La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/04/2014 | CEDH | N°001-142188

CEDH | CEDH, AFFAIRE ORAN c. TURQUIE, 2014, 001-142188


DEUXIÈME SECTION

AFFAIRE ORAN c. TURQUIE

(Requêtes nos 28881/07 et 37920/07)

ARRÊT

STRASBOURG

15 avril 2014

DÉFINITIF

08/09/2014

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Oran c. Turquie,

La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant le 4 mars 2014 en une chambre composée de :

Guido Raimondi, président,
Işıl Karakaş,
András Sajó,
Nebojša Vučinić,
Hel

en Keller,
Paul Lemmens,
Robert Spano, juges,
et de Stanley Naismith, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 4 mars 2014,
...

DEUXIÈME SECTION

AFFAIRE ORAN c. TURQUIE

(Requêtes nos 28881/07 et 37920/07)

ARRÊT

STRASBOURG

15 avril 2014

DÉFINITIF

08/09/2014

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Oran c. Turquie,

La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant le 4 mars 2014 en une chambre composée de :

Guido Raimondi, président,
Işıl Karakaş,
András Sajó,
Nebojša Vučinić,
Helen Keller,
Paul Lemmens,
Robert Spano, juges,
et de Stanley Naismith, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 4 mars 2014,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouvent deux requêtes (nos 28881/07 et 37920/07) dirigées contre la République de Turquie et dont un ressortissant de cet Etat, M. Baskın Oran (« le requérant »), a saisi la Cour les 7 et 16 juillet 2007 respectivement en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Le requérant a été représenté par Me M. Gemalmaz, avocat à Istanbul. Le gouvernement turc (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent.

3. Le requérant alléguait une violation des articles 10 et 14 de la Convention respectivement combinés avec l’article 3 du Protocole no 1 ainsi qu’une violation de l’article 13 de la Convention.

4. Le 14 mars 2011, les requêtes ont été communiquées au Gouvernement.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

5. Le requérant est né en 1945 et réside à Ankara.

6. Professeur de sciences politiques à l’Université, il se présenta aux élections législatives du 22 juillet 2007, dans la deuxième circonscription d’Istanbul, en tant que candidat indépendant. À l’époque des faits, il n’était membre d’aucun parti politique.

A. Le contexte législatif des présentes requêtes

7. Pour une meilleure compréhension du contexte des présentes requêtes, la Cour estime utile de rappeler les circonstances dans lesquelles se sont déroulées les élections législatives du 22 juillet 2007. Pour ce faire, elle se réfère aux passages pertinents de l’arrêt Yumak et Sadak c. Turquie ([GC], no 10226/03, §§ 22-26, CEDH 2008) qui se lisent comme suit :

« 22. Au début du mois de mai 2007, l’Assemblée nationale vota la tenue d’élections législatives anticipées, qui furent fixées au 22 juillet 2007. Cette décision faisait suite à la crise politique résultant de l’incapacité du Parlement à élire un nouveau président de la République pour succéder à Ahmet Necdet Sezer avant l’expiration de son mandat unique de sept ans, le 16 mai 2007. Les élections législatives auraient normalement dû se dérouler le 4 novembre 2007.

23. Quatorze partis politiques ont pris part à ces élections, qui présentent deux caractéristiques. D’une part, une forte mobilisation de l’électorat a été observée à la suite de la crise présidentielle, puisque le taux de participation est remonté à 84 %. D’autre part, les partis politiques ont recouru à deux stratégies électorales afin de contourner le seuil national de 10 %. Premièrement, le DSP (Parti de la gauche démocratique) a participé au scrutin sous la bannière du CHP, parti rival, parvenant ainsi à faire élire treize députés. Deuxièmement, le DTP (Parti pour une société démocratique, pro-kurde, gauche) a présenté ses candidats indépendants sous l’étiquette de « Mille espoirs » et a également soutenu certains candidats turcs de gauche. Ce mouvement a été appuyé par d’autres petites formations ancrées à gauche, telles l’EMEP, le SDP et l’ÖDP (Parti de la liberté et de la démocratie, tendance socialiste). Plus de soixante candidats indépendants se sont ainsi présentés dans une quarantaine de circonscriptions départementales.

24. Lors de ces élections, l’AKP, le CHP et le MHP ont réussi à franchir la barre des 10 %. Avec 46,58 % des suffrages exprimés, l’AKP a remporté 341 sièges, soit 62 % des sièges. Le CHP, avec 20,88 % des voix, a fait élire 112 députés, ce qui représente 20,36 % des sièges ; cependant, les treize députés susmentionnés (paragraphe 23 ci-dessus) ont par la suite démissionné du CHP pour rejoindre le DSP, leur parti d’origine. Quant au MHP, avec 14,27 % des voix il a obtenu l’élection de 71 députés, soit 12,9 % des sièges.

25. L’entrée en force des indépendants est l’une des caractéristiques des élections du 22 juillet 2007. Ceux-ci avaient disparu de l’Assemblée nationale en 1980, mais étaient réapparus en 1999, avec trois députés. En 2002, ils étaient neuf, sur 260 candidats indépendants pour l’ensemble du pays. À l’issue des élections du 22 juillet 2007, vingt-six députés indépendants ont accédé à l’Assemblée nationale. En particulier, plus de vingt candidats de « Mille espoirs » ont été élus en obtenant environ 2,23 % des suffrages exprimés et ont rejoint le DTP après les élections. Le DTP, qui comptait vingt députés, nombre minimum pour former un groupe parlementaire, a ainsi pu constituer un tel groupe. Parmi ces indépendants figuraient également un député socialiste (ancien président de l’ÖDP), un député nationaliste (ancien président du BBP – Parti de la grande union, nationaliste) et un député centriste (ancien président de l’ANAP).

26. Le gouvernement a été constitué par l’AKP, qui a réussi à obtenir à nouveau la majorité absolue au Parlement. »

B. La requête no 28881/07

8. Conformément à l’article 94 II a) de la loi no 298, amendé par l’article 24 de la loi no 3270 du 28 mars 1986, les électeurs pouvaient voter, dans les bureaux de vote installés dans les postes de douane, pour les partis politiques mais non pour les candidats indépendants, parmi lesquels figurait le requérant.

9. Par un décret du 27 mai 2007, le Conseil électoral supérieur (Yüksek Seçim Kurulu) précisa en particulier avoir fixé au 25 juin 2007 et au 22 juillet 2007 respectivement les dates de début et de fin des élections législatives dans les bureaux de vote installés dans les postes de douane, pour les citoyens nationaux résidant à l’étranger depuis plus de six mois. Dans ce décret, le Conseil électoral supérieur précisait que les citoyens en question ne pouvaient voter dans ces bureaux de vote que pour les partis politiques.

10. Le 3 juillet 2007, se référant aux articles 67 et 90 § 6 de la Constitution ainsi qu’à l’article 3 du Protocole no 1 à la Convention, le requérant saisit le Conseil électoral supérieur pour demander l’annulation du décret du 27 mai 2007.

11. Le 4 juillet 2007, le Conseil électoral supérieur rejeta la demande du requérant en se fondant sur l’article 94 II a) de la loi no 298. Il précisa que cette disposition ne pouvait être modifiée que par un nouvel amendement législatif.

C. La requête no 37920/07

12. Conformément à l’article 52 § 1 de la loi no 298 sur les élections, les partis politiques participant aux élections avaient la possibilité de faire de la propagande électorale à la radio et à la télévision nationales (TRT) sous réserve de certaines conditions limitatives, notamment temporelles.

13. Le Conseil électoral supérieur surveillait l’application de la loi, qui prévoyait des sanctions en cas d’infraction aux dispositions relatives à la propagande électorale.

14. La propagande était autorisée du 15 au 21 juillet 2007, soit la semaine précédant les élections.

15. Selon le requérant, la loi n’autorise pas les candidats indépendants qui, comme lui, n’adhèrent par principe à aucun parti politique, à faire de la propagande à la radio et à la télévision nationales, pas plus que sur les chaînes privées.

16. Le requérant souligne que les élections du 22 juillet 2007 ont eu la particularité de comporter un nombre élevé de candidats indépendants. Ce phénomène inédit dériverait selon lui, d’une part, du seuil électoral de 10 % imposé lors des élections législatives et, d’autre part, du fait que la majorité de la population était insatisfaite, à l’époque des faits, de la performance des partis politiques, qu’ils soient au pouvoir ou dans l’opposition.

II. LE DROIT INTERNE PERTINENT

A. La Constitution (modifiée par les lois no 4121 du 23 juillet 1995 et no 4709 du 3 octobre 2001)

17. Les dispositions pertinentes de la Constitution en vigueur à l’époque des faits se lisaient ainsi :

Article 10

« Tous les individus sont égaux devant la loi, sans distinction fondée sur la langue, la race, la couleur, le sexe, l’opinion politique, la croyance philosophique, la religion, la secte ou des considérations similaires.

(...)

Les organes de l’État et les autorités administratives sont tenus d’agir conformément au principe de l’égalité devant la loi en toute circonstance. »

Article 67

« Les citoyens ont le droit de voter, d’être élus, de se livrer à des activités politiques de façon indépendante ou au sein d’un parti politique et de participer aux référendums conformément aux règles prévues par la loi.

Les élections et les référendums se déroulent sous l’administration et le contrôle du judiciaire et selon les principes du suffrage libre, égal, secret, à un seul tour et universel, et moyennant comptage et dépouillement publics du scrutin. Néanmoins, la loi arrête les dispositions adéquates pour permettre aux citoyens turcs se trouvant à l’étranger d’exercer leur droit de vote.

(...)

L’exercice de ces droits est réglementé par la loi.

(...) »

Article 79 § 1

« Les élections se déroulent sous l’administration générale et le contrôle des organes judiciaires. Il appartient au Conseil électoral supérieur d’effectuer et de faire effectuer du début jusqu’à la fin des élections toutes les opérations se rapportant à la tenue régulière et honnête des élections, d’examiner pendant et après les élections toutes les irrégularités, plaintes et contestations au sujet des élections et de statuer définitivement à leur endroit ainsi que d’approuver les procès-verbaux d’élection des membres de la Grande assemblée nationale de Turquie. Il ne peut être fait appel des décisions du Conseil électoral supérieur devant aucune instance.

Les pouvoirs et les attributions du Conseil électoral supérieur et des autres conseils électoraux sont réglementés par la loi.

Le Conseil électoral supérieur se compose de sept membres titulaires et de quatre membres suppléants. Six d’entre eux sont élus par l’Assemblée générale de la Cour de cassation et cinq par l’Assemblée générale du Conseil d’État parmi leurs propres membres, au scrutin secret et à la majorité absolue de leurs membres. Les membres du Conseil électoral supérieur désignent parmi eux, au scrutin secret et à la majorité absolue, un président et un vice-président.

Deux des membres suppléants du Conseil électoral supérieur sont tirés au sort parmi les membres élus par la Cour de cassation, et les deux autres parmi les membres élus par le Conseil d’État. Le président et le vice-président du Conseil électoral supérieur ne participent pas à ce tirage au sort.

