et forestiers qui se trouvent dans la propriété publique ou privée de l’État ou de ses unités administratives territoriales et qui sont susceptibles de faire l’objet d’une restitution en nature aux anciens propriétaires. L’inventaire dressé par chaque commission sera soumis pour approbation à l’Agence nationale du cadastre et de la publicité immobilière (« l’ANCPI ») et aux commissions départementales du fonds foncier. Ces dernières centraliseront les inventaires effectués au niveau local et transmettront les résultats à l’Agence des domaines de l’État (« l’ADE ») ainsi qu’à l’Autorité nationale pour la restitution des propriétés (« l’ANRP »).

Dans un délai de cent vingt jours à compter de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, les commissions locales devront centraliser les demandes de restitution enregistrées afin de déterminer la surface de terrain nécessaire aux restitutions. Elles transmettront les résultats à la commission départementale dans le même délai.

Avant le 1er mars 2014, l’ANCPI dressera un état des lieux comparatif des demandes de restitution, d’un côté, et des terrains disponibles dans chaque département et pour l’ensemble du pays, de l’autre. Cet état des lieux sera communiqué à l’ANRP et à l’ADE.

83. Afin de parer au risque qu’un même terrain fasse l’objet de titres de propriété concurrents, la nouvelle loi prévoit que les procédures en cours au moment de son entrée en vigueur seront suspendues jusqu’à la centralisation des inventaires par les commissions départementales. Cet ajournement ne vise pas les décisions de justice passées en force de chose jugée.

84. La nouvelle loi fixe un critère strict pour le traitement et le règlement des demandes de restitution, qui est la date d’enregistrement des demandes initiales auprès des autorités compétentes.

Les autorités locales compétentes devront prendre une décision en réponse à chaque demande de restitution, émettre les titres de propriété et s’assurer de la prise de possession par les bénéficiaires avant le 1er janvier 2016.

85. S’agissant des situations où deux ou plusieurs titres de propriété ont été délivrés pour tout ou partie d’un même terrain, la commission départementale de restitution devra annuler intégralement ou partiellement les titres les plus récents. Une fois qu’un titre aura été annulé, la commission délivrera un nouveau titre de propriété ou, selon le cas, proposera l’octroi d’un dédommagement.

Les tribunaux pourront, à la demande de la personne concernée, contrôler la légalité des mesures prises dans ce contexte.

86. Lorsque la restitution en nature de l’immeuble ou d’un terrain n’est pas possible, il sera procédé à l’octroi d’une compensation à hauteur de la valeur du bien.

87. La loi introduit en outre un système d’évaluation des biens unitaire, prévisible et objectif.

Ainsi, la valeur des immeubles concernés sera déterminée à partir d’une valeur arrêtée lors de l’entrée en vigueur de la loi et figurant dans le tableau d’évaluation des biens immeubles utilisé par les notaires (grila notarială) dans chaque département.

88. Les dédommagements octroyés seront calculés selon les dispositions de la loi no 165/2013 et seront exprimés en points. Un point équivaudra à 1 leu (RON). Les points octroyés serviront : a) à acquérir des biens immeubles appartenant à l’État dans le cadre des ventes aux enchères qui seront organisées en vidéoconférence à partir du 1er janvier 2016 ; b) à obtenir une indemnisation pécuniaire, si le bénéficiaire le souhaite ou s’il n’a pas pu acquérir un bien lors des ventes aux enchères.

La conversion des points en numéraire se fera dans un délai de trois ans à compter de la date de la décision d’indemnisation, mais au plus tôt le 1er janvier 2017.

La nouvelle loi prévoit également des délais stricts et une procédure détaillée pour les ventes aux enchères, y compris en ce qui concerne l’inscription au livre foncier des immeubles ainsi adjugés.

89. Le paiement des dédommagements s’effectuera de manière échelonnée sur une période de sept ans. À cette fin, le bénéficiaire devra demander annuellement à l’ANRP l’émission d’un titre de paiement.

L’omission par l’ANRP d’émettre un titre de paiement pourra être soumise au contrôle des tribunaux par le biais de la procédure du contentieux administratif.

90. Les dédommagements calculés et octroyés avant l’entrée en vigueur de la loi no 165/2013 par une décision de la Commission centrale d’indemnisation ou par une décision de justice définitive seront payés, après émission d’un titre de paiement par l’autorité compétente mentionnée par la loi no 165/2013, en cinq tranches annuelles égales à compter du 1er janvier 2014.

91. L’État a fait le choix d’échelonner le paiement des dédommagements afin d’être en mesure de respecter les engagements qu’il a pris lors de la conclusion d’accords de prêt avec des partenaires étrangers (la Commission européenne, le Fonds monétaire international et la Banque mondiale) au sujet des cibles du déficit budgétaire et des objectifs du déficit structurel tels que prévus par le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans le cadre de l’Union économique et monétaire, signé par la Roumanie le 2 mars 2012.

92. Si l’État a fait le choix de ne pas indexer sur l’inflation les sommes octroyées, c’est parce qu’il a pris en compte les difficultés économiques et financières auxquelles il doit faire face actuellement et également parce qu’il a opté pour le non-plafonnement des dédommagements.

93. Le contrôle juridictionnel aura trait tant à l’existence qu’à la portée du droit de propriété, le tribunal pouvant ordonner la restitution du bien ou l’octroi d’une compensation, selon le cas. Le tribunal pourra établir lui-même la valeur de l’immeuble sur la base des critères définis par la loi no 165/2013.

Les décisions des tribunaux seront susceptibles d’appel.

94. Afin de garantir l’application effective de la présente loi, un système spécifique de sanctions est prévu.

95. Par ailleurs, les autorités ont mis en place un comité interministériel en charge du suivi de l’application de la législation en la matière, tandis que l’ANRP devra élaborer des rapports semestriels ou trimestriels portant sur l’application de la nouvelle législation.