L’administration générale et le contrôle des opérations se rapportant à l’organisation de référendums à propos des lois portant amendement constitutionnel se déroulent aussi selon les dispositions applicables aux élections législatives. »

Article 80

« Les membres de la Grande Assemblée nationale de Turquie représentent la nation entière et non les régions ou personnes qui les ont élus. »

Article 153 § 6

« Les arrêts de la Cour constitutionnelle sont immédiatement publiés au Journal officiel et lient les organes législatifs, exécutifs et judiciaires ainsi que les autorités administratives et les personnes physiques et morales. »

Article 90 § 6

« En cas de conflit entre les lois [nationales] et les accords internationaux relatifs aux droits et libertés fondamentaux entrés en vigueur conformément à la procédure applicable et comportant des dispositions différentes sur le même sujet, les dispositions des accords internationaux prévalent. »

B. La loi no 298 sur les dispositions fondamentales sur les élections et les listes électorales (Seçimlerin Temel Hükümleri ve Seçmen Kütükleri)

18. Les dispositions pertinentes de la loi no 298 en vigueur à l’époque des faits se lisaient ainsi :

Article 16 (fonctions et compétences des Conseils électoraux des préfectures)

« Les fonctions et compétences principales des Conseils électoraux des préfectures sont les suivantes :

(...)

4. Examiner les contestations émises contre l’organisation, le fonctionnement et les décisions prises par les Conseils électoraux des sous-préfectures et statuer immédiatement par une décision,

(...) »

Article 20 (fonctions et compétences des Conseils électoraux des sous-préfectures)

« Les fonctions et compétences principales des Conseils électoraux des sous‑préfectures sont les suivantes :

(...)

4. Examiner les contestations émises contre l’organisation, le fonctionnement et les décisions prises par les bureaux de vote et statuer par une décision,

(...) »

Article 52 §§ 1 et 9 (propagande à la radio et à la télévision)

« Sous réserve des dispositions législatives spéciales, les partis politiques participant aux élections peuvent faire de la propagande à la radio et à la télévision à partir du septième jour précédant les élections et jusqu’à la veille des élections à 18 heures.

(...)

La propagande diffusée par les partis politiques sur les chaînes privées de radio et de télévision doit se faire conformément à la procédure et à la loi appliquées sur la TRT [Télévision et Radio de Turquie] (...) »

Article 55A §§ 1, 2 et 6 (diffusion sur les radios et les télévisions privées)

« Du jour de l’ouverture des élections jusqu’à la fin du dernier jour du vote, la diffusion sur les radios et les télévisions privées doit se faire conformément aux articles 2, 20, 22 et 23 ainsi qu’à l’article 31 de la loi no 2954 relative à la radio et à la télévision de Turquie.

Conformément aux dispositions du précédent paragraphe, le Conseil électoral supérieur a compétence pour fixer les principes régissant la diffusion sur les radios et les chaînes de télévision privées.

(...)

Le Conseil supérieur électoral est compétent pour désigner, pour l’ensemble du pays, les radios et télévisions privées autorisées à diffuser. La décision du Conseil supérieur électoral y relative est publiée au Journal officiel. »

Article 94 II a)

« Les électeurs qui ne sont pas inscrits sur les listes électorales et qui résident à l’étranger depuis plus de six mois peuvent voter à partir du soixante-quinzième jour précédant les élections législatives et jusqu’à 17 heures le jour des élections, lors de leur entrée ou de leur sortie du pays, (...) dans les bureaux de vote installés dans les postes de douane.

Ces électeurs ne peuvent voter que pour les partis politiques participant aux élections. »

C. La loi no 2839 relative à l’élection des députés, publiée au Journal officiel du 13 juin 1983, sur les modalités du régime électoral appliqué aux scrutins législatifs

19. Les dispositions pertinentes de la loi no 2839 en vigueur à l’époque des faits se lisaient ainsi :

Article 16 § 4 (les candidats des partis politiques et les candidats indépendants)

« Les candidats indépendants, pour la même élection, ne peuvent pas être candidats et ne peuvent pas être élus dans plus d’une circonscription électorale. »

Article 26 §§ b) et d) (la forme du bulletin de vote)

« Les bulletins de vote communs pour les partis politiques et les candidats indépendants doivent être préparés selon les modalités indiquées ci-dessous :

(...)

b) les candidats indépendants sont indiqués sur le bulletin de vote commun (...) à droite du bulletin de vote après la colonne qui suit le parti politique (...). Si dans une circonscription électorale donnée il y a plus d’un candidat indépendant l’ordre [inscription] est déterminé par tirage au sort. (...)

Les candidats indépendants ne peuvent pas être inscrits en-dessous de la colonne des partis politiques. (...) »

Article 33 (tel que modifié le 23 mai 1987)

« Lors d’un scrutin législatif, les partis ne peuvent obtenir de siège que s’ils dépassent le seuil de 10 % des suffrages valablement exprimés au niveau national (...) Un candidat indépendant inscrit sur la liste d’un parti politique ne peut être élu que si la liste de ce parti dépasse le seuil de 10 % au niveau national (...) »

D. Décision du Conseil électoral supérieur

20. En vue des élections législatives du 22 juillet 2007, la Direction du Conseil électoral supérieur (« la Direction ») adopta le 4 mai 2007 la décision K. 224. La Direction indiqua que, pour qu’une élection puisse se dérouler conformément au principe démocratique, les partis politiques et les candidats indépendants devaient se présenter eux-mêmes et exposer leurs projets et programmes à la société pour concourir dans un environnement assurant un débat libre, égal et sans entrave. La Direction conclut qu’en période électorale :

« (...)

a) les radios et télévisions ne peuvent diffuser de manière unilatérale et partiale ; dans leurs émissions, elles doivent assurer une égalité de chances entre les partis politiques ;

b) les radios et télévisions doivent agir conformément à la justice et à l’impartialité, et les émissions doivent être faites conformément à la loi et ne doivent pas refléter de différences fondées sur la race, le sexe, la classe sociale ou les croyances religieuses ;

c) conformément à l’article 52 de la loi no 298, excepté les discours de propagande [électorale] des partis politiques, il ne peut y avoir de diffusion uniquement au profit d’un seul parti politique ;

d) les radios et télévisions ne peuvent pas diffuser de la publicité au profit des partis politiques et des candidats ;

[cette décision] doit être notifiée aux radios et télévisions,

3) vingt-quatre heures avant l’ouverture du vote est interdite la diffusion au profit d’un parti politique ou d’un candidat, pour influencer le vote [des électeurs] à son avantage ou à son désavantage, au moyen de tout programme d’actualité, de reportage ou de publicité ou au moyen d’enquêtes d’opinions publiques, d’enquêtes, d’estimations, d’enquêtes sous couvert de l’appellation de mini-référendums faits par des techniques de téléphonie ;

4) la présente décision doit être publiée au Journal officiel, notifiée au Conseil supérieur de la radio et de l’audiovisuel [Radyo ve Televizyon Üst Kurulu – RTÜK] et à la direction générale des partis politiques pouvant participer aux élections (...) »

E. Le système électoral

21. La loi no 2839 précitée, publiée au Journal officiel le 13 juin 1983, définit les modalités du régime électoral appliqué aux scrutins législatifs (Yumak et Sadak, précité, § 30).

22. Actuellement, la Turquie possède un parlement unicaméral composé de 550 députés élus pour un mandat de cinq ans dans les circonscriptions des 81 départements. Les élections sont à un seul tour. Elles se déroulent sur l’ensemble du territoire national, le même jour, au suffrage libre, égal, universel et secret. Le dépouillement du scrutin ainsi que l’établissement consécutif de procès-verbaux sont publics. Chaque département est représenté au Parlement par au moins un député, les autres députés se répartissant en fonction du nombre d’habitants. Les départements ayant de 1 à 18 députés forment une seule circonscription électorale, ceux ayant de 19 à 35 députés comportent deux circonscriptions ; quant au département d’Istanbul, qui compte plus de 35 députés, il forme trois circonscriptions (Yumak et Sadak, précité, § 31).

23. Les résultats des votes exprimés dans les bureaux de vote installés dans les postes de douane sont transmis au Conseil électoral supérieur qui les réunit. Le total de ces votes valablement exprimés est ajouté à ceux exprimés sur l’ensemble du territoire de la Turquie. Ces votes s’ajoutent aux autres votes obtenus valablement par les partis politiques sur l’ensemble du pays.

F. La jurisprudence de la Cour constitutionnelle

24. Par un arrêt du 22 mai 1987 (E. 1986/17, K. 1987/11), la Cour constitutionnelle a jugé conforme à la Constitution l’article 24 de la loi no 2234 modifiant l’article 94 II a) de la loi no 298 concernant l’octroi aux citoyens turcs vivant dans un pays étranger depuis plus de six mois du droit de voter uniquement pour des partis politiques et non des candidats indépendants, dans les bureaux de vote installés dans les postes de douane, soixante-dix[1] jours avant le scrutin national. La Cour constitutionnelle a ainsi rejeté, à la majorité, le recours en annulation présenté par le principal parti d’opposition à l’époque des faits, le « SHP » (« Sosyaldemokrat Halkçı Parti » – le Parti social-démocrate populaire).

Dans ces attendus, la Cour constitutionnelle a indiqué que la condition de six mois de résidence à l’étranger ne portait pas atteinte au bon déroulement du scrutin et était de nature à prévenir toute perturbation. Tenant compte de la difficulté de faire voter les citoyens vivant à l’étranger dans une circonscription déterminée, il était conforme à la Constitution de comptabiliser les votes exprimés par les citoyens vivant à l’étranger avec ceux obtenus pour les partis politiques. Le fait pour les citoyens vivant à l’étranger de ne pas avoir un tel choix quant à la possibilité d’exercer ce droit ou de ne pas pouvoir voter pour les candidats indépendants n’est pas un motif suffisamment important pour constituer une atteinte à leur droit de vote ; la mise en place d’un tel système était fondé sur une raison légitime et n’était pas contraire au principe de l’égalité devant la loi.

G. Le recours individuel devant la Cour constitutionnelle

25. La loi no 6216 du 30 mars 2011 a modifié le statut de la Cour constitutionnelle et les règles régissant son fonctionnement. L’article 45 de ce texte instaure un recours individuel devant la Cour constitutionnelle qui est entré en vigueur le 23 septembre 2012, date à partir de laquelle les requérants doivent, selon cette loi, avoir exercé cette voie de droit avant de saisir la Cour de Strasbourg. Ainsi, tout individu peut introduire un tel recours contre les décisions qui sont devenues définitives après le 23 septembre 2012 en invoquant les droits et libertés fondamentaux protégés par la Constitution et par la Convention européenne des droits de l’homme (Hasan Uzun c. Turquie (déc.), no 10755/13, §§ 7-27, 30 avril 2013).

III. LE DROIT ET PRATIQUE INTERNATIONAUX

A. Les textes adoptés par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe

26. Le 7 novembre 2007, le Comité des Ministres a adopté la recommandation Rec(2007)15 sur des mesures concernant la couverture des campagnes électorales par les médias. L’exposé des motifs comporte le passage suivant :

« 78. Etant donné les différentes positions prises à ce sujet, la Recommandation CM/Rec(2007)15 ne tranche pas la question de savoir s’il faut ou non accepter cette pratique, se bornant à indiquer que si la publicité payante est autorisée, elle devrait être assujettie à certaines règles minimales, en particulier qu’il soit accordé des conditions égales (en matière d’accès et de tarifs) à tous les partis demandant un temps d’antenne. »

27. L’annexe de la Recommandation R(99)15 du Comité des Ministres aux États membres relative à des mesures concernant la couverture des campagnes électorales par les médias, adoptée le 9 septembre 1999, se lit ainsi dans ses parties pertinentes :

« Les principes d’équité, d’équilibre et d’impartialité dans la couverture des campagnes électorales par les médias devraient s’appliquer à la couverture de tous les types d’élections politiques ayant lieu dans les États membres, c’est-à-dire aux élections présidentielles, législatives, régionales et, lorsque cela est réalisable, aux élections locales et aux référendums politiques.

Ces principes devraient également s’appliquer, lorsqu’ils sont pertinents, à la couverture par les médias des élections se déroulant à l’étranger, en particulier lorsque ces médias visent les citoyens du pays où l’élection a lieu.

I. Mesures concernant la presse écrite

1. Liberté de la presse

Les cadres de régulation concernant la couverture d’élections par les médias ne devraient empiéter ni sur l’indépendance éditoriale des journaux ou des magazines ni sur leur droit d’exprimer une quelconque préférence politique.

2. Organes de presse écrite qui sont la propriété des pouvoirs publics

Les États membres devraient adopter des mesures en application desquelles les organes de presse écrite qui sont la propriété des pouvoirs publics, lorsqu’ils couvrent des campagnes électorales, devraient le faire de manière équitable, équilibrée et impartiale, sans discriminer ou soutenir un parti politique ou un candidat particulier.

Si ces organes de presse acceptent de la publicité politique payante dans leurs publications, ils devraient veiller à ce que tous les candidats et partis politiques qui sollicitent l’achat d’espace publicitaire soient traités sur une base égale et non discriminatoire.

II. Mesures concernant les médias du secteur de la radiodiffusion

(...)

4. Temps d’antenne gratuit octroyé aux partis politiques/candidats sur les médias du secteur de la radiodiffusion publique

Les États membres pourraient examiner l’opportunité d’inclure dans leurs cadres de régulation des dispositions en vertu desquelles un temps d’antenne gratuit est accordé, en période électorale, aux partis politiques/candidats sur les services de radiodiffusion publics.

Lorsqu’un tel temps d’antenne est accordé, cela devrait être effectué de manière équitable et non discriminatoire, sur la base de critères transparents et objectifs.

(...) »

B. Les textes adoptés par la Commission européenne pour la démocratie par le droit (la Commission de Venise)

28. Le code de bonne conduite en matière électorale (lignes directrices et rapport explicatif) a été adopté par la Commission européenne pour la démocratie par le droit (« la Commission de Venise ») lors de ses 51e et 52e sessions, les 5-6 juillet et 18-19 octobre 2002 (CDL-AD (2002) 23 rév.). Il énonce ce qui suit dans ses parties pertinentes concernant les lignes directrices sur les élections :

« I. Les principes du patrimoine électoral européen

Les cinq principes du patrimoine électoral européen sont le suffrage universel, égal, libre, secret et direct. En outre, les élections doivent être périodiques.

(...)

3.1. La libre formation de la volonté de l’électeur

a) Les autorités publiques ont un devoir de neutralité. Celui-ci porte notamment sur :

i. les médias ;

ii. l’affichage ;

iii. le droit de manifester sur la voie publique ;

iv. le financement des partis et des candidats.

b) Les autorités publiques ont des obligations positives et doivent notamment :

i. soumettre les candidatures déposées aux électeurs ;

ii. permettre à l’électeur de connaître les listes et les candidats qui se présentent aux élections, par exemple par un affichage adéquat ;

iii. L’information mentionnée aux points précédents doit être accessible aussi dans les langues des minorités nationales.

c) Les violations du devoir de neutralité et de la libre formation de la volonté de l’électeur doivent être sanctionnées.

(...) »

29. Le rapport explicatif relatif à ce code de bonne conduite est ainsi libellé :

« 3. Le suffrage libre

26. Le suffrage libre comporte deux aspects : la libre formation de la volonté de l’électeur ; la libre expression de cette volonté, soit le caractère libre de la procédure de vote et la réalité des résultats proclamés.

3.1 La libre formation de la volonté de l’électeur

a) La libre formation de la volonté de l’électeur se confond pour une part avec l’égalité des chances. Elle implique que l’État – et les autorités publiques en général – respectent leur devoir de neutralité, notamment en ce qui concerne l’usage des mass media, l’affichage, le droit de manifester sur la voie publique ou le financement des partis et des candidats.

b) Les autorités publiques ont également certaines obligations positives. Elles doivent soumettre les candidatures présentées régulièrement aux suffrages des citoyens. Le dépôt de certaines d’entre elles ne peut être interdit qu’exceptionnellement, si un intérêt public prépondérant l’exige. Les autorités publiques doivent aussi permettre à l’électeur de connaître les listes et les candidats qui se présentent aux élections, par exemple par un affichage adéquat.

(...)

3.2. La libre expression de la volonté de l’électeur et la lutte contre la fraude électorale

27. La libre expression de la volonté de l’électeur implique en premier lieu que la procédure de vote prévue par la loi soit respectée. L’électeur doit, en pratique, pouvoir émettre son vote pour les listes ou les candidats enregistrés, ce qui implique notamment qu’il dispose de bulletins portant leurs noms et que lesdits bulletins peuvent être déposés dans une urne (...) L’électeur ne doit pas être soumis à des menaces ou des contraintes l’empêchant d’exercer son suffrage ou de l’exercer comme il l’entend, qu’elles émanent d’autorités ou de particuliers ; l’Etat a l’obligation de prévenir et de sanctionner de telles pratiques. »

30. Concernant l’existence d’un système de recours efficace en matière électorale, la Cour se réfère aux dispositions dudit code de bonne conduite exposées dans l’arrêt Petkov et autres c. Bulgarie (nos 77568/01, 178/02 et 505/02, § 52, 11 juin 2009).

EN DROIT

I. SUR LA JONCTION DES REQUÊTES

31. La Cour décide, en application de l’article 42 § 1 de son règlement, de joindre les requêtes eu égard à leur similitude quant aux faits et aux questions juridiques qu’elles posent, et décide de les examiner conjointement dans un seul arrêt.

II. SUR LA RECEVABILITé

32. Le Gouvernement soulève une exception d’irrecevabilité tirée du non-épuisement des voies de recours internes. Premièrement, sur le fondement des articles pertinents de la loi no 298, il fait valoir que tous les candidats, y compris les candidats indépendants, peuvent saisir le Conseil électoral supérieur après avoir introduit au préalable un recours devant le Conseil électoral régional. D’après lui, le requérant aurait pu également saisir directement le Conseil électoral supérieur qui, toujours conformément à la loi no 298, statue dans un délai de trois mois. Deuxièmement, le Gouvernement soutient qu’il convient de rejeter la présente requête pour non-épuisement des voies de recours internes pour autant que le requérant soulève pour la première fois devant la Cour des griefs qu’il n’aurait jamais présentés devant les juridictions nationales compétentes.

33. Le requérant conteste les exceptions d’irrecevabilité soulevées par le Gouvernement.

34. La Cour rappelle que la finalité de l’article 35 § 1 de la Convention, concernant l’épuisement des voies de recours internes, est de ménager aux États contractants l’occasion de prévenir ou de redresser – normalement par la voie des tribunaux – les violations alléguées contre eux avant qu’elles ne soient soumises à la Cour. Cette disposition doit s’appliquer « avec une certaine souplesse et sans formalisme excessif » ; il suffit que l’intéressé ait soulevé devant les autorités nationales « au moins en substance, et dans les conditions et délais prescrits par le droit interne », les griefs qu’il entend formuler par la suite à Strasbourg (Fressoz et Roire c. France [GC], no 29183/95, § 37, CEDH 1999‑I, et Savgın c. Turquie, no 13304/03, § 31, 2 février 2010).

35. La Cour constate tout d’abord que le requérant a saisi le Conseil électoral supérieur des griefs qu’il fait valoir devant elle. La Cour relève ensuite que l’article 94 II a) de la loi no 298 octroie le droit de voter, dans les bureaux de vote installés dans les postes de douane, aux citoyens turcs vivant dans un pays étranger depuis plus de six mois mais uniquement pour des partis politiques et non pour des candidats indépendants. Cette loi a été déclarée conforme à la Constitution par une décision de la Cour constitutionnelle du 22 mai 1987. Enfin, à l’époque des faits, le recours individuel devant la Cour constitutionnelle pour contester la constitutionnalité de lois ne pouvait pas être introduit par des particuliers (Hasan Uzun, précitée, §§ 7-27, et Ümmühan Kaplan c. Turquie, no 24240/07, §§ 27 et 74, 20 mars 2012, et paragraphe 23 ci-dessus).

36. En conséquence, la Cour estime que le requérant a bien épuisé les voies de recours disponibles à l’époque des faits et qu’il a invoqué devant les juridictions nationales « au moins en substance » les griefs qu’il fait valoir devant elle. Il s’ensuit que l’exception de non-épuisement des voies de recours internes formulée par le Gouvernement ne saurait être accueillie.

37. Constatant que les griefs ne sont pas manifestement mal fondés au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’ils ne se heurtent à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour les déclare recevables.

III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DU PROTOCOLE No 1 COMBINé AVEC LES ARTICLES 10 ET 14 DE LA CONVENTION

38. Dans les deux requêtes examinées par la Cour, les allégations formulées par le requérant en sa qualité de candidat indépendant n’adhérant pas par principe à un parti politique sont de deux ordres : d’une part, conformément à l’article 94 II a) de la loi no 298, les citoyens turcs vivant en dehors de la Turquie depuis plus de six mois ne peuvent voter dans les bureaux de vote installés dans les postes de douane que pour les listes présentées par les partis politiques et non pas pour les candidats indépendants ; d’autre part, conformément à l’article 52 § 1 de la loi no 298, en sa qualité de candidat indépendant, le requérant ne pouvait pas faire de propagande électorale à la TRT comme les partis politiques participant aux élections législatives de 2007. L’intéressé invoque l’article 3 du Protocole no 1 combiné avec les articles 10 et 14 de la Convention.

39. La Cour rappelle avoir déjà dit que dans le contexte électoral il faut considérer le droit à la liberté d’expression garanti par l’article 10 à la lumière du droit de tenir des élections libres, protégé par l’article 3 du Protocole no 1 (Bowman c. Royaume-Uni, 19 février 1998, § 41, Recueil des arrêts et décisions 1998‑I, et TV Vest AS et Rogaland Pensjonistparti c. Norvège, no 21132/05, § 61, CEDH 2008). Cela étant posé, elle décide d’examiner les griefs du requérant uniquement sous l’angle de l’article 3 du Protocole no 1 pris seul ou combiné avec l’article 14 de la Convention.

L’article 14 dispose :

« La jouissance des droits et libertés reconnus dans la (...) Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. »

L’article 3 du Protocole no 1 est ainsi libellé :

« Les Hautes Parties contractantes s’engagent à organiser, à des intervalles raisonnables, des élections libres au scrutin secret, dans les conditions qui assurent la libre expression de l’opinion du peuple sur le choix du corps législatif. »

A. Arguments des parties

1. Le requérant

40. Le requérant estime que la différence de traitement entre les partis politiques et les candidats figurant sur les listes de ces partis, d’une part, et les candidats indépendants comme lui, d’autre part, ne répond à aucun but légitime. Il trouve qu’un tel traitement l’a écarté du débat politique et a constitué une ingérence injustifiée dans le droit des citoyens d’obtenir des informations lors des élections législatives litigieuses.