96. Depuis l’entrée en vigueur de la loi no 165/2013, la Commission nationale s`est réunie 14 fois, a examiné plus de 900 dossiers concernant des dédommagements visant des terrains et des immeubles et a déjà émis 70 décisions de dédommagement (en points).

ii. Quant à l’efficacité de la loi no 165/2013 pour les présentes affaires

97. En ce qui concerne les présentes affaires, le Gouvernement exprime les points de vue ci-dessous.

Dans la mesure où Mme Preda (requête no 9584/02) se plaint de la détention par un tiers d’un titre de propriété pour son terrain, l’article 47 de la loi no 165/2013 lui permettrait d’obtenir l’annulation du titre le plus récent, à savoir celui du tiers.

98. Les héritiers de M. Mocănaşu (requête no 33514/02) pourraient se voir dédommager en suivant la procédure prévue par l’article 41 de la loi no 165/2013, qui requiert d’abord l’émission d’un nouveau titre de paiement.

99. M. Corocleanu (requête no 38052/02) aurait la possibilité d’obtenir un dédommagement pour l’immeuble situé à Sibiu (paragraphe 28 ci-dessus) en suivant la procédure décrite dans les chapitres III et IV de la loi no 165/2013. Bien que son droit à être indemnisé ait été reconnu en 2006, compte tenu du fait que le montant du dédommagement n’avait pas été fixé avant l’entrée en vigueur de la loi no 165/2013, celle-ci exige que les autorités locales de Sibiu procèdent à une nouvelle vérification du droit du requérant à être indemnisé et le reconfirment par le biais d’une décision. Une fois ce droit reconnu, le requérant devra mener la procédure en fixation du montant du dédommagement puis la procédure de paiement, et passer par la phase d’octroi des points et de possibilité de participation à des ventes aux enchères.

100. M. Butoi (requête no 25821/03) pourrait bénéficier pleinement des dispositions de la loi no 165/2013, notamment de ses articles 21 et 32, en complétant le dossier enregistré auprès des autorités compétentes et en soumettant les documents qui lui ont été ou lui seront demandés. S’il omet de compléter le dossier et de présenter tous les documents demandés, il ne pourra pas bénéficier d’un droit à indemnisation.

101. En se conformant à la procédure décrite à l’article 35 §§ 2 à 5 de la loi, Mme Orendi (requête no 29652/03) pourrait obtenir rapidement une décision d’octroi suivie du paiement d’un dédommagement tel qu’ordonné par la décision de la cour d’appel de Alba-Iulia du 28 avril 2011.

102. Mme et M. Rodan (requête no 3736/03) pourraient bénéficier d’un dédommagement en vertu de l’article 32 de la nouvelle loi à condition de respecter la procédure qui y est décrite.

103. Il ressort de la lettre des autorités locales (paragraphe 47 ci-dessus) que l’article 47 de la loi permettrait à Mme et M. Burcea (requête no 17750/03) d’obtenir l’annulation de tout titre émis en faveur d’un tiers à une date postérieure à l’émission du leur.

104. Enfin, la procédure décrite ci-dessus (paragraphe 99) quant à la requête introduite par M. Corocleanu est applicable également dans le cas de MM. Alexandru Baizath, Francisc et Istvan Bajsat, et Mmes Susana Konradi et Victoria Bajzat (requête no 28688/04) au sujet de leur droit à restitution en tant qu’héritiers de B.S. Le Gouvernement renvoie sur ce point à la lettre des autorités locales du mois d’octobre 2013 (paragraphe 59 ci-dessus).

b) Les requérants

105. La plupart des requérants précisent d’emblée qu’ils ne refuseront aucune satisfaction qui leur serait offerte sur le fondement de la loi no 165/2013.

Néanmoins, ils se déclarent opposés à l’engagement d’une nouvelle procédure, alléguant qu’ils ne sont pas censés exercer un recours mis en place, selon eux, de nombreuses années après l’introduction de leurs requêtes.

106. Se référant à leur propre requête, ils considèrent que les nouveaux délais établis par la loi no 165/2013 sont humiliants et disproportionnés. Ils argüent que l’obligation qui leur serait faite d’engager la procédure prévue par la loi no 165/2013 ferait peser sur eux une charge disproportionnée. Ils mentionnent à cet égard leur âge avancé et les multiples démarches qu’ils auraient déjà effectuées jusqu’à ce jour, pendant de nombreuses années, en vue d’obtenir la restitution de leur bien ou un dédommagement.

107. Par ailleurs, les requérants émettent des doutes quant à l’efficacité du nouveau mécanisme de restitution. Ils soutiennent que la loi no 165/2013 n’offre pas plus de sécurité juridique que les lois de restitution antérieures et qu’elle manque de prévisibilité et de transparence. Ils sont d’avis que, en l’absence de volonté politique de régler les dysfonctionnements structurels, les nouveaux délais fixés par la loi no 165/20013 ne seront pas plus tenus que ne l’auraient été les délais fixés par les précédentes lois.

Ils indiquent en outre qu’aucune compensation n’est prévue en cas de non-respect des délais prescrits.

Ils ajoutent enfin que, en tout état de cause, la loi no 165/2013 ne fait que retarder la date de restitution d’un bien ou de paiement d’un dédommagement.

2. Appréciation de la Cour

a) Principes généraux

108. La Cour rappelle que la règle de l’épuisement des voies de recours internes est une partie indispensable du fonctionnement du mécanisme de sauvegarde instauré par la Convention. Les États doivent avoir la possibilité de redresser la situation dans leur ordre juridique interne avant de répondre de leurs actes devant un organisme international. Les personnes désireuses de se prévaloir de la compétence de contrôle de la Cour en ce qui concerne les griefs dirigés contre un État ont donc l’obligation d’utiliser auparavant les recours qu’offre le système juridique de leur pays (voir, parmi beaucoup d’autres, Akdivar et autres c. Turquie, 16 septembre 1996, § 65, Recueil des arrêts et décisions 1996‑IV).

109. La Cour a par ailleurs souligné avec vigueur le caractère subsidiaire du mécanisme de la Convention et les limitations qui s’ensuivent quant à son propre rôle. Elle a ainsi réaffirmé qu’il ne seyait pas à sa fonction de juridiction internationale de se prononcer sur un grand nombre d’affaires qui supposent d’établir les faits de base ou de calculer une compensation financière – deux tâches, qui, par principe et dans un souci d’effectivité, incombent aux juridictions internes (Demopoulos et autres c. Turquie (déc.) [GC], nos 46113/99, 3843/02, 13751/02, 13466/03, 10200/04, 14163/04, 19993/04 et 21819/04, § 69, CEDH 2010).