41. Le requérant réitère qu’il y a une entorse à la concurrence entre les candidats individuels affiliés à un parti politique et les autres candidats indépendants sans étiquette. Il conteste l’argument de la nécessité technique avancé par le Gouvernement pour justifier la différence de traitement en cause. En effet, cela ne dispenserait pas l’État défendeur de l’obligation de prendre avec diligence les mesures nécessaires pour surmonter cette difficulté, d’autant que cela ferait plus de 27 ans que cette loi aurait été votée. Se référant à la jurisprudence de la Cour, le requérant soutient que, dans le contexte du droit à des élections libres, l’État défendeur a l’obligation positive de prendre les mesures nécessaires et pas seulement celle de s’abstenir de toute ingérence. Pour lui, il ne s’agit pas d’une restriction mais d’une interdiction dans la mesure où il ressortirait de la loi qu’il n’est pas possible de voter pour les candidats indépendants sans étiquette dans les bureaux de vote installés dans les postes de douane ni pour ces candidats de faire de la propagande électorale sur la TRT. Il considère d’ailleurs qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour que la propagande par les médias audiovisuels a un impact plus immédiat que celle diffusée par la presse écrite. De plus, la propagande électorale faite sur les radios et chaînes de télévision d’État serait gratuite pour les partis politiques. De fait, les candidats indépendants sans étiquette ne pourraient pas non plus faire de la publicité de nature politique. Une telle possibilité offerte aux partis politiques serait incompatible avec le devoir de neutralité de l’État défendeur et son obligation positive d’informer les électeurs au sujet des candidats qui se présentent aux élections.

42. Le requérant soutient que la possibilité de faire de la propagande électorale par Internet a été créée par un amendement du 8 avril 2010 incorporé à la loi no 298. Par conséquent, cette possibilité ne lui aurait pas été offerte lors des élections législatives du 22 juillet 2007.

43. Le requérant précise que l’article 94 II a) de la loi no 298 concerne l’objet de la requête no 28881/07. Il réitère qu’en sa qualité de candidat indépendant il a été exclu du scrutin organisé dans les bureaux de vote installés dans les postes de douane dans la mesure où les électeurs vivant à l’étranger n’auraient pu voter que pour les partis politiques. À cet égard, il fait valoir qu’il y avait une différence entre les électeurs vivant en Turquie et ceux vivant à l’étranger. Ces derniers n’auraient pu voter que pour les partis politiques alors que les autres auraient pu voter pour les partis politiques et les candidats indépendants. Par ailleurs, les votes exprimés dans les bureaux de vote installés dans les postes de douane n’auraient été comptabilisés que pour les partis politiques participant aux élections. De ce fait, il y aurait eu une distinction entre les candidats indépendants sans étiquette et les candidats indépendants affiliés à un parti politique.

44. Le requérant rappelle que l’article 52 de la loi no 298 concerne l’objet de la requête no 37920/07. Il précise qu’un candidat indépendant affilié à un parti politique n’a en pratique pas besoin de faire de la propagande électorale à la TRT par rapport à un candidat indépendant sans étiquette, car le premier candidat profitera de la propagande électorale du parti politique auquel il est affilié. Se référant à l’article 31 § 2 de la Constitution, il estime qu’une liste exhaustive de restrictions, à savoir la sécurité publique, l’ordre public, la santé publique ou les bonnes mœurs, empêche le public d’obtenir des informations. Il soutient aussi qu’il ne lui était pas possible de faire de la propagande électorale sur les radios ou télévisions privées.

2. Le Gouvernement

45. Le Gouvernement rappelle que le requérant s’est présenté aux élections législatives du 22 juillet 2007 comme un des 44 candidats indépendants dans la deuxième circonscription électorale d’Istanbul. Ces 44 candidats indépendants ont obtenu 101 704 voix sur les 2 146 486 électeurs inscrits. Aucun candidat indépendant n’a été élu dans cette circonscription lors de ce scrutin. Le Gouvernement estime que le droit du requérant de participer à des élections libres n’a pas été méconnu.

46. Pour ce qui est de l’article 94 II a) de la loi no 298, le Gouvernement explique d’abord que les électeurs vivant en Turquie sont enregistrés dans une région électorale donnée et que les noms des candidats dans une telle région sont imprimés sur les bulletins de vote. En revanche, les électeurs vivant à l’étranger ne seraient pas enregistrés sur les listes électorales nationales et ne pourraient voter que dans les bureaux de vote installés dans les postes de douane. Ces bureaux de vote ne constitueraient pas une circonscription électorale aux fins de l’élection des députés. Considérant qu’il y avait 700 candidats indépendants à se présenter aux élections législatives de 2007, il aurait été techniquement impossible d’imprimer les noms de tous les candidats indépendants sur des bulletins de vote et de mettre ces bulletins à disposition dans ces bureaux de vote. C’est pourquoi seuls les bulletins de vote établis aux noms des candidats représentant les partis politiques auraient été imprimés sur des bulletins de vote et auraient pu être utilisés dans ces bureaux de vote. Cette restriction, qui résulterait d’une nécessité technique, vaudrait aussi bien pour les candidats indépendants que pour les autres candidats indépendants désignés par un parti politique lorsqu’ils agissent pour leur propre compte.

47. Concernant l’article 52 § 1 de la loi no 298, le Gouvernement explique que cette disposition s’applique uniquement aux radios et télévisions d’État et non aux radios et télévisions privées, et vaut de la même manière pour tout candidat désigné par un parti politique lorsqu’il se présente pour son propre compte et non pas au nom du parti qui l’a désigné. Il n’y aurait donc pas de distinction entre les candidats indépendants ni de discrimination à leur encontre. Cette restriction serait une nécessité technique. Lors des élections législatives du 22 juillet 2007, il y aurait eu plusieurs centaines de candidats indépendants, y compris des candidats indépendants sans étiquette et des candidats indépendants affiliés à un parti politique. Le Gouvernement considère que, si l’État devait autoriser chaque candidat à parler ne serait-ce que cinq minutes à la TRT, cela durerait plusieurs semaines, et que c’est la raison pour laquelle les dirigeants politiques ou les dirigeants des partis politiques ayant un groupe parlementaire ont le droit de parler à la TRT pendant 10 à 20 minutes.

48. Le Gouvernement précise que le Danemark, la France, le Royaume‑Uni et la République d’Irlande possèdent une législation similaire qui n’autorise que les dirigeants des partis politiques à faire de la propagande électorale dans les médias publics pendant les élections. Il fait valoir que selon l’article 55A de la loi no 298, tous les candidats, y compris les candidats indépendants et les partis politiques, ont le droit de faire de la propagande sur les chaînes de télévision et les radios privées. Il estime donc que le requérant pouvait faire de la propagande électorale sur les radios et chaînes de télévision privées nationales ou régionales et que l’intéressé avait également la possibilité de créer un site Internet pour faire de la propagande électorale, pour diffuser ses idées et recevoir des informations. De plus, selon lui, conformément aux dispositions pertinentes de la loi no 298, le requérant pouvait faire de la propagande électorale dans des lieux ouverts ou fermés au public, par exemple coller des affiches électorales portant sa photo ou distribuer des fanions en vue d’exprimer ses idées. Le Gouvernement soutient que le requérant avait différents moyens pour exprimer ses idées et faire de la propagande lors des élections législatives. Il trouve exagéré que le requérant soutienne que son droit à la liberté d’expression a été limité pour ne pas avoir pu faire de la propagande pendant quelques minutes sur la TRT.

B. Principes généraux pertinents

49. La Cour rappelle que l’article 3 du Protocole no 1, qui prescrit des élections « libres » se déroulant « à des intervalles raisonnables », « au scrutin secret » et « dans les conditions qui assurent la libre expression de l’opinion du peuple », implique les droits subjectifs de vote et d’éligibilité. Pour importants qu’ils soient, ces droits ne sont cependant pas absolus. Comme l’article 3 les reconnaît sans les énoncer en termes exprès ni moins encore les définir, il y a place pour des « limitations implicites » (Mathieu-Mohin et Clerfayt c. Belgique, 2 mars 1987, § 52, série A no 113). Dans leurs ordres juridiques respectifs, les États contractants entourent les droits de vote et d’éligibilité de conditions auxquelles l’article 3 ne met en principe pas obstacle. Ils jouissent en la matière d’une large marge d’appréciation, mais il appartient à la Cour de statuer en dernier ressort sur l’observation des exigences du Protocole no 1 ; il lui faut s’assurer que lesdites conditions ne réduisent pas les droits dont il s’agit au point de les atteindre dans leur substance même et de les priver de leur effectivité, qu’elles poursuivent un but légitime et que les moyens employés ne se révèlent pas disproportionnés (Matthews c. Royaume-Uni [GC], no 24833/94, § 63, CEDH 1999‑I, Labita c. Italie [GC], no 26772/95, § 201, CEDH 2000‑IV, Aziz c. Chypre, no 69949/01, § 25, CEDH 2004‑V, Hirst c. Royaume-Uni (no 2) [GC], no 74025/01, § 62, CEDH 2005‑IX, Yumak et Sadak, précité, § 109, et Tănase c. Moldova [GC], no 7/08, § 161, CEDH 2010).

50. En particulier, aucune des conditions imposées le cas échéant ne doit entraver la libre expression du peuple sur le choix du corps législatif – autrement dit, elles doivent refléter, ou ne pas contrecarrer, le souci de maintenir l’intégrité et l’effectivité d’une procédure électorale visant à déterminer la volonté du peuple par l’intermédiaire du suffrage universel (Ždanoka c. Lettonie [GC], no 58278/00, § 104, CEDH 2006‑IV).

51. De surcroît, des élections libres et la liberté d’expression, notamment la liberté du débat politique, constituent l’assise de tout régime. Les deux droits sont interdépendants et se renforcent l’un l’autre : par exemple, comme la Cour l’a relevé dans le passé, la liberté d’expression est l’une des « conditions qui assurent la libre expression de l’opinion du peuple sur le choix du corps législatif » (Mathieu-Mohin et Clerfayt, précité, § 54). C’est pourquoi il est particulièrement important, en période préélectorale, de permettre aux opinions et aux informations de tous ordres de circuler librement (Parti communiste de la Russie et autres c. Russie, no 29400/05, § 107, 19 juin 2012).

52. Néanmoins, dans certaines circonstances, ces droits peuvent entrer en conflit, ce qui peut inciter à juger nécessaire, avant ou pendant une élection, de prévoir certaines restrictions à la liberté d’expression, alors qu’elles ne seraient habituellement pas admissibles, afin de garantir « la libre expression de l’opinion du peuple sur le choix du corps législatif ». La Cour reconnaît qu’en ménageant un équilibre entre ces deux droits, les États contractants disposent d’une marge d’appréciation, comme c’est généralement le cas s’agissant de l’organisation de leur système électoral (Bowman, § 43, précité).

53. En ce qui concerne les restrictions à l’exercice du droit de vote à l’étranger fondées sur le critère de la résidence de l’électeur, les organes de la Convention ont admis dans le passé que plusieurs raisons peuvent les justifier : premièrement, la présomption qu’un citoyen non résident est moins directement ou moins continuellement concerné par les problèmes quotidiens de son pays et les connaît moins bien ; deuxièmement, les citoyens résidant à l’étranger ont moins d’influence sur la sélection des candidats ou sur l’établissement de leurs programmes électoraux ; troisièmement, le lien étroit entre le droit de vote aux élections législatives et le fait que l’on est directement touché par les actes des organes politiques ainsi élus ; et, quatrièmement, le souci légitime que peut avoir le législateur de limiter l’influence des citoyens résidant à l’étranger sur des élections se rapportant à des questions qui, tout en étant assurément fondamentales, touchent au premier chef les personnes qui résident dans le pays (Hilbe c. Liechtenstein (déc.), no 31981/96, CEDH 1999‑VI, X et association Y c. Italie, no 8987/80, décision de la Commission du 6 mai 1981, Décisions et rapports (DR) 24, p. 192, et Polacco et Garofalo c. Italie, no 23450/94, décision de la Commission du 15 septembre 1997, DR 90-B, p. 5). Plus récemment, la Cour a considéré que devoir satisfaire à une condition de résidence ou de durée de résidence afin de pouvoir jouir du droit de voter au cours d’une élection ou exercer celui-ci ne constitue pas en principe une restriction arbitraire à ce droit et n’est donc pas incompatible avec l’article 3 du Protocole no 1 (Doyle c. Royaume-Uni (déc.), no 30158/06, 6 février 2007, et Sitaropoulos et Giakoumopoulos c. Grèce [GC], no 42202/07, § 69, CEDH 2012).

54. Toute dérogation au principe du suffrage universel risque de saper la légitimité démocratique du corps législatif ainsi élu et des lois promulguées par lui. L’exclusion de groupes ou catégories quelconques de la population doit en conséquence se concilier avec les principes sous-tendant l’article 3 du Protocole no 1 (Soukhovetski c. Ukraine, no 13716/02, § 52, CEDH 2006‑VI, Parti conservateur russe des entrepreneurs et autres c. Russie, nos 55066/00 et 55638/00, § 49, 11 janvier 2007, Krasnov et Skouratov c. Russie, nos 17864/04 et 21396/04, § 41, 19 juillet 2007, et Kovatch c. Ukraine, no 39424/02, § 50, CEDH 2008).

C. Application de ces principes au cas d’espèce

1. Quant à la requête no 28881/07 : concernant l’article 94 II a) de la loi no 298

55. La Cour note d’abord que la situation du requérant se distingue par rapport à d’autres affaires dans lesquelles elle a examiné l’impossibilité pour les ressortissants nationaux expatriés de voter aux élections législatives depuis leur lieu actuel de résidence et la question de savoir s’il existe une l’obligation pour les États parties, au regard de l’article 3 du Protocole additionnel, d’adopter une loi permettant le vote de tels expatriés depuis l’étranger (Sitaropoulos et Giakoumopoulos [GC], précité, § 70, et Shindler c. Royaume-Uni, no 19840/09, § 109, 7 mai 2013).

56. En l’occurrence, elle observe que le requérant se plaint que les citoyens turcs expatriés ou vivant à l’étranger depuis plus de six mois ne peuvent voter que pour les partis politiques et non pas pour les candidats indépendants, comme lui, dans les bureaux de vote installés dans les postes de douane, conformément à l’article 94 II a) de la loi no 298, amendé le 28 mars 1986. Ainsi, le grief du requérant se fonde sur l’impossibilité pour ces électeurs expatriés de voter pour lui dans la mesure où, en sa qualité de candidat indépendant, son nom n’apparaissait pas sur les bulletins de vote installés dans les postes de douane. À cet égard, il convient de dresser un certain parallèle entre la situation du cas d’espèce, où des électeurs expatriés ne peuvent pas voter pour le requérant, et celle d’un requérant qui ne peut pas voter pour le parti politique de son choix dans la mesure où ce parti s’était vu refuser l’enregistrement à l’élection donnée (Parti conservateur russe des entrepreneurs et autres c. Russie, nos 55066/00 et 55638/00, § 78, 11 janvier 2007).

57. Dans ce dernier contexte, la Cour a jugé que le droit de vote ne saurait s’interpréter comme le fondement d’une garantie générale que chaque électeur doit pouvoir trouver sur les bulletins de vote le nom du candidat ou du parti pour lequel il avait l’intention de voter. Elle rappelle néanmoins que la libre expression de l’opinion du peuple ne saurait se concevoir sans le concours d’une pluralité de partis politiques représentant les courants d’opinion qui traversent la population d’un pays (Parti conservateur russe des entrepreneurs et autres, précité, § 79, et Federación nacionalista Canaria c. Espagne (déc.), no 56618/00, CEDH 2001-VI).

58. Cela étant posé, pour ce qui est de la présente affaire, la Cour a déjà dit que l’entrée en force des candidats indépendants était l’une des caractéristiques des élections du 22 juillet 2007. Cette stratégie avait pour but de contourner le seuil électoral national de 10 % imposé à tout parti politique devant participer aux élections législatives. Même si un tel seuil apparaît excessif, sa finalité était néanmoins d’assurer la stabilité gouvernementale sans porter atteinte à la substance des droits garantis par l’article 3 du Protocole no 1 (Yumak et Sadak, précité, § 147, et paragraphe 7 ci-dessus).

59. Examinant la situation du requérant à la lumière de ce constat fait dans l’arrêt Yumak et Sadak, il convient de relever que quatorze partis politiques ont pris part aux élections législatives du 22 juillet 2007. Le requérant s’est présenté, en tant que candidat indépendant sans étiquette, dans la deuxième circonscription électorale d’Istanbul. Contrairement à d’autres candidats indépendants, il a fait le choix de ne pas se présenter comme candidat indépendant sous l’étiquette d’un parti politique. N’ayant pas pu obtenir un nombre de voix nécessaire et suffisant parmi tous les candidats en lice dans la circonscription dans laquelle il se présentait, le requérant n’a pas été élu député en tant que candidat indépendant sans étiquette lors des élections législatives du 22 juillet 2007.

60. La Cour rappelle que les pratiques nationales concernant le droit de vote des ressortissants expatriés et son exercice sont loin d’être uniformes parmi les États parties. D’une manière générale, l’article 3 du Protocole no 1 n’impose pas aux États parties une obligation de rendre possible l’exercice du droit de vote par les citoyens résidant à l’étranger (Sitaropoulos et Giakoumopoulos [GC], précité, §§ 74 et 75). De plus, il ressort des travaux de la Commission de Venise que le refus d’accorder le droit de vote aux expatriés ou les limitations à ce droit ne constituent pas une restriction au principe du suffrage universel. En effet, il convient de mettre en balance les différents intérêts en présence, tels le choix pour un État de rendre possible l’exercice du droit de vote pour les citoyens expatriés, les considérations d’ordre pratique et de sécurité quant à l’exercice de ce droit ainsi que les modalités techniques quant à sa mise en œuvre.

61. En l’occurrence, la Cour note que le législateur national a soupesé les différents intérêts en présence, celui des électeurs expatriés, des partis politiques et des candidats indépendants. Le législateur national a également tenu compte des difficultés techniques quant à la mise en œuvre d’un tel droit, tels le lieu où ce droit peut être exercé, les restrictions pouvant être apportées quant à l’étendue de ce droit par rapport aux votes exprimés par les électeurs résidant sur le territoire national et la manière dont les votes exprimés peuvent être comptabilisés. C’est pourquoi le législateur national a fait le choix d’accorder le droit de vote aux électeurs expatriés en y apportant une limitation justifiée par le motif qu’il n’était pas possible de constituer une circonscription électorale à part entière pour ces électeurs expatriés, ni de les attribuer à une des circonscriptions électorales existantes, alors que les électeurs résidant sur le territoire national votaient dans une circonscription électorale déterminée, celle dans laquelle ils résidaient. L’État défendeur a donc accordé le droit de vote aux citoyens turcs résidant à l’étranger à condition qu’ils ne puissent voter uniquement pour les partis politiques participant aux élections législatives. De plus, pour des raisons techniques, le législateur national a estimé légitime de comptabiliser les votes des électeurs expatriés avec les votes exprimés pour les partis politiques sur le territoire national.

62. À cet égard, la Cour constate que les motifs du législateur national ont été jugés conformes à la Constitution par la Cour constitutionnelle dans son arrêt du 22 mai 1987 (paragraphe 24 ci-dessus). Pour ce faire, la Cour constitutionnelle a considéré que face à la difficulté d’instaurer le droit de vote pour les ressortissants expatriés depuis plus de six mois dans une circonscription déterminée par rapport aux ressortissants vivant sur le territoire national, le choix du législateur consistant en ce que ces électeurs puissent voter uniquement pour les partis politiques, et non pas pour les candidats indépendants, ménageait un juste équilibre entre les électeurs expatriés et ceux vivant sur le territoire national.

63. La Cour estime ainsi que le souhait du législateur national d’instaurer un tel droit de vote pour les ressortissants expatriés ne pouvait être rendu possible qu’en apportant une limitation à leur droit de ne pas pouvoir voter pour les candidats indépendants. Cette limitation doit être lue à la lumière du critère du lieu de résidence des électeurs vivant à l’étranger et des motivations avancées par la Cour constitutionnelle dans son arrêt précité du 22 mai 1987. De plus, cette limitation doit aussi être évaluée en tenant compte des restrictions générales admises à l’exercice du droit de vote pour les expatriés (Sitaropoulos et Giakoumopoulos [GC], précité, § 69, et Shindler, précité, § 105). En particulier, la restriction est fondée sur le souci légitime que peut avoir le législateur de limiter l’influence des citoyens résidant à l’étranger sur des élections se rapportant à des questions qui, tout en étant assurément fondamentales, touchent au premier chef les personnes qui résident dans le pays.

64. À cela, il convient d’ajouter le rôle joué par les partis politiques, seules formations à même d’accéder au pouvoir, qui ont la faculté d’exercer une influence sur l’ensemble du régime de leur pays. Par les projets de modèle global de société qu’ils proposent aux électeurs et par leur capacité à réaliser ces projets une fois arrivés au pouvoir, les partis politiques se distinguent des autres organisations intervenant dans le domaine politique (Refah Partisi (Parti de la prospérité) et autres c. Turquie [GC], nos 41340/98, 41342/98, 41343/98 et 41344/98, § 87, CEDH 2003‑II).

65. De surcroît, pour ce qui est de la présente requête, la Cour est d’avis que le fait que les non-résidents ne puissent voter que pour les partis politiques dans les bureaux de vote installés dans les postes de douane poursuivait en outre deux autre buts légitimes : conforter le pluralisme démocratique tout en évitant une fragmentation excessive du scrutin et renforcer l’expression de l’opinion du peuple quant au choix du corps législatif (voir, mutatis mutandis, Özgürlük ve Dayanışma Partisi (ÖDP) c. Turquie, no 7819/03, § 42, CEDH 2012).

66. Eu égard à ce qui précède, la Cour estime que le fait que les électeurs non‑résidents ne puissent voter que pour les partis politiques et non pour les candidats indépendants sans étiquette, à l’instar du requérant, dans les bureaux de vote installés dans les postes de douane, répond au souci légitime du législateur d’assurer la stabilité politique du pays et du gouvernement qui sera chargé de le diriger à l’issue de ces élections. Par conséquent, prenant en considération la large marge d’appréciation de l’État défendeur en la matière, la Cour considère que le traitement dénoncé par le requérant en sa qualité de candidat indépendant sans étiquette reposait sur une justification objective et raisonnable.

67. Dès lors, il n’a pas été porté atteinte en l’espèce à la substance même du droit à la libre expression du peuple ni au droit du requérant de se présenter à des élections au sens de l’article 3 du Protocole no 1 pris seul ou combiné avec l’article 14 de la Convention.

68. Partant, il n’y a pas eu violation de ces dispositions.

2. Quant à la requête no 37920/07 : concernant l’article 52 de la loi no 298

69. Pour ce qui est de la présente requête, la Cour rappelle d’emblée que la TRT émet sur l’ensemble du territoire national pour toutes les chaînes de télévision et de radio qui la composent. La Cour constate ensuite que le requérant avance qu’en vertu de l’article 52 de la loi no 298 les partis politiques qui ont participé aux élections législatives du 22 juillet 2007 disposaient pour leur propagande électorale d’un temps de parole à la TRT alors que lui-même, en tant que candidat indépendant sans étiquette, ne jouissait pas d’un tel avantage. Le Gouvernement soutient pour sa part que les dispositions de cet article s’appliquent également à tout candidat désigné par un parti politique lorsqu’il agit pour son propre compte et non pas au nom du parti politique qui l’a désigné. Du reste, le requérant ne conteste pas cet argument.