110. La Cour rappelle en outre que les dispositions de l’article 35 de la Convention prescrivent l’épuisement des seuls recours à la fois relatifs aux violations incriminées, disponibles et adéquats. Ces recours doivent exister à un degré suffisant de certitude non seulement en théorie mais aussi en pratique, sans quoi leur manquent l’effectivité et l’accessibilité voulues (voir, entre autres, Akdivar et autres, précité, § 66, et Dalia c. France, 19 février 1998, § 38, Recueil 1998-I).

111. De surcroît, la Cour rappelle qu’elle doit appliquer la règle de l’épuisement des voies de recours internes en tenant dûment compte du contexte : le mécanisme de sauvegarde des droits de l’homme que les Parties contractantes sont convenues d’instaurer. Elle a ainsi reconnu que l’article 35 § 1 de la Convention doit s’appliquer avec une certaine souplesse et sans formalisme excessif. La règle de l’épuisement des voies de recours internes ne s’accommode pas d’une application automatique et ne revêt pas un caractère absolu ; en en contrôlant le respect, il faut avoir égard aux circonstances de la cause. Cela signifie notamment que la Cour doit tenir compte de manière réaliste du contexte juridique et politique dans lequel les recours s’inscrivent ainsi que de la situation personnelle des requérants (voir, par exemple, Akdivar et autres, précité, § 69, Aksoy c. Turquie, 18 décembre 1996, § 53, Recueil 1996‑VI, et Menteş et autres c. Turquie, 28 novembre 1997, § 58, Recueil 1997‑VIII).

112. De plus, selon les « principes de droit international généralement reconnus », certaines circonstances particulières peuvent dispenser les requérants de l’obligation d’épuiser les recours internes qui s’offrent à eux (Selmouni c. France [GC], no 25803/94, § 75, CEDH 1999‑V). Cependant, le simple fait de nourrir des doutes quant aux perspectives de succès d’un recours interne donné qui n’est pas de toute évidence voué à l’échec ne peut à lui seul justifier la non-utilisation de ce recours (Akdivar et autres, précité, § 71, et Van Oosterwijck c. Belgique, 6 novembre 1980, § 37, série A no 40 ; voir aussi Giacometti et autres c. Italie (déc.), no 34939/97, CEDH 2001‑XII).

113. La Cour rappelle également que l’épuisement des voies de recours internes s’apprécie en principe à la date de l’introduction de la requête devant elle. Toutefois, des exceptions à cette règle peuvent se justifier par les circonstances d’une affaire donnée (voir la décision précitée Demopoulos et autres, § 87, avec les références qui y sont citées).

En particulier, la Cour rappelle s’être écartée de ce principe général dans des affaires examinées à la suite d’un arrêt de principe ou d’un arrêt pilote, par exemple dans des affaires dirigées contre l’Italie, la Pologne, la Russie et la Grèce concernant des voies de recours visant la durée de procédure (Brusco c. Italie (déc.), no 69789/01, CEDH 2001‑IX, Charzyński c. Pologne (déc.), no 15212/03, CEDH 2005‑V, Nagovitsyn et Nalgiyev c. Russie (déc.), nos 27451/09 et 60650/09, 23 septembre 2010, et Techniki Olympiaki A.E. c. Grèce (déc.), no 40547/10, 1er octobre 2013), dans une affaire dirigée contre la Moldova (Bălan c. Moldova (déc.), no 44746/08, 24 janvier 2012) concernant un nouveau recours visant l’inexécution prolongée de décisions judiciaires, ou encore dans une affaire dirigée contre la Turquie (İçyer c. Turquie (déc.), no 18888/02, CEDH 2006‑I) concernant un nouveau recours indemnitaire visant l’ingérence dans le droit de propriété. Les voies de recours en cause dans ces affaires avaient été instaurées pour vider au niveau interne les griefs fondés sur la Convention présentés par des personnes dont les requêtes pendantes devant la Cour portaient sur des problèmes similaires.

b) Les mesures indiquées par la Cour dans son arrêt pilote Maria Atanasiu et autres c. Roumanie

114. La Cour a déjà eu à connaître d’un grand nombre de requêtes dirigées contre la Roumanie exposant des griefs relatifs à des droits à restitution ou à indemnisation pour des biens confisqués ou nationalisés par l’État sous le régime communiste. Après avoir constaté dans de nombreux arrêts l’inefficacité du mécanisme d’indemnisation ou de restitution mis en place par les autorités roumaines et conclu à la violation de l’article 6 de la Convention et de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention, la Cour, se prévalant de l’article 46 de la Convention, a indiqué au Gouvernement que des mesures générales s’imposaient pour permettre la réalisation effective et rapide du droit à restitution (voir, entre autres, Viaşu c. Roumanie, no 75951/01, §§ 75-83, 9 décembre 2008, concernant le non-paiement de dédommagements dus en raison de l’impossibilité de restituer un terrain ; Faimblat c. Roumanie, no 23066/02, §§ 48-54, 13 janvier 2009, concernant le refus d’un tribunal de statuer sur une action visant à la constatation de l’illégalité de la nationalisation d’un immeuble, combiné avec le non-respect par l’administration des délais fixés par la loi de restitution, et Katz c. Roumanie, no 29739/03, §§ 30-36, 20 janvier 2009, concernant la coexistence de deux titres de propriété pour le même bien immeuble).

115. Dans son arrêt Maria Atanasiu et autres (précité), la Cour est parvenue à la conclusion que l’inefficacité du mécanisme d’indemnisation dont elle avait fait le constat dans les arrêts susmentionnés, ainsi que dans de nombreux autres arrêts, constituait un problème récurrent et à grande échelle. En dépit des arrêts susmentionnés et des mesures générales qui y étaient indiquées, le nombre de constats de violation de la Convention n’a cessé de croître, tandis que plusieurs centaines de requêtes similaires étaient pendantes devant la Cour. Jugeant qu’une telle situation représentait non seulement un facteur aggravant quant à la responsabilité de l’État au regard de la Convention, mais également une menace pour l’effectivité à l’avenir du dispositif de contrôle mis en place par la Convention, la Cour a décidé d’appliquer la procédure de l’arrêt pilote (Maria Atanasiu et autres, précité, §§ 215-218).

Elle a invité l’État défendeur à prendre des mesures pour mettre un terme à la situation structurelle constatée. Tout en jugeant qu’il convenait de laisser à ce dernier une ample marge d’appréciation quant au choix des mesures à prendre à cet effet, la Cour s’est référée aux faiblesses constatées du mécanisme de restitution et a indiqué, à titre d’exemple, quelques pistes à explorer par le gouvernement défendeur afin que le respect des droits énoncés à l’article 6 de la Convention et à l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention puisse être garanti : l’amendement du mécanisme de restitution par le biais d’une refonte législative destinée à fournir des règles de procédure claires, accessibles, simplifiées et prévisibles, doublées d’une pratique judiciaire et administrative cohérente, l’établissement de délais contraignants pour l’ensemble des étapes administratives, le plafonnement des indemnisations ou leur échelonnement et, enfin, un contrôle juridictionnel effectif (idem, §§ 231-236).

116. Compte tenu du nombre très important de requêtes dirigées contre la Roumanie portant sur le même type de contentieux, la Cour a aussi décidé d’ajourner l’examen de toutes les requêtes résultant de la même problématique générale, en attendant l’adoption par les autorités roumaines de mesures aptes à offrir un redressement adéquat à l’ensemble des personnes concernées par les lois de réparation (idem, § 241).

c) Application aux présentes requêtes des principes susmentionnés relatifs à l’épuisement des voies de recours

117. La Cour relève à titre liminaire que les huit requêtes à l’étude sont les premières requêtes non encore déclarées recevables à être examinées depuis la procédure de l’arrêt pilote suivie dans l’affaire Maria Atanasiu et autres (précitée).

118. Elle est consciente de la complexité factuelle des affaires qui ont trait à des procédures judiciaires et/ou administratives en restitution ou en indemnisation concernant des biens passés dans le patrimoine de l’État pendant le régime communiste. Cette complexité est due tant au temps écoulé depuis la dépossession subie par les victimes qu’à l’évolution des solutions politiques et juridiques envisagées depuis la chute du régime.

C’est à la lumière de ces considérations et des observations formulées par les parties que la Cour se prononcera sur l’efficacité, pour la situation des requérants, des remèdes proposés par le dispositif qu’ont introduit la loi no 165/2013 et ses règlements d’application.

i. Quant aux recours prévus par la loi no 165/2013

119. La Cour note d’emblée que la loi susmentionnée n’abroge pas les lois antérieures en matière de restitution : elle les complète et, sur certains points, les modifie.

Cela dit, la loi établit en premier lieu l’obligation d’examen par les autorités concernées des demandes de restitution enregistrées auprès d’elles et non encore réglées, qu’il s’agisse de terrains ou d’immeubles (articles 4, 8 et 33 de la loi no 165/2013). En cas d’impossibilité de restitution en nature, la loi confirme aussi l’obligation d’examen des demandes de dédommagement enregistrées et non réglées lors de son entrée en vigueur.

120. La loi introduit une nouvelle procédure d’octroi de compensations, ces dernières étant exprimées en points. Les compensations donnent droit à la participation à des ventes aux enchères publiques organisées en vidéoconférence, et éventuellement, lorsque les points n’ont pas été utilisés pour l’achat de biens lors de ces ventes, à un dédommagement en numéraire. Le montant des dédommagements est calculé en fonction de la valeur marchande (valoarea de circulaţie) du bien et est payable d’une manière échelonnée (articles 3 § 7 et 16 à 31 de la loi).

121. La loi fixe des délais précis pour chaque étape administrative (voir, par exemple, les articles 5, 8, 11, 27, 31 à 34 et 41 de la loi) et elle prévoit la possibilité d’un contrôle juridictionnel qui permet aux tribunaux non seulement de vérifier la légalité des décisions administratives, mais également de subroger les autorités administratives en prononçant, si nécessaire, une décision d’octroi de la propriété d’un bien ou d’octroi d’une compensation.

122. Les actions en justice introduites en vertu de la loi no 165/2013 sont exemptes de droit de timbre (article 35 de la loi).

123. En cas de coexistence de plusieurs titres de propriété se rapportant au même terrain, la loi prévoit l’annulation du/des titre(s) de propriété le(s) plus récent(s) et l’octroi d’une compensation (article 47 de la loi).

124. En revanche, en dépit des mesures générales indiquées dans l’arrêt Katz (précité), ni l’article 32 invoqué par le Gouvernement ni aucun autre article de la loi no 165/2013 ne contiennent de dispositions procédurales ou matérielles visant à régler la question du sort des décisions de justice définitives qui ont validé des titres de propriété concurrents pour un immeuble bâti (paragraphe 85 ci-dessus).

En outre, aucune autre voie procédurale n’est ouverte aux anciens propriétaires qui, ne pouvant pas bénéficier d’une restitution en nature, auraient droit à un dédommagement, lorsque le fait rendant la restitution impossible s’est produit ou a été confirmé après l’expiration des délais fixés pour l’introduction d’une demande en dédommagement (paragraphe 69 ci-dessus).

125. En ce qui concerne le paiement effectif des compensations octroyées, la loi no 165/2013 met en place un système d’échelonnement des paiements selon lequel les personnes disposant, à la date d’entrée en vigueur de la loi, d’une créance née d’une décision de justice ou administrative, recevront un dédommagement payable sur une période de cinq ans (article 41 § 1 de la loi). Les personnes qui se verront reconnaître une créance après l’entrée en vigueur de la loi et sur le fondement de celle-ci obtiendront le paiement du dédommagement ainsi octroyé sur une période de sept ans (article 31 § 2 de la loi).

126. La Cour rappelle la large marge d’appréciation dont disposent les États pour choisir les solutions qui leur conviennent le mieux s’agissant, comme en l’espèce, de réformes économiques, sociales ou autres de grande envergure, qui visent à effacer certaines conséquences d’un régime totalitaire et à assurer la transition vers une forme démocratique de gouvernement (voir, par exemple, Demopoulos et autres, décision précitée, § 117, Maria Atanasiu et autres, précité, §§ 170-172).