70. A l’appui de son argumentation en réponse aux observations du Gouvernement, le requérant soutient par ailleurs qu’il ne lui était pas non plus possible de faire de la propagande électorale sur les chaînes de télévision et de radio privées. La Cour constate que le Conseil électoral supérieur, dans sa décision du 4 mai 2007, a fixé les règles concernant la diffusion de la propagande électorale pour les partis politiques et les candidats indépendants sur toutes les chaînes de télévision et toutes les radios en vue des élections législatives du 22 juillet 2007. Le Conseil électoral supérieur a ainsi fixé des règles de loyauté et de neutralité devant s’appliquer à tous les partis politiques et à tous les candidats indépendants qui se présentent aux élections législatives.

71. Cela étant posé, la Cour souligne que l’objet de la présente requête, telle qu’elle a été communiquée au Gouvernement, concerne l’impossibilité pour le requérant de faire de la propagande électorale sur la TRT. Elle limitera donc son examen à l’allégation du requérant selon laquelle, conformément à l’article 52 § 1 de la loi no 298, il ne pouvait pas, en tant que candidat indépendant, faire de la propagande électorale à la TRT comme les partis politiques participant aux élections législatives de 2007.

72. La Cour rappelle que l’article 3 du Protocole no 1, ou d’ailleurs les autres dispositions de la Convention, n’empêchent pas en principe les États contractants d’introduire des programmes de politique générale au moyen de mesures législatives en vertu desquelles une certaine catégorie ou un certain groupe d’individus sont traités différemment des autres, sous réserve que l’ingérence dans l’exercice des droits de l’ensemble de cette catégorie ou de ce groupe définis par la loi puisse se justifier au regard de la Convention (Ždanoka, précité, § 112).

73. En l’occurrence, la Cour observe que les partis politiques peuvent faire de la propagande électorale à la TRT mais que les candidats indépendants sans étiquette comme le requérant ne le peuvent pas. De par leur rôle, les partis politiques, seules formations à même d’accéder au pouvoir, ont la faculté d’exercer une influence sur l’ensemble du régime de leur pays. C’est pourquoi les partis politiques ont vocation à s’adresser à toutes les couches de la population du pays et à leur présenter le projet de société qu’ils souhaitent mettre en œuvre après les élections s’ils sont élus. De ce fait, les partis politiques ne limitent pas non plus leur propagande électorale à la seule circonscription dans laquelle ils présentent un candidat mais l’étendent à toutes les circonscriptions considérées ensemble. En revanche, un candidat indépendant sans étiquette, comme le requérant, a vocation à s’adresser à la seule circonscription dans laquelle il se présente. De par son rôle et son envergure, un candidat indépendant sans étiquette n’a pas la faculté d’exercer une influence similaire à celle d’un parti politique sur l’ensemble du régime de son pays.

74. De plus, la Cour a bien noté que le requérant n’était pas membre d’une formation politique et qu’il ne s’est pas présenté à ce titre comme candidat indépendant sous l’étiquette d’un parti politique dans le but de contourner le seuil électoral national de 10 % et de faire élire par ricochet sa formation à l’Assemblée nationale. En conséquence, la Cour n’est pas convaincue que le requérant, en sa qualité de candidat indépendant sans étiquette, d’une part, et les partis politiques, d’autre part, puissent être considérés comme « placés dans une situation comparable » aux fins de l’article 14 de la Convention.

75. La Cour admet d’ailleurs qu’il existe de nombreuses manières d’organiser et de faire fonctionner les systèmes électoraux ainsi qu’une multitude de différences au sein de l’Europe notamment dans l’évolution historique, la diversité culturelle et la pensée politique, qu’il incombe à chaque État contractant d’incorporer dans sa propre vision de la démocratie (Scoppola c.Italie (no 3) [GC], no 126/05, § 83, 22 mai 2012). Étant en prise directe et permanente avec les forces vives de leur pays, avec leur société et avec les besoins de celle-ci, les autorités nationales, tant législatives que judiciaires, sont en principe les mieux placées pour apprécier les difficultés particulières qu’implique la sauvegarde de l’ordre démocratique dans leur État (Ždanoka, précité, § 134, et Animal Defenders International c. Royaume-Uni [GC], no 48876/08, § 111, CEDH 2013).

76. En l’espèce, il est à noter que lors des élections législatives du 22 juillet 2007 plusieurs centaines de candidats indépendants s’étaient présentés dans différentes circonscriptions électorales sur l’ensemble du territoire national. À la lumière de ce constat, il faut mettre en balance, d’une part, le processus électoral en tant qu’élément de l’ordre démocratique et, d’autre part, la réglementation des ressources publiques y relatives pendant la période électorale. La Cour a déjà eu l’occasion de dire qu’il y a lieu d’accorder une importance particulière au rôle du législateur national concernant le choix et la manière d’utiliser les ressources nationales de manière optimale (James et autres c. Royaume-Uni, 21 février 1986, § 46, série A no 98, et Uzan et autres c. Turquie (déc.), no 18240/03, § 83, 29 mars 2011). Dans ce contexte, le requérant n’a pas été empêché de mener une campagne dans la circonscription dans laquelle il s’était présenté comme candidat indépendant. S’il n’a pas pu bénéficier de la propagande électorale sur la TRT – dont les chaînes de télévision et de radio émettent sur l’ensemble du territoire national – il n’a pas été empêché d’utiliser tous les autres moyens de propagande disponibles qui étaient à la portée de tout candidat indépendant sans étiquette à l’époque des faits. Par conséquent, à la lumière des considérations qui viennent d’être indiquées, la Cour est d’avis que la mesure dénoncée par le requérant en sa qualité de candidat indépendant sans étiquette reposait sur une justification objective et raisonnable.

77. Partant, après avoir mis en balance les différents intérêts en jeu, la Cour considère que le fait que le requérant, en sa qualité de candidat indépendant sans étiquette, n’ait pas pu disposer pour sa propagande électorale de temps de parole à la TRT, contrairement aux partis politiques, lors des élections législatives du 22 juillet 2007, peut passer pour une mesure conforme aux exigences de l’article 3 du Protocole no 1. La mesure litigieuse, telle qu’appliquée au requérant, ne constitue pas une atteinte disproportionnée à la substance même du droit à la libre expression du peuple ni au droit du requérant de se présenter à des élections au sens de l’article 3 du Protocole no 1, pris seul ou combiné avec l’article 14 de la Convention.

78. Il s’ensuit qu’il n’y a pas eu violation de ces dispositions.

IV. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 13 DE LA CONVENTION COMBINÉ AVEC L’ARTICLE 3 DU PROTOCOLE No 1

79. Le requérant se plaint de n’avoir disposé d’aucune voie de recours effective pour faire valoir les violations alléguées de ses droits tirés de l’article 3 du Protocole no 1 et, en particulier, du fait que les décisions du Conseil électoral supérieur ne sont pas susceptibles de recours. Il invoque l’article 13 de la Convention combiné avec l’article 3 du Protocole no 1. La Cour examinera ce grief sous l’angle du seul article 13 de la Convention, qui est ainsi libellé :

« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »

A. Sur la recevabilité

80. La Cour relève que ce grief est lié à ceux examinés ci-dessus et doit donc lui aussi être déclaré recevable.

B. Sur le fond

1. Arguments des parties

81. Le requérant conteste les arguments du Gouvernement. Il réitère ses allégations, faisant valoir qu’elles trouvent leur origine dans la loi, en particulier les articles 52 et 55 de la loi no 298. Il explique que le Conseil électoral supérieur, dont la compétence concerne exclusivement le domaine électoral, rend des décisions définitives qui ne peuvent pas être contestées devant les organes judiciaires, conformément à l’article 79 de la Constitution et que, par ailleurs, le Conseil électoral supérieur ne peut pas saisir la Cour constitutionnelle, en vertu des articles 150 et 152 de la Constitution. Se référant à la décision de la Cour constitutionnelle du 22 mai 1987 ainsi qu’à son recours devant le Conseil électoral supérieur, le requérant précise qu’il ne disposait d’aucune autre voie de recours effective et disponible en droit interne pour faire valoir son grief tiré de l’article 3 du Protocole no 1. À cet égard, il précise que la mesure dont il se plaint trouve son origine dans une loi qui a été jugée conforme à la Constitution par une décision de la Cour constitutionnelle du 22 mai 1987. Il conclut ainsi, d’une part, que le Conseil électoral supérieur est lié par les arrêts de la Cour constitutionnelle et, d’autre part, que la loi en vigueur à l’époque des faits ne lui permettait pas d’introduire un recours devant la Cour constitutionnelle.

82. Se référant aux arguments qu’il a exposés quant à la recevabilité des requêtes et à la qualité des membres siégeant au Conseil électoral supérieur, le Gouvernement soutient que le requérant disposait en droit interne d’un recours effectif, au sens de l’article 13 de la Convention, pour faire valoir ses griefs tirés de la Convention, à savoir un recours devant le Conseil électoral supérieur.

2. Appréciation de la Cour

a) Principes généraux

83. La Cour rappelle que l’article 13 de la Convention garantit l’existence en droit interne d’un recours permettant de se prévaloir en substance des droits et libertés de la Convention, tels qu’ils peuvent s’y trouver consacrés. La portée de l’obligation que l’article 13 fait peser sur les États contractants varie en fonction de la nature du grief du requérant ; l’« effectivité » d’un « recours » au sens de l’article 13 ne dépend pas de la certitude d’une issue favorable pour le requérant. Cependant, le recours requis par l’article 13 doit être « effectif » en pratique comme en droit, en ce sens qu’il doit empêcher la survenance de la violation alléguée ou remédier à la situation litigieuse, ou fournir un redressement approprié pour toute violation s’étant déjà produite (Parti conservateur russe des entrepreneurs et autres, précité, § 85, Balogh c. Hongrie, no 47940/99, § 30, 20 juillet 2004, et Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, §§ 157-158, CEDH 2000‑XI).

84. De même, l’« instance » dont parle cette disposition n’a pas besoin d’être une institution judiciaire, mais, dans ce cas, ses pouvoirs et les garanties qu’elle présente entrent en ligne de compte pour apprécier l’effectivité du recours s’exerçant devant elle. En outre, l’ensemble des recours offerts par le droit interne peut satisfaire aux exigences de l’article 13, même si aucun d’eux n’y répond en entier à lui seul (Silver et autres c. Royaume-Uni, 25 mars 1983, § 113, série A no 61, et Chahal c. Royaume‑Uni, 15 novembre 1996, § 145, Recueil 1996‑V).

b) Application en l’espèce des principes susmentionnés

85. À titre liminaire, la Cour relève que le requérant ne se plaint pas du manque d’équité de la procédure menée devant le Conseil électoral supérieur ni même de son manque d’indépendance ou d’impartialité, aux fins de l’article 6 § 1 de la Convention, en raison par exemple du mode de désignation et de la durée du mandat de ses membres, ou bien de l’existence d’une protection contre les pressions extérieures ou encore le point de savoir s’il y a ou non apparence d’indépendance. Cela étant, la Cour a pris note des garanties constitutionnelles et légales accordées aux juges membres du Conseil électoral supérieur (paragraphe 17 ci-dessus, en particulier, l’article 79 § 1 de la Constitution).

86. Elle estime ensuite utile de noter que dans les deux requêtes soumises à son examen, le requérant soutient, en invoquant l’article 13 de la Convention combiné avec l’article 3 du Protocole no 1, que les traitements qu’il dénonce sur le terrain de l’article 3 du Protocole no 1 trouvent leur origine dans les lois en vigueur, à savoir les articles 94 II a) et 52 § 1 de la loi no 298. Il fait en outre valoir que la décision rendue, le 4 juillet 2007, par le Conseil électoral supérieur n’est pas susceptible de recours devant une deuxième juridiction d’appel.