127. Elle rappelle également que, en cas de privation de propriété au sens de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention, des impératifs d’intérêt général peuvent militer pour un remboursement inférieur à la pleine valeur marchande du bien, pourvu que la somme versée soit raisonnablement en rapport avec la valeur du bien (James et autres c. Royaume-Uni, 21 février 1986, § 54, série A no 98, Lithgow et autres c. Royaume-Uni, 8 juillet 1986, § 120, série A no 102, et Scordino c. Italie (no 1) [GC], no 36813/97, §§ 95 et suivants, CEDH 2006-V).

La Cour respecte la manière dont l’État conçoit les impératifs de l’intérêt général, sauf si son jugement se révèle manifestement dépourvu de base raisonnable (Mellacher et autres c. Autriche, 19 décembre 1989, § 45, série A no 169).

128. La Cour rappelle enfin avoir déjà jugé que des mesures d’aménagement du règlement des créances dues par l’État en vertu de décisions de justice définitives, telles que l’échelonnement de leur paiement, prises afin de sauvegarder l’équilibre budgétaire entre les dépenses et les recettes publiques, poursuivaient un but d’utilité publique et ménageaient un juste équilibre entre les différents intérêts en jeu, eu égard au respect du mécanisme mis en place et à la diligence dont les autorités avaient fait preuve dans son exécution (Dumitru et autres (déc.), no 57265/08, §§ 47-52, 4 septembre 2012).

129. Compte tenu de ce qui précède et eu égard à la marge d’appréciation de l’État roumain et aux garanties susmentionnées offertes, à savoir des règles de procédure claires et prévisibles, assorties de délais contraignants et d’un contrôle juridictionnel effectif, la Cour estime que la loi no 165/2013 offre, en principe, un cadre accessible et effectif pour le redressement de griefs relatifs à des atteintes au droit au respect des biens au sens de l’article 1 du Protocole no 1 dues à l’application des lois de restitution notamment dans les situations suivantes : coexistence de titres de propriété concurrents pour un même terrain, annulation d’un titre de propriété en l’absence de remise en cause du droit à restitution ou à indemnisation, délivrance d’une décision définitive confirmant le droit à une indemnisation dont le montant n’est pas déterminé, absence de règlement de la somme octroyée en guise d’indemnisation par une décision définitive et l’absence prolongée de décision en réponse à une demande de restitution.

130. La Cour constate en revanche que la loi no 165/2013 ne prévoit aucune disposition, de nature procédurale ou matérielle, apte à fournir un redressement dans les situations dans lesquelles coexistent plusieurs titres de propriété pour un même immeuble bâti.

131. Elle note en outre que, au vu des délais fixés par la loi no 165/2013 pour les procédures administratives, auxquels peuvent s’ajouter ceux liés à d’éventuelles procédures judiciaires, l’achèvement du processus et le règlement définitif des demandes peuvent prendre de nombreuses années. De l’avis de la Cour, une telle situation, exceptionnelle, est inhérente à la complexité factuelle et juridique entourant l’état de biens nationalisés ou confisqués il y a plus de soixante ans et qui ont connu depuis de nombreux changements de propriétaire et/ou d’usage.

Eu égard au caractère singulier de pareille situation, la Cour considère que de tels délais ne sauraient, per se, ni mettre en cause l’efficacité du mécanisme ainsi réformé ni être considérés de prime abord comme contraires à l’un des droits garantis par la Convention, notamment le droit, garanti par l’article 6 de la Convention, au délai raisonnable d’une procédure.

132. La Cour est consciente que, du fait de l’adoption récente de la loi no 165/2013, aucune pratique judiciaire et administrative quant à son application n’a pu encore se développer. Elle n’aperçoit cependant aucune raison de conclure à ce stade à l’inefficacité de ce nouveau remède dans les situations décrites ci-dessus (paragraphe 129 ci-dessus). Les doutes exprimés par les requérants quant aux chances de succès du nouveau dispositif législatif interne ne sauraient modifier la présente conclusion. La Cour se réserve néanmoins le droit d’examiner à l’avenir toute allégation d’inefficacité du nouveau dispositif législatif fondée sur son application concrète (voir, mutatis mutandis, Nogolica c. Croatie (déc.), no 77784/01, CEDH 2002‑VIII, et Nagovitsyn et Nalgiyev, décision précitée, § 30).

133. La Cour conclut dès lors que, à l’exception des situations dans lesquelles coexistent plusieurs titres de propriété se rapportant à un même immeuble bâti, la loi no 165/2013 offre en principe aux justiciables roumains la possibilité d’obtenir un redressement de leur grief au niveau interne (paragraphe 130 ci-dessus), possibilité dont il leur incombe de faire usage.

ii. Quant à la question de savoir si les requérants doivent épuiser les voies de recours offertes par la loi no 165/2013

134. La Cour observe d’emblée que les présentes requêtes ont été introduites avant l’entrée en vigueur de la loi no 165/2013. Toutefois, elle considère que les circonstances de l’espèce justifient une exception au principe général selon lequel c’est au moment de l’introduction de la requête que la Cour examine s’il a été satisfait à la condition de l’épuisement des voies de recours internes.

En effet, la Cour note que la loi susmentionnée s’inscrit dans une logique visant à permettre aux autorités roumaines compétentes de redresser les manquements relevés dans l’arrêt Maria Atanasiu et autres (précité) et, par conséquent, à réduire le nombre de requêtes soumises à son examen. Cela vaut tant pour les requêtes introduites après la date d’entrée en vigueur de la loi que pour celles qui, à la date en question, étaient déjà inscrites au rôle de la Cour. À cet égard, une importance particulière doit être attachée au fait que l’article 4 de la loi no 165/2013 se réfère explicitement aux requêtes déjà enregistrées au rôle de la Cour et qu’il vise à faire tomber dans le champ d’application des procédures y décrites toute requête pendante devant la Cour.

135. Dès lors, la Cour va entreprendre l’examen des griefs exposés dans les présentes requêtes afin de déterminer si, eu égard aux circonstances factuelles de celles-ci, les requérants sont tenus, ainsi que le requiert l’article 35 § 1 de la Convention, d’épuiser les voies de recours internes prévues par la loi no 165/2013 avant l’examen de leur requête par la Cour.

136. La Cour note que Mme Preda (requête no 9584/02) se plaint que le terrain qui lui a été restitué a également été octroyé à des tiers et qu’elle ne peut pas jouir pleinement de son bien.

Elle constate que la situation dénoncée est visée par les dispositions de l’article 47 de la loi no 165/2013, qui prévoit l’annulation du titre de propriété le plus récent et soit l’émission d’un nouveau titre en remplacement du titre annulé soit la proposition d’octroi d’une compensation.

Ce constat vaut aussi pour les requérants ayant introduit les requêtes nos 17750/03 et 28688/04, qui se plaignent de ne pas pouvoir jouir pleinement du terrain qui leur a été restitué du fait qu’il a été restitué également à d’autres personnes (no 17750/03), ou qui dénoncent l’annulation partielle de certains actes établis en leur faveur (no 28688/04).

137. La Cour constate ensuite que la procédure prévue par l’article 41 de la loi no 165/2013 permettrait aux héritiers de M. Mocănaşu (requête no 335142) de percevoir un dédommagement en vertu de la décision administrative rendue en 2008 par la Commission centrale d’indemnisation.

138. S’agissant de M. Corocleanu (requête no 38052/02), qui dispose depuis 2006 d’une décision administrative confirmant son droit à des dédommagements pour l’immeuble sis à Sibiu, la Cour estime qu’il peut faire valoir son droit en suivant les procédures décrites dans les chapitres III et IV de la loi no 165/2013.

139. Quant à M. Butoi (requête no 25821/03), la Cour observe qu’il avait déposé en 2002 un dossier en restitution d’un terrain intra-muros situé à Râşnov en invoquant la loi no 10/2001. Dès lors, elle estime, comme l’indique le Gouvernement, que l’héritier de M. Butoi peut obtenir une décision finale et l’octroi d’une compensation en suivant les procédures prévues par les articles 21 et 32 de la loi no 165/2013.

140. Elle note que la veuve de Reimar Karl Orendi (requête no 29652/03) s’est vu confirmer par une décision de justice définitive rendue en 2011 le droit à être indemnisée pour une quote-part d’une propriété constituée d’un terrain et d’un immeuble. Elle observe à cet égard que Mme Orendi pourrait obtenir la réalisation de son droit à indemnisation en se conformant à la procédure prévue par l’article 35 § 2 de la loi no 165/2013.

141. Enfin, concernant la requête no 3736/03, la Cour note qu’une décision de justice a reconnu, avec effet rétroactif, Mme Lydia Rodan comme propriétaire légitime de l’immeuble que l’État s’était approprié illégalement en 1950 et qu’elle a ordonné à l’État de le restituer aux héritiers, à savoir les requérants. Le droit de propriété ainsi reconnu n’était pas révocable et d’ailleurs, il n’a été ni infirmé ni contesté à ce jour.

Or, Mme et M. Rodan n’ont pu, à ce jour, faire exécuter intégralement cette décision de justice. Ils n’ont ni pu reprendre la possession de la partie de l’immeuble vendue par l’État à des tiers ni obtenir un dédommagement.

Comme constaté ci-dessus (paragraphes 124 et 133), ces requérants ne disposent d’aucun remède pour faire valoir leur droit de propriété découlant d’une décision de justice définitive. Par ailleurs, la Cour constate que le Gouvernement n’a mis en avant aucune autre voie de recours existant en droit interne qui permettrait aux requérants d’obtenir ou la jouissance de leur bien ou un dédommagement pour cette perte de jouissance. Dès lors, le non-épuisement ne saurait leur être opposable.

d) Conclusion

142. À la lumière de ce qui précède, la Cour considère que le grief tiré de l’article 1 du Protocole no 1 doit être rejeté pour non-épuisement des voies de recours internes, en application de l’article 35 § 4 de la Convention, en ce qui concerne les requêtes nos 9584/02, 33514/02, 38052/02, 25821/03, 29652/03, 17750/03 et 28688/04.

143. En ce qui concerne le grief des requérants ayant introduit la requête no 3736/03, elle rejette l’exception du Gouvernement tirée du non-épuisement des voies de recours internes. Enfin, constatant que ce grief ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité, elle le déclare recevable.

B. Quant au fond du grief soulevé dans la requête no 3736/03

144. Le Gouvernement soutient que Mme et M. Rodan pourraient obtenir un dédommagement en vertu de la loi no 165/2013.

145. Les requérants indiquent que leur droit de propriété sur l’appartement situé au premier étage de l’immeuble sis 28 rue Moise Nicoară, à Bucarest, confirmé par une décision de justice, n’a pas été annulé et qu’à ce jour ils n’ont pas été indemnisés de la perte de jouissance de ce bien.

146. La Cour rappelle avoir conclu, dans maintes affaires soulevant des questions semblables à celles de la présente espèce, à la violation de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention (voir, parmi d’autres, Străin et autres c. Roumanie, no 57001/00, §§ 39, 43 et 59, CEDH 2005‑VII, et Porteanu c. Roumanie, no 4596/03, §§ 32‑35, 16 février 2006). Elle a notamment jugé que le constat des tribunaux internes quant à l’illégalité de la nationalisation avait pour effet de reconnaître, avec effet rétroactif, l’existence d’un droit de propriété sur le bien en question (voir, parmi d’autres, Brumărescu c. Roumanie [GC], no 28342/95, § 70, CEDH 1999‑VII, Strain et autres, précité, §§ 26 et 38, Davidescu c. Roumanie, no 2252/02, § 47, 16 novembre 2006, Popescu et Dimeca c. Roumanie, no 17799/03, §§ 22 à 24, 9 décembre 2008, et Mărăcineanu c. Roumanie, no 35591/03, § 17, 9 février 2010). Elle a également conclu, dans le contexte législatif roumain régissant les actions en revendication immobilière et les lois de restitution permettant la vente aux locataires de biens soumis à restitution, que la vente par l’État du bien d’autrui, même lorsqu’elle est antérieure à la confirmation définitive en justice de l’existence de ce bien, s’analysait en une privation d’un bien au sens de la deuxième phrase du premier alinéa de l’article 1 du Protocole no 1.