87. Partant, en l’occurrence, la Cour note que le requérant se plaint de l’impossibilité de contester les articles 94 II a) et 52 § 1 de la loi no 298 devant la Cour constitutionnelle ou une autre juridiction nationale. À cet égard, la Cour rappelle que l’article 13 de la Convention ne va pas jusqu’à exiger un recours par lequel on puisse dénoncer, devant une autorité nationale, les lois d’un État partie comme contraires en tant que telles à la Convention (Roche c. Royaume-Uni [GC], no 32555/96, § 137, CEDH 2005‑X, et Paksas c. Lituanie [GC], no 34932/04, § 114, CEDH 2011 (extraits)).

88. Partant, il n’y a pas eu violation de l’article 13 de la Convention.

PAR CES MOTIFS, LA COUR,

1. Décide, à l’unanimité, de joindre les requêtes ;

2. Déclare, à l’unanimité, les requêtes recevables ;

3. Dit, par quatre voix contre trois, qu’il n’y a pas eu violation de l’article 3 du Protocole no 1 à la Convention pris seul ou combiné avec l’article 14 de la Convention quant à la requête no 28881/07 ;

4. Dit, par quatre voix contre trois, qu’il n’y a pas eu violation de l’article 3 du Protocole no 1 à la Convention pris seul ou combiné avec l’article 14 de la Convention quant à la requête no 37920/07 ;

5. Dit, à l’unanimité, qu’il n’y a pas eu violation de l’article 13 de la Convention.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 15 avril 2014, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Stanley NaismithGuido Raimondi
GreffierPrésident

Au présent arrêt se trouve joint, conformément aux articles 45 § 2 de la Convention et 74 § 2 du règlement, l’exposé de l’opinion séparée des juges Sajó, Keller et Lemmens.

G.R.A
S.H.N.

OPINION PARTIELLEMENT DISSIDENTE ET PARTIELLEMENT CONCORDANTE DES JUGES SAJÓ, KELLER ET LEMMENS

1. Nous sommes au regret de ne pouvoir souscrire aux conclusions auxquelles la majorité est parvenue dans la présente affaire en ce qui concerne les griefs de violation de l’article 3 du Protocole no 1 à la Convention et de l’article 14 de la Convention. Notre désaccord porte à la fois sur la méthode suivie par la majorité pour analyser l’affaire et sur l’application des principes généraux dans le cas d’espèce.

En outre, bien que nous nous soyons ralliés à l’avis de nos collègues en ce qui concerne le grief de violation de l’article 13 de la Convention, nous aurions préféré qu’il s’appuie sur un raisonnement quelque peu différent.

I. Sur la violation alléguée de l’article 3 du Protocole no 1 à la Convention et de l’article 14 de la Convention

A. Considérations générales

2. Nous partons des mêmes principes généraux que la majorité. En l’espèce, il s’agissait plus particulièrement des principes généraux régissant le droit de se porter candidat à des élections.

Nous admettons, comme la majorité, que ce droit n’est pas absolu et qu’il y a place pour des « limitations implicites », c’est-à-dire des limitations implicitement admises, et que les États parties à la Convention jouissent en la matière d’une large marge d’appréciation (voir le paragraphe 49 de l’arrêt).

Nous tenons à souligner que la présente affaire ne concerne pas des restrictions au droit de se porter candidat en tant que tel. Le système turc permet à des candidats indépendants de se présenter aux élections, et c’est en cette qualité que le requérant avait présenté sa candidature. Pour autant que l’intéressé se plaignait de l’impossibilité faite aux citoyens turcs vivant à l’étranger de voter pour des candidats indépendants, la requête ne soulevait pas non plus la question de savoir s’il y avait eu une restriction légitime au droit de vote de ces électeurs : ils avaient du reste été admis au vote et avaient pu s’exprimer.

En l’espèce, il s’agissait essentiellement de savoir si le requérant avait pu participer, en tant que candidat, à des élections dans des conditions conformes à l’article 3 du Protocole no 1, c’est-à-dire « dans les conditions qui assurent la libre expression de l’opinion du peuple sur le choix du corps législatif ». C’était le système électoral qui était en jeu (requête no 28881/07), ainsi que les règles concernant la campagne électorale (requête no 37920/07).

3. En ce qui concerne la détermination du mode de scrutin, la Cour admet qu’il existe de nombreuses manières d’organiser et de faire fonctionner les systèmes électoraux. Toute loi électorale doit s’apprécier à la lumière de l’évolution politique du pays. Les États parties sont en principe libres d’adopter le système de leur choix, pour autant du moins que le système adopté réponde à des conditions assurant « la libre expression de l’opinion du peuple sur le choix du corps législatif » (Yumak et Sadak c. Turquie [GC], no 10226/03, § 111, CEDH 2008, et Sitaropoulos et Giakoumopoulos c. Grèce [GC], no 42202/07, § 66, CEDH 2012).

Le membre de phrase « conditions qui assurent la libre expression de l’opinion du peuple sur le choix du corps législatif » implique, outre la liberté d’expression déjà protégée, du reste, par l’article 10 de la Convention, le principe de l’égalité de traitement de tous les citoyens dans l’exercice de leur droit de vote et de leur droit de se présenter aux suffrages. Certes, il ne s’ensuit pas que tous les bulletins doivent avoir un poids égal quant au résultat, ni tout candidat des chances égales de l’emporter (Mathieu-Mohin et Clerfayt c. Belgique, 2 mars 1987, § 54, série A no 113, Bompard c. France (déc.), no 44081/02, CEDH 2006‑IV, et Yumak et Sadak, précité, § 112). Toutefois, la libre expression de la volonté de l’électeur implique que « l’électeur doit, en pratique, pouvoir émettre son vote pour les listes ou les candidats enregistrés » (Commission européenne pour la démocratie par le droit, dite « Commission de Venise », rapport explicatif du Code de bonne conduite en matière électorale, adopté lors de la 52e session de la Commission (18-19 octobre 2002), point 27, document CDL-AD (2002) 23 rev).

4. En ce qui concerne l’accès des candidats à la radio et à la télévision, la majorité rappelle à juste titre l’importance, en période préélectorale, de permettre aux opinions et aux informations de tous ordres de circuler librement (paragraphe 51 de l’arrêt, où elle renvoie à l’arrêt Parti communiste de la Russie et autres c. Russie, no 29400/05, § 107, 19 juin 2012).

Aussi l’accès aux médias doit-il être réglementé pour tenir compte du principe de l’égalité des chances en matière électorale. Nous attachons une importance particulière à la position de la Commission de Venise selon laquelle il y a lieu « de veiller à ce que les candidats ou partis bénéficient de temps de parole ou d’espaces publicitaires suffisamment équilibrés, y compris au sein des radios et télévisions d’État » (rapport explicatif précité, point 19), même si la Cour a relevé, en prenant note de cette position, que l’article 3 du Protocole no 1 ne constitue pas un code électoral ayant vocation à réglementer tous les aspects du processus électoral (Parti communiste de la Russie et autres c. Russie, précité, § 108).

5. Nous tenons encore à souligner qu’en matière électorale, les principes d’égalité et de non-discrimination revêtent une importance particulière. L’élection est une compétition dans laquelle des partis politiques et des candidats sont en concurrence pour les voix des électeurs. Toute entrave au principe d’égalité favorise les uns, porte préjudice aux autres, et peut avoir des effets sur le résultat.

L’importance du principe d’égalité des chances en matière électorale vient d’être réaffirmée par la Cour constitutionnelle fédérale allemande. Dans un arrêt du 26 février 2014 (qui portait sur le seuil électoral aux élections européennes, 2 BvE 2/13 et autres et 2 BvR 2220/13 et autres), la Cour a rappelé que, si le principe d’égalité ne s’oppose pas à des différences de traitement, celles-ci sont soumises à des critères stricts en matière électorale. Des différences de traitement ne peuvent être justifiées que par des motifs constitutionnellement admissibles ayant suffisamment de poids pour être mis en balance avec l’égalité électorale (C, I, 3, a), ff), 1).

Selon la jurisprudence bien connue de notre Cour, la discrimination consiste à traiter de manière différente sans justification objective et raisonnable des personnes placées dans des situations comparables. Un traitement différencié est dépourvu de « justification objective et raisonnable » lorsqu’il ne poursuit pas un « but légitime » ou qu’il n’existe pas un « rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé » (voir, pour des applications de ce principe en matière électorale, Sejdić et Finci c. Bosnie-Herzégovine [GC], nos 27996/06 et 34836/06, § 42, CEDH 2009, et Özgürlük ve Dayanışma Partisi (ÖDP) c. Turquie, no 7819/03, § 26, CEDH 2012). En matière électorale, la Cour doit, selon nous, exercer un contrôle rigoureux de la justification avancée.

B. Examen des griefs

1. Quant à l’impossibilité pour le requérant de présenter sa candidature aux électeurs turcs vivant à l’étranger

6. Le requérant était candidat indépendant dans une circonscription d’Istanbul. Il a pu présenter sa candidature aux électeurs résidant dans cette circonscription, mais pas aux électeurs résidant à l’étranger, lesquels ne pouvaient voter que pour des partis politiques. Partis politiques et candidats indépendants se disputaient toutefois les mêmes sièges dans la circonscription du requérant.

Il s’ensuit que les chances du requérant d’obtenir des voix ont été restreintes. Une telle restriction « porte atteinte au principe d’égalité des citoyens devant le droit de suffrage » (voir l’avis no 269/2003 adopté le 17 décembre 2003 par la Commission de Venise, où sont formulées des recommandations conjointes de la Commission de Venise et du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme (BIDDH) de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) sur le droit électoral et l’administration des élections en Arménie, point 30, document CDL-AD (2003) 21). Elle n’est compatible avec l’article 3 du Protocole no 1 que si, notamment, elle ne fait pas obstacle à la « libre expression de l’opinion du peuple sur le choix du corps législatif ».

7. Selon la majorité, cette restriction au droit du requérant de présenter sa candidature aux électeurs turcs résidant à l’étranger se justifiait par un certain nombre de motifs.

En premier lieu, la majorité se réfère aux « difficultés techniques » afférentes à la mise en œuvre du droit de vote des citoyens turcs expatriés (paragraphe 61 de l’arrêt), reprenant ainsi l’argument invoqué par le Gouvernement. Nous sommes conscients du fait que l’exercice du droit de vote par des électeurs vivant à l’étranger pose des défis particuliers (voir Shindler c. Royaume-Uni, no 19840/09, § 114, 7 mai 2013). Toutefois, ces difficultés ne sont pas insurmontables. Dans le rapport sur le vote à l’étranger qu’elle a adopté lors de sa 87e session (17-18 juin 2011), la Commission de Venise a signalé qu’il y avait deux moyens possibles d’assurer une prise en compte équitable des votes des citoyens expatriés. Le premier consiste à faire participer ces électeurs au processus électoral dans les circonscriptions ordinaires, ce qui présuppose un système de rattachement de chaque électeur à une circonscription déterminée. Le second consiste à créer une ou plusieurs circonscriptions spécifiques pour les ressortissants vivant à l’étranger (points 77-84, document CDL-AD (2011) 022). La loi turque prévoit un système mixte qui ne rattache pas les électeurs expatriés à une circonscription déterminée et ne crée pas pour eux une circonscription spécifique, mais qui comptabilise leurs votes au niveau national. Nous ne sommes pas convaincus qu’un système permettant aux candidats indépendants de présenter leur candidature aux électeurs expatriés soit techniquement impossible.