147. En l’espèce, eu égard au constat du tribunal de première instance de Bucarest du 20 novembre 1998 quant à l’illégalité de l’occupation par l’État de l’immeuble en question, y compris de l’appartement situé au premier étage, et obligeant l’État à le rendre aux requérants, les propriétaires légitimes (paragraphe 37 ci-dessus), la Cour estime que ces derniers disposaient d’un « bien ».

148. La Cour réaffirme qu’une telle privation, résultant d’une mise en échec du droit de propriété des requérants, combinée avec l’absence totale d’indemnisation depuis de nombreuses années, est contraire à l’article 1 du Protocole no 1 (Brumărescu précité, § 79, Străin et autres, précité, §§ 39, 43 et 59, et Reichardt c. Roumanie, no 6111/04, § 24, 13 novembre 2008).

Elle note que, en l’espèce, le Gouvernement n’a exposé aucun fait ni argument pouvant la conduire à une conclusion différente de celle à laquelle elle a abouti dans les affaires précitées.

149. Par ailleurs, elle rappelle sa conclusion sur l’absence de voie de recours en droit interne permettant aux victimes d’une telle privation de propriété d’obtenir la jouissance de leur bien ou un dédommagement (paragraphes 124 et 130 ci-dessus).

150. Partant, la Cour conclut qu’il y a eu violation de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention en ce qui concerne le bien de Mme et M. Rodan.

IV. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 DE LA CONVENTION EN RAISON DE LA DURÉE DE LA PROCÉDURE

151. Les requérants Manole Corocleanu (requête no 38052/02), Ioan Butoi (requête no 25821/03) et Reimer Karl Orendi (requête no 29652/03) dénoncent également une violation de leur droit à ce que leur cause soit entendue dans un délai raisonnable en raison de la durée des procédures judiciaires civiles en restitution. Ils invoquent à cet égard l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »

152. La Cour note que la durée de la procédure est de dix ans et quatre mois dans la requête no 38052/02, de deux ans dans la requête no 25821/03, et de neuf ans et huit mois dans la requête no 29652/03.

153. Quant à la requête no 25821/03, elle observe que le grief a été introduit le 25 juillet 2003, soit plus de six mois après la décision définitive interne du 27 mars 1997. Il s’ensuit que ce grief est tardif et qu’il doit être rejeté, en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

154. S’agissant des requêtes nos 38052/02 et 29652/03, eu égard à l’ensemble des éléments dont elle dispose et des considérations qui précèdent, notamment le fait que la présente affaire s’inscrit dans le cadre de l’examen des mesures prises à la suite d’un arrêt pilote visant à mettre terme à une situation systémique (voir également le paragraphe 131 ci-dessus), la Cour considère que la durée des procédures dénoncée n’est pas déraisonnable au sens de l’article 6 § 1 de la Convention. Partant, elle conclut que cette partie des requêtes est manifestement mal fondée et qu’elle doit être rejetée, en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.

V. SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES

155. Les requérants invoquent également l’article 6 § 1 de la Convention pour les raisons énoncées ci-après.

Remettant en cause l’interprétation de la loi interne par les juges et contestant l’issue des procédures judiciaires civiles, tous les requérants dénoncent une violation de leur droit à une procédure équitable.

Les requérants Victoria Preda (no 9584/02), Alexandru Mocănaşu (no 33514/02), Ioan Butoi (no 25821/03), Reimar Karl Orendi (no 29652/03) et Ilinca et Năstase Burcea (no 17750/03) se plaignent aussi de l’ineffectivité des décisions judiciaires prononcées, au motif qu’à ce jour ces décisions n’auraient pas été exécutées, qu’il s’agisse du paiement d’un dédommagement ou de la restitution en nature du bien.

156. M. Orendi invoque en outre l’article 14 de la Convention combiné avec l’article 6 de la Convention et se plaint d’un traitement discriminatoire, Mme et M. Burcea dénoncent une violation de l’article 8 de la Convention et de l’article 4 du Protocole no 7 à la Convention, tandis que M. Corocleanu allègue une violation de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention, se plaignant de l’issue des procédures menées relativement aux autres biens dont il avait été dépossédé par le régime communiste (paragraphes 24, 25, 26, 29 et 30 ci-dessus).

157. Compte tenu de l’ensemble des éléments dont elle dispose et des conclusions auxquelles elle est parvenue (paragraphes 134-140 et 142 ci-dessus), et pour autant qu’elle est compétente pour connaître des allégations formulées, la Cour ne relève aucune apparence de violation des droits et libertés garantis par la Convention ou ses Protocoles.

Il s’ensuit que le restant des requêtes est manifestement mal fondé et qu’il doit être rejeté, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

VI. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

158. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage

159. Les requérants (requête no 3736/03) sollicitent 470 000 euros (EUR) pour préjudice matériel. Ils décomposent leur prétention comme suit : 350 000 EUR, montant qui représente à leurs yeux la valeur de l’appartement non restitué telle qu’elle ressortirait de plusieurs expertises présentées par eux, et 170 000 EUR, montant qui représente à leurs dires le montant des loyers qu’ils auraient pu percevoir s’ils avaient pu louer le bien depuis la date à laquelle les tribunaux ont confirmé leur droit de propriété.

Ils réclament aussi 20 000 EUR pour dommage moral.

160. Le Gouvernement se réfère à la valeur fiscale de l’appartement déterminée lors de sa vente aux locataires, qui serait de 232 000 RON. Il estime aussi que la Cour ne peut spéculer sur la somme qui aurait été tirée d’une location éventuelle du bien. Enfin, il invite la Cour à constater qu’un éventuel dommage moral serait suffisamment compensé par le constat d’une violation.

161. La Cour rappelle qu’un arrêt constatant une violation entraîne pour l’État défendeur l’obligation juridique de mettre un terme à la violation et d’en effacer les conséquences de manière à rétablir autant que faire se peut la situation antérieure à celle-ci (Iatridis c. Grèce (satisfaction équitable) [GC], no 31107/96, § 32, CEDH 2000-XI).

162. Elle estime, dans les circonstances de l’espèce, que la restitution de la jouissance du bien litigieux placerait les requérants dans la situation la plus proche possible de celle dans laquelle ils se trouveraient si les exigences de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention n’avaient pas été méconnues.

163. A défaut pour l’État défendeur de procéder à pareille restitution dans un délai de trois mois à compter du jour où le présent arrêt sera devenu définitif, la Cour décide qu’il devra verser aux requérants, pour dommage matériel, une somme correspondant à la valeur actuelle du bien (voir aussi Katz, précité, §§ 41-42).

164. En ce qui concerne la somme demandée pour le défaut d’usage de l’appartement, la Cour ne saurait spéculer sur la possibilité d’une location de l’appartement en question et sur les gains susceptibles d’en être tirés (Buzatu c. Roumanie, no 34642/97, § 18, 27 janvier 2005).

165. Elle observe l’écart important entre les sommes avancées par les parties quant à la valeur de l’appartement. Compte tenu des informations dont elle dispose, elle estime qu’il convient d’allouer à la partie requérante 200 000 EUR pour dommage matériel.

166. En outre, elle considère que les événements en cause ont entraîné des atteintes graves au droit des requérants au respect de leur bien, pour lesquelles la somme de 5 000 EUR représente une réparation équitable du préjudice moral subi.

B. Frais et dépens

167. Les requérants demandent également 3 300 EUR environ pour les frais et dépens exposés dans la procédure menée devant les juridictions internes et devant la Cour de 1995 à ce jour. Ils soumettent un décompte détaillé faisant état du paiement d’honoraires et de divers frais à cinq avocats entre 1995 et 2002. Ils demandent aussi le remboursement des frais – non chiffrés – qu’ils auraient engagés pour cinq voyages qu’ils disent avoir effectués en Roumanie depuis 1995.

168. Le Gouvernement estime que ces prétentions ne sont pas étayées.

169. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce, compte tenu des éléments dont elle dispose et des critères susmentionnés, la Cour estime raisonnable la somme de 3 000 EUR tous frais confondus et l’accorde conjointement aux requérants.

C. Intérêts moratoires

170. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Décide de joindre les requêtes ;

2. Déclare la requête no 3736/03 recevable quant au grief tiré de l’atteinte au droit au respect des biens des requérants, et irrecevable pour le surplus ;

3. Déclare les autres requêtes irrecevables ;

4. Dit qu’il y a eu violation de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention quant à Mme et M. Rodan ;

5. Dit

a) que l’État défendeur doit assurer aux requérants la jouissance de leur propriété, à savoir l’appartement situé au premier étage de l’immeuble sis 28 rue Moise Nicoară, tel que mentionné dans le jugement du 20 novembre 1998 passé en force de chose jugée, dans les trois mois à compter du jour où le présent arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention ;

b) qu’à défaut, l’État défendeur doit verser conjointement aux requérants, dans un délai de trois mois, 200 000 EUR (deux cent mille euros), pour dommage matériel, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt ;

c) qu’en tout état de cause, l’État défendeur doit verser conjointement aux requérants, dans les trois mois, les sommes suivantes :

i. 5 000 EUR (cinq mille euros), pour dommage moral, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt ;

ii. 3 000 EUR (trois mille euros), pour frais et dépens, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par les requérants ;

d) qu’à compter de l’expiration des délais mentionnés en b) et c) ci-dessus et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

6. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 29 avril 2014, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Santiago QuesadaJosep Casadevall
GreffierPrésident

ANNEXE

LISTE DES REQUÉRANTS

1. Requête no 9584/02, introduite le 3 décembre 2001 par Victoria Preda, née en 1939, ressortissante roumaine résidant à Ploieşti ;

2. requête no 33514/02, introduite le 19 août 2002 par Alexandru Mocănaşu, ressortissant roumain né le 10 juillet 1929, résidant à Jassy (Iaşi), décédé le 15 février 2005 ; procédure poursuivie par ses héritiers, Mihai Mocănaşu et Liliana Macovei ;

3. requête no 38052/02, introduite le 2 octobre 2002 par Manole Corocleanu, né en 1932, ressortissant roumain résidant à Braşov ;

4. requête no 25821/03, introduite le 25 juillet 2003 par Ioan Butoi, ressortissant roumain résidant à Râşnov, décédé le 26 octobre 2003 ; procédure continuée par son fils, Adrian Marcel Butoi, représenté par M. Gheorghe Morariu ;

5. requête no 29652/03, introduite le 25 août 2003 par Reimar Karl Orendi, ressortissant roumain né en 1933, résidant à Sibiu, décédé le 10 juin 2005 ; procédure continuée par sa veuve, Mariana Orendi ;

6. requête no 3736/03, introduite le 18 novembre 2002 par Rodica Rodan, née le 3 mai 1946, et par Sorin-Emanuel Rodan[3], né le 5 septembre 1954, ressortissants allemands résidant à Bâle (Suisse) ;

7. requête no 17750/03, introduite le 10 mars 2003 par Ilinca et Năstase Burcea, ressortissants roumains nés respectivement en 1928 et en 1958, résidant à Tătărăştii de Jos, représentés par Me Marian Popescu, avocat à Bucarest ;

8. requête no 28688/04, introduite le 9 juin 2004 par Alexandru Baizath, Francisc Bajsat et Istvan Bajsat et Susana Konradi et Victoria Bajzat, ressortissants roumains, nés respectivement en 1953, en 1947, en 1943, en 1941 et en 1949 et résidant à Nimigea (Bistriţa-Năsăud) ; représentés devant la Cour par Me Letiţia Mihaela Gavrilă, avocate à Bistriţa.

* * *

[1] Rectifié le 6 octobre 2014 : le texte était le suivant « Sorin Rodin ».

[2]. Délai porté à cent vingt jours par une loi portant modification de la loi n° 165/2013, adoptée le 19 novembre 2013 et envoyée au Président pour promulgation.

[3] Rectifié le 6 octobre 2014 : le texte était le suivant « Sorin Rodin ».


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