La majorité se réfère également à l’arrêt de la Cour constitutionnelle turque du 22 mai 1987, qui a conclu que le système en vigueur « ménageait un juste équilibre entre les électeurs expatriés et ceux vivant sur le territoire national » (paragraphe 62). Nous ne pensons pas qu’un tel équilibre soit pertinent sous l’angle de l’article 3 du Protocole no 1. Ce qui importe, c’est la libre expression de l’opinion du peuple sur le choix du corps législatif. Interdire à certains électeurs de voter pour des candidats indépendants et les contraindre à émettre un vote pour un parti politique ne permet pas la « libre expression de l’opinion » de cette partie de l’électorat.

Selon la majorité, la restriction litigieuse est également fondée « sur le souci légitime que peut avoir le législateur de limiter l’influence des citoyens résidant à l’étranger sur des élections se rapportant à des questions qui, tout en étant assurément fondamentales, touchent au premier chef les personnes qui résident dans le pays » (paragraphe 63). Outre que le Gouvernement ne semble pas avoir avancé une telle justification, nous estimons qu’elle n’est pas du tout pertinente. En effet, le législateur a accordé le droit de vote aux citoyens résidant à l’étranger. Cela signifie qu’il les estime aptes à participer, avec les citoyens vivant en Turquie, au choix des personnes appelées à diriger le pays. Si le législateur avait voulu limiter l’influence des électeurs résidant à l’étranger, il aurait pu choisir d’autres moyens que l’interdiction de voter pour des candidats indépendants, dans le respect bien entendu des exigences de l’article 3 du Protocole no 1.

Un autre motif avancé par la majorité tient à l’importance du rôle joué par les partis politiques (paragraphe 64). Ce rôle est indéniable. Toutefois, dans un système où il est permis à des candidats indépendants de se démarquer des partis politiques, il faut laisser aux électeurs la possibilité de faire un choix entre les deux. À notre avis, le rôle joué par les partis politiques ne saurait justifier l’interdiction faite aux candidats indépendants de se présenter devant une partie de l’électorat.

Enfin, la majorité se réfère au souci légitime du législateur d’éviter une fragmentation excessive du scrutin, d’assurer ainsi la stabilité politique du pays et du gouvernement, et de renforcer de la sorte l’expression de l’opinion du peuple quant au choix du corps législatif (voir les paragraphes 65 et 66 de l’arrêt, où la Cour renvoie à l’arrêt Özgürlük ve Dayanışma Partisi (ÖDP), précité, § 42). Cet argument ne nous convainc pas. Le moyen d’éviter une fragmentation excessive des mouvements représentés au Parlement consiste à instaurer un seuil électoral (voir Yumak et Sadak, précité, § 125). En revanche, l’impossibilité pure et simple faite aux candidats indépendants de présenter leur candidature à une partie de l’électorat ne constitue pas, à nos yeux, un moyen pertinent pour atteindre ce but.

Aucun des motifs invoqués par la majorité ne saurait donc, à notre avis, justifier la restriction litigieuse.

8. La majorité aurait peut-être pu invoquer un autre motif en relevant, d’une part, que le seuil électoral n’existe qu’au niveau national et ne s’applique qu’aux partis politiques et, d’autre part, que les votes des citoyens turcs résidant à l’étranger, qui sont ajoutés à ceux exprimés sur l’ensemble du territoire pour les différents partis politiques, ne valent que pour la question de savoir si les partis ont dépassé ce seuil (article 94 II h), alinéa 2 de la loi no 298, voir le paragraphe 23 de l’arrêt).

Un tel raisonnement méconnaîtrait toutefois le fait que, au niveau de la circonscription, les candidats indépendants sont en concurrence directe avec les partis politiques. Le fait qu’un parti politique a ou n’a pas dépassé le seuil électoral au niveau national peut avoir des effets sur la répartition des sièges au niveau de la circonscription. Il s’ensuit que la question du seuil national applicable aux partis politiques intéresse non seulement les partis politiques, mais aussi les candidats indépendants.

En outre, il semble résulter de l’article 94 II h), alinéas 3 et 4 de la loi no 298 (non repris au paragraphe 23 de l’arrêt) que le nombre de votes émis dans les bureaux de vote installés dans les postes de douane est pris en compte pour déterminer le nombre total de votes émis en faveur des partis politiques dans chaque circonscription, selon une formule basée sur le nombre de votes obtenus dans ces bureaux et le nombre de votes obtenus dans chacune des circonscriptions électorales.

À cela s’ajoute le fait que l’un des moyens tendant à atténuer les effets négatifs d’un seuil électoral fixé à 10%, en principe « excessif » selon la Cour (Yumak et Sadak, précité, § 147), réside dans la possibilité de se présenter comme candidat indépendant sans être soumis à ce seuil (ibid., §§ 135 et 136). Toutefois, la Cour n’a pas manqué de constater « qu’il s’agit là d’un pis-aller si on le compare à la position qui résulte de l’appartenance officielle à un parti politique » (ibid., § 138). Nous estimons qu’il convient de pleinement tirer les conclusions de cette dernière constatation.

9. Eu égard à ce qui précède, nous considérons que l’impossibilité faite au requérant de présenter sa candidature aux électeurs résidant à l’étranger constituait une restriction à son droit de se porter candidat incompatible avec l’article 3 du Protocole no 1.

10. Eu égard à la nature des griefs formulés sur le terrain de l’article 3 du Protocole no 1 et de l’article 14 de la Convention, et à la conclusion adoptée sur le terrain de la première de ces dispositions, nous estimons qu’il n’est pas nécessaire d’examiner séparément le grief de violation de l’article 14 de la Convention combiné avec l’article 3 du Protocole no 1.

2. Quant à l’impossibilité pour le requérant d’avoir accès à la radio et à la télévision nationales

11. Se plaignant de la réglementation relative à la propagande électorale à la radio et à la télévision, le requérant dénonce le privilège accordé aux partis politiques en la matière. Selon l’article 52 de la loi no 298, les partis politiques disposent d’un certain temps à la radio et à la télévision publiques nationales (TRT) pour faire de la propagande électorale. Les candidats indépendants n’ont pas accès à ces émissions.

Le grief de l’intéressé portant essentiellement sur une différence de traitement entre les partis politiques et les candidats indépendants, nous estimons qu’il doit être examiné d’abord sous l’angle de l’article 14 de la Convention.

12. à l’instar de la majorité, nous considérons que la possibilité de mener une campagne électorale fait partie de l’exercice du droit de se porter candidat aux élections. Cette question relève donc de l’article 3 du Protocole no 1 (voir Parti communiste de la Russie et autres c. Russie, précité, §§ 107‑108).

En conséquence, l’article 14 de la Convention combiné avec l’article 3 du Protocole no 1 trouve à s’appliquer en l’espèce.

13. Contrairement à la majorité (paragraphe 74 de l’arrêt), nous ne doutons pas, que du point de vue de la campagne électorale, les candidats indépendants et les partis politiques se trouvaient dans des situations comparables aux fins de l’article 14.

14. Il nous reste à examiner si la différence de traitement opérée entre les partis politiques et les candidats indépendants reposait sur une justification objective et raisonnable.

Nous admettons qu’un système d’accès à la radio et à la télévision nationales ne peut garantir un accès à tous les candidats. Il est au contraire nécessaire de limiter le nombre de bénéficiaires d’émissions électorales afin de maintenir l’effectivité du système. Le fait de restreindre l’accès à certaines catégories de candidats et d’en exclure les autres n’est donc pas en soi contraire à l’article 14 de la Convention. En d’autres termes, nous reconnaissons que la différence de traitement litigieuse poursuivait un but légitime.

Reste à savoir si l’instauration d’une différence de traitement entre les partis politiques et les candidats indépendants pouvait passer pour proportionnée et adaptée au but poursuivi.

Selon la majorité, la différence de traitement pouvait se justifier par le fait que les partis politiques ont la faculté d’exercer une influence sur l’ensemble du régime de leur pays et peuvent étendre leur propagande électorale à l’ensemble du territoire national, tandis que les candidats indépendants ne disposent pas de cette faculté et ne peuvent s’adresser qu’aux électeurs de leur circonscription (paragraphe 73). Cette affirmation nous semble témoigner d’un parti pris en faveur des partis politiques, au détriment des candidats indépendants. Il n’est pas exclu qu’un candidat indépendant, surtout s’il est élu, puisse jouer un rôle important, parfois même crucial, dans la vie politique du pays.

Nous pourrions comprendre que l’accès aux médias audiovisuels nationaux soit réservé à des candidats qui peuvent se prévaloir d’une certaine représentativité (comparer, pour ce qui est du financement public des partis politiques, avec l’arrêt Özgürlük ve Dayanışma Partisi (ÖDP), précité, §§ 43-49). Toutefois, l’article 52 § 2 a) de la loi no 298 accorde un droit d’accès à tout parti politique qui se présente aux élections (un temps supplémentaire est accordé aux partis politiques qui répondent à d’autres critères, énumérés à l’article 52 § 2 b) et c)). À notre avis, le simple fait d’être un parti politique ou un candidat indépendant ne constitue pas un critère de distinction pertinent entre les candidats qui ont accès aux émissions électorales et ceux qui se le voient refuser.

Ce constat nous conduit à conclure à l’absence de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé et, par conséquent, à la violation de l’article 14 de la Convention combiné avec l’article 3 du Protocole no 1.

15. Eu égard à cette conclusion, nous estimons il n’y a pas lieu d’examiner séparément le grief sous l’angle de l’article 3 du Protocole no 1 pris isolément.

II. Sur la violation alléguée de l’article 13 de la Convention

16. En ce qui concerne l’article 13 de la Convention, nous souscrivons à la conclusion de nos collègues selon laquelle il n’y a pas eu violation de cette disposition.

Toutefois, nous estimons que l’arrêt ne répond pas exactement aux griefs tels qu’ils ont été soulevés.

Nous considérons que le grief du requérant porte sur l’absence de recours effectif qui lui eût permis de dénoncer les violations alléguées de ses droits au titre de l’article 3 du Protocole no 1. À notre avis, l’intéressé se plaint en particulier du caractère inéquitable de la procédure suivie devant le Conseil électoral supérieur et ayant abouti à la décision du 4 juillet 2007 (paragraphe 11 de l’arrêt), du fait que le décret que cet organisme avait pris le 27 mai 2007 (paragraphe 9 de l’arrêt) et la décision adoptée par celui-ci le 4 juillet 2007 (précitée) étaient insusceptibles de recours devant une instance juridictionnelle, et enfin de l’impossibilité d’introduire devant la Cour constitutionnelle un recours dirigé contre l’article 94 II de la loi no 298.

Pour autant que le requérant dénonce le manque d’équité de la procédure suivie devant le Conseil électoral supérieur, son grief est dirigé contre le fait que cet organe a rejeté son recours le 4 juillet 2007 sans avoir tenu une audience à laquelle il aurait pu prendre part pour exposer son point de vue. Nous estimons que, eu égard à la nature du grief soulevé par le requérant, qui concernait les règles électorales applicables aux citoyens turcs résidant à l’étranger, le fait que la procédure devant le Conseil électoral supérieur était écrite ne permet pas de conclure à l’absence d’effectivité du recours ouvert devant cet organe.

En ce qui concerne les autres griefs, nous nous rallions au raisonnement exposé aux paragraphes 86 et 87 de l’arrêt.

* * *

[1]. Durée amendée depuis.


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